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Léonard Pottier

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La famille la plus connue du rock indé s’apprête à publier leur 4e album Forgiveness is Yours, un opus dans la continuité du précédent mais qui, par ses circonstances de création, fut le plus difficile à concevoir selon les dires de Lias Saoudi, le chanteur et leader du groupe, qui nous a fait l’honneur de répondre à nos questions.

Le groupe a récemment connu une rupture difficile, causée par le départ de Saul Adamczewski, bras droit de Lias Saoudi, compositeur et arrangeur hors pair. Sans lui, la famille recomposée est comme à nu, obligée de repenser son processus créatif. Avec Forgiveness is Yours, la nouvelle version du groupe parvient à poursuivre leur chemin plus pop, démarche entamée sur l’album précédent, tout en conservant une grande liberté expérimentale. Moins facile d’accès, il déploie sa généreuse force au fil des écoutes.

Fat White Family - Crédit : Louise Mason
Fat White Family – Crédit : Louise Mason

Si l’on en croit Lias Saoudi : « Les thèmes esthétiques prédominants ici sont la léthargie et une léthargie encore plus profonde ». Le groupe n’a jamais été réputé pour être de joyeux lurons, on préfèrera même les qualifier de sombres lardons. Leur folie, décuplée en live, découle de leur désespoir et de leur vision pessimiste du monde. Lias Saoudi n’en est pas moins très agréable et accessible en échange, masquant derrière son joli sourire l’obscurité qu’il porte sur ses épaules. C’est la création qui le fait tenir, il en est même hyperactif (projet live en solo, livre publié récemment, collaboration avec Decius…).  Avec lui, on a parlé du nouvel album, de littérature, et de John Lennon. Il entame la conversation :

Lias Saoudi – Fat White Family : J’avais un concert l’autre jour, je me sentais malade, et vulnérable. Je deviens vieux.

Pop & Shot : Tu peux encore performer quand tu es malade comme ça  ?

Lias Saoudi – Fat White Family :  C’est horrible, mais tu dois le faire. Pas le choix. C’est comme n’importe quel boulot. T’as du monde sur la route avec toi. Si t’annules, t’es baisé.

Pop & Shot : C’était un concert solo ou avec Fat White ?

Lias Saoudi – Fat White Family: Avec Decius. On a beaucoup de concerts avec Decius. On joue ce week-end à Saint Malo d’ailleurs.

Pop & Shot : A la Route du rock, oui ! Pour la session d’hiver. Je comptais justement en parler, parce que je vous ai vu à la Route du rock il y a deux ans.

Lias Saoudi – Fat White Family : Oh oui, c’était une bonne celle-là.

Pop & Shot : C’était incroyable, un des meilleurs concerts de ma vie.

Lias Saoudi – Fat White Family : On avait beaucoup à prouver. C’était juste après s’être séparés avec Saul, j’avais pris de l’acide et d’autres trucs pharmaceutiques. Un combo à éviter. La tête d’affiche avait sauté. Gizard wizard lizard. 

En tête d’affiche pour une fois. Enfin ce qu’on mérite. Les dieux nous ont souris.

Pop & Shot : Oui, vous remplaciez les King Gizzard pour un concert à 1h du matin. 

Lias Saoudi – Fat White Family : En tête d’affiche pour une fois. Enfin ce qu’on mérite. Les dieux nous ont souris.

Pop & Shot : A ce moment-là, vous aviez déjà composé le nouvel album ?

Lias Saoudi – Fat White Family : Non, on était à mi-chemin. La première partie a été faite avec Saul. Puis il y a eu la rupture. C’était son bébé. On a travaillé dessus longtemps. On avait des chansons mais qui n’étaient pas prêtes à devenir un album encore.

Pop & Shot : Mais tu es content de sortir cet album quand même, malgré les circonstances ?

