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Adrien Comar

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Sans tambour (m.e.s Samuel Achache) est une pièce fractionnaire s’installant dans un décor décomposé lui-même en décomposition. Dans cette création protéiforme et virtuose créée à Avignon en 2022, musique, clown et cirque parfois flirtent habilement. Samuel Achache et ses compères étaient de retour aux Bouffes du Nord (jusqu’au 9 mars) pour s’amuser et amuser le public parisien avant de clôturer leur tournée à Bordeaux en Mars au TNBA.

Sans Tambour (photo : Christophe Raynaud Delage)

POÈME EN MUSIQUE

Portée par des lieder de Schumann, la forme se veut éminemment musicale. Les premiers dialogues jouent ainsi d’une diction rythmée exactement par les phrases de l’ensemble instrumental au plateau. Les deux comédien.ne.s font alors preuve d’une précision épatante pour déclamer un texte sommes toutes banal sur une rupture amoureuse, (archer dans la) main dans la main avec les musicien.ne.s. Forme et sens musicaux se conjuguent et associent tons et tonalités avec intelligence. C’est un sans fausse note pour ce qui est de la musique.

DÉ-COMPOSITION

Et très vite, comme la relation amoureuse, le décor se décompose, les murs tombent et les langues se délient pour laisser entrer un Léo-Antonin Lutinier excellent en clown/poète. Les personnages intègrent alors un lieu étrange, thérapeutique, atemporelle et atopique, où ils viennent guérir de leur amour perdu. On pense alors aux univers fantasques de l’écrivain et musicologue italien Alessandro Barrico où une parole débridée rencontre toujours des espaces atypiques portés par la musique (Novecento pianiste, Océan mer…). Ainsi, l’un s’adresse à son cœur/éponge tandis qu’un autre subit une ablation de la partie de son cerveau destinée à l’amour.

PRENDRE AU MOT

À l’image des murs qui s’effondrent, le récit est fragmenté et oscille entre scènes de ménage, de Tristant et Iseult, et de clown. Et de même que chez Noëlle Renaude par exemple (Ma Solange, comment t’écrire mon désastre, Alex Roux – 2004), le texte décousu joue avec la matière langagière. Ici, comme chez Renaude, les catachrèses (des « métaphores dont l’usage est si courant qu’elles ne sont plus senties comme telles ») sont remotivées : à « haut les cœurs », le comédien brandit son propre cœur, et lorsqu’il s’apprête à craquer émotionnellement, il est accroché à une poutre à bout de souffle – « je vais lâcher ». Pour jouer avec les notes, le décor, la littéralité et le théâtre lui-même, Achache prend la parole au mot et donne corps à une surface pragmatico-métaphysique.

SANS TAMBOUR MAIS AVEC FIORITURES

À la croisée de toutes ces formes, Achache produit une création bien menée, parfois trop prolifique. La pluralité de situations sans lien apparents aurait peut-être gagné à une réduction stratégique tant le tout est parfaitement exécuté. En effet, c’est un sans faute dans la réalisation pour Sans tambour, on rit, on ému, on réfléchit – bref, la panoplie complète de la création réussie. Si ce n’est donc que, comme ce décor réduit à sa structure, l’écriture aurait gagné à être condensé jusqu’à sa substantifique moelle.


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The Strumbellas – Café de la Danse 2024 – Crédit photo : Louis Comar

The Strumbellas revenait hier à Paris pour la première fois en cinq ans, soit l’occasion d’entendre leur dernier effort Part time believer, paru cette année. Le groupe canadien, depuis peu rejoint par leur nouveau chanteur Jimmy Chauveau, a su communiquer son énergie solaire en ce gris lundi d’octobre. Retour sur un concert emprunt de joie et de titres accrocheurs.

PARAPLUIES DE LA CAMARADERIE

Sur scène, il fait grandement plaisir d’observer une franche amitié des membres et un plaisir sincère à partager la scène. C’est devenu assez rare pour le mentionner. Chacun.e des musicien.ne.s est à sa place, rit avec ses comparses et profite de l’instant. Cela fait réellement plaisir à voir puisque le tout est authentique. Le claviériste fait par exemple lire des phrases écrites à l’avance en français au chanteur, de quoi amuser l’audience, attentive à l’accent approximatif du frontman. La spontanéité est de mise ce soir, et cela est réjouissant.

 

Communion chantée

Il serait exagéré de décerner la palme de l’originalité aux Strumbellas en terme de composition. Néanmoins, celle de l’efficacité leur revient haut la main. En effet, même si les titres semblent un peu tous formatés aux »wohoho » et « wahaha », il faut concéder la force entrainante des compositions. Cela s’observe rapidement dans l’audience, le public scande les paroles parfois plus fort que les baffles. Dès qu’une formation fait réellement groupe, l’harmonie se répand jusque dans le public. La joie communicative et la franche camaraderie se sont étendues de tout leur long à Paris.

