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Adrien Comar

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Il y a de ces pièces qui marquent au fer rouge de l’amour, qui sont des chants révolutionnaires pour la résilience et pour la colère. Des textes qui secouent et qui impressionnent comme l’ont fait Les Chatouilles et Les possédés d’Illfurth il y en a peu. Je découvre un peu tardivement ces deux œuvres mais depuis la reprise à Avignon du chef-d’œuvre d’Andréa Bescond (brillamment adapté au cinéma en 2018 et récompensé à Cannes), rien ne me semble plus important que parler de ces deux seuls-en-scène qui ont fait du théâtre la libération de la parole de victimes de pédocriminalité et de violences sexuelles. Les mots m’ayant longuement manqué, je mets fin au mutisme de l’admiration pour laisser place à la logorrhée de l’analyse. Sans prétendre être garant de l’inéluctable vérité, il s’agira ici pour moi d’étudier les similarités et les différences entre ces deux spectacles qui ne partagent pas uniquement leur Molière.

TW : Pédophilie, Pédocriminalité, Violence sexuelles

 

Seul en scène, face à soi-même

Les Chatouilles, Andréa Bescond
Andréa Bescond – Les Chatouilles

Les deux créations, celle d’Andréa Bescond et celle de Lionel Lingelser sont des seuls-en-scène contant la trajectoire de comédien.ne.s ayant subi des violences sexuelles, l’une durant son enfance, l’autre son adolescence. Les deux artistes évoluent tous deux seuls sur scène et interprètent la totalité des personnages du récit. Dramaturgiquement parlant, les flash-backs s’entremêlent à des scènes au présent avec brio. Il ne s’agit pas ici de questionner la dimension autobiographique de ces œuvres, mais bien d’appréhender la démarche artistique, brillante libération des corps et des esprits par la création d’un alter ego.

Témoignage à nu

Dans Les Possédés d’Illfurth (texte de Yann Verburgh), habitué aux costumes, aux masques et aux productions baroques évoluant entre effets-spéciaux et gigantesques scénographies avec son exceptionnelle compagnie du Munstrum Theatre (Zypher Z, 40° sous zéro), Lionel Lingelser met aussi bien son plateau à nu que lui-même. Aucun décor, aucun costume pour le comédien. C’est en jean et avec quelques accessoires à peine qu’Elios, son alter ego, évolue parmi les souvenirs incarnés. Il en de même chez Andréa Bescond. Pas de costume ou de décor, seulement quelques accessoires et un alter ego : Odette.

Les Possédés d'Illfurth au Théâtre du Rond-Point
Lionel Lingelser – Les Possédés d’Illfurth au Théâtre du Rond-Point

L’alter-ego théâtrale libère les mots

Ce qui est frappant chez Lingelser, c’est cette transparence dénotant de ses précédentes créations avec le Munstrum. Depuis de nombreuses années le comédien n’apparaît sur scène plus que vêtu d’un masque. Pourtant, il joue sans aucun artifice un rôle autobiographique par le biais d’un alter-ego. Singularité de la méthode pour le comédien dans Les Possédés. Chez Bescond, il y a aussi un alter-ego, ramené au présent par les chorégraphies de la danseuse et comédienne. Les deux artistes épurent la mise en scène pour donner de la place au texte et à l’émotion de leurs interprétations respectives. L’alter-ego théâtral, le personnage (persona signifiant étymologiquement « masque »), semble ainsi s’imposer comme le moyen pour les deux artistes de se confier devant un public, de libérer une parole qu’ils ont tant de temps enterrer au plus profond d’eux-même. Cette approche du personnage, l’autre que soi, comme libération du moi, est le dénominateur central de ces deux œuvres. Jouir de la possibilité du théâtre c’est jouir de la possibilité de raconter son histoire soi-même en même temps que de la faire raconter par un autre.