Lias Saoudi – Fat White Family : Je suis content qu’il soit fini, oui (rires). C’était un challenge personnel vraiment difficile mais on devait prouver qu’on pouvait le faire sans lui. Je suis sûr qu’il le déteste / le détestera.

Pop & Shot : Tu l’espères ?

Lias Saoudi – Fat White Family : Je m’en soucie pas vraiment.

Pop & Shot : Cet album parle du pardon non ?

Lias Saoudi – Fat White Family : Oui apparemment. La rumeur dit ça (rires).

Pop & Shot : Quand as-tu commencé à le composer ?

Lias Saoudi – Fat White Family : Dans une cave à Belleville – Ménimontant en 2019. J’étais en train d’écrire de la très mauvaise poésie en écoutant Marlene Dietrich et en buvant du vin rouge avec mon ami Mike. C’est là que tout a commencé, je le réalise seulement maintenant.

Pop & Shot : Et qu’est ce qui est venu en premier ?

Lias Saoudi – Fat White Family : La première chose que j’ai écrite pour cet album est la chanson d’ouverture justement : « The Archivist ». Du spoken word, une pièce empruntée à T.S. Eliott. Tu as déjà écouté ses enregistrements sur YouTube ? La façon qu’il a de slamer. C’est génial.  Ensuite, il y a eu « Visions of pain ».

C’est claustrophobique quand les choses sont figées. C’est mieux qu’elles soient ouvertes à l’interprétation.

Pop & Shot : Je l’adore justement. De quoi parle-t-elle ?

Lias Saoudi – Fat White Family : J’essayais de m’attaquer à Aguas de Marco. Sa version de « Waters of March » d’Art Garfunkel. C’est un classique brésilien. J’étais vraiment  à fond dans Marlene Dietrich. Cette idée de revisiter les standards, de les réécrire. J’avais l’habitude de travailler avec Saul. Il me donnait la mélodie et j’écrivais tous les textes. J’ai essayé de faire ça en changeant quelques trucs, dont la musique. C’est pas à propos de quelque chose en particulier. C’est juste un mood à capter. Tout n’a pas à être délibéré et pensé. C’est claustrophobique quand les choses sont figées. C’est mieux qu’elles soient ouvertes à l’interprétation.

Pop & Shot : Une chanson que j’adore aussi, c’est « John Lennon », qui prend le contrepied des précédentes introductions de vos albums. La chanson prend son temps pour évoluer tandis qu’une chanson comme « Feet » (ouverture de Serf’s up) met direct les pieds dans le plat (rires).

Lias Saoudi – Fat White Family : Je crois que tu veux toujours ouvrir avec un banger. J’aime beaucoup celle-ci parce qu’elle elle a la même énergie que « Raining in your mouth ». Elle va quelque part, elle trace un chemin. Je pense que quand on bossait avec Saul, il y avait beaucoup de choses supers comme ses arrangements et sa musicalité. Il était très fort et j’entends parfois son absence sur ce nouvel album. Mais l’un des avantages ici, c’est que j’étais plus libre de juste performer. Quelle que soit la raison, cet espace ne s’était pas ouvert via de notre relation avec Saul. Et c’est pas une accusation que je porte. C’est juste pas arrivé. Il y a un peu plus de liberté là, et de performances vocales. On est dans une approche et une production plus live. Je trouve que c’est rafraichissant.

Pop & Shot : C’était justement un des sujets dont je souhaitais parler avec toi, les performances vocales dans l’album. On entend de multiples manières d’utiliser la voix comme matière. A quel point c’était important de creuser ces différentes manières de chanter et de poser ta voix ?

Lias Saoudi – Fat White Family : Très important. J’avais plus de liberté. J’ai fait comme je l’ai voulu, comme je le sentais, sans trop de préméditations. J’essayais souvent de faire une prise, quand c’était possible, et de laisser même quand il y avait des erreurs.

J’ai rencontré Yoko quand j’étais vraiment défoncé à la K et elle m’a dit que je lui faisais penser à son mari.

