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Interview

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La famille la plus connue du rock indé s’apprête à publier leur 4e album Forgiveness is Yours, un opus dans la continuité du précédent mais qui, par ses circonstances de création, fut le plus difficile à concevoir selon les dires de Lias Saoudi, le chanteur et leader du groupe, qui nous a fait l’honneur de répondre à nos questions.

Le groupe a récemment connu une rupture difficile, causée par le départ de Saul Adamczewski, bras droit de Lias Saoudi, compositeur et arrangeur hors pair. Sans lui, la famille recomposée est comme à nu, obligée de repenser son processus créatif. Avec Forgiveness is Yours, la nouvelle version du groupe parvient à poursuivre leur chemin plus pop, démarche entamée sur l’album précédent, tout en conservant une grande liberté expérimentale. Moins facile d’accès, il déploie sa généreuse force au fil des écoutes.

Fat White Family - Crédit : Louise Mason
Fat White Family – Crédit : Louise Mason

Si l’on en croit Lias Saoudi : « Les thèmes esthétiques prédominants ici sont la léthargie et une léthargie encore plus profonde ». Le groupe n’a jamais été réputé pour être de joyeux lurons, on préfèrera même les qualifier de sombres lardons. Leur folie, décuplée en live, découle de leur désespoir et de leur vision pessimiste du monde. Lias Saoudi n’en est pas moins très agréable et accessible en échange, masquant derrière son joli sourire l’obscurité qu’il porte sur ses épaules. C’est la création qui le fait tenir, il en est même hyperactif (projet live en solo, livre publié récemment, collaboration avec Decius…).  Avec lui, on a parlé du nouvel album, de littérature, et de John Lennon. Il entame la conversation :

Lias Saoudi – Fat White Family : J’avais un concert l’autre jour, je me sentais malade, et vulnérable. Je deviens vieux.

Pop & Shot : Tu peux encore performer quand tu es malade comme ça  ?

Lias Saoudi – Fat White Family :  C’est horrible, mais tu dois le faire. Pas le choix. C’est comme n’importe quel boulot. T’as du monde sur la route avec toi. Si t’annules, t’es baisé.

Pop & Shot : C’était un concert solo ou avec Fat White ?

Lias Saoudi – Fat White Family: Avec Decius. On a beaucoup de concerts avec Decius. On joue ce week-end à Saint Malo d’ailleurs.

Pop & Shot : A la Route du rock, oui ! Pour la session d’hiver. Je comptais justement en parler, parce que je vous ai vu à la Route du rock il y a deux ans.

Lias Saoudi – Fat White Family : Oh oui, c’était une bonne celle-là.

Pop & Shot : C’était incroyable, un des meilleurs concerts de ma vie.

Lias Saoudi – Fat White Family : On avait beaucoup à prouver. C’était juste après s’être séparés avec Saul, j’avais pris de l’acide et d’autres trucs pharmaceutiques. Un combo à éviter. La tête d’affiche avait sauté. Gizard wizard lizard. 

En tête d’affiche pour une fois. Enfin ce qu’on mérite. Les dieux nous ont souris.

Pop & Shot : Oui, vous remplaciez les King Gizzard pour un concert à 1h du matin. 

Lias Saoudi – Fat White Family : En tête d’affiche pour une fois. Enfin ce qu’on mérite. Les dieux nous ont souris.

Pop & Shot : A ce moment-là, vous aviez déjà composé le nouvel album ?

Lias Saoudi – Fat White Family : Non, on était à mi-chemin. La première partie a été faite avec Saul. Puis il y a eu la rupture. C’était son bébé. On a travaillé dessus longtemps. On avait des chansons mais qui n’étaient pas prêtes à devenir un album encore.

Pop & Shot : Mais tu es content de sortir cet album quand même, malgré les circonstances ?

Lias Saoudi – Fat White Family : Je suis content qu’il soit fini, oui (rires). C’était un challenge personnel vraiment difficile mais on devait prouver qu’on pouvait le faire sans lui. Je suis sûr qu’il le déteste / le détestera.

Pop & Shot : Tu l’espères ?

Lias Saoudi – Fat White Family : Je m’en soucie pas vraiment.

Pop & Shot : Cet album parle du pardon non ?

Lias Saoudi – Fat White Family : Oui apparemment. La rumeur dit ça (rires).

Pop & Shot : Quand as-tu commencé à le composer ?

Lias Saoudi – Fat White Family : Dans une cave à Belleville – Ménimontant en 2019. J’étais en train d’écrire de la très mauvaise poésie en écoutant Marlene Dietrich et en buvant du vin rouge avec mon ami Mike. C’est là que tout a commencé, je le réalise seulement maintenant.

Pop & Shot : Et qu’est ce qui est venu en premier ?

Lias Saoudi – Fat White Family : La première chose que j’ai écrite pour cet album est la chanson d’ouverture justement : « The Archivist ». Du spoken word, une pièce empruntée à T.S. Eliott. Tu as déjà écouté ses enregistrements sur YouTube ? La façon qu’il a de slamer. C’est génial.  Ensuite, il y a eu « Visions of pain ».

