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Penelope Bonneau Rouis

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MaMA 2023 – Crédit photo : Louis Comar

Vendredi 13 n’est pas toujours synonyme de malheurs. D’ailleurs en cette dernière journée du MaMA Music & Convention, le moral est au beau fixe. La pluie de la fin de journée laisse place à une température bien plus clémente pour permettre de courir les rues de Pigalle à la recherche des meilleurs concerts sans avoir à se mouiller. Ceux-ci sont nombreux. Ils ne sont pas les seuls à avoir peuplé cette édition 2023 de l’évènement. En effet,  7 125 professionnel·le·s étaient présent·e·s sur l’édition avec 54 nationalités représentées, 160 artistes/groupes étaient programmé·e·s sur les 9 scènes, représentant 542 artistes et musicien.nes. De quoi promettre une énorme diversité. Dont il nous reste une dernière nuit pour se délecter. On vous emmène donc avec nous dans une dernière folle course à travers les salles du quartier et les concerts qui nous ont marqués.

 

MADDY Street

Maddy Street – MaMA 2023 – Crédit photo : Louis Comar

21h sonnent et Maddy Street monte sur scène armé.e d’une guitare. La.e chanteureuse enchaine un rock garage aux intonations de Hip-Hop. Sa musique apporte un vent de fraicheur sur la scène de la Chaufferie qui avec toute l’énergie accumulée de ces derniers jours en a bien besoin. Avec des sonorités rétro 90s, Maddy Street aborde avec brio son identité Queer. Le public semble déjà l’adorer et chante en chœur avec iel. Si son accent anglais est très fort quand iel chante, quand iel parle, c’est un accent français qui sort. Cette dualité de deux langues, dont les peuples ont été ennemi pendant des siècles (rendez nous Jeanne d’Arc) a le don de surprendre certains spectateurs. « Mais iel est français.e ou anglais.e ? ». Ben les deux en fait. Et c’est cette double culture qui permet à Maddy Street de déployer tout son univers musical.

LISE DE LA SALLE

MaMA 2023 – Crédit photo : Louis Comar

Un peu plus tôt, Lise de la Salle commence à La Cigale. Pianiste hors-pair, elle enchante un public déjà hypnotisé par la dextérité de son jeu. Sa présence sur la scène pigalloise est un véritable honneur. Lise de la Salle a traversé les sept mers, a fait certaines des plus belles salles du monde : Vienna Musikverein, Concertgebouw d’Amsterdam, Berlin Philharmonie ou encore le Hollywood Bowl. Mais il faut le dire, sa présence au MaMA détonne, étant plutôt habitué à du rock ou du rap en principaux meneurs de jeu. C’est ce qui rend sa prestation d’autant plus extraordinaire et mémorable.  

 

Jeanne Added

C’était l’un des moments les plus attendus de ce MaMA Music & Convention. Le label Naïve fêtait ses 25 ans en grande pompe, avec cerise sur le gâteau , un live d’une de leurs artistes phares : Jeanne Added. La musicienne de talent proposait pour l’occasion un format particulier, celui du piano voix. Il est toujours fascinant de retrouver la chanteuse sur scène. Déjà parce qu’elle n’a besoin d’aucun effet pour hypnotiser la foule. Il suffit d’entendre les nombreuses invitations à ne pas faire de bruits lancées de toute part dans l’assistance pour s’en faire une idée. Aussi parce que sa voix se déploie avec aisance dans la Cigale ce soir. La poussant à son apogée, elle offre des versions rares et acoustiques de ses plus belles compositions, notamment des extraits de « Radiate », l’album qui lui valu le succès. Bavarde, elle communique volontiers avec le publie et l’entraîne dans une univers fait de douceur où la qualité est toujours au rendez-vous.

