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Julia Escudero

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Bob Dylan , l’un des hommes les plus influents de la musique actuelle. Souvent repris, mainte fois imité, pour ce qui est de l’égaler c’est encore autre chose. Parmi tous les wannabe Dylan du Monde, rares sont celles et ceux à avoir su faire vivre l’immense aura du maître au répertoire infini.  Et puis, finalement, comme lorsqu’il s’agissait de prendre ses traits, c’est une femme qui se réussi le mieux à l’exercice. Dans le film  » I was There », six acteurs.trices interprétaient le rôle du chanteur à travers les époques, sublimant ses traits de personnalité : de poète à hors-la-loi. A l’unanimité, la seule femme à s’y essayer, Cate Blanchette, était celle qui incarnait le mieux l’inclassable icône et roi indétrônable de la folk.

idée cadeau noel vinyle Cat Power - Sings Dylan the 1966 Royal Albert Hall concertLe film sortait en 2007, et pour retrouver un aussi bel hommage au maître il faudrait attendre 2023 et une autre Cat sans E cette fois. Cat Power dévoilait au mois de novembre dernier l’album Cat Power Sings Dylan : The 1966Royal Albert Hall Concert. Celle qui est aussi connue  sous le nom de Chan Marshall tient très vite à préciser le contexte de son projet : « Plus que l’œuvre de tout autre auteur-compositeur, les chansons de Dylan m’ont parlé et m’ont inspiré dès lors que j’ai commencé à les écouter à l’âge de cinq ans« . C’est ce qu’elle indique dès le dossier de presse de l’album et ce qui fait tout à fait sens. Lorsque l’on connait la discographie de Cat Power, l’âme de Dylan y plane toujours et le lien de parent spirituel semble évident.  Bien que Cat Power, plus aérienne, souvent plus sombre, joue ses mélodies sur les pointes des pieds cachant son génie derrière une sincérité à fleur de peau et une timidité évidente, elle emprunte à Dylan sa capacité à émouvoir, son éminente pureté folk, la beauté de son paysage musical. Alors, pour lui rendre un vibrant hommage notre musicienne a choisi de reprendre sur un album live son fameux concert au Royal Albert Hall de 1966. Royal Albert Hall vous dites ? Oui et non, si ce temps culte de la musique porte ce nom c’est en réalité à cause d’un bootleg mal étiqueté qui a fait croire à tord à tout le monde que le concert se déroulait dans cette salle au lieu du Manchester Free Tradehall où le concert a en réalité eu lieu. Mais pourquoi ce concert a-t-il une telle aura ?

De l’album au live, une reprise minutieuse

En 1966, chaque chose doit rester à sa place. Bob Dylan, adoré des fans de folk, est alors en tournée entre l’Europe et l’Australie. Il joue et sillonne les routes avec le groupe The Hawk, plus tard connu sous le nom de The Band. Au milieu de son set Dylan, comme il en a l’habitude sur cette tournée, change de registre passant à l’électrique avec l’aide de The Hawk. Voilà les tonalités folk qui se font rock. Dans l’assistance, un puriste se sent trahi. C’est seulement de la folk qu’il souhaite écouter. Il crie donc :  « Judas! » outré et pensant parler au nom de tous.tes. Dylan lui répond comme seul lui sait le faire : « Je te crois pas, tu es un menteur » puis d’ajouter en direction du groupe « Jouez ça putain de fort » avant de lancer « Like a Rolling Stone ».