Pop & Shot : Pour revenir au morceau « John Lennon », le titre m’a interpellé, parce que c’est une figure pleine d’optimisme porteuse d’espoir qui prône la paix connue de tout le monde, un état d’esprit qui ne vous correspond pas vraiment disons. Pourquoi l’avoir appeler comme ça ?

Lias Saoudi – Fat White Family : Ça part d’une vraie histoire en quelque sorte. J’ai rencontré Yoko quand j’étais vraiment défoncé à la K et elle m’a dit que je lui faisais penser à son mari. J’ai trouvé ça très drôle. Elle m’a dit : « tu me rappelles mon mari. Il était chanteur aussi tu sais ? » (rires). J’étais là : je suis au courant oui (rires). C’est fascinant. C’est sûrement la chose la plus triste qui est arrivée dans la musique. Personne ne s’en est jamais vraiment remis. C’était John Lennon bordel. Qu’est-ce qu’on fait maintenant avec ça putain ? C’était le Jésus du 20e siècle.

Pop & Shot : Il l’a dit lui-même : « je suis plus grand que Jesus ».

Lias Saoudi – Fat White Family : John était aussi un personnage. Derrière le peace and love, il y avait aussi beaucoup de noirceur. Des côtés plus sombres. C’est intéressant et drôle cette idée de lui revenant vers Yoko depuis sa tombe pour l’inviter à le rejoindre. C’est ce que j’ai pensé à ce moment-là, quand j’étais défoncé à la K. J’ai imaginé John qui souhaite à tout prix revoir sa femme (rires). 

Pop & Shot : Et tu l’as écrite quand tu étais encore défoncé ?

Lias Saoudi – Fat White Family : Non (rires). Après avoir écrit mon livre, j’étais dans un mode d’écrit particulier, celui de l’essai, ce que j’avais pas fait depuis l’école. C’était la période où je devais commencer à écrire les textes pour l’album. Je me suis alors mis à cet exercice, idée du poète Zafaar Kunial, qui consiste à écrire un poème par jour pendant un an. J’ai essayé pendant un mois. On se donnait des thèmes tous les jours. Le 2e ou 3e, il m’a donné John Lennon et j’ai écrit ça. Ça m’a aidé à recommencer l’écriture. C’est bien d’avoir quelqu’un à côté pour te soutenir. Si tu as dit que tu le faisais, tu le fais, peu importe si c’est mauvais. Zafaar Kunial un putain de poète, tellement génial même que j’ai fini par arrêter l’exercice au bout de quelques semaines parce que c’était un peu déprimant.

Pop & Shot : Ca n’est pas pareil d’écrire des chansons et d’écrire des poèmes.

Lias Saoudi – Fat White Family : Pas du tout effectivement. tu peux écrire plein de merdes en chansons, qui seraient impossibles en poésie. La plupart des lyrics, si tu les mets sur papier, c’est des déchets. Mais c’est cool, parce qu’ils ont pas pour objectif d’être de la grande littérature. La poésie c’est le plus difficile. Tu dois être très patient

Les ventes d’albums ni les royalties ne rapportent pas assez pour en vivre.

Pop & Shot : Sur le précédent album, vous disiez avoir eu quelques pressions de la part du label et du management, vous vous êtes sentis plus légers par rapport à ça sur celui-ci ?

Lias Saoudi – Fat White Family : La seule pression venait de nous-même et du fait qu’on avait déployé beaucoup d’énergie et d’argent à essayer de maintenir la relation avec Saul. On avait plus de fonds ni de temps. C’était ça la pression. On devait livrer un album pour pouvoir tourner. Les ventes d’albums ni les royalties ne rapportent pas assez pour en vivre. On a dû établir de nouveaux codes et une nouvelle façon de travailler, via une nouvelle dynamique. La pression venait de là principalement.

