Loverman @ Pénélope Bonneau Rouis
Loverman @ Pénélope Bonneau Rouis

Lors du MaMA Music & Convention, nous avons eu l’occasion de discuter avec Loverman. Doué d’une qualité scénique rare, il révolutionne presque l’idée du concert classique. À une ère de téléphones et de post covid, notre génération a de plus en plus le besoin de se sentir actif et ce jusque dans les concerts. Le monde de la culture lui-même est en pleine expansion. En moins d’une heure sur scène, Loverman nous amène à réfléchir sur notre manière de concevoir un concert, et d’y assister. En sautant dans la foule, parfois dès le deuxième morceau, regardant d’un oeil presque fou chaque personne une à une, Loverman brise le quatrième mur, la hiérarchie entre l’artiste et le public et crée un moment de partage inédit. Le spectateur peut être mal à l’aise face à cette effusion, cette rage, cette joie, à la manière d’un Platon sortant de la Caverne. On ne sait pas bien où donner de la tête. Surtout quand, après cette effusion, vient le calme, puis l’effusion à nouveau, rythme effréné qui ne laisse au spectateur aucun repère et répit. Le 27 octobre prochain sort son premier album avec ce projet, Lovesongs, une collection riche de chansons d’amour que l’on a hâte de découvrir sur scène… On a retrouvé Loverman dans les loges de l’Élysée Montmartre où il nous parle de son premier album, de sa collaboration avec Daisy Ray et de Simone de Beauvoir.

P&S : Ton premier album, Lovesongs, sort le 27 octobre prochain. Est-ce que tu peux nous le décrire en quelques mots ?

Loverman : L’album tourne autour du thème de l’amour, de mon amour. Je l’ai enregistré avec ma guitare, ma voix pendant le confinement dans ma chambre. Ce sera un peu low-fi parce qu’il n’y a pas de technique de « qualité ». Il y a beaucoup de bruits autour parce que j’aime bien cet effet. Ouais… C’était déjà trop de mots, désolé !

P&S : Tu as sorti 4 clips et on y voit toujours une créature aux mains longues. Ça symbolise quoi pour toi ?

Loverman : La main, c’est une créature magique, mystique qui te montre des trucs. C’est une femme, c’est Daisy en fait. Elle te montre une réalité alternative et t’ouvre les yeux. C’est aussi mon amoureuse en même temps. On pourrait dire « muse » mais j’aime pas ce mot.

P&S : Inspiratrice ?

Loverman : Oui, tout à fait. Elle te montre un chemin. Dans le dernier clip, elle apparait vraiment et devient un vrai personnage. Donc, c’est un peu entre la créature mystique et la personnification de mon amour, l’amour de Loverman.

P&S : En parlant de Daisy, ta compagne. La chanson d’amour est peut-être ce qu’il y a de plus universel. Qu’est-ce que ça t’apporte de collaborer avec la femme que tu aimes en terme d’inspiration ?

Loverman : Oh aucune idée, c’est un processus de huit ans et on a collaboré sur pleins de projets. On avait un groupe ensemble, Partners, les partenaires. Et après ça, on a continué à collaborer même après l’arrêt du groupe. C’est pas un processus facile en fait, mais au bout de huit ans, on est très forts ensemble. Ça donne beaucoup d’avantages mais c’est pas non plus facile de travailler avec ton amoureuse. C’est beaucoup de confrontations, tu te disputes sur des trucs sur lesquels tu ne te disputerais pas avec quelqu’un d’autre. Ça joue beaucoup, c’est un échange d’énergie. Tu partages beaucoup de choses très spécifiques. Tu es amoureux, mais aussi quand tu travailles sur un projet comme une vidéo, ça peut être comme des vacances. Comme on travaille que tous les deux, ça nous donne beaucoup de possibilités de DIY. J’adore cette manière de travailler.

P&S : Le nom « Loverman », c’est justement pour signifier que c’est un projet d’amoureux ? Est-ce que tu considères ce projet, même si tu es seul sur scène,  avec la collaboration de Daisy, comme un groupe ?

Loverman : C’est vraiment mon projet solo. Mais c’est un peu une continuation de notre projet précédent, Partners. Et à un moment, Daisy avait besoin de faire quelque chose d’elle-même. Et j’ai ressenti la même chose. On a commencé nos projets à peu près même moment, donc elle comme Daisy Ray et moi avec Loverman. Pour moi, c’est une continuation de Partners donc, une saga. C’est un peu sa mythologie. C’est une collaboration parce que les projets sont très passionnels. Il y a beaucoup de moi dans son projet et il y a beaucoup d’elle dans mon projet. C’est vraiment un échange, mais elle a sa vision et j’ai la mienne.

Une performance sur scène, ça doit avoir un truc imprévu. Il y a des choses qui sont propres au moment.

P&S : Tu avais un autre projet avant, Shht, qui est très différent de Loverman. Comment tu as fait la transition entre les deux projets ? 

Loverman : La transition a été graduelle mais en fait j’ai toujours fait beaucoup de choses différentes en même temps. J’ai toujours combiné, donc la transition s’est faite assez naturellement, j’avais besoin d’avoir un focus parce que c’était dur de faire ce que je faisais avec Shht en même temps que Loverman. C’était très physique, je criais beaucoup  et j’avais pas de technique. Je voulais pas avoir de technique pour crier donc j’ai cassé ma voix, mais je me suis reposé.