bob_dylan-like_a_rolling_stoneDans une optique de coller à l’histoire d’origine, Cat Power, qui se produisait aux Folies Bergère de Paris les 15 et 16 juillet (suite à un report) a pris le partie de diviser sa performance en deux actes qui se succèdent spontanément. Le premier, particulièrement calme permet à la chanteuse d’entrer dans sa performance. Comme toujours, avec Cat Power, la rencontre avec le public se fait sur la pointe des pieds. Intimidée, perchée sur de hauts talons, tapie comme toujours dans l’ombre, elle s’essaie à une performance basée sur la voix. Quelques mouvements ponctuent le moment, toujours avec les bras.  Des mains qui se lèvent comme lorsque, focalisé sur son timbre, on en vient à se demander, quoi faire de nos dix doigts qui cohabitent si mal avec nous. Le temps est suspendu. Du bout des lèvres, si doux qu’il semble impensable pour le public de respirer trop fort. Le bruyant Dylan trouve ici une nouvelle âme, presque issue d’un rêve. D’un coup et sans prévenir, le set devient électrique, des musiciens s’ajoutent à la formation. Cat Power est maintenant pieds nus, plus assurée et le concert prend une toute autre âme. Pas au point non plus de pogoter en toute liberté, mais l’atmosphère change considérablement face à un public, loin de celui de 1966 qui ne se sent pas trahi, mais au contraire, apprécie particulièrement ce jeu en deux teintes jusqu’à son dernier acte sur « Like a Rolling Stone ».

Singin’ on Heaven’s door

C’est cette fois-ci et sans détour, au Royal Albert Hall que Cat Power enregistre son album. Nous sommes le 5 novembre 2022 mais nous pourrions bien être n’importe quel autre jour, n’importe quelle autre année.

La musique de Dylan est, on le sait, intemporelle. Son interprétation entre douceur  et son ton espiègles, parfois goguenard, en ont fait l’un des plus grands musiciens de la scène actuelle, un mythe, indétrônable.

Cat Power, ça se sent immédiatement, aime profondément l’œuvre de Dylan. Mais elle sait aussi la comprendre, la respecter. Elle signe titre après titre la meilleure cover faite à l’artiste, voir même la meilleure cover jamais réalisée. Et le chose se vérifie en deux points : le premier est la capacité à s’approprier une œuvre en en tirant l’essence même pour la faire vivre sans jamais la trahir. Le second tient au fait de re-créer une œuvre sans se contenter de la copier mais en lui apportant des nuances. Voilà un exercice complexe auquel se prête volontiers Cat Power, tantôt lune, tantôt soleil comme elle sait l’être dans les titres de ses albums et dans ses compositions. La folk s’y habille de jour et de nuit, de Dylan et de Power en une complémentarité redoutable.

Pour aller plus loin on vous raconte l’histoire du titre culte « Like a Rolling Stone » de Bob Dylan, juste ici.


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Like a Rolling Stone : l’histoire du titre qui a sauvé la carrière de Bob Dylan

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Alors que le mois de juillet fait vivre pleinement la saison des festivals et profite d’une offre variée en propositions open air, le plus automnal des évènements parisiens, Le MaMA Music et Convention en profite pour doucement se préparer. Il promet une nouvelle édition placée comme toujours sous le signe de la découverte au gré de déambulations dans le 18ème arrondissement et le quartier de Pigalle. Et comme chaque année le programme fait mouche. Il ne faut pas s’y tromper l’évènement a le nez creux, repère les talents, annonce les carrière et offre toujours de très beaux moments de scènes.

MaMA 2022
La Cigale – MaMA 2022 – Crédit photo : Louis Comar

Outre les nombreux concerts, ce festival pour le moins indispensable est l’un des plus beaux rassemblements professionnels de la musique en France. Entre les lives, rencontres, échanges, ateliers et conférences s’adressant à ses participants.

Prenez dès à présent vos agendas et notez les dates du 16, 17 et 18 octobre en rouge, vous ne voudriez pas manquer cette grande fête.

Cette année encore Pop&Shot est ambassadeur du MaMA Festival et Convention et vous entraînera dans notre folle course à travers les rues de Pigalle. Restez connectés, on vous réserve des surprises.

Il faudra attendre le mois de septembre pour connaitre l’intégralité de la programmation musicale. D’ici là, 33 nouveaux noms viennent s’ajouter au programme. La billetterie quant à elle est déjà ouverte.