Alice et moi

Alice & Moi – MaMA 2023 – Crédit photo : Louis Comar

Un bon MaMa passe toujours par un crochet obligatoire à la Boule Noire. Autant en profiter pour se ressourcer avec un set d’Alice Et Moi et sa chanson française solaire. Au milieu des murs atypiques et toujours bardés de moquette très explicite qui peuplent la salle, la chanteuse à la voix suave apaise autant qu’elle invite à se dandiner sur ses airs qui entrent aisément en tête. Le 3 novembre, son album « Photographies » sortira dans les bacs et offrira son lot de titres électro-pop à un public qui connait déjà bien son nom. A la pointe de ce qui se fait dans le genre, celle qui illumine avec son morceau « L’amour à la plage – Souvenirs d’été » nous propose un très joli souvenir d’automne. La candeur de son timbre va de paire avec le plaisir de ces beaux moments. L’amour à Pigalle en somme.

W!ZARd

MaMA 2023 – Crédit photo : Louis Comar

W!zard ou peut-être le concert le plus explosif de cette dernière soirée du MaMA. Dans un rock énergique et saturé, W!zard dont la renommé ne fait que grimper, évoque les différentes problématiques du cœur ou du monde qui nous entoure. Et ça marche. La foule ne perd pas une seconde de ce show sauvage. Tout le monde hurle à s’en choper des nodules et pourtant, ils en redemandent toujours plus. A noter en plus que le groupe fait un très beau travail sur son son pour le rendrez noisy au possible et offre quelques beaux moments à la guitare sublimée par une disto gérée et franchement rock. Un dernier pogo pour la route !

Texte Pénélope Bonneau Rouis et Julia Escudero


Hozier- Unreal Unearth
Hozier- Unreal Unearth

Le 18 Août dernier sortait Unreal Unearth, le troisième opus de l’irlandais Hozier. Inspiré par la bibliographie de Dante, l’album nous entraine dans une tourmente au fin fond des enfers. Les amours impossibles hantent les parois terreuses de l’album et construisent un univers sombre un peu plus pop que ce à quoi Hozier nous avait habitués. Critique. 

Hozier et les vers de terre 

Quand Hozier touche le fond, il n’hésite pas à creuser dans la terre, pour aller juste un peu plus loin, dans les enfers de Dante. Unreal Unearth, le troisième album d’Andrew Hozier Byrne est pour le moins métaphorique.  Il fait suite à un EP sorti le 17 mars dernier, Eat Your Young où on avait pu découvrir deux morceaux présents sur l’album : « Eat Your Young » et « All Things End ». « The Flood », troisième morceau de l’EP, semble avoir été évincé du projet final.

De Selby (Part 1) ouvre l’album et installe dès la première écoute une atmosphère omineuse qui nous suivra pour le reste de l’album. Le passage en gaélique irlandais a la qualité d’un hymne sinistre et habité. Puis tout s’accélère. De Selby (part 2) débute et nous entraine dans une valse macabre dont on ne saisit pas forcément la direction. Un bras part à gauche, la tête s’approche du sol, les jambes s’accrochent au plafond. Cette impression nous suivra sur tout l’album.

Un album qui submerge

Cette critique, je l’ai repoussée. Il y a quelque chose d’écrasant à cet album, c’est certain. Ce n’est pas facile de reconnaître que le dernier projet d’un artiste que l’on affectionne particulièrement… n’est pas notre préféré. Dès la première écoute, je me suis sentie trop submergée par l’épaisseur de cet album trop long, trop produit, trop dense, trop.

Certains morceaux nous font l’effet de « déjà-entendu », on pense notamment à « Damage Gets Done » en collaboration avec Brandi Carlisle. L’ensemble est inégal, les seize morceaux qui constituent l’album oscillent entre l’excellent et le moins mémorable. Pour faire court, il y a trop de morceaux moyens par rapports aux excellents pour en faire l’album extraordinaire que l’on voudrait désespérément qu’il soit.