Pop & Shot : Mais alors ce que vous avez écrit sur Instagram  » Je n’ai jamais connu de période de paix, de compréhension et de tranquillité plus grande que celle que nous avons passée à faire ce disque. Ce disque a été une orgie de compréhension”, j’en déduis que c’est du second degré ? (rires)

Lias Saoudi – Fat White Family : Oui j’étais complètement sarcastique, je confesse (rires). Ça a été tout l’opposé d’un moment d’écoute et de compréhension.

Pop & Shot : La tournée pour cet album s’annonce comment ? Qu’est ce qui va changer par rapport aux précédentes avec cette nouvelle version du groupe ?

Lias Saoudi – Fat White Family : Y’aura quelques changements. J’essaie de faire en sorte que mon corps soit en forme. Les dernières tournées m’ont défoncé physiquement. L’objectif est d’être prêt à ce niveau-là. Sinon, j’ai peur que quelque chose de grave arrive à mon corps (rires). Mais comme d’habitude, j’ai envie qu’on y mette la plus grande énergie et intensité. Les albums sont toujours un moyen d’arriver à ça finalement. Ça se joue sur scène.

Pop & Shot : Tu as un vrai sens de la performance.

Lias Saoudi – Fat White Family : J’adore ça. Je déteste les tournées en revanche. Ta vie est soumise dans ces moments-là. T’as seulement une heure par jour de vie active pour toi. T’arrives pas à te concentrer, à lire, à évoluer, à apprendre, à te connecter… T’es un zombie.

Pop & Shot : Tu performes en solo également, hors tournée, comme l’année dernière à l’Internationale, une mini salle parisienne.

Lias Saoudi – Fat White Family : Oui, je fais ça de plus en plus. Ça me permet de m’amuser et de tester de nouveaux morceaux en live. J’aime beaucoup jouer de cette manière. C’est très différent. tu peux parler, lire, c’est une autre approche plus intimiste. C’est quelque chose que je peux faire sans devenir complètement taré pour le reste de ma vie, sans me péter le dos par exemple. 

Ça ne me dérangerait pas un jour d’écrire des textes pour des pièces théâtrales et musicales dans ce genre. Ce genre de merde

Pop & Shot : Dans la dernière chanson de l’album, vous reprenez le thème de Cendrillon non ?

Lias Saoudi – Fat White Family : T’es pas la première à dire ça. J’en avais aucune idée. J’ai pas écrit la mélodie. C’était le saxophoniste Alex White. Quand les gens ont commencé à me le dire j’étais là « quel cendrillon ? » (rires). Je pense que c’est dedans tu as raison, mais ce n’est pas volontaire. C’est une musique très lyrique. Ça ne me dérangerait pas un jour d’écrire des textes pour des pièces théâtrales et musicales dans ce genre. Ce genre de merde (rires).

Lias Saoudi / Fat White Family – Crédit : Julia Escudero

Interview par Léonard Pottier & Julia Escudero

Le groupe se produira en concert le 25 mai au festival Levitation (Angers), le 27 mai à la Cigale (Paris), le 03 juillet au Grand Mix (tourcoing), le 04 juillet au transbordeur (Lyon) dans le cadre du festival transbo summer sessions.

L’album « Forgiveness is Yours » paraitra le 26 avril 2024.

Cover de l'album "Forgiveness is Yours" - Fat White Family
Cover de l’album « Forgiveness is Yours » – Fat White Family

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Si les deux dernières palmes d’or (Sans Filtre de Ruben Ostlund en 2022 et Titane de Julia Ducourneau en 2021) eurent de quoi diviser, celle de 2023, obtenue par Justine Triet pour Anatomie d’une chute, semble beaucoup moins faite pour voir se dresser à son égard un camp du « contre ». Il y en aura un évidemment, c’est aussi inévitable que rassurant, mais une chose est sûre : ceux qui en feront partie se sentiront bien seuls.