C’est claustrophobique quand les choses sont figées. C’est mieux qu’elles soient ouvertes à l’interprétation.

Pop & Shot : Je l’adore justement. De quoi parle-t-elle ?

Lias Saoudi – Fat White Family : J’essayais de m’attaquer à Aguas de Marco. Sa version de « Waters of March » d’Art Garfunkel. C’est un classique brésilien. J’étais vraiment  à fond dans Marlene Dietrich. Cette idée de revisiter les standards, de les réécrire. J’avais l’habitude de travailler avec Saul. Il me donnait la mélodie et j’écrivais tous les textes. J’ai essayé de faire ça en changeant quelques trucs, dont la musique. C’est pas à propos de quelque chose en particulier. C’est juste un mood à capter. Tout n’a pas à être délibéré et pensé. C’est claustrophobique quand les choses sont figées. C’est mieux qu’elles soient ouvertes à l’interprétation.

Pop & Shot : Une chanson que j’adore aussi, c’est « John Lennon », qui prend le contrepied des précédentes introductions de vos albums. La chanson prend son temps pour évoluer tandis qu’une chanson comme « Feet » (ouverture de Serf’s up) met direct les pieds dans le plat (rires).

Lias Saoudi – Fat White Family : Je crois que tu veux toujours ouvrir avec un banger. J’aime beaucoup celle-ci parce qu’elle elle a la même énergie que « Raining in your mouth ». Elle va quelque part, elle trace un chemin. Je pense que quand on bossait avec Saul, il y avait beaucoup de choses supers comme ses arrangements et sa musicalité. Il était très fort et j’entends parfois son absence sur ce nouvel album. Mais l’un des avantages ici, c’est que j’étais plus libre de juste performer. Quelle que soit la raison, cet espace ne s’était pas ouvert via de notre relation avec Saul. Et c’est pas une accusation que je porte. C’est juste pas arrivé. Il y a un peu plus de liberté là, et de performances vocales. On est dans une approche et une production plus live. Je trouve que c’est rafraichissant.

Pop & Shot : C’était justement un des sujets dont je souhaitais parler avec toi, les performances vocales dans l’album. On entend de multiples manières d’utiliser la voix comme matière. A quel point c’était important de creuser ces différentes manières de chanter et de poser ta voix ?

Lias Saoudi – Fat White Family : Très important. J’avais plus de liberté. J’ai fait comme je l’ai voulu, comme je le sentais, sans trop de préméditations. J’essayais souvent de faire une prise, quand c’était possible, et de laisser même quand il y avait des erreurs.

J’ai rencontré Yoko quand j’étais vraiment défoncé à la K et elle m’a dit que je lui faisais penser à son mari.

Pop & Shot : Pour revenir au morceau « John Lennon », le titre m’a interpellé, parce que c’est une figure pleine d’optimisme porteuse d’espoir qui prône la paix connue de tout le monde, un état d’esprit qui ne vous correspond pas vraiment disons. Pourquoi l’avoir appeler comme ça ?

Lias Saoudi – Fat White Family : Ça part d’une vraie histoire en quelque sorte. J’ai rencontré Yoko quand j’étais vraiment défoncé à la K et elle m’a dit que je lui faisais penser à son mari. J’ai trouvé ça très drôle. Elle m’a dit : « tu me rappelles mon mari. Il était chanteur aussi tu sais ? » (rires). J’étais là : je suis au courant oui (rires). C’est fascinant. C’est sûrement la chose la plus triste qui est arrivée dans la musique. Personne ne s’en est jamais vraiment remis. C’était John Lennon bordel. Qu’est-ce qu’on fait maintenant avec ça putain ? C’était le Jésus du 20e siècle.

Pop & Shot : Il l’a dit lui-même : « je suis plus grand que Jesus ».

Lias Saoudi – Fat White Family : John était aussi un personnage. Derrière le peace and love, il y avait aussi beaucoup de noirceur. Des côtés plus sombres. C’est intéressant et drôle cette idée de lui revenant vers Yoko depuis sa tombe pour l’inviter à le rejoindre. C’est ce que j’ai pensé à ce moment-là, quand j’étais défoncé à la K. J’ai imaginé John qui souhaite à tout prix revoir sa femme (rires). 

Pop & Shot : Et tu l’as écrite quand tu étais encore défoncé ?

Lias Saoudi – Fat White Family : Non (rires). Après avoir écrit mon livre, j’étais dans un mode d’écrit particulier, celui de l’essai, ce que j’avais pas fait depuis l’école. C’était la période où je devais commencer à écrire les textes pour l’album. Je me suis alors mis à cet exercice, idée du poète Zafaar Kunial, qui consiste à écrire un poème par jour pendant un an. J’ai essayé pendant un mois. On se donnait des thèmes tous les jours. Le 2e ou 3e, il m’a donné John Lennon et j’ai écrit ça. Ça m’a aidé à recommencer l’écriture. C’est bien d’avoir quelqu’un à côté pour te soutenir. Si tu as dit que tu le faisais, tu le fais, peu importe si c’est mauvais. Zafaar Kunial un putain de poète, tellement génial même que j’ai fini par arrêter l’exercice au bout de quelques semaines parce que c’était un peu déprimant.