Et Les nouveaux noms sont …

AAMO, AITA MON AMOUR, ASNA, ASTRAL BAKERS, BABYS BERSERK, CARLA DE COIGNAC, CÉLÉLÉ, DOFLAME, INÈS SOUKI, JEAN, JOUBe, LÉMAN, NIT, PLEASE, PORCELAIN id, SASHA NICE, SARAH LENKA, SERVO, SOFT LOFT, SWOOH, SYQLONE, TTSSFU, VISCERAL, ANTENN.E, BLANK\\, FISHTALK, HOT BODIES, KOUM, MAFALDA HIGH, MARLENE LARSEN, MELBA, ROUPEROU, ROXANE, SKINNY FISHERMAN
Les premiers grands débats ont eux aussi été annoncés. Parmi eux, on retrouve :la musique peut-elle sauver les océans ? une masterclass de Sandra Nkaké mais aussi la thématique de la musique en Ukraine à travers la présentation de l’ouvrage de Gianmarco Del Re.
La programmation complète sera dévoilée le 12 septembre.

Découvrez la programmation

MaMA Festival & Convention 2024 programme


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The Dells, projeté en France dans le cadre du Champs-Elysées Film Festival suit le quotidien d’étudiants étrangers au pays venus travailler aux États-Unis pour leurs vacances d’été. Entre rêves et désillusion, que vaut vraiment la confrontation à l’Amérique profonde du Wisconsin ? C’est le sujet du premier documentaire de Nellie Kluz.

the_dellz_champs-elysees_film_festivalThe Dells de quoi ça parle ?

The Dells observe le choc entre l’imaginaire et la réalité auquel font face les étudiants étrangers venus travailler à Winconsin Dells, autoproclamée « Capitale Mondiale des Parcs Aquatiques ».

The Dells, est-ce que c’est bien ?

Il faut quelques minutes malgré une explication courte en début de métrage pour bien comprendre les tenants et aboutissants de The Dells. La plongée est directe dans l’univers de ces étudiants étrangers, issus du monde entier qui viennent passer un été américain. Ainsi dès les premières scènes entre trajet en voiture et barbecue partagé la notion de petits jobs et de leurs salaires se plante directement.

Ces étudiant.es sont variés et Nellie Kluz choisit de suivre un grand nombre d’entre eux, plutôt que de se focaliser sur une histoire ou une autre. Qu cherchent-ils au pays de l’Oncle Sam ? Les réponses là aussi varient. Certain.es sont là pour le plaisir de l’expérience, d’autres dans l’espoir de rester plus longtemps sur le territoire. En tant que tel, le documentaire se penche sur une forme de Working Holiday Visa ( le visa travail / études pour la jeunesse) comme ceux qu’on trouve en Australie et sur la communauté de backpackers locale (même si le mot n’est pas employé dans le métrage).  Aux USA,pays construit par l’immigration mais très peu enclin à accueillir des « étrangers » chez lui, le visa est beaucoup plus courts que dans les autres pays qui le proposent. On comprend d’ailleurs vite que le pays cherche juste à faire venir de la main d’œuvre bon marché pour un temps très court.  De son côté, The Dells cherche à parler de cette communauté en gardant une honnêteté totale sur son sujet ?

Pour se faire, le long-métrage  choisit de poser la caméra de Nellie Kluz pour mieux laisser vivre ses sujets en les observant avec une certaine distance. Distance qui est certainement se qui pêche le plus dans le documentaire. En effet, les jeunes gens filmés se succèdent en une série de plans qui racontent des tranches de vie au risque de perdre de vue la compréhension du sujet principal. A ses débuts le métrage se concentre sur les étudiants qui parlent de leur travail et rémunération, entre eux. Toutes et tous sont des anonymes et se confientau sein d’une communauté qui semble établie. Un peu à la mode Instagram, le film va chercher à piocher parmi leurs moments de vie, en simple observateur posé, distant, ne cherchant pas à leur faire dire de grandes vérités. Il cherche plutôt à toucher au vrai : dans leurs trajets de voiture, à un barbecue, en chantant dans la voiture, en se baignant, en faisant des attractions, en filmant leurs lieux de travail,  en se teignant les cheveux …