Par ailleurs, l’album balance entre plusieurs genres. Il y a du rock (« Francesca »), de la balade (« Butchered Tongue »), une interlude majestueuse (« Son of Nyx »), du celtique (« De Selby (Part 1) »), du gospel (« All Things End »).  Et c’est peut-être ça qui nous mène à ce sentiment de trop plein. On a été trop gâté.es et on ne sait pas vraiment quoi faire de cette offrande.

UN VOYAGE AU COEUR DE L’ÂME

Malgré ses imperfections, Unreal Unearth est loin d’être un mauvais album. Il offre un voyage captivant au cœur de l’âme humaine, explorant les thèmes de la douleur, de la perte et de la rédemption de la manière poétique et profonde qui est propre à Hozier. Unreal Unearth fait partie de ces albums dont l’écoute doit être proactive, attentive à chaque parole pour y déceler les détails. Les morceaux « Who We Are », « Francesca », « Abstract (Psychopomp) », « First Light » ou « Unknown/Nth » nous rappellent toute l’excellence élégiaque de la plume de Hozier.

Si Unreal Unearth ne m’émeut pas autant que son premier album sorti en 2014, il se hisse tout de même parmi les meilleures sorties musicales de cet été. Son côté ovni le place sur un socle trop instable pour le qualifier de parfait. Mais si la perfection existait, ça se saurait et ce ne serait pas forcément intéressant à commenter.

Hozier passe au Zénith de la Villette le 29 Novembre prochain.


Si le nom Balthazar vous dit quelque chose, peut-être connaissez vous Warhaus, le projet solo de Maarten Devoldere. Résolument rétro et sombre par le passé, le dernier album de Warhaus s’avère plus coloré et chaud, malgré son thème. En effet, Haha, Heartbreak évoque… tout simplement une rupture qui a plongé le chanteur à la fois au fond du trou et au top des charts. Nous avons eu l’opportunité de rencontrer Maarten Devoldere à l’occasion du Fnac Live en juin dernier. Il nous parle de son album, de s’éloigner des forces féminines et trouver sa muse au fond de lui-même.

Warhaus FNAC LIVE
Warhaus – Crédit Julia Escudero

Pop&Shot : Comment décrirais-tu ton dernier album, Haha Heartbreak en quelques mots ? 

Maarten : C’est évidemment un album de rupture, mais il est très romantique en même temps. Je voulais qu’il soit naturel, comme si c’était du live enregistré.  Il n’y a pas eu tant de production que ça, un peu comme les albums des années 70. Mais il est aussi très groovy et glamour parce que je ne voulais pas qu’il soit trop triste étant donné que c’est déjà un album de rupture.

Je voulais déguiser ma tristesse et la rendre jolie.

P&S : Tu as dit que tu voulais avoir l’air séduisant sur cet album… 

Maarten : Non, ce n’est pas tout à fait ça. En fait, je voulais faire une comparaison avec l’image d’une femme qui se maquille pour sortir pour la première fois après sa rupture. Ce que je voulais dire c’est qu’il y a beaucoup de cordes et d’arrangements sur cet album et les paroles sont très vulnérables. Je voulais déguiser ma tristesse et la rendre jolie. C’est comme une fierté qui m’a été prise et que je veux récupérer en en faisant un album.

P&S : Tu l’as fait très rapidement cet album et tu as gardé les démos sur la version finale. Comment tu as fait pour allier déguisement et spontanéité ? 

Maarten : J’ai écrit l’album en trois semaines à Palerme dans une chambre d’hôtel et j’ai enregistré toutes les démos avec une guitare. Quand je suis rentré, j’ai montré les démos à Jasper Maekelberg qui trouvait ça mieux de garder la partie vocale. On a passé un an sur les arrangements ensuite, donc elle est là la partie déguisement. Les chansons étaient très intimes et ça s’entend encore dans ma voix et en même temps, les arrangements et les cordes qui accompagnent sont un peu grandiloquentes. On voulait faire un mélange des deux. Vulnérable, authentique et glamour.