Pop & Shot : Ca n’est pas pareil d’écrire des chansons et d’écrire des poèmes.

Lias Saoudi – Fat White Family : Pas du tout effectivement. tu peux écrire plein de merdes en chansons, qui seraient impossibles en poésie. La plupart des lyrics, si tu les mets sur papier, c’est des déchets. Mais c’est cool, parce qu’ils ont pas pour objectif d’être de la grande littérature. La poésie c’est le plus difficile. Tu dois être très patient

Les ventes d’albums ni les royalties ne rapportent pas assez pour en vivre.

Pop & Shot : Sur le précédent album, vous disiez avoir eu quelques pressions de la part du label et du management, vous vous êtes sentis plus légers par rapport à ça sur celui-ci ?

Lias Saoudi – Fat White Family : La seule pression venait de nous-même et du fait qu’on avait déployé beaucoup d’énergie et d’argent à essayer de maintenir la relation avec Saul. On avait plus de fonds ni de temps. C’était ça la pression. On devait livrer un album pour pouvoir tourner. Les ventes d’albums ni les royalties ne rapportent pas assez pour en vivre. On a dû établir de nouveaux codes et une nouvelle façon de travailler, via une nouvelle dynamique. La pression venait de là principalement.

Pop & Shot : Mais alors ce que vous avez écrit sur Instagram  » Je n’ai jamais connu de période de paix, de compréhension et de tranquillité plus grande que celle que nous avons passée à faire ce disque. Ce disque a été une orgie de compréhension”, j’en déduis que c’est du second degré ? (rires)

Lias Saoudi – Fat White Family : Oui j’étais complètement sarcastique, je confesse (rires). Ça a été tout l’opposé d’un moment d’écoute et de compréhension.

Pop & Shot : La tournée pour cet album s’annonce comment ? Qu’est ce qui va changer par rapport aux précédentes avec cette nouvelle version du groupe ?

Lias Saoudi – Fat White Family : Y’aura quelques changements. J’essaie de faire en sorte que mon corps soit en forme. Les dernières tournées m’ont défoncé physiquement. L’objectif est d’être prêt à ce niveau-là. Sinon, j’ai peur que quelque chose de grave arrive à mon corps (rires). Mais comme d’habitude, j’ai envie qu’on y mette la plus grande énergie et intensité. Les albums sont toujours un moyen d’arriver à ça finalement. Ça se joue sur scène.

Pop & Shot : Tu as un vrai sens de la performance.

Lias Saoudi – Fat White Family : J’adore ça. Je déteste les tournées en revanche. Ta vie est soumise dans ces moments-là. T’as seulement une heure par jour de vie active pour toi. T’arrives pas à te concentrer, à lire, à évoluer, à apprendre, à te connecter… T’es un zombie.

Pop & Shot : Tu performes en solo également, hors tournée, comme l’année dernière à l’Internationale, une mini salle parisienne.

Lias Saoudi – Fat White Family : Oui, je fais ça de plus en plus. Ça me permet de m’amuser et de tester de nouveaux morceaux en live. J’aime beaucoup jouer de cette manière. C’est très différent. tu peux parler, lire, c’est une autre approche plus intimiste. C’est quelque chose que je peux faire sans devenir complètement taré pour le reste de ma vie, sans me péter le dos par exemple. 

Ça ne me dérangerait pas un jour d’écrire des textes pour des pièces théâtrales et musicales dans ce genre. Ce genre de merde

Pop & Shot : Dans la dernière chanson de l’album, vous reprenez le thème de Cendrillon non ?

Lias Saoudi – Fat White Family : T’es pas la première à dire ça. J’en avais aucune idée. J’ai pas écrit la mélodie. C’était le saxophoniste Alex White. Quand les gens ont commencé à me le dire j’étais là « quel cendrillon ? » (rires). Je pense que c’est dedans tu as raison, mais ce n’est pas volontaire. C’est une musique très lyrique. Ça ne me dérangerait pas un jour d’écrire des textes pour des pièces théâtrales et musicales dans ce genre. Ce genre de merde (rires).

Lias Saoudi / Fat White Family – Crédit : Julia Escudero

Interview par Léonard Pottier & Julia Escudero

Le groupe se produira en concert le 25 mai au festival Levitation (Angers), le 27 mai à la Cigale (Paris), le 03 juillet au Grand Mix (tourcoing), le 04 juillet au transbordeur (Lyon) dans le cadre du festival transbo summer sessions.

L’album « Forgiveness is Yours » paraitra le 26 avril 2024.

Cover de l'album "Forgiveness is Yours" - Fat White Family
Cover de l’album « Forgiveness is Yours » – Fat White Family

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Pénélope Bagieu par Pénélope Bonneau Rouis

Jury du Champs-Élysées Film Festival cette année, l’autrice et illustratrice Pénélope Bagieu nous parle de son intérêt pour le cinéma indépendant, de la place des femmes dans la BD, de savoir si on est auteur et de l’envie de tout cramer. Rencontre.