P&S : Avec Loverman, tu cries aussi beaucoup, mais c’est un cri beaucoup plus maitrisé et travaillé. Comment tu doses ça, notamment par rapport à ta voix ? 

Loverman : Je suis en train de crier pour des années. J’aime trop crier, c’est un truc physique. C’est très satisfaisant. Si tu le fais pas trop souvent, c’est bon. Bien sûr si tu hurles pendant une heure sans t’arrêter c’est pas bon. Juste avant, je fais toujours un warm-up, il y a beaucoup de techniques en fait.

P&S : Il y a une grande différence entre les versions studios de tes morceaux et la manière dont tu les interprètes sur scène. Est-ce que c’est quelque chose auquel tu penses quand tu les composes ? 

Loverman : Non, pas vraiment, c’est très spontané et instinctif. Pour moi le live et l’enregistré, c’est deux mondes très différents. Je les approche donc aussi très différemment. Une performance sur scène, ça doit avoir un truc imprévu. Il y a des choses qui sont propres au moment. J’aime pas trop la musique qui sonne comme si c’était sur scène. J’aime bien la musique que l’on peut écouter, qui n’est pas trop intense.  Je trouve ça très difficile de faire des morceaux énergiques sur scène et de traduire ça en version studio. C’est pour ça que je préfère enregistrer et de voir après comment je les joue sur scène.

P&S : Et tu aimerais enregistrer tes lives ? 

Loverman : Ouais, j’aimerais bien faire ça à un moment, mais quand je joue avec d’autres musiciens. Je veux intégrer plus de piano aussi, et des improvisations, de jazz. Et à partir de ce moment-là, j’aimerais bien faire un enregistrement du live.

Avoir une vraie connexion humaine et pas cette hiérarchie du podium et de la salle.

P&S : Quand tu joues, tu descends beaucoup dans la foule. C’est quoi la part de spontanéité et de performance ? 

Loverman : Même si c’est plus trop spontané parce que c’est le truc que je fais à chaque concert, c’est toujours différent. C’est jamais le même public et je peux faire ce que je veux. Si j’ai envie de crier, je le fais et on peut aller loin. Je suis plutôt à l’aise, on peut toujours aller plus loin, mais j’ai pas trop de temps pour jouer en ce moment. C’est plutôt des sets de 30 minutes et c’est court.

P&S : Il y a une grande notion de partage dans tes concerts, justement. D’où ça te vient cette envie de briser le quatrième mur ? Qu’est-ce que ça t’apporte en tant qu’artiste ? 

Loverman : Comme je disais, pendant un live, je veux de l’imprévu. Et la manière de l’atteindre, c’est juste de trouver l’élément variable et ça c’est le public. J’aime trop avoir une connexion avec le public, je trouve ça très important. Avoir une vraie connexion humaine et pas cette hiérarchie du podium et de la salle. Ça met les gens trop à l’aise en fait, artiste comme public. J’aime bien que les gens soient mal à l’aise à mes concerts et qu’ils ne sachent pas à quoi s’attendre.

P&S : Tu as fait quelques concerts en France maintenant. Quelle est la différence la plus frappante, selon toi, entre la scène belge et la scène française ? 

Loverman : Oui, je sens beaucoup de différences. Je trouve que les français sont très enthousiastes, très accueillants. J’ai déjà entendu qu’on disait l’inverse, notamment des parisiens mais j’ai jamais ressenti ça. Quand j’ai fait mon premier concert à Paris, je me suis dit « oh putain, j’adore ici, je m’y attendais pas ». Vraiment, j’avais pas prévu une telle énergie. Mais en terme de différence, je trouve que le public belge plus réservé, plus sérieux…. plus boring ouais… Et les français ont plus de joie de vivre. Les femmes ici sont plus libérées dans leur esprit, dans leur énergie. Elles osent plus facilement s’exprimer.

P&S : On a eu Simone de Beauvoir… 

Loverman : Tout à fait ! Mais c’est ça ! On a vraiment de développer plusieurs manières de parler de l’amour en français, qu’on a pas développé en néerlandais. Par exemple, Simone de Beauvoir, Sartre et leur relation triangulaire sont des choses que tu apprends assez jeune quand tu grandis à Paris ou en France. Ça fait partie de votre culture. Je trouve ça fascinant.

Les femmes ici sont plus libérées dans leur esprit, dans leur énergie. Elles osent plus facilement s’exprimer.

P&S : Tu es chez Pias, un beau label. Est-ce que ça a une influence inconsciente sur ta manière de concevoir ta musique ? 

Loverman : Non, je crois que ça va. C’est surtout un échange entre nous. J’ai l’impression que j’ai beaucoup à donner à Pias. Je viens d’un milieu un peu atypique, un peu expérimental et ça les met un peu mal à l’aise d’une façon, mais dans le bon sens du terme. Il y a pas de hiérarchie où Pias est au-dessus et je suis en-dessous et vice versa. On cohabite et ça marche bien. Et Pias France a une super équipe, j’ai une très bonne relation avec les gens ici.

P&S : Allez dernière question, pourquoi le tambourin ? 

Loverman : Parce que c’est un peu ridicule. Il y a de l’humour et c’est facile à jouer. Je peux le transporter partout, il y a pas besoin de micro parce que c’est tellement fort ! Le tambourin, si t’en joues pour une salle comme le Trianon, t’as rien pour l’amplifier et pourtant tu l’entends partout ! C’est un instrument dingue en fait.


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