FLORILÈGE DE TUBES

En plus des réussis nouveaux titre de leur cinquième album, les Strumbellas n’oublient pas d’interpréter les morceaux qui ont fait leur renommée. Ainsi, les tubes du brillant « Hope » résonnent haut et fort ce soir. « Young and Wild », « We Don’t Know » et le culte « Spirits » sont les moments très forts de la soirée. Mais des rejetons plus récents comme « Running scared » en ouverture, ou le très réussi « I’ll wait » rencontrent aussi un grand succès. C’est enfin, la dernière touche d’authenticité qui parfait le concert des canadiens. La violoniste explique que le groupe a arrêté les rappels pour ne plus avoir à faire semblant de se cacher deux minutes à côté de la scène (enfin un groupe qui assume !). Toutefois, après leur dernier morceau, le groupe est tellement acclamé qu’il revient sur scène interpréter un réel dernier morceau. Beau moment de spontanéité qui conclut en beauté la soirée.

The Strumbellas – Café de la Danse 2024 – Crédit photo : Louis Comar

FAIRE CORPS DANS LA MUSIQUE

Ce que les Strumbellas ont rappelé ce soir, c’est l’importance de faire groupe et de faire corps dans l’art et la culture. Le Café de la Danse était probablement l’endroit le plus adéquat pour rappeler cela. Et même si nous ne sommes pas toujours friands des « wohoho » et « wahaha », ce sont d’efficaces ponts tendus entre toutes les voix. The Strumbellas ont su, par leur musique emprunte d’espoir, incarner avec simplicité et authenticité l’importance d’unir les corps vers quelque chose de plus important que soi. Au plaisir de les revoir en festival cet été.


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Cinq ans après le brillant Social Cues, Cage the Elephant revient enfin avec un nouvel opus, le non moins réussi Neon Pill. Peut-être moins original que n’ont pu l’être les précédents albums de la formation américaine, l’ensemble n’en est pas moins brillant. Comment cela se fait-il ? Si la pilule est un remède (pharmakon en grec) pour certain, elle est un poison (aussi pharmakon) pour d’autre. Décorticage d’une potion dont le paradoxe une fois résolu permettra d’accorder à ce nouveau disque tout le mérite qui lui revient.cage_the_elephan_neon_pillUNE ORIGINE MOINS ORIGINALE

La superbe réussite de Cage the Elephant depuis près de vingt ans de carrière est d’avoir proposé au fil de chacun de ses albums, une direction artistique résolument variée et singulière. Du garage rock bien américain de leur premier album aux tendances plus noisy de Thank you, Happy Birthday jusqu’à l’indie pop de Tell me I’m pretty, Cage the Elephant a toujours avancé à mille à l’heure, n’hésitant jamais à conjuguer les genres dans leurs compositions. Seulement voilà que Neon Pill fait exception et s’inscrit clairement dans la continuité de Social Cues. 

À LA SAUCE CAGE THE ELEPHANT

Observons donc: discrète déception provoquée par l’identité moins singulière de ce nouvel effort mais réussite absolue quand même, mais comment ? Il s’avère seulement que Cage the Elephant a beau ne pas avoir exploré des contrées particulièrement étrangères à ses précédentes compositions, les titres de l’album sont singulièrement aussi réussis que toute autre chanson du groupe. De la construction étonnante de Shy eyes à cet outro détonnant de Float into the sky, chaque titre réserve son lot de surprise. Mais surtout, la recette commune à chacun des albums de la formation se retrouve : de superbes ballades (Out loud), des titres aux refrains accrocheurs qui ne sauraient subir aucun oubli tant ils sont bons (Silent Picture, Metaverse). Voilà pourquoi cet album est vraiment très TRÈS bon.

UNE BRILLANTE ANTINOMIE

Si certain.e.s ont pu être déçu.es, c’est qu’en réalité Cage the Elephant n’a cessé de mettre la barre toujours plus haute au fil de ses albums. Ce qui est légèrement moins original dans l’économie de leur discographie est en réalité d’une qualité toujours épatante aux vues de toutes les productions de rock indé actuelles. C’est certain, ce n’est pas le meilleur album de Cage the Elephant (Melophobia sera-t-il un jour détrôné ?), mais c’est déjà un des meilleurs albums de cette année. Pourquoi ? Parce que Cage the Elephant est un des groupes les plus ingénieux, sensibles et irradiant de beauté qu’ait connu le XXIe siècle. Ainsi, si leur talent habituel n’a peut-être pas été autant au rendez-vous que certains l’auraient souhaité, il n’a que peu d’égal dans le décor musical actuel, et ce même avec tout ce que j’ai souligné précédemment. Parvenir à faire d’un de ses moins bons albums un des meilleurs albums de l’année, c’est prodigieux quand même non ?