P&S : Bonjour Pénélope, tu fais partie du jury du CEFF cette année, est-ce qu’il y a un film que tu attends de voir particulièrement ? 

Pénélope : J’ai fait exprès de ne pas trop lire quoique ce soit sur les films que j’allais voir. Je voulais pas me faire de pré-idée, je savais même pas de quoi ça parle et même pendant les speechs d’intro, j’essaye de pas trop écouter, je veux pas savoir si ça a été un film qui a été long à monter. Mais tous ceux que j’ai vu pour l’instant étaient supers.

P&S : Ça représente quoi pour toi le cinéma indépendant ? 

Pénélope : J’ai l’impression que le cinéma indépendant, c’est le cousin le plus proche de la BD dans le cinéma. Parce qu’on a un peu le même genre de moyen et on se concentre sur la même chose. C’est à dire de parler de l’histoire de gens en essayant de créer de l’empathie. On parle de choses du réel, avec parfois un twist un peu fou mais en tout cas, notre objectif c’est de créer des liens avec des personnages qui sont forts et qui sont réels. C’est ce sur quoi on se concentre dans l’écriture et c’est pour ça que tous les films que je vois là, il y a un petit clic en moi. Je me dis que c’est super cette façon de tourner le dialogue, le soin apporté à ça, je pense que c’est le même questionnement que celui qu’on apporte en BD. Ça marche bien avec nous. Enfin je dis « nous » comme si on était pleins d’auteurs de BD à être là mais même en tant qu’auteur.

P&S : Et pourquoi tu as accepté d’être jury pour ce festival là ? 

Pénélope : Je trouve ça super que ce soit une sélection française et américaine et que tout soit mélangé. Je regarde même pas la nationalité du film que je vais voir. Et j’aime bien que ce soit doc et fiction, c’est deux aspects du réel qui sont vraiment complémentaires et c’est quand même une très très bonne sélection. J’ai l’impression que c’est un peu la crème du cinéma indépendant. C’est aussi des films, qu’à priori, j’aurais pas pu voir en salle de ciné ou du moins très difficilement. Je me sens assez chanceuse de les voir.

J’ai l’impression que le cinéma indépendant, c’est le cousin le plus proche de la BD dans le cinéma.

P&S : Cette année, le cinéma des femmes est à l’honneur avec la catégorie Girl Power. Comment tu vois cette place grandissante au sein des festivals de cinéma ? 

Pénélope : J’ai pas vraiment d’expertise là-dessus parce que je suis pas hyper calée en festival de cinéma et d’ailleurs en cinéma non plus mais je pense qu’au moment où en BD, on a mis en place le collectif des créateur.ices de bande-dessinées, il y a 50/50 qui s’est dessiné dans le cinéma. Le fait de se dire qu’il est temps que ça reflète la diversité dans la création, il faut que les institutions prennent des positions fortes de parité, de mise en avant et qu’elles jouent le jeu. Donc c’est un moment décisif.

P&S : D’ailleurs, il y a plusieurs de tes œuvres qui ont été adaptées au cinéma, Joséphine, La Page blanche, et même Les Culottées en série.  Quel a été ton rôle dans ces projets ? 

Pénélope : Il y a une formule différente par projet on va dire. Joséphine, j’ai eu aucun rapport avec la réalisatrice. Elle avait envie de faire son truc. Pour La Page Blanche, c’était un peu différent parce que j’ai pas écrit le scénario mais j’étais plus intriguée par ce qu’il se passait et j’ai beaucoup aimé le film donc j’étais contente de voir ça. Les Culottées, c’était un peu particulier. Il y avait plusieurs productions qui avaient envie de l’adapter et il fallait choisir. Quand j’ai rencontré les productrices de Silex, les idées qu’elles avaient m’ont fait me dire que c’étaient elles qu’il fallait pour ce projet. J’étais tellement en confiance et elles ont confié le projet à deux réalisatrices dont c’était le premier grand projet juste parce qu’elles leur faisaient confiance. Ça a été scénarisé par deux femmes scénaristes. Je me disais « qui mieux qu’elles peut comprendre l’enjeu de ça? »  Pas juste parce que c’étaient des femmes mais parce que leur discours était très engagé. Je les voyais pas dépolitiser le truc.

P&S : En parlant des Culottées, tu as récemment annoncé qu’il y allait y avoir une adaptation à la Comédie Française qui affiche déjà complet. Comment le projet a vu le jour ?

Pénélope : Alors là, pour le coup, 100% sans moi. J’ai appris que les droits étaient auctionnés et un jour j’ai appris que la pièce était faite. Mais j’ai très hâte de la voir.

 Je mets des personnages féminins par défaut, c’est vraiment mon neutre.

P&S : Dans chacune de tes oeuvres, tu mets toujours en scène des femmes. Des héroïnes, des personnages banals. Est-ce que c’est important pour toi de parler de personnages féminins dans le milieu de la BD qui reste encore très masculin ? 