Finalement quelques notions viennent se confronter à ces instants observés. Par exemple lorsqu’une étudiante issue d’un pays du Tiers-Monde (dont elle tait le nom) explique que les soins de santé sont meilleurs aux États-Unis. Le chauffeur, seul personnage récurant, lui objecte que les USA sont le seul grand pays au Monde à ne pas avoir comme droit un accès remboursé aux soins. Mais la jeune fille ne lâche pas, ici il y a au moins du personnel soignant. Un situation qui fait autant sourire que grincer des dents. D’autres moments complètent le tableau, de celles et ceux qui cherchent comment rester, comment faire plus d’argent et des celles et ceux qui se trouvent finalement bien mieux dans leur pays d’origine. La caméra ne s’invite que rarement dans l’intimité, gardant une distance froide à son sujet. On suit quelques tribulations autour d’un vanne acheté à bas coût pour se loger mais en très mauvais état faisant de son propriétaire un rare personnage à revenir sur quelques scène. On ne voit que peu de logements, peu de fêtes, mais on retrouve des repas : barbecue, Mc Do, diner nocturne sur un parking… lieux où des brides de conversations viennent ponctuer les images. C’est là-dessus que The Dells manque à entièrement convaincre puisqu’il est difficile d’en sortir un véritable propos. Et comme la réalisatrice souhaite, de ce que l’on comprend, ne pas enjoliver la réalité, on ne rentre pas non plus dans une folle vie étudiante et les incroyables souvenirs qu’un long séjour à l’étranger peuvent laisser.

Il informe néanmoins sur une réalité inconnue de beaucoup et montre une Amérique enfin dénudée de toute forme d’artifice habituellement propre au cinéma. Le vide du Wisconsin, état aux longues routes, ses parcs d’attractions et sa vie locale, parfois encensée quand vue de loin. Une plongée très réaliste dans cet univers, qui aurait gagné à mieux nous présenter les visages qu’on y croise mais qui permet de jouer sur une telle pluralité qu’il recense nombre d’avis. De réelle conclusion, il n’y aura point.. Comme pour montrer que le cycle continue et que ces anonymes qui le sont encore plus dans le pays qui les accueillent se succèderont sans fin. Et de rappeler que l’American Dream est un fantasme, utilisé pour charmer au delà des frontières du pays.


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La saison des festivals est enfin ouverte ! Avec les beaux jours, We Love Green a l’intention de planter sa graine et ses notes dans les esprits. En ce dimanche 2 juin, la pluie a fait place au beau temps. Direction le Bois de Vincennes (armé.es quand même de bottes en caoutchouc et d’un ciré, sait-on jamais) pour applaudir une programmation variée mais aussi donner de la force au festival qui met en son coeur la défense de l’écologie. Une journée forte, marquée par les sets de Troye Sivan, King Gizzard and the Lizzard Wizzard et SZA. On vous raconte !

King Gizzard and the Lizard Wizard – We Love Green 2024 – Crédit photo : Louis Comar

