Gus Englehorn, ce nom ne vous dit peut-être rien pour l’instant. Et pourtant, voilà qui va changer dès l’écoute de son excellent « The Hornbook » paru le 31 janvier 2025. Chaque année, les promesses sont nombreuses, de nouveaux talents, de pépites à suivre, d’album à écouter…  Les promesses ne sont pas toujours tenues. Pourtant, certains sortent pourtant du lot tant leur première écoute vient à faire monter une soif insatiable de la découverte de leur royaume entier. C’est le cas de l’époustouflant « The Hornbook ».  L’écoute de son premier titre  donne le La d’un album psyché-pop qui pousse ses idées aux confins du rock. Un opus qui ose tout, voit tout en grand et réinvente enfin le genre en lui prêtant des airs de conte pour enfants. On en est fous ! On vous explique pourquoi, vous nous remercierez plus tard !

Gus_Englehorn by Kealan Shilling
Gus_Englehorn by Kealan Shilling

The Hornbook  : le livre des révélations

Il est arrivé dans mes mails un triste jour de janvier, il faisait froid, je me plaignais que ce début d’année ne m’avait pas encore apporté mon lot de révélations musicales. C’est un peu de ma faute aussi, j’étais passée à côté de Gus Englehorn. Génie nomade aux multiples patries, aujourd’hui basé à Portland, hier au Québec, dans l’Utah, Hawaï ou l’Alaska où il est né, le maître n’en est pas à son coup d’essai. Un premier album en 2020, « Death & transfiguration » donnait le ton d’une oeuvre importante, la suite en 2022 avec « Dungeon Master » continuait d’écrire l’histoire avec une pochette qui n’est pas sans rappeler celle d’un autre génie du rock : Kurt Vile. Un titre comme je le disais, a suffit a me donner l’envie, urgente, brulante, d’écouter l’intégralité de sa discographie. Il y aurait tant à dire de ces deux premiers jets, de cet oeil novateur qui les habite, de ces morceaux pluriels, de cet univers à part. Il faudra pourtant se concentrer, et c’est déjà beaucoup sur « The Hornbook », dernier objet fascinant et ses rythmes qui pulsent le sang pour mieux faire battre les coeurs.

Tout y commence fort bien. Si on oublie la longueur de son titre : « One eyed Jack Pt I & II (The interrogation / the other side), le premier morceau touche à la perfection. On y fait une plongée hypnotisante dans le psyché. Le morceau, à la précision millimétrée, dose savamment les répétitions obsédantes et les parties parlées. L’âme de Madlib y plane, dans son introduction et dans son fond musicale. Un autre génie, du Hip Hop cette fois mais les registres souvent croisés sur notre albums, ne seront jamais une frontière pour notre maître d’orchestre. Le Rubicon est franchi, le retour en arrière est déjà impossible. En un titre, on en veut beaucoup plus. Cette proposition résolument rock est surtout une montée en puissance qui annonce parfaitement la suite.

La loi de The Hornbook

Mais au fait qu’est ce que ce Hornbook  au juste ? Il s’agit d’un outil d’enseignement pour enfants datant du 15ème siècle où était gravé l’alphabet, des chiffres et souvent des versets de la Bible. Gus Englehorn l’explique : « « Quand j’écrivais ces chansons, j’avais l’impression de rédiger un livre pour enfants — chaque chanson racontait une petite histoire ».  Difficile de le contredire, chaque titre à son univers propre et semble conter sa propre histoire. La sienne personnelle comme celle du rock. On passe des années 50 aux années 90. Du garage au Lo-fi. Des Libertines à Cage the Elephant, au moins pour son entrain et sa capacité tubesque. « Thyme », deuxième titre de l’opus vaut un arrêt sur image et une écoute en boucle. Il y a du Gorillaz dans son génie d’écriture. Sa répétition parfaitement orchestrée, les aléas de sa voix. Elle chuchote pour mieux trouver place dans nos cerveaux. Comme un enfant, on apprend, par coeur, chaque titre. Et on le répètera encore et encore, comme une comptine. The Hornbook dans sa définition, c’est aussi une loi si ancienne qu’elle est encrée dans nos habitudes et donc quasi impossible à changer. Et cet album va doucement se faire loi d’une nouvelle Bible du rock. Un classique, on le disait.

Il était une fois … Gus Englehorn

Gus Englehorn the hornbook
Gus Englehorn the hornbook

Composé sur l’île de Maui et enregistré à Montréal aux côtés de Marc Lawson, l’album OVNI nous prend par la main pour nous entraîner dans la beauté de ses paysages. L’introduction de « Roderick of the Vale », toute en douceur s’inscrit comme un temps calme pour mieux reprendre notre souffle. Il faut le dire, comme des enfants pendant la récrée nous voilà en train de sauter partout, les joues rosies de joie. Pas étonnant de voir le nom de Daniel Johnston cité dans le communiqué de presse de l’opus. De l’immense génie du lo-fi on retrouve la candeur et l’honnêteté.  Vous pensiez avoir repris votre souffle et mieux pouvoir appréhender ce conte obscure ? C’est sans compter sur le très énervé « Metal detector » comble de la modernité et ses rythmiques endiablées. A s’approprier dès son plus jeune âge.

Le titre le plus enfantin de notre coup de coeur est sans nul doute  » A song with arms and legs ». Certainement en raison de ce nom qui fait doucement sourire. Pour autant sa texture musicale, envolée joyeuse au milieu d’un périple au cours duquel on ne reprend que rarement son souffle, y est pour beaucoup. D’ailleurs, pas étonnant d’y retrouver une voix d’enfant pour accompagner celle si atypique de notre romancier, envoûtante à souhaits. Père Gus, raconte nous encore une histoire s’il te plait. Le voeux sera exaucé une dernière fois. L’épilogue « One Eyed Jack (Pt III) » vient à merveille répondre au premier bijoux de l’opus.  La saga nous raconte l’histoire d’un messie mythique. Clin d’oeil à notre hôte ?  La folk s’invite à l’instant, la guitare s’y fait précise, un fond post-punk persiste, tapis dans l’ombre comme le plus beau des dragons. Une dernière révérence et on se dit au revoir. Et ils vécurent heureux et eurent, on l’espère beaucoup d’albums. Ce livre musical aura au moins beaucoup d’écoutes et il peut compter sur nous pour y participer. Des première lueurs du jour aux heures où les carrosses sont depuis longtemps devenus des citrouilles et où les anciens enfants pas si sages voient les musiciens sous les traits de mages légendaires.


cage_the_elephan_neon_pill

Cage the Elephant : pourquoi le pharmakon « Neon Pill » a du mal à passer ?

Cinq ans après le brillant Social Cues, Cage the Elephant revient enfin avec un nouvel opus,…

cramps songs the lord taught us

The Cramps : à la (re)découverte du punk horrifique habité de « Songs the Lord Taught Us »

The Cramps sont de retour… du moins dans les oreilles. Remis au goût du jour…

« By the Fire » : la nouvelle fresque musicale splendide de Thurston Moore

 « By the Fire » – Thurston Moore  La prévisibilité dans les milieux artistiques n’est jamais vu…

Write A Comment