Lionel Lingelser parle de la pièce Les Possédés d'Illfurth

Thérapie de la poésie

Dans les deux pièces, il y a un temps pour la thérapie, la résilience, la légèreté et la force combative, mais aussi un temps d’état des lieux, de conscience de l’horreur du traumatisme. Odette a subi des viols à répétitions d’un ami proche de ses parents alors qu’elle n’avait qu’une dizaine d’années, Elios a été victime des agressions d’un partenaire de son équipe de basket. Une fois ces personnages adultes, le moment de la double-énonciation théâtrale est celui de la prise de conscience du traumatisme pour les comédien.ne.s et du récit d’une histoire pour le public. Loin de n’être que des histoires, les deux pièces sont les fondations de combats et de libération de la parole qui viennent frapper en plein cœur. Oscillant tous deux entre l’ humour, la poésie et l’horreur innommable que sont les VSS et la pédophilie, Bescond et Lingelser portent et embrassent le public dans leur parcours de résilience. Ils évoquent tous deux le chemin parcouru pour apprendre à vivre avec ce traumatisme.

Teaser de la pièce Les Chatouilles ou la Danse de la colère

Se ré-approprier

Chez Bescond, la danse, celle de la colère, est l’expression première, celle qui a précédé les mots. Le corps volé qui parle le premier. Sur scène, les deux moyens d’expression cohabitent et conversent pour expulser et expier les sentiments qui restent silencieux. Synthèse finale d’un long processus de colère, de guérison et d’appréhension d’une vie marquée au fer rouge. Un traumatisme ne s’oublie malheureusement pas, il se dompte et s’apprivoise, c’est ce que veut enseigner, Bescond avec force, militantisme et courage dans ses Chatouilles.

 

Andréa Bescond – Les Chatouilles

Trois coups, la parole s’ouvre

Pour Lingelser, la résilience est celle du théâtre. Le comédien métamorphe incarne sobrement celui qu’il a été et qu’il est encore aujourd’hui. Il retrace son histoire à travers une retrouvaille avec lui-même, sans masque, et sans décor, juste avec son jeu d’acteur, possédé par ce personnage d’Elios. Il incarne ce rôle, lui donne chair, ou bien est-ce ce rôle qui possède le corps de Lingelser ? Voilà aussi l’une des questions centrales de la pièce. Cette proximité des deux artistes avec eux-mêmes se bâtit main dans la main avec le public par le biais de ces alter-ego – personnages théâtraux faisant de l’art de Molière le biais d’une acceptation de soi et d’ouverture de la parole.

Quand parler change le monde

Ce sont deux monumentales claques que Les Chatouilles et Les Possédés d’Illfurth, du théâtre comme il est rare de voir. Andréa Bescond et Lionel Lingelser font de leur art l’alchimie poétique d’un traumatisme et bouleversent jusqu’à la chair l’auditoire. Chacun.e apprend à s’appréhender soi-même et apprend au public à avoir le courage et la force d’apprendre à vivre avec leurs traumatismes à travers des alter-ego fictifs seulement à demi-mot. Le théâtre, l’art de jouer à ne pas être soi-même, apparaît comme le poing fièrement brandit d’une victoire de leurs existences face à des agresseurs. Il est important de dire que ce sont des œuvres comme celles-ci qui changent le monde, qui changent les mentalités et qui libèrent la parole des victimes de pédophilie et de VSS. Andréa Bescond se félicitait d’ailleurs cette année, dix ans après la première de son spectacle, de voir de plus en plus d’hommes dans son audience. Car si le combat est encore loin d’être gagné, l’art reste et restera toujours le rempart contre la violence et l’oppression et ce sont des artistes comme Bescond et Lingelser qu’il est important d’avoir comme sœurs et frères d’armes.

Lionel Lingelser – Les Possédés d’Illfurth

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Avant de se lancer dans un blâme rageur et déçu, excusons Rock en Seine qui ne sont en rien responsables de la performance miteuse des new-yorkais. Le festival a réalisé l’exploit d’obtenir en exclusivité un groupe légendaire, dont à peu près tout le monde est fan, pour clôturer leur anniversaire et, aucun des moult problèmes du set ne leur revient. Récit aux allures de farce tragique d’un concert plus que minable.

the strokes rock en seine 2023
©kévin Gombert

Cette journée de clôture démarrait bien, sous un beau ciel bleu, les papillons volaient dans le ciel et dans les ventres des festivaliers. Les pelouses semblaient sponsorisées par le groupe new-yorkais tant leur logo arborait d’excitation les torses déambulant dans le domaine de Saint-Cloud. Peu importe où, peu importe quand, c’était leur nom qui était aux lèvres de toustes durant la journée. Les fans étaient au rendez-vous, la soirée s’annonçait mémorable – notez l’usage de l’imparfait à valeur « d’imminence contrariée ». Imminence, pas tellement, parce que la bande à Casablancas arrive d’ailleurs en retard. Enfin… c’est la seule chose qui ne peut pas leur être reprochée, Bonobo n’avait pas fini son set sur la Cascade.