Festival d’utilité publique

Créé en 2010, le festival We Love Green n’a pas un simple rôle culturel dans le paysage musical français. Il a aussi pour but d’être vecteur d’engagements et porteur de messages. Voilà l’un des principaux atouts, d’ailleurs, de la musique. Si elle sait parfois exister pour la beauté de l’art, elle  joue un rôle primordial dans les luttes sociales et progressistes.  A son origine, l’évènement était organisé au Parc de Bagatelle et jouait d’une programmation majoritairement électro. Devenu plus hétéroclite en changeant son lieu, il a eu à coeur de créer un évènement d’ampleur tout en adoptant les meilleurs pratiques environnementales. Gestion des déchets, restauration durable (avec une montée en puissance depuis deux ans d’une offre entièrement végétarienne)  mais aussi espaces réservés à des associations spécialistes de la transition écologiques, talks et conférences font partie de l’ADN même de l’évènement. Ce qui pourrait sembler  releyable au second plan en vue de la programmation est loin de l’être. A l’heure où l’Europe voit placer parmi ses hauts responsables des partis climato-septiques , le contre pouvoir porté par la culture devient plus essentiel que jamais. Chaque action compte et l’ombre politique n’est jamais loin. En la matière We Love Green fait un travail d’information remarquable et donne de plus en plus de visibilité à son sujet central depuis ses débuts. Il n’y pas de petit geste et associer des têtes d’affiches qui ont un véritable pouvoir comme Justice ou SZA à des problématiques plus globales fédère un travail essentiel sur les consciences. Cette année, les samedi et dimanche, l’évènement proposait ainsi des conférences dans sa Think Tank allant de la guerre contre le plastique, l’avenir des océans à l’éco-anxiété ou encore la réflexion sur ce qu’est une oeuvre écologiquement engagée. Il n’existe aujourd’hui aucune recette idéale. Néanmoins donner de la voix, poser des questions, instruire et réfléchir collectivement sont autant de démarches majeures à mettre en avant. Chacun.e sera en mesure d’agir en sa propre conscience en en sachant le plus possible. Et en matière de poser sa petite graine, le travail du festival est au moins à saluer, avant de vous parler pleinement des artistes qui ont fait rayonner sa dernière journée.

We Love Green 2024 – Crédit photo : Louis Comar

We Lovecity

Maintenant que le cadre est posé, il est temps de laisser place à la musique. Nous sommes après tout venu.es pour ça ! En ce début d’après-midi, un rayon de soleil, vient percer les nuages. Bénévoles et festivaliers sa réjouissent instantanément, le mois de mai aura été particulièrement humide et les précédentes soirées auront transportés leur lot de K-Way et de boue (c’est parce que tout va bien côté climat évidemment ça). Le sol reste d’ailleurs particulièrement composé de gadoue aujourd’hui.   Qu’à cela ne tienne, sortez vos bottes et faites place à l’amour !

Lulu van Trapp – We Love Green 2024 – Crédit photo : Louis Comar

Si on parle d’amour sans transition, sans même avoir fini d’ouvrir le ciré pour prendre pleinement le soleil sur nos épaules qui devaient être nues, c’est que le concert de Lulu Van Trapp  a déjà débuté sur la Grande Scène. Le groupe est venu présenter cet après-midi son nouvel album, « LoveCity ». Et comme son nom l’indique il y est question d’amour. Pas toujours d’ailleurs d’amour amoureux. Celui plein de pouvoir de l’amitié par exemple, ou d’une communauté. Cette dernière, donnait de la puissance quelques jours plus tôt dans une Machine du Moulin Roue pleine à craquer. La voilà à nouveau réunie aujourd’hui, amassée autour de la scène où le groupe déploie comme toujours une énergie communicative. Toujours sensuelle, toujours proche du public, la formation excelle comme à chaque concert à entraîner l’assistance à rejoindre son armée. « L’amour et le bagarre », interprété en fin de set offre une claque indéniable, de celles qui font du bien. Il faut reconnaitre au titre une efficacité immédiate en live.  Les têtes tournent déjà et les corps s’échauffent. L’esthétique est au centre d’une prestation qui marque les esprits, tout comme les mélodies toujours bien écrites de nos compères. Depuis les débuts du groupe avec « Les Maux d’amour », il n’a fait que prendre en puissance et en réelle capacité à proposer une oeuvre écrite et cohérente de bout en bout.