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Huit ans après son dernier long-métrage (Microbe et Gasoil, 2015), Michel Gondry, réalisateur d’Eternal sunshine of the spotless mind, Be kind, rewind !  et de beaucoup de clips (Bjork, Daft Punk…), revient en force avec Le livre des solutions, comédie autobiographique portée par Pierre Niney et Blanche Gardin. En très gros, Marc est un réalisateur passionné, lunatique et insupportable (pas tant que cela en fait), et la production menace de reprendre les rennes de la réalisation de son film de quatre heures. Il se barre alors avec son équipe et le matériel de montage chez sa tante dans les Cévennes pour finir son œuvre comme lui le souhaite. Et le tout est particulièrement touchant, et surtout SURTOUT très drôle.

LIVRE DE BLAGUES

Cela faisait bien longtemps que nous n’avions pas entendu une salle obscure rire autant et de si bon cœur depuis… euh, vous avez compris l’idée. Un spectateur a même prédit des répliques prochainement cultes, espérons-le ! Il faut dire que la finesse des dialogues, le jeu de Pierre Niney et le rythme coordonné du tout permet une addition sucrée où le rire n’a pas de prix. Ce n’est pas lourd, ce n’est pas farfelu : le naturel et la fantaisie littéraire de Gondry font tout le travail. Oui voilà, on rit vraiment beaucoup et c’est bien fait.

Le livre des solutions
Le Livre des Solutions de Michel Gondry (@artistikrezo)

RECUEIL DE POESIE

Marc a beau réveiller ses collègues en pleine nuit pour leur demander de contacter Sting pour la BO de son film ou leur hurler dessus, son génie artistique et la profondeur de sa personnalité le rendent particulièrement attachant. C’est d’ailleurs un des coups de maître du film que de faire apprécier cet énergumène au spectateur. Il aime autant son équipe qu’il les maltraite : la création du « camiontage » pour s’excuser auprès de sa monteuse est un exemple superbe. Chacune de ses idées reflète un esprit foisonnant d’émotions et de génie ; attendez de découvrir la scène de l’orchestre – elle est réellement arrivée au début de la carrière de Gondry. L’amour qu’il porte à sa tante, personnage marquant de douceur, et leurs échanges, parfois lunaires, ont la tendresse d’un bout de coton. Fragile et à fleur de peau, la chair de Marc tombe aussi amoureuse, presque sans s’y attendre. La relation qu’il noue avec Gabrielle, même si elle aurait méritée d’être plus mise en avant, est aérienne et unique en son genre. Tout y est joli. Et drôle aussi, je ne sais plus si je vous l’ai dit.

LES CONFESSIONS

Aux chiottes Rousseau et Saint-Augustin, leurs confessions respectives n’ont rien de spécial mises à côté du grand Gondry. J’exagère légèrement (d’autant plus que la comparaison littérature/cinéma pour un même genre n’est pas pertinente ici, enfin ça c’est une autre question), mais l’auto-biopic que livre le réalisateur est aussi sincère que transparent sur cette période précise de sa vie. Le portrait qu’il dresse de lui-même à travers Marc n’est en effet pas bien tendre. Aussi, chaque personnage est un proche ou une connaissance de Gondry, à quelques arrangements scénaristiques près, les événements relatés sont vraiment arrivés. Bref c’est sincère à 200% et apporte beaucoup de ludisme au visionnage d’un ensemble hyper maîtrisé.

EPILOGUE

Au cas où vous ne l’aviez pas compris, je vous conseille vivement d’être présent en salle pour le retour du réalisateur. On rit, on ne pleure pas mais on est ému et profondément touché. Certains ont vu une apologie du réalisateur « toxique » (je le mets entre guillemets parce que Gondry a dit qu’il n’aimait pas la démocratisation du mot pour n’importe quel usage), mais c’est bien comme la période précise et isolée d’un début de carrière unique et tourmenté que le temps du film est à envisager. Cette carrière, qui n’est plus à présenter (je l’ai quand même fait au début de l’article au cas où), elle est d’une créativité et d’un style rares, d’un DIY poétique rarement égalé, et il n’y aura pas besoin d’analyser les procédés rhétoriques de cet article pour comprendre que je l’admire. Conclusion (je dois m’arrêter sinon c’est (beaucoup) trop long): la solution à tous vos problèmes se trouve dans les pages de ces 1h42, à lire et relire dès septembre.

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