Pénélope : Je me pose pas la question en me demandant si c’est important ou s’il y a une responsabilité. C’est très égoïste le travail en bande-dessinée.  Je mets des personnages féminins par défaut, c’est vraiment mon neutre. Je me dis pas « Je vais mettre une femme. » Je me dis que ce sera l’histoire de quelqu’un qui fait tel truc et pour moi quelqu’un c’est une femme en fait. Ce qui serait l’inverse ce serait de me dire « peut-être pour changer je vais mettre un mec » et là ce serait méga artificiel et ce serait une posture fausse qui m’intéresse pas. Et puis, il existe déjà quelques livres dont les personnages principaux sont des mecs donc ça va. Il se trouve aussi que dans ce que je lis, ce que je regarde, c’est les histoires de femmes qui m’intéressent. J’ai passé les trente premières années de ma vie à entendre que des histoires d’hommes et c’est pas un acte militant, c’est inconscient. J’ai une faim de rattrapage de tous ces récits que j’ai pas entendu, qui ne sont pas que ceux des femmes mais aussi ceux qu’on a tenu à l’écart de la narration. J’ai juste envie d’écrire et d’entendre les histoires de ceux qu’on a moins entendu.

J’ai passé les trente premières années de ma vie à entendre que des histoires d’hommes

P&S : Est-ce que tu as ressenti une évolution des mœurs entre tes débuts et maintenant dans le monde de la BD ? 

Pénélope : Alors, oui j’ai senti une évolution extraordinaire entre quand j’ai commencé il y quinze ans et maintenant. J’aurais pas du tout fait la même chose aujourd’hui et les livres que je fais aujourd’hui j’aurais pas pu les faire il y a quinze ans. Je pense que le changement est venue des très jeunes autrices, arrivées après moi. Je pense qu’on a toutes un peu un rôle à jouer dans la chaine, à toutes les générations. Mais je pense que celles qui ont vraiment mis un coup de pied dans la porte et qui ont enclenché l’accélération, c’est les plus jeunes, de moins de trente ans. Celles qui ont fait toute leur éducation de BD sans s’excuser d’être des filles, ce qui n’était pas encore le cas pour ma génération. Quand j’ai commencé la BD, je me suis beaucoup excusée d’être une fille et je faisais très attention aux sujets que je choisissais pour que ce soit pas trop clivant, ou qui plairaient aux mecs et derrière moi, t’as eu une génération qui s’est dit « J’en ai plus rien à secouer ». C’est elles qui ont fait les choses, c’est elles qui ont mis les vieux mecs du métier au pas. Même si j’ai conscience que ma génération et les précédentes ont chacune servi à quelque chose dans l’histoire. Moi j’ai l’impression que quand j’ai commencé à faire de la BD et que j’étais très médiatisée, c’est parce que j’étais une femme. Et il y avait un peu le truc curiosité médiatique de se dire « une fille dans la BD?! » alors que j’étais pas du tout la seule. Mais avant moi il y avait que trois exemples qu’on citait tout le temps genre Claire Brétecher. On a ouvert la porte et cette nouvelle génération l’a juste défoncée quoi ! Et ça s’engouffre avec une richesse et une force incroyables.

On a ouvert la porte et cette nouvelle génération l’a juste défoncée quoi !

P&S : Tu es autrice, illustratrice, militante et tu participes justement à cette idée de transmission et de rôle à jouer dans la chaine. Est-ce que tu as connu quelqu’un, une femme, qui t’a offert cette transmission ? 

Pénélope : Peut-être pas en la connaissant en direct mais parmi les artistes femmes dont je lis le travail, il y a celles dont je me dis « c’est exactement ça que je pense ». Il y en a plusieurs. En premier, Louise Bourgeois. Son parcours devrait être plus mis en avant, que les jeunes artistes soient plus au courant. Elle a quand même vécu cent ans, et a attendu très tard pour pouvoir créer parce qu’elle était contrainte par une vie de femme, qui l’empêchait de créer et elle a pu vivre de son art ensuite. J’ai lu une anecdote merveilleuse sur elle. Quand ses enfants sont partis de la maison, elle a transformé la cuisine en atelier. Elle aura plus à faire à manger à des gens et elle va pouvoir créer en fait. Je pense que même si on est plus à cette époque là et que les femmes ne sont plus aussi enchainées à ça, on est quand même enchainées à toutes les injonctions que l’on ressent en tant que femme et je trouve que c’est très éclairant de se dire que l’on finit toujours par trouver un chemin parce que le besoin de créer nous dévore, il nous submerge. Et cette femme qui a eu le gros de sa carrière -et quelle carrière!- entre ses 50 et 100 ans, moi qui en ai 41, je trouve ça incroyable. Et pour l’étincelle plus jeune, ça reste Tove Jansson qui a exactement la carrière que je veux. J’aimerais me calquer dans ses pas et dans ses choix de carrière. Pour moi, c’est la femme qui vit par l’idée de faire ce que l’on aime. Si ça ne lui plait pas, elle le fait pas. Il n’y a que quand on dessine par plaisir que l’on fait dans des bonnes choses. La joie ne peut venir que de choses sincères. Les Moomins ça cartonnait et un jour elle s’est dit « ça ne m’amuse plus, j’arrête » et elle a arrêté et elle est partie dans sa petite baraque sans électricité sur une ile avec sa meuf. Je me dis toujours « N’oublie pas! Que ferait Tove? » Si ça t’amuse pas il faut pas le faire. C’est un mantra pour moi. Il ne faut faire que les projets qui me font plaisir et ça paye vraiment.