Lulu van Trapp – We Love Green 2024 – Crédit photo : Louis Comar

Puisqu’il est question de débuts, Yamê, qui se produit sur la même scène un peu plus tard dans la journée a à coeur de partager les siens. Il y est question de faire des boeufs dans un bar de quartier avec des musiciens qu’il ne connaissait pas. Mais explique-t-il, il est difficile d’appréhender quelqu’un en découvrant simplement ses notes, il faut prendre quelques minutes et ces quelques minutes là elles sont sur scène. Pourtant, c’est de là qu’est née la magie qui aujourd’hui lui offre l’immense scène et un public aux yeux qui brillent. Parmi les musiciens à ses côtés, l’un fut rencontré lors de ces improvisations scéniques. Et quand on sait improviser ne sait-on pas tout faire ? Aujourd’hui, avec un set bien plus travaillé la chose parait évidente. Le musicien porte avec lui une profonde sincérité qui ravi les coeurs. Ses morceaux efficaces font mouche et donnent la réplique à un accompagnement musical dont la beauté est indéniable.

Yamê – We Love Green 2024 – Crédit photo : Louis Comar

Troye Sivan a fleur de pop

Il ne peut être toujours question de débuts et pourtant est ce que changer radicalement les coutumes d’un courant ne marquerait pas une forme de débuts ?  Pour Troye Sivan l’aventure musicale débutait en 2015 avec un premier album « Blue Neighbourhood ».  Un début dans la musique, certes, mais qui n’était pas un début de carrière.  Aujourd’hui, c’est  pourtant du dernier album du  chanteur australo-sud- africain : « Something to Give each other » dont il est question. Et  que se soit sur sa pochette ou sur scène, le musicien – qui est aussi acteur et Youtubeur – donne d’emblée la couleur : il va être question de sexualité et aucun tabou ne saura être accepté. Connu pour être une icône gay (sujet dont il parle publiquement depuis 2013), il embrasse pleinement ce statut et se sexualise volontiers.

Troye Sivan – We Love Green 2024 – Crédit photo : Louis Comar

Oui, il sera donc question de sexe et d’oser au cours d’un set qui est, il faut lui reconnaître, le plus impressionnant de la journée. Il ne faut pas deux morceaux à notre hôte pour se retrouver à genoux face à son danseur qui tient son micro en lieu et place de son organe.

Moins de dix minutes donc pour parler fellation et donner à la pratique des vertus musicales qui marquent les esprits. L’avant-scène est pleine à craquer. Le public se tasse et voilà que Troye Sivan crée sous leurs yeux une toute nouvelle définition de la pop. Certes, ses mélodies sont plaisantes et accrocheuses. Pourtant, c’est surtout sur son jeu de scène et les mille messages qu’il renferme qu’il  est interessant de se pencher. Hyper-sexualiser les pop stars féminines a toujours été recette de succès et de gros sous. Sans être exempt de jugement – après tout, il faut toujours avoir un avis tranché et les femmes n’ont qu’un droit raisonnable à parler de sexe dans la société- les Madonna et Britney Spears qui l’ont précédé se devaient d’être explicitement sexuées. Sexuée, faussement prudes (bonjour « Baby one more time » ou « Like a virgin »), mais toujours prêtes à être objets de désirs. Les pop stars masculines, elles, se devaient d’avoir une image toute autre. Ici, les cartes sont clairement redistribuées. En partie homme objet, Troye Sivan se déshabille, fait tomber le haut, et tombe carrément à genoux mimant l’acte sexuel avec en arrière plan un de ses acolytes scéniques (vous avez l’image). Mais il est aussi le meneur d’une troupe de danseurs aux physiques d’éphèbes. Tout le set est rodé et les tenues s’enchaînent jusqu’au port d’un bustier noir dont la forme est habituellement réservée aux femmes (et fait ouvertement penser à la Madone de la pop). Evidemment, la qualité d’un jeu si travaillé tient en sa première capacité à créer un divertissement de haute qualité. Mais il est surtout le reflet de temps qui changent et d’une nouvelle ère. Les hommes aussi peuvent être objets de désirs sur scène, le public LBTQIA+ a le droit à ses idoles, et ces idoles savent parler au plus grand nombre.