Son discours le soir de la remise des prix sur la répression envers le mouvement contre la réforme des retraites et plus spécifiquement sur la politique de marchandisation de la culture menée par le gouvernement, choses évidemment condamnées par la réalisatrice de Victoria (2016) et Sybil (2019), a fait forte impression. Une prise de parole osée et courageuse qui nous a d’autant plus donnée envie d’aller voir sa dernière œuvre récompensée.

Anataomie d'une Chute

De quoi ça parle ?

Anatomie d’une chute raconte l’histoire du décès suspect d’un homme au pied de sa maison isolée dans la montagne, et du procès qui va s’en suivre pour tenter de reconstituer les pièces du puzzle ayant mené au drame. Au cœur de l’affaire : sa femme, principale suspecte, interprétée par l’incroyable Sandra Hüller. Et leur fils, adolescent malvoyant mêlé de près aux différentes étapes du procès, interprété par le génial et touchant Milo Machado Graner. Le spectateur n’en sait pas plus que les personnages et se retrouve à assister au décorticage minutieux d’un fait divers des plus classiques, et pourtant haletant par sa mise en forme, mais aussi au décorticage d’un couple dont la santé, avant le drame, battait de l’aile. Une situation qui pourrait donc venir éclairer certains éléments.

 

Vous êtes pas contents ? Doublé ! 

Comment parvenir à captiver l’attention avec un scénario aussi « classique » ? Car oui, le film nous scotche à notre fauteuil durant ses 2h30.

Il suffit de deux éléments, communs à tous les films, que Justine Triet et son équipe réunissent avec brio : une sublime réalisation, et une écriture précise, juste, implacable. C’est assez rare en réalité, de voir les deux aussi en phase. Dans Anatomie d’une chute, il y a une sorte d’évidence à tout. Autant au niveau des scènes dans la maison qui précèdent le procès, que celles du procès en lui-même. Les lieux qui constituent le décor de l’histoire ont quelque chose de vertigineux par la manière dont ils sont filmés : cette maison au milieu de nulle part dans les montagnes devient peu à peu familière, et cette grande salle d’audience vue de tous les côtés arrive à nous plonger au cœur de l’instance judiciaire avec tout ce qu’elle peut avoir de pervers et d’oppressant. De ce côté, on peut compter sur la prestation magistra(t)l d’Antoine Reinartz dans le rôle de l’avocat général, qui pousse le vice jusqu’à son maximum dans sa manière de disséquer les rapports de domination du couple.

 

Rigueur d’un grand film de procès

Justine Triet dit avoir regardé des dizaines et des dizaines de films de procès, allant des plus connus tel que Autopsie d’un meurtre – on peut d’ailleurs voir un rapprochement au niveau de leurs titres –  à des vidéos Youtube enfouies. Et cela se remarque dans la rigueur de l’écriture. Une scène où l’on nous explique très précisément les scénarios envisageables, dans le détail de l’angle de la chute du mort et des placements des giclées de sang, est captivante et témoigne de la précision du récit.

Pour ce qui est de ce couple complexe dont on tente, en même temps que les juges, au fur et à mesure et rétrospectivement, de saisir la nature, il est particulièrement intéressant pour les paradoxes, les ambivalences et les questionnements qu’il soulève et dans quelles mesure ceux-là seraient capables de mener à un éventuel crime. On pense notamment à cette scène, la seule en flashback, longue, progressive, s’attardant sur une dispute du couple la veille du crime, impressionnante par sa montée en tension et par le jeu de Sandra Hüller et de Samuel Theis.

 

De quoi souffler un peu ?

Au beau milieu de cette dissection presque éreintante pour le spectateur, dans le bon sens du terme, Justine Triet parsème son film d’éléments plus légers, bienvenus, et qui, dans la forme, contrastent avec la gravité du sujet. Il y a notamment ce générique aussi sublime que surprenant, s’attardant sur des photos souvenirs, et ces plans de l’enfant au piano, poétiques et déconnectés de l’histoire en elle-même. L’affiche, belle, en soit, est déjà un détail de cette nature, tant elle prend le contrepied de l’histoire. On y voit un couple heureux, souriant. On est loin de se douter de ce que l’on va voir, si l’on part en ne connaissant rien.

Cette palme d’or 2023 est donc un énorme oui pour nous. C’est un film parfaitement mené et réalisé, qui nous prend sans nous lâcher, humble, poli, magnifique. Surement celui qui vous tiendra le plus en haleine cette année. Et c’est un déjà un grand exploit.


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Le week-end du 23/24 avril dernier se tenait un peu dans toute la France et ailleurs le Disquaire Day ! L’occasion pour les disquaires indépendants de proposer à leur clientèle tout un tas de vinyles inédits sortis spécialement pour l’évènement. De quoi offrir à ces boutiques indépendantes dont nous avons tant besoin une scène sous projecteurs.

A Montmartre, au point culminant de notre cœur, dans la nouvelle boutique associée à notre média Pop & Shot : The Mixtape, située au 32 rue des Trois Frères, y a logé durant ce week-end l’effervescence musicale. Pour rendre honneur au large choix de vinyles inédits à disposition, entre le sublime album de SON OF que l’on attendait depuis 7 ans, l’étonnant mais implacable EP de Metronomy sorti l’année dernière et le best-of double vinyle d’une Patti Smith toujours plus importante pour l’histoire, The Mixtape a fait appel au duo musical HUNKYZ, deux bons potes d’enfance (Léonard Pottier et Théophile Le Maitre) chargés d’animer les 15 heures de week-end.

Baignés dans la musique comme Obélix dans la marmite, HUNKYZ ont divisé leur immense set comme plusieurs petites sélections d’une heure chacune, toutes faites de morceaux piochés çà et là dans ce qui les anime depuis le début de leur amitié jusqu’à aujourd’hui. Pas de catégories spécifiques qui puissent renseigner sur ce qui allait être joué, mais des thèmes parfois loufoques et abstraits, pour mieux brouiller les pistes et se contraindre dans l’amusement.

 

PLAYLIST SIX MOTS

Pop & Shot vous dévoile une partie de ces playlists crées pour l’occasion.

Aujourd’hui, c’est la playlist CHRONOLOGIQUE ! Le principe est simple : de 2000 à 2022, chacun des 22 morceaux est tiré d’une année spécifique. Des White Stripes à ASAP Rocky, c’est parti !

Bonne écoute ! Et à bientôt à la boutique The Mixtape (métro Abesses), venez nous rencontrer et farfouiller parmi notre sélection de vinyles ainsi que tout un tas de produits dérivés autour de l’univers musical. Venez également découvrir en ce moment à la boutique l’exposition de notre photographe Louis Comar.


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Le Bataclan accueillait dimanche 11 décembre dernier la folie furieuse Viagra Boys qui, depuis 2017 et son premier album Street Worms, a pris d’assaut le monde du rock indé. Venus de Suède, les mecs qui forment le groupe le plus badass du moment, loin de la caricature facile, étaient à Paris pour présenter leur dernière pinte de bière bien fraiche : « Cave World », ouverte plus tôt dans l’année. Même si ça n’est pas la plus gouteuse de leur collection, nous étions impatients de la déguster sur scène.

Viagra Boys – Bataclan 2022 — Crédit : Théophile Lemaitre

Fidèle à lui-même, le bide gonflé urgemment mis à nu comme si sa vie en dépendait, laissant apparaitre un corps entièrement tatoué, tantôt sublime tantôt repoussant, Sébastien Murphy, leader mythique du groupe, n’a pas donné tort à sa réputation ce soir-là. Il va de soi que si la musique de Viagra Boys résonne autant aujourd’hui, c’est en grande partie grâce à ce mec complètement barré. Tout chez lui respire de travers, de sa dégaine à sa démarche. Cette punk attitude, que l’on sent ici vécue de la plus honnête des manières, rend les concerts de Viagra Boys souvent mémorables, comme leur précédent parisien à l’Elysée Montmartre de cette même année. C’est un rock bourrin qui est à l’œuvre, mais toujours intelligemment fait, avec une base d’influences diverses, dont le blues en maître.

Viagra Boys – Bataclan 2022 — Crédit : Théophile Lemaitre

GIVE ME BLUES AGAIN AND AGAIN

Le groupe débute avec un duo de négation, bien en phase avec l’esprit des Suédois  :  « Ain’t No thief » issu de leur dernier album, et « Ain’t Nice », premier morceau explosif de Welfare Jazz, leur deuxième opus, où le sax fait son entrée. Ce début de concert bastonne déjà bien, mais ça demande encore à gagner en précision niveau sonore. Le groupe enchaine sur plusieurs de ses tubes, et on se rend compte que beaucoup de morceaux ont la carrure d’en être : de « Punk Rock Loser » aux allures Dandy Wharoliennes, à « Baby Criminal » qui retentit dans la salle comme un merveilleux coup de massue. Ce dernier prend aux tripes. Ça sera encore davantage le cas du morceau suivant : « Big Boi », trêve bienvenue au milieu de morceaux torpilleurs à la basse inarrêtable, construction presque systématique des morceaux du groupe. Celui-ci amène une cassure, dans un moment non moins puissant. Même sans la présence de Jason Williamson, chanteur de Sleaford Mods convié pour un couplet sur la version studio, « Big Boi » prend de l’ampleur comme le ventre de son interprète, surtout sur son refrain ici martelé avec consistance sonore, et son final perçant au sax. Un des sommets de la soirée.

SPORt et pinte : bon ménage ?

Mais attendez encore un peu, car « troglodyte » revient à la charge pour secouer une nouvelle fois le public en délire. Viagra Boys enchaine ensuite sur celle qui fera lever un peu plus de téléphones qu’à la normale. « Sports » a tout d’un tube, et encore plus que c’est Sébastien Murphy qui l’incarne. Leur clip mythique sorti en 2018 comptabilise non moins de 5 millions de vues. Pour du rock indé, c’est plutôt balèze. Sur scène, le caractère humoristique du morceau fait son petit effet puisque chaque personne qui scande le refrain tient évidemment une pinte dans la main. Comment continuer après avoir balancé son tube incontestable ?

des crevettes bien énervées

Si cette interrogation vous a réellement traversé l’esprit, c’est que vous ne connaissez certainement pas « Shrimp Shack » (cabane à crevette en français), aka le morceau le plus délirant des Suédois. La version studio, présente sur le premier album, dure 6 minutes. Et sur ces 6 minutes de pur blues bénies des dieux, il n’y a évidemment pas une seule seconde où vous n’êtes pas roulé compressé par ce combo basse – guitare hallucinant. Le morceau carbure à une vitesse folle et vous vous doutez qu’en live, il ne fait pas de cadeau. Sans surprises, c’est lui qui est chargé de nous asséner le coup final. Cela est fait avec classe et brutalité, avant un rappel dont on ne retiendra pas grand-chose et pour cause : « Shrimp Shak » était immense, et indétrônable. Mention spéciale tout de même au dernier morceau du rappel, que le groupe présente comme le premier qu’ils aient écrit. C’est une sorte de « Shrimp Shak » bis qui ne lui arrive pas à la cheville, mais dont l’intention ravageuse nous a fortement séduit, dans un esprit the Fall qu’on ne peut que féliciter.

Viagra est grand.  C’est le cas de le dire.

Viagra Boys – Bataclan 2022 — Crédit : Théophile Lemaitre

Porridge Radio - La Boule Noire - 2022

Pourquoi la musique de Porridge Radio est-elle si majestueuse(s) ?

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[Interview] Fontaines D.C : « Dans la vie de tous les jours, on est des gars très optimistes »

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