the strokes rock en seine 2023
©kévin Gombert

Patatras, tout s’écroule

22h07 donc, Rock en Seine s’apprête à être marqué au fer rouge par les mélodies cultes des américains. Quinze minutes durant, les tubes s’enchaineront. L’ambiance grimpe, Last Nite et The Adults are Talking, déchaînent les foules, 40 000 festivaliers s’époumonent pour faire entendre leur voix. Voilà quinze minutes que nous aurions dû chérir. Car patatras, tout s’écroule. Casablancas, complètement ivre (si si, vu le nombre de verre autour de lui, il n’était pas shooté à l’H2O), débute un one man show à deux balles avec son bassiste, amusant et spontané au début, très vite malaisant. Mais un nouveau tube repart, alors ce n’est pas grave, on saute, on chante, on applaudit et – on coupe le son ! Oui oui, le son se coupe. Normal pour un groupe de cette renommée ! Et c’est bien la faute du groupe puisque, même si la qualité du son n’était pas nécessairement de mise à Rock en Seine cette année, le festival avait au moins la décence de laisser les musiques des artistes en entier. Puis ce problème, les Strokes l’avaient déjà rencontré deux jours plus tôt en Angleterre. Alors durant 1h15 (parce qu’ils n’ont joué qu’1h15 des 1h30 prévu), le son se coupe de temps à autre, comme un téléphone trop éloigné de l’enceinte bluetooth. Cela même pendant plusieurs secondes parfois, jusqu’à ruiner l’intro du célèbre Someday. Évidemment, sur scène on en a rien à foutre, et on continue les pitreries jusqu’à la fin.  Pas une excuse auprès du public n’est adressée à ce sujet.

En roue libre

Mais attendez la suite il y a mieux ! Casablancas s’embrouille avec son batteur au milieu d’une chanson, le groupe démarre des impros de gamin à deux reprises, durant 2-3 minutes chacune, et ce n’est même pas un peu amusant. Les titres peinent à s’enchainer. Casablancas chante faux. Entre les chansons, des pseudos tentatives d’humour installent progressivement une immense gêne. Quelques huées discrètes retentissent durant le set. Et alors qu’il reste vingt-cinq minutes au concert, Casablancas décide qu’il n’en restera que quinze. Il n’a qu’une envie, c’est de se barrer. En roue libre complète, c’est comme si les Strokes étaient venus remplir les grandes lignes du contrat pour récupérer leur chèque. Rock en Seine est en train de se faire chier à la gueule par le groupe le plus attendu du week-end ; dommage, il y a souvent la queue aux toilettes ici. Après quelques moments un peu sympa comme Reptilia, les coupures de son n’ayant jamais cessé, la délivrance arrive enfin: Is this it (yes this is it !) clôture très lentement un set pitoyable. Les Strokes ne saluent même pas, un rappel peut-être ? Les « feu » fans n’en ont même pas envie, saluant leur ancien groupe favori par des huées.

L’humilité et la proximité ont beaucoup à offrir

Enfin, pour répondre à quelques avis que nous avons pu croiser sur les réseaux, nous ne pensons pas ici qu’être nonchalant et « rock ‘n’ roll » signifie se foutre autant de la gueule d’un public – des exemples de groupes qui parviennent à faire les deux à la fois, il y en a des centaines, il suffit de regarder des lives de Nirvana (pour n’en citer qu’un). Nous ne pensons pas encore que si les fans avaient été plus fans, le concert aurait été mieux. Des fans, il y en avait à foison, il suffisait d’entendre le volume sonore avec lequel étaient entonnés les premiers titres. Mais forcément, un show pourri comme celui-ci, ça laisse sans voix. Nous ne pensons pas non plus qu’il fallait être un « vrai fan » ou un « vrai connaisseur » du groupe pour apprécier ce live, nous pensons seulement qu’aucun nom  n’est assez grand pour cracher au visage de ses fans comme l’ont fait les Strokes ce soir et plaignons ceux qui pensent l’inverse. L’humilité et la proximité ont beaucoup à offrir, rappelons nous le moment hors du temps qu’était le concert de Nick Cave et ses Bad Seeds l’année dernière.

