En plein MaMA festival sur le boulevard Rochechouart, certains se sont octroyés un moment hors du temps, boulevard des Capucines. La prêtresse du rock est de retour, après sept ans sans tournée. Un évènement en somme. Et ça, on les ressent dès que l’on s’approche de la salle. Ça grouille, ça tressaute, ça s’extasie de voir apparaître en grosses lettres rouges le nom de l’idole incontestée sur la façade de l’Olympia : PJ HARVEY.
C’mon POLLY !
Sept ans d’absence, c’est long. C’est suffisamment long dans la vie d’un enfant pour qu’il acquiert la raison selon Descartes. Devant la salle, pour certains, pas le temps de s’arrêter pour la photo de la façade, il faut atteindre la scène, être devant à tout prix, au plus proche de Polly Jean et de sa voix enchanteresse. Sirène rock au regard fier.
Sans première partie, le concert commencera donc à 20h précises. Sur la scène, une scénographie minimaliste, une table en bois, un secrétaire, un banc, une branche dans un vase qui évoque la couverture du dernier album, un mur lacéré qui changera de couleur au fur et à mesure. Blanc, noir, cuivre.
Au cours de cette tournée, PJ Harvey est accompagnée de quatre musiciens talentueux, James Johnston, Jean-Marc Butty, Giovanni Ferrario et bien sûr John Parish que l’on ne présente plus. Excellents musiciens, il serait bien mauvaise langue que de ne pas souligner la qualité du groupe, mais la présence magnétique de PJ Harvey attire tous les regards sur elle.
le concert et son double
À 20h tapantes donc, les musiciens montent sur scène, suivis de près de PJ Harvey dans une longue robe blanche signée Todd Lynn. Fine et petite, elle n’en est pas moins impressionnante de prestance et de charisme. Fière, elle laisse le public la chérir, l’embrasser du regard, recevant en toute humilité l’amour infaillible d’un public embrasé par la simple vision de son idole. Son regard ne faiblira jamais du concert, une flamme indicible au fond de celui-ci et un sourire à peine visible joue sur ses lèvres. En parlant de jeu, le spectacle va commencer.
Le concert est en deux parties. Un premier set où elle chante exclusivement les morceaux de son dernier album, une interlude, et une deuxième partie où elle chante ses anciens titres. Choix audacieux qui, pourtant, fonctionne très bien. Le dernier album étant certainement moins accessibles que ses précédents, cela lui laisse toute la place d’être découvert par certains et confirmé comme l’un des meilleurs de l’année par d’autres.
Un show minimaliste
Et c’est parti pour un premier set de 45 minutes. PJ Harvey d’abord statique, commence peu à peu à se déployer. Le regard toujours sur le public, elle arpente le scène en dansant, le sourire grandissant. Elle danse lascivement, ondulant avec l’aisance d’une artiste qui a fait ça toute sa vie. Quel plaisir que de voir une artiste de cette acabit dans une salle à taille humaine. Les quelques 2000 spectateurs qui occupent la salle le temps d’un soir, ont dans le coeur, le doux sentiment d’un privilège.
À la fin de l’ultime morceau de l’album, « A Noiseless Noise », Polly Jean s’absente quelques minutes, pour laisser à son groupe le devant de la scène. Ils entonnent tous les quatre le morceau folk et entrainant, « The Colour of the Earth ». L’interlude est réussie.
Retour aux sources
Le deuxième set commence sur les chapeaux de roue avec deux morceaux à la suite de Let England Shake. La foule s’enflamme de plus en plus. Niveau setlist, PJ Harvey a vu les choses en grand et pioche dans toutes les phases de sa carrière. Stories From the City, Stories From the Sea et The Hope Demolition Project sont les deux seuls à manquer à l’appel. Une déception qui sera vite consolée par les différents morceaux qui nous frappent en pleine tête.
PJ Harvey enchaîne autant les balades comme « The Desperate Kingdom of Love » que les morceaux enragés comme « Man-Sized » ou encore « Dress ». Pour le bonheur de beaucoup, elle chantera quatre morceaux du monstrueusement excellent To Bring You My Love.
Dans le public, on ne saurait plus faire la différence entre une messe religieuse et un simple public de concert. L’expérience est mystique, d’une folie pure. Les larmes coulent, les visages se fendent de sourires quasi délirants. PJ Harvey nous a jeté un sort avec une nonchalance extraordinaire. Sa voix est aussi époustouflante qu’à ses débuts, peut-être même plus assurée.
En terminant avec son morceau « White Chalk », elle nous ramène doucement sur la terre ferme. D’une révérence, elle salue le public quémandeur de plus, toujours plus. Les lumières se rallument. Certains croient presque avoir halluciné ce moment trop beau pour être tout à fait vrai, trop intense pour être imaginé.
Chacun sort de la salle avec le coeur un peu plus gros, les yeux un peu plus exorbités, et les cheveux un peu plus ébouriffés qu’à l’accoutumée. Le souvenir est marqué au fer rouge, comme les lettres sur la façade, qui nous rappellent, que non, nous ne rêvons pas. PJ Harvey a encore frappé.