Quand j’étais plus jeune, j’avais tendance à « poursuivre » un peu les morceaux

P&S : L’album est très coloré, plus que les précédents et en contraste avec les paroles. 

Maarten : Quand j’étais plus jeune, j’avais tendance à « poursuivre » un peu les morceaux, tout se passait bien dans ma vie et je me disais que comme j’étais un artiste, je devais me trouver une muse ou quelque chose comme ça. Alors j’ai fait des trucs un peu cons pour trouver l’inspiration et je pense que sur cet album, je suis un peu plus mature. C’est un album sur une rupture, c’est quelque chose d’universel et tout le monde s’y reconnait. Mais c’est aussi différent de d’habitude parce que cette fois-ci, je n’ai pas eu besoin d’aller chercher l’inspiration, elle est venue à moi. Je pense que c’est une approche et c’est plus authentique car sur les albums précédents, je jouais un personnage de film rétro. Cet album est plus humain et ça me paraissait plus logique que l’album ait une esthétique colorée. On passe de la 2D à la 3D !

Un ami m’a dit que mon album était assez passif-agressif.

P&S : Tu y utilises beaucoup de cordes et de nouveaux arrangements. 

Maarten : Quand on était plus jeunes avec Balthazar, on voulait absolument être un groupe indé avec un son cool et edgy. Et ce que j’aime en vieillissant, c’est que je peux davantage me permettre d’essayer des choses, comme des orchestres et il y a plus de profondeur sans pour autant être gnang-gnan. Par exemple, un de mes morceaux préférés de Lou Reed, c’est « Perfect Day ». La manière dont il la chante montre que c’est plus compliqué qu’une simple journée idéale. Il y a quelque chose de sous-jacent, de beaucoup plus sombre que ça a en a l’air. Et sur mon album, c’est un peu la même chose. Un ami m’a dit que mon album était assez passif-agressif. Ça m’a un peu surpris sur le moment mais il n’a pas tort. La romance a beaucoup de facettes et il se passe tant de choses différentes qui font partie de la condition humaine.

P&s : Tu as fait le Conservatoire quand tu étais jeune, la formation devait être plus classique que punk. Est-ce que tu t’es replongé dans ces sources-là ? 

Maarten : Pas vraiment, j’ai eu beaucoup d’aide de la part de Jasper qui a produit l’album et je dois lui donner le crédit pour ça parce que c’était son idée tous ces arrangements. J’ai fait mon boulot d’enregistrer à Palerme et ça m’a fait du bien. Quand on est jeunes, on veut juste tout contrôler et puis avec le temps, c’est bien de collaborer avec d’autres gens, de les laisser faire leur propre magie. Le produit fini est forcément meilleur et j’en suis très content.

Warhaus Fnac Live - crédit Julia Escudero
Warhaus Fnac Live – crédit Julia Escudero

P&S : Pourquoi es-tu retourné vers le projet Warhaus pour cet album ? 

Maarten : Depuis le dernier projet avec Warhaus, on a sorti deux albums avec Balthazar. On avait besoin d’un nouvelle pause. Si on reste dans le même projet trop longtemps, ça devient ennuyeux. C’est toujours intéressant de jongler entre les deux. Et puis, dans un projet solo, je peux parler de choses plus intimes et personnelles. Avec Balthazar, les chansons sont aussi honnêtes mais ce sont des collections de deux paroliers, de deux chanteurs et avec Warhaus, je peux aller plus loin dans mon écriture.  On peut pas faire un album de rupture avec Balthazar, à moins de se séparer en même temps et ce serait quand même bizarre parce qu’on a des approches différentes de la séparation.

Warhaus Fnac Live
Warhaus Fnac Live – crédit Julia Escudero

P&S : Tu dis que cet album fait partie de la pop culture. Qu’est-ce que ça implique la pop culture pour toi ?

