Sans tambour (m.e.s Samuel Achache) est une pièce fractionnaire s’installant dans un décor décomposé lui-même en décomposition. Dans cette création protéiforme et virtuose créée à Avignon en 2022, musique, clown et cirque parfois flirtent habilement. Samuel Achache et ses compères étaient de retour aux Bouffes du Nord (jusqu’au 9 mars) pour s’amuser et amuser le public parisien avant de clôturer leur tournée à Bordeaux en Mars au TNBA.

POÈME EN MUSIQUE
Portée par des lieder de Schumann, la forme se veut éminemment musicale. Les premiers dialogues jouent ainsi d’une diction rythmée exactement par les phrases de l’ensemble instrumental au plateau. Les deux comédien.ne.s font alors preuve d’une précision épatante pour déclamer un texte sommes toutes banal sur une rupture amoureuse, (archer dans la) main dans la main avec les musicien.ne.s. Forme et sens musicaux se conjuguent et associent tons et tonalités avec intelligence. C’est un sans fausse note pour ce qui est de la musique.
DÉ-COMPOSITION
Et très vite, comme la relation amoureuse, le décor se décompose, les murs tombent et les langues se délient pour laisser entrer un Léo-Antonin Lutinier excellent en clown/poète. Les personnages intègrent alors un lieu étrange, thérapeutique, atemporelle et atopique, où ils viennent guérir de leur amour perdu. On pense alors aux univers fantasques de l’écrivain et musicologue italien Alessandro Barrico où une parole débridée rencontre toujours des espaces atypiques portés par la musique (Novecento pianiste, Océan mer…). Ainsi, l’un s’adresse à son cœur/éponge tandis qu’un autre subit une ablation de la partie de son cerveau destinée à l’amour.
PRENDRE AU MOT
À l’image des murs qui s’effondrent, le récit est fragmenté et oscille entre scènes de ménage, de Tristant et Iseult, et de clown. Et de même que chez Noëlle Renaude par exemple (Ma Solange, comment t’écrire mon désastre, Alex Roux – 2004), le texte décousu joue avec la matière langagière. Ici, comme chez Renaude, les catachrèses (des « métaphores dont l’usage est si courant qu’elles ne sont plus senties comme telles ») sont remotivées : à « haut les cœurs », le comédien brandit son propre cœur, et lorsqu’il s’apprête à craquer émotionnellement, il est accroché à une poutre à bout de souffle – « je vais lâcher ». Pour jouer avec les notes, le décor, la littéralité et le théâtre lui-même, Achache prend la parole au mot et donne corps à une surface pragmatico-métaphysique.
SANS TAMBOUR MAIS AVEC FIORITURES
À la croisée de toutes ces formes, Achache produit une création bien menée, parfois trop prolifique. La pluralité de situations sans lien apparents aurait peut-être gagné à une réduction stratégique tant le tout est parfaitement exécuté. En effet, c’est un sans faute dans la réalisation pour Sans tambour, on rit, on ému, on réfléchit – bref, la panoplie complète de la création réussie. Si ce n’est donc que, comme ce décor réduit à sa structure, l’écriture aurait gagné à être condensé jusqu’à sa substantifique moelle.
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