 C’est très éclairant de se dire que l’on finit toujours par trouver un chemin parce que le besoin de créer nous dévore.

P&S : Dans une interview, tu parles de légitimer la colère féminine. Est-ce que c’est un moteur principal pour toi, la colère ? 

Pénélope : Ça l’est un peu moins maintenant. Je vais être très honnête, depuis un an, ma colère se transforme en angoisse. J’arrive plus à avancer en me disant juste que l’on va y arriver en pétant tout. Le climat s’est tellement durci depuis un an en terme de fascisme, de privation de liberté. Je commence à me décourager. Mais le militantisme reste collectif, joyeux. Il reste la seule source d’espoir. Oui, il faut continuer de puiser dans sa colère en tant que femme, c’est une source infinie vu que l’on aura toujours des raisons d’être en colère. Je pense que de mon vivant, je ne verrai pas l’égalité. Toute ma vie, quand je commencerai à me dire que je suis bien dans mon petit fauteuil, je me redresserai et « putain, c’est vrai j’avais oublié, faut tout cramer ». Je serai toujours ramenée à l’envie de tout cramer mais je trouve que c’est dur en ce moment. On a l’impression de vraiment perdre du terrain et que ce retour de baton, il est vraiment plus violent que prévu. Il y a beaucoup de moments où ça me démoralise mais justement, je suis un peu vivifiée par l’engagement de la jeunesse, des jeunes femmes. Je trouve que les visages qu’on voit en ce moment, de celles qui osent aller mettre des pavés dans la mare, c’est des meufs de moins de trente ans et qui s’en prennent plein la gueule et qui y retournent. Peut-être que c’est moi qui vieillis et qu’il faut que je me laisse gagner par cette colère toujours intacte des jeunes. C’est marrant parce que Gloria Steinem, elle dit l’inverse. « Normalement on fait un travail complémentaire les jeunes et les vieilles féministes parce que les jeunes sont enthousiastes et les vieilles sont vertes de haine ». Et maintenant j’ai l’impression qu’il faut que je m’inspire de la colère des jeunes.

P&S : Ton dernier livre, Les Strates, est sorti il y a deux ans. Ce n’est pas ton premier projet autobiographique, il y avait eu ton blog Ma Vie est tout à fait fascinante. Pourquoi c’est important pour toi de puiser dans tes expériences personnelles ? 

Pénélope : Je l’ai fait parce que ça me fait plaisir. Il y a rien de plus facile que de faire de l’autobiographie. C’est presque de l’écriture automatique. C’est des histoires que j’ai raconté quinze mille fois à l’oral à des amis et c’est agréable à dessiner et c’est cool de faire des grimaces pas possible à ma propre gueule. J’aurais pu en faire huit cents pages, vraiment ! C’est la récré. C’est ce que je fais depuis toujours mais c’est dur de se dire que c’est suffisamment intéressant pour être dans un livre. Il n’y a pas que les mémoires d’un auteur de cinquante ans qui se pose des questions pas possibles qui sont intéressantes. Ce qui est dur, c’est de transformer ce truc qu’on fait intuitivement et joyeusement quand on est une femme, ce petit vivier de trucs qu’on connait, et d’admettre que c’est une histoire légitime. C’est ma façon de le raconter qui va faire que c’est une bonne histoire. Même si je raconte que je vais acheter du pain et que j’ai oublié ma monnaie et que je le raconte bien, eh ben c’est une bonne histoire donc il faut arrêter de se dire qu’on est pas à la hauteur et toutes les histoires valent la peine d’être racontées.

P&S : Quand est-ce qu’on devient auteur selon toi ? 

Pénélope : Si tu aimes écrire et qu’il y a une personne qui aime ce que tu écris, t’es auteur. J’ai affiné au fur et à mesure du temps parce que j’attendais qu’on me donne mon pin’s d’autrice. Je disais que « je faisais mes petites BD » et j’admirais trop les gens qui se disaient auteurs. J’aurais trop aimé être capable de le dire avec aplomb et puis je me suis  dit : « J’aime écrire, je peux y passer la journée et il y a au moins une personne sur terre qui aime ce que j’écris… c’est bon je suis autrice ». Il faut enlever la considération économique je pense. Que tant que t’en vis pas, t’es pas auteur… C’est archi faux, de tous temps, les auteurs ont crevé la dalle. Si quelqu’un a hâte de lire ce que tu as écrit, t’es auteur. Voilà.

P&S : Dernière question, parce qu’on est à un festival de cinéma.  C’est quoi tes films cultes  ? 