Alors merci tout de même à Rock en Seine d’avoir permis à de nombreuses personnes de découvrir en live un groupe culte, nous avons pu confirmer leur réputation de nos propres yeux. Cette clôture restera gravée dans les annales, seulement, ce ne sera pas pour les bonnes raisons. Le public est venu, il a vu, il a été déçu. Personne n’aime être insulté comme les Strokes l’ont fait ce soir. C’était le show de la honte. Bien sûr, il est impossible de se lasser des superbes compositions du groupe, parce que même si tout de suite cela nous fait chier, il faut admettre qu’elles sont géniales, cependant, pas en live. Parce que les Strokes en studio, on adore, mais bordel, qu’ils y restent.


 

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Récente coqueluche du rock indé chez la jeunesse, c’est à l’occasion de leur passage au Trianon pour leur plus importante tournée européenne en date que nous avons pu rencontrer Ryan Guldmond, chanteur et tête pensante de Mother Mother. Venu défendre leur dernier album studio « Inside » ainsi que leurs récents singles, cet entretien a été l’occasion d’en apprendre davantage sur la manière dont le groupe gère sa fulgurante popularité en Europe et envisage sa musique dans son processus son créatif

WELCOME TO EUROPE

Guldmond le dit lui-même, cette tournée a une saveur particulière. « Beaucoup de choses ont changé », il y a « beaucoup de nouveaux fans », « d’une certaine manière c’est comme si c’étaient nos premiers concerts en Europe. ». En effet, les musiciens de Vancouver n’ont jamais sillonné l’Ancien Continent à travers de si grandes salles. Depuis l’explosion de leurs musiques sur Tiktok, la fanbase de Mother Mother s’est largement agrandit et les nouveaux passionnés répondent à l’appel. En témoigne la gigantesque file de jeunes gens devant la salle parisienne plusieurs heures avant l’ouverture des portes.

NOUVELLE FAMILLE

A ce propos, Guldmond est plus qu’enchanté de ces nouveaux liens qui se créent entre le groupe et leurs récents fans, « Les fans deviennent une famille, toujours ». Car même s’il n’est pas forcément facile d’aborder toutes ces nouveautés, les musiciens sont portés par une passion artistique et altruiste faisant vibrer leur cœur : « Nous avons un but ici, on essaye de rassembler les gens, la jeunesse. » Les hostilités plus tardives en feront montre, c’est un seul groupe que forment Mother Mother et leurs fans lors de leurs concerts. C’est précisément ce que recherche Guldmond et ses acolytes lors de leur performance : « nous essayons depuis longtemps de créer un lieu, quelque chose de sûr pour les gens ».

ECRIRE POUR EXISTER… ET RENCONTRER

À l’image de leurs concerts, la musique de Mother Mother inclut depuis toujours les incompris et leur transmet l’amour parfois difficilement obtenu. Leurs concerts sont les lieux de rencontre entre le groupe et ceux qui les écoutent : « On commence à écrire en ayant à l’esprit qu’on va rencontrer quelqu’un. ». Leur dernier single « Cry Christmas » sur le mal ressenti par certains lors des fêtes de fin d’année en est particulièrement représentatif. Cette composition plus sombre et rock est une nouvelle réussite importante pour le groupe à l’égard de ses auditeurs confie Guldmond : « quand on lit les commentaires sur le clip youtube de “Cry christams”, on y trouve beaucoup de personnes évoquant pourquoi noël est difficile pour eux, la pression de la famille, de la consommation… ». Une fois de plus les rockeurs au grand cœur ont visé juste. Comme avec leur second album studio « O my heart », celui qui les avait projetés sur le devant de la scène en Amérique et qui a été récemment découvert par des millions d’adolescents européens.

O MY HEART, WE DID IT

Cet entretien a d’ailleurs été l’occasion de revenir sur ce magnifique effort et sur Hayloft II, la réédition du « tube » du groupe. Ce renouveau s’est imposé comme une évidence au groupe devant la popularité du single original : « ce n’était pas un effort de créer Hayloft 1 et 2, c’était juste une façon de faire grandir l’énergie ». Parce qu’un groupe évolue avec son art et avec ses fans complète Guldmond. Et si « O my heart » demeure bien la création la plus populaire du groupe, même 15 ans après, c’est parce que la composition des musiques a été un point tournant de la carrière du groupe : « c’était le premier album où nous avons vraiment expérimenté la musique (…) il y a quelque chose de juste qui nous a inspiré une très grande écriture. ». C’est l’album qui les a fait découvrir en Amérique il y a 15 ans et qui les fait découvrir aujourd’hui en Europe. Mother Mother cherche de toute manière une inlassable évolution pour satisfaire tant leurs fans que leur démarche artistique. Histoire européenne à suivre d’un groupe qui était déjà grand avant sa notoriété tardive.