Maarten : Il y a beaucoup de références très 70s, comme Serge Gainsbourg dans sa période Melody Nelson et même Joe Dassin. J’ai été très inspiré par la chanson française de ces années-là. L’ouverture de « Open Window » me fait penser à « L’Été Indien » par exemple. Et puis parce que je l’ai écrit à Palerme, une ville très romantique, avec des murs où la peinture s’effritait comme le souvenir d’une gloire passée.

La rupture est intemporelle et je voulais faire quelque chose d’intemporel.

P&S : L’influence 70s vient des albums que tu écoutais pendant la conception de l’album? 

Maarten : Pas vraiment, je n’ai pas écouté beaucoup de musique pendant que je le faisais mais je pense que c’est plutôt une influence qui m’habite depuis plusieurs années et si je suis d’humeur romantique, c’est une musique qui résonne pas mal avec moi. Sûrement parce que la rupture est intemporelle et je voulais faire quelque chose d’intemporel.

P&S : Donc tu n’as pas écouté de musique du tout pendant que tu travaillais sur cet album ? 

Maarten : Je travaillais tout le temps, donc je n’avais pas l’opportunité d’écouter quoique ce soit. Ce n’est pas vraiment un choix, c’est juste que je prends pas le temps. Ça parait bizarre je sais, mais tous mes amis qui ne travaillent pas dans la musique, ils vont travailler et ils peuvent écouter de la musique toute la journée mais mon travail c’est de faire de la musique.

J’ai pas besoin de vivre une vie de débauche, de sexe, drogue et rock and roll pour trouver quoi dire.

P&S : On parle souvent de l’important de la Muse en art, et cet album parle de laisser de côté les forces féminines de ta vie, et de te concentrer sur ton propre côté féminin. Comment en es-tu venu à cette réalisation ? 

Maarten : La réalisation s’est un peu imposée à moi disons. C’était la première fois de ma vie que je me retrouvais seul de ma vie. Toute ma vie, j’ai été gâté par l’amour d’une femme. D’abord par ma mère puis par mes copines successives. Ce n’est pas sain pour un homme de s’appuyer constamment sur une femme. C’était nécessaire et surtout j’ai réalisé que toutes les chansons que j’avais écrites dans le passé sur mes anciennes copines, c’était une projection d’un fantasme masculin alors on utilise juste les femmes de notre vie pour créer quelque chose. Cela vient de notre propre anima, c’est à dure notre côté féminin. Maintenant, par exemple, j’ai une copine et je l’aime mais ce n’est plus ma muse, parce que la muse est en moi, elle vit en moi. Je sais que ça a l’air un peu spirituel mais c’est très intéressant parce que ça m’a appris que je n’avais pas besoin d’aller chercher l’inspiration et que mon subconscient est là pour ça. J’ai pas besoin de vivre une vie de débauche, de sexe, drogue et rock and roll pour trouver quoi dire. Si tu vas chercher dans ton imagination, tu peux vivre une vie heureuse et quand même écrire des chansons sombres et mystiques.

P&S : Tu as collaboré avec Sylvie Kreusch sur les albums précédents, on l’entend à peine sur celui-ci. Est-ce une autre manière de montrer que tu deviens plus autonome par rapport aux femmes de ta vie? 

Maarten : Oui, ça me paraissait un peu bête de faire un album de rupture où je m’éloigne des forces féminines qui m’entourent et que l’on entende une voix de femme. C’est Sylvie qui m’a fait la remarque, elle trouvait l’album trop personnel pour qu’elle y pose sa voix. Elle est très intelligente. On verra sur de prochains sujets si on continue de collaborer.