Pénélope : Ouhla c’est dur. Bon pour moi la pierre angulaire de tout dans la vie, c’est Jurassic Park. Je pense que c’est le film que j’ai le plus vu de ma vie. J’aime énormément le cinéma de Wes Anderson, comme beaucoup d’auteurs de BD, il me donne des frissons en terme de cadrage. Et j’ai un rapport émotionnel très fort avec La Famille Tenenbaum, j’ai envie de vivre dedans. C’est le point commun de toutes les oeuvres que j’aime : quand j’ai envie de vivre dedans plus que dans la vraie vie. Récemment j’ai regardé Salade Grecque. ll y a des choses que j’aime, des choses que j’aime moins, mais je suis admirative d’un truc chez Klapisch, il est l’auteur qui perd jamais le fil de la jeunesse. J’aimerais comprendre quel est son secret pour comprendre à ce point la jeunesse. C’est l’anti-boomer. J’adore ses personnages féminins qui sont supers, il a pas attendu que ce soit cool pour le faire et il est jamais à côté de la plaque. Il choisit un quartier de Paris et on y est, les gens qui parlent on les connait. Dans Salade Grecque, l’épisode de Noël, qui sait mieux faire une scène de repas de famille que lui ? Quel maestro quoi. J’adore Cédric Klapisch, je suis vraiment originale…C’est un boss.


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Association à but non lucratif créé en 1989, le Fair accompagne le développement d’artistes émergents dans le but de les professionnaliser.  Une action qui a fait ses preuves puisque nombreux sont les très grands noms de la musique française a y avoir fait leurs premiers pas : de NTM à Louis Attaque en passant par Jain, Eddy De Pretto, Christine and the Queens ou encore Pomme, la liste est édifiante. En 2020, le Fair laçait une nouvelle formule avec non plus une mais deux sélections par an, puis en 2023 deux programmes d’accompagnement différents : émergence et expérience.

Le Fair« C’est venu de deux artistes qui ont fait le Fair et dont la carrière a décollée d’un coup et ils n’avaient plus assez de temps à nous consacrer. » explique Julie Cerizay chargée de communication du Fair « C’était Eddy de Pretto et Jain. On s’est dit il y a des carrière fulgurantes et notre processus annuel est trop long. De Pretto  par exemple, avait peut-être postulé 6 mois plus tôt mais le temps de suivre le processus de sélection, il avait décollé et manquait de temps. Ces artistes ont avancé, fait des Zénith et puis après ils sont revenus nous voir en disant qu’ils avaient loupé les formations mais qu’ils en avaient quand même besoin, qu’ils avaient toujours des déficits dans le milieu de la musique. » L’association leur propose tout de même des formations, les a accompagné mais en a profité pour se questionner et se réinventer.

Ce succès fulgurant Julie Cerizay ne peut l’expliquer par une recette miracle. Pour elle, il n’existe pas de règle permettant de percer dans la musique : « Certains essaient très fort pendant des années sans que ça ne fonctionne. Pour d’autres, il suffit qu’un média important en parle ou d’un élément déclencheur et tout s’enchaine. Aujourd’hui on voit que l’arrivée de Tik Tok change beaucoup de choses. » Le réseau social est d’ailleurs souvent citer dans le profession, ça a été le cas lors de notre interview de La Femme, comme un nouveau moyen de se faire connaître sans pour autant savoir entièrement comment bien utiliser cet outil. Et de poursuivre : « Tu ne peux pas dire à un artiste qui arrive qu’il existe un chemin tout tracé qu’on peut lui montrer. Nous on donne des bases de structuration surtout. » Le but est de questionner sur la place d’auteur / compositeur dans la filière musicale, comprendre comment tout marche, comprendre les métiers, les contrats et leur donner les clés.Pour préciser cette aide, Le Fair a choisi de scinder ses promotions en deux, les émergents et les expériences.

Une association qui se renouvelle

Julie Cerizay Fair
Julie Cerizay du Fair

L’association a aujourd’hui 34 ans. Depuis son lancement les choses ont beaucoup évolué : « On s’est rendu compte que dans la typologie d’artistes éligibles il y avait un éventail très large de profils à qui profite notre suivi. Beaucoup d’artistes qui sont très entourés n’ont pas toutes les clés. D’autres  sont très émergents. » L’envie de l’organisme est de mieux pouvoir les aider. L’idée est d’avoir un tronc commun mais en prenant compte de l’avancée des artistes. Certains sont à leur premier album et d’autres sont très identifiés par la filière, ont déjà fait les Inouïs, les Chantiers mais ont toujours besoin d’aide… »Pour les émergents on dit qu’on travaille à la fois le projet et l’individu . Un artiste avant avait un groupe et faisait toute sa carrière dans le même groupe. Ce n’est plus le cas maintenant. Un artiste peut avoir un groupe  puis fait un projet solo ou un autre groupe. Notre but est de lui permettre d’évoluer au fil des années. »