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Les cinq diables – Affiche

Second long-métrage de Léa Mysius (réalisatrice de l’acclamé  Ava) présenté hors compétition à la Quinzaine des Réalisateurs de Cannes, Les Cinq Diables souffrait d’une bande annonce un peu taciturne mais intriguait par son visuel léché. Difficile donc de savoir vraiment où aller avec ce film si ce n’est à une nouvelle rencontre du talent d’Adèle Exarchopoulos, à la tête du casting. Mais tout de même, comment refuser de découvrir ce qui s’annonçait a priori comme un nouveau drame français glacial, se démarquant par une originalité hors du commun ? Que les adjectifs élogieux de la presse sélectionnés sur les affiches ne mentent pas, car cette fois nous avons bien envie d’y croire à la touche personnelle de la cinéaste. Enfin bref, retour sur une implacable réussite.

 

L’ENFER OLFACTIF

Pour vous donner une idée de ce qui vous attend, Les Cinq Diables c’est l’histoire d’une petite fille (Vicky) qui adore sa maman (Joanne), les odeurs et l’odeur de sa maman. Elle les reproduit puis les enferme dans des bocaux après le goûter plutôt que de regarder des dessins-animés. Puis la soeur (Julia) du papa pompier (Jimmy) revient habiter chez la belle petite famille et le parfum prend des allures de fermentation méphitique. Les bocaux sont ternis, l’odeur de Julia emmène la petite Vicky à la découverte des secrets de papa et maman et croyez-moi, cela sent mauvais.

UN SCÉNARIO À L’ORIGINALITÉ INFERNALE

En effet l’originalité tant espérée s’incarne dans le versant fantastique du métrage: Vicky découvre les travers de l’histoire de sa famille grâce aux flashbacks permis par ses bocaux d’odeurs. Sans en dire trop non plus, ces déplacements temporelles sont savamment intégrés à la ligne narrative du récit et au précieux dénouement de tout ceci. Car la force du film ; en deçà d’un visuel à la sensibilité impitoyable ; réside dans une inventivité scénaristique indéniable. Le surnaturel occupe progressivement un tournant barbare divulguant les ressorts de cette histoire sombre et subtile. Puis il devient impossible de s’absoudre de cette obstination malsaine à pénétrer l’enfer des Cinq Diables.

PAUVRES PÊCHEURS TORTURÉS

Car Les Cinq Diables a cela de réussi qu’il installe une atmosphère fatalement angoissante. Du mal aise naissant graduellement aux caractères des personnages tous plus arides les uns que les autres, « l’enfer c’est les autres », surtout dans ce petit village où tout se sait. Alors que l’inéluctable révélation s’abat violemment, la paradoxale libération des protagonistes se confronte à l’enfermement sempiternel dans leurs tragiques existences. Tout cela sur un fond d’homophobie, de racisme et de revanche – un alliage démoniaque duquel il est impossible d’être exempté. Bien que, somme toute, l’atmosphère sordide de l’ensemble aurait encore pu être renforcée ; Léa Mysius a préféré ménager ses spectateurs.

RIEN NE SERT DE MOURIR, IL FAUT AIMER À POINT

Cette fable sur l’engouffrement maladif dans la bienséance et la complaisance mérite donc amplement le détour. Tout n’est pas parfait mais une fascination mécanique émane de ce scénario au magnétisme terrifiant. Devant cette machine infernale, l’oeil, subjugué par la splendide photographie, est écrasé. Il est impossible de lutter contre ce voyeurisme, de résister à l’appât des ressorts d’un récit troublant, clinique et sauvage, savamment dessillé. Les Cinq Diables consume minutieusement les travers de ses personnages pour conclure sur un final non moins déconcertant, exaltant la revue absurde et amer d’une oeuvre fantastique, imprimée dans une cruauté malheureusement peu fictive.


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