Alma Jodorowsky et Jehnny Beth dans Split (2023)

Lors du Champs-Élysées Film Festival qui se déroule actuellement du 20 au 27 Juin 2023, le cinéma des femmes est à l’honneur. Avec la catégorie Girl Power, le festival propose la projection de nombreux films et de tables rondes centrés autour de la question de la femme à l’écran (et derrière la caméra). Pour sa série, Split, la journaliste et autrice Iris Brey a fait appel à Paloma Garcia Martens, une coordinatrice d’intimité dont le travail a été montré dans le documentaire réalisé par Édith Chapin, Sex is Comedy. 

Split, une série progressiste

Avec Alma Jodorowsky et Jehnny Beth, la série retrace l’histoire d’Anna et Eve. Anna est cascadeuse et Eve est actrice et musicienne et elles se rencontrent sur le tournage d’un film sur Musidora, icône Vamp du cinéma muet. Dès les premières scènes, on voit l’attirance entre les deux femmes. Si Eve a fait son coming out très jeune, il n’en est pas le cas pour Anna, alors en couple avec un homme au début de la série.

Une romance nait très vite entre elles et des scènes d’amour sont montrées. Si nous n’avons pu voir que deux épisodes, le documentaire s’attarde sur ces scènes d’amour et sur la coordination de celles-ci.

La série se veut politique, progressiste et bienveillante à l’égard de ses actrices, chose qui, n’est pas aussi répandue qu’on le croit. À travers des scènes subtiles, on voit Eve être poussée à bout par la réalisatrice (du film tourné dans la série), qui la force à une intimité à laquelle elle ne consent pas avec son partenaire de jeu. Cela montre les prémices et les enjeux du documentaire Sex is Comedy réalisé par Édith Chapin.

Une première réalisation remarquable

Split est la première réalisation d’Iris Brey et c’est très prometteur. Le projet s’inscrit directement dans la lignée des précédents écrits de la journaliste (Sex and the Series, Le Regard féminin : Une révolution à l’écran…) qui ont l’objectif de déconstruire et de poser un regard neuf sur la perception du corps de la femme au cinéma.

Au sein de Split, la sexualité féminine est joliment mise en lumière, les plans sont beaux, poétiques et laissent entrevoir toute la sensibilité de la réalisatrice. Malgré les quelques scènes d’amour qui parcourent la série, il n’y a aucune scène de nue, mais des gros plans, des focus sur une bouche, une main, un regard. La sensualité y est subtile et délicate, plaçant la femme non plus en objet de désir mais en pleine possession de ses envies. La série réfléchit sur le schéma hétérosexuel et sa place dans l’émancipation d’une femme : « Être lesbienne, c’est devenir inexistante et menaçante; c’est quitter un système où tu as de la valeur ».

Sex is comedy : un documentaire nécessaire 

Pour les scènes d’amour dans Split, Iris Brey a fait appel à Paloma Garcia Martens, coordinatrice d’intimité. Si le concept est encore un peu étranger sur nos lèvres en France, la coordination d’intimité a fait son apparition aux États-Unis il y a un peu plus de dix ans. Un.e coordinateur.rice d’intimité est sur le plateau pour accompagner les acteur.rices lors de scènes d’amour et de nudité. Cela inclut donc des séances de respiration entre deux acteur.rices et d’apprendre à connaitre le corps de son partenaire, avant de commencer le tournage.

Tout ça nous est expliqué dans le documentaire Sex is Comedy d’Edith Chapin, projeté juste après le visionnage des deux premiers épisodes de Split. Il s’agit ainsi d’un projet double entre la série et le documentaire. Le documentaire se concentre sur la place de la coordinatrice d’intimité dans le tournage de Split, et du renouveau que cela apporte sur les tournages. Pour citer Iris Brey, il ne s’agit pas de rectifier mais de montrer ce qui lui a manqué, en tant que femme, dans les médias. Avec ce nouveau métier, il y a volonté de rendre le cinéma meilleur, plus bienveillant et respectueux des acteur.rices.

Pour d’autres visionnages Girl Power, rendez-vous sur la plus belle avenue du monde jusqu’au 27 juin prochain.