Troye Sivan renverse les coutumes, ose tout. Son esthétique queer sent autant la modernité que la libération. Elle est l’incarnation d’une nouvelle génération qui a redéfini ses codes et a changé les consciences pour le mieux. La pop n’a en aucun cas à être un dinosaure figé qui se répète et ne tourne qu’autour d’elle-même. Elle a souvent été faite porte parole, des artistes comme Lady Gaga en sont la preuve. Mais elle s’est bien trop souvent cantonné à être la propriété de femmes. Forcément lui découvrir un nouveau visage est une réussite à saluer. Il est d’autant plus bon de la retrouver auprès des autres courants en tête d’affiche des festivals où elle manque souvent. Voilà donc un show qui marquera à n’en pas douter l’histoire de cette édition de We Love Green pour ne pas dire l’histoire du festival tout court !

Troye Sivan – We Love Green 2024 – Crédit photo : Louis Comar

King de pretto et les magiciens rockeurs

L’Australie est bien présente aujourd’hui ! Les rois du rock mais surtout de l’hyper-productivité, aka King Gizzard  and the Lizzard Wizzard sont de fait les suivants à se frotter à la Grande Scène. Les musiciens sont bien plus sobres et classiques dans leur performance que l’incroyable spectacle auquel on vient d’assister ! Evidemment en même temps puisque pour les rockeurs, la performance est surtout synonyme de précision instrumentale. En la matière, le groupe est toujours à couper le souffle. Son show fait office d’OVNI dans la programmation du jour. Batterie et guitare s’y répondent brillamment alors que les titres s’enchaînent. Comment font-ils le tri pour créer une set list dans l’immensité de leur répertoire ? La question reste largement ouverte. Toujours est-il que cette dernière fait mouche, équilibre idéal entre punk musclé et metal accessible. Le groupe est la représentation d’un courant indé qui claque, qui transcende les génération, connait ses classique et sait écrire l’histoire. Quitte à n’avoir que peu de représentants du rock aujourd’hui, celui-ci tenait de l’excellente idée, après tout, n’en est-il pas la meilleure synthèse, entre pointu et accessible ?

King Gizzard and the Lizard Wizard – We Love Green 2024 – Crédit photo : Louis Comar

Gonflés à bloc d’une énergie qui circule pleinement dans nos veines, il est temps de retrouver Eddy de Pretto. Notre frenchie a beaucoup évolué depuis ses débuts. Une belle assurance vient d’emblée donner du corps à sa performance. Seul sans musiciens (une vidéo diffusée sur les grands écrans dévoile leurs visages que l’on ne verra pas sur les planches), le voilà qui arpente un tout nouveau décors qui met autant en avant sa voix qu’un jeu avec un écran. Plus écrit que jamais, son set a pour but de défendre son dernier opus, paru en 2023, « Crash Coeur ».

Eddy de Pretto – We Love Green 2024 – Crédit photo : Louis Comar

La musique de De Pretto a souvent fait office de thérapie pour le musicien. Pour lui, comme pour son public qui vient à se reconnaitre dans ses écrits. Il va bien mieux, partage-t-il d’ailleurs. Il prend soin de sa santé mentale et invite son public à faire de même. Il faut en parler. Tout comme des icônes gay qui lui ont permis de trouver sa place artistique et qu’il raconte dans le titre « R+V » d’Elton à Freddie en passant par Verlaine (mais merci de le prendre plutôt en exemple pour ce qui est de sa poésie et non sur le principe de tirer sur son amant). Il fait d’ailleurs beaucoup de place à son nouvel opus sur scène, qu’il chante en allant sans fin d’un bout à l’autre de la scène. La carrière aidant, le musicien a perdu en spontanéité. Une évidence puisqu’avec le succès viennent les enjeux et les histoires à conter changent. Pourtant l’interprétation à fleur de peau qu’il pouvait avoir vient à manquer. Elle était la marque d’une sensibilité communicative qui nous faisait tomber amoureux.ses de ses compositions. De Pretto garde néanmoins son phrasé légendaire, sa belle capacité à écrire et un univers comme nul autre.