Cet accompagnement est pertinent autour de la sortie du premier album. Pour être sélectionné, il faut d’abord répondre à l’appel à candidatures via à un dossier en ligne. L’équipe du Fair fait ensuite une pré-sélection administrative et en pré-sélectionne 150 pour le programme émergence et 30 pour celui expérience :  » C’est notre nombre limite, plus c’est compliqué pour le comité à écouter. Si on voit que malgré la pré-sélection administrative il y a trop de dossiers, on regarde les dossiers. » détaille Julie Cerizay, « Il y a des questions importantes : ce qu’ils attendent du Fair, leurs besoins en formations. On regarde s’ils sont compris l’intérêt du Fair et si on va être utile pour eux.  » Un soutien financier s’ajoute au suivi mais n’est en rien le cœur de l’action du Fair pour les artistes. Une fois les dossiers choisis, un comité de 7 personnes va les écouter. Avant chaque membre du jury choisissait un lauréat. Maintenant, les choses ont sensiblement changé, chaque membre du jury arrive le jour de la délibération avec 3 projets coups de cœur, tout le monde les écoute, s’ensuit les délibérations puis le membre du jury après les discussions choisit le projet qu’il ou elle parrainera et accompagnera.  C’est ainsi que sont choisis les émergents alors que les expériences eux font l’objet d’une discussion et d’un accord global.

Fair un jour, Fair toujours

Plus qu’un simple passage, la relation entre artistes sélectionnés et le Fair ne s’arrête jamais : « Il y a des artistes qu’on a eu il 10 ans, 15 ans qui reviennent nous voir pour nous demander des conseils. Pendant le parcours on leur offre un gros focus et suivi mais la relation se poursuit bien au delà. On leur dit Fair un jour, Fair toujours. »

La notoriété de l’artiste ne l’empêche d’ailleurs en rien de venir à nouveau solliciter l’association avec laquelle il ou elle faisait ses premiers pas. Une notion qu’illustre Julie : « On a commencé à faire des vidéos avec d’anciens lauréats du Fair qui viennent témoigner de ce que c’était pour eux cette expérience. Pomme a été la première a jouer le jeu alors qu’elle était avec nous en 2017. Même si elle est moins dans nos bureaux aujourd’hui, elle vient régulièrement nous demander des conseils, contacts… elle est loin d’être la seule. »

En pratique, l’accompagnement se fait dans les bureaux de l’association. Cette dernière est gérée par une petite équipe de trois personnes qui se donne au maximum pour répondre aux besoins de leurs lauréat.es.  Pour les épauler, un grand nombre de partenaires intervient à leur côté. Pour la formation, un séminaire est organisé. « C’est une sorte de colonie de vacances pendant une semaine. » Évoque avec le sourire Julie. « La journée ils ont des cours dont ils ont besoin et le soir et midi ils ont des moments d’échanges. Ça leur permet de se rencontrer et s’entre-aider. »

Ces moments sont d’autant plus importants qu’aujourd’hui on en demande de plus en plus aux artistes. L’explosion des réseaux sociaux, la gestion de leur image, la photographie, le marketing digital sont autant de nouveaux enjeux pour elles et eux. De plus les contrats dans les maisons de disques sont plus compliqués à obtenir puisqu’il y a de plus en plus de nouveaux artistes sur le marché. Il leur faut souvent apprendre à monter une boite, gérer leurs contrats, découvrir la distribution.

Pour aider à toutes ces démarches le Fair dote les émergents d’une somme allant jusqu’à 6000 euros. Cette association à but non lucratif n’a aucune ressource propre, le ministère de la culture les finance en grande partie. Puis d’autres subventions viennent s’ajouter ainsi que du mécénat. Si la pandémie a comme toujours dans la culture laissé sa trace sur les capacités de l’association, elle arrive néanmoins à s’en sortir et ajuster son budget.

Un chemin qui intéresse grandement les artistes. Depuis octobre 2022,850 candidatures y ont été déposées. Une tendance qui pourrait se poursuivre alors qu’un nouvel appel a été lancé. Si vous souhaitez profiter de ce savoir faire, il est déjà possible de postuler. Pour déposer sa candidature, c’est par ici.

Pour découvrir ces artistes qui marqueront sans aucun doute le paysage culturel français, il faudra attendre le concert organisé au Café de la Danse de Paris dont la date sera communiqué en fin de session d’accompagnement.

Découvrez la sélection du Fair début 2023

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OVNI de la scène française que l’on retrouve partout où on les attend pas, La Femme sortait en septembre 2022 un album en espagnol « Teatro Lucido » avant d’autres opus thématiques à venir allant jusqu’au western. C’est en backstages lors de leur passage aux Francos de Montréal que l’on rencontrait Marlon Mangnée (clavier). Sans langue de bois, le musicien se lâche et livre un portrait au vitriol de l’industrie de la musique. De la scène indé qu’il juge comme faux-cul au véritable rôle des labels, en passant par le rôle de Tik Tok qu’on ne maîtrise pas, la vente d’albums, les difficultés de l’engagement et de l’écologie à appliquer jusqu’au retour du vinyle. Interview essentielle et débats en perspective.

La Femme © JD Fanello
La Femme © JD Fanello

Popshot: Ton dernier album « Teatro Lucido » est sorti en septembre et est intégralement en espagnol. Pourquoi ce choix ?

Marlon Magnée, La Femme :  