Il est aussi impossible de bouder son plaisir en retrouvant au programme des morceaux issus de ses débuts. Evidemment « Fête de trop » permet à toute l’assistance de chanter à pleins poumons. De son côté « Kid » est le joyau de la journée. Le  musicien en profite pour  demander au public de lever leurs verres à l’extraordinaire histoire qui est la sienne. Le morceau est en effet aujourd’hui utilisé dans les manuels scolaires mais aussi à l’assemblée nationale contre les thérapies de conversion. Et voilà qui rappelle la grandeur de l’oeuvre et l’importance capitale d’Eddy de Pretto dans la paysage culturel français. « Cure » est, et restera l’un des meilleurs albums sortis au court de la précédente décennie et son interprète aura lui aussi su casser les codes, plaçant sur un pied d’égalité créativité et message.

Eddy de Pretto – We Love Green 2024 – Crédit photo : Louis Comar

Un moment bien urbain

Evidemment les scènes Hip hop et RnB ont une place centrale dans la programmation du festival. Tout comme la scène électro. Cette dernière était là au début de l’évènement et il est d’autant plus logique de voir qu’une scène entière lui est consacrée, sous forme de serre géante pour mieux semer des notes. Ainsi la présence aujourd’hui de la dernière pousse électro Peggy Gou et son incroyable créativité ravi les foules. Originaire de Corée du Sud, installée à Berlin, elle tire le meilleur des courants issus deux pays pour fabriquer un son hybride, on ne peut plus fascinant. Son immense modernité est à la hauteur de la renommée d’Etienne de Crécy, lui aussi présent ce soir. Le maître de l’électro et la nouvelle génération, jouent tour à tour face à un public très réactif. La musique transcende les générations.

Luidji – We Love Green 2024 – Crédit photo : Louis Comar

Et côté urbain donc ?  Me direz-vous alors que le jeu de mot ravageur de l’inter-titre vous a interpellés. Eh bien on retrouve le français Luidji. Impossible de ne pas lui accorder quelques lignes tant sa présence sur scène crée la folie côté public. A raison, puisque le musicien au rap sombre qui oscille vers le  RnB gère la scène comme s’il y était né. Pas besoin de trop forcer sur le décors, l’excellence des jeux de lumières et la puissance de ses titres suffisent à fédérer ses adeptes qui ne perdent pas une note. Chaque mot est chanté à tue tête. « Pour deux âmes solitaires » a beau être son plus gros succès, personne, en cette fin de journée n’est solitaire.

Enfin, immense programmation ce soir, SZA vient clôturer la Grande Scène. On pourra néanmoins lui reprocher un set trop calculé qui manque d’audace. La chanteuse propose une performance propre aux reines de la pop sur un décors, lui très travaillé. les premiers rangs sont pourtant conquis alors que chorégraphie et échanges sont soignés au millimètre. Quelques beaux moments viennent en plus marquer les esprits, comme lorsque la chanteuse se balance sur une immense boule qui n’est pas sans rappeler le clip de Miley Cyrus (mais moins nue, aussi il est impossible d’être plus nue que Miley dans le clip … après sinon ça tourne au film d’horreur mais ce n’est pas la question). Performeuse avant tout, elle profite d’un répertoire qui fait plaisir à ses fans et d’une belle mise en avant de son dernier né « SOS ». Un show à l’américaine à l’image de la grandeur de ce que ses icônes pop et RnB savent produire. Mais dont le manque d’authenticité ou de décadence viennent à freiner l’enthousiasme de celles et ceux qui connaissaient moins l’oeuvre de la super star.

Il ne reste plus que quelques pas de danse. La pluie n’était pas là aujourd’hui et la musique a réchauffé les coeurs (est-ce un report ou un poème ?). Ce soir, dès le crépuscule, à l’heure on noircit la campagne nous partiront (disait Victor Hugo). Nature, berce-nous chaudement : on a froid (disait Rimbaud) sur le chemin qui nous ramène, les esprits plein de beaux souvenirs. Vivement l’an prochain pour faire de nouveau faire rimer nos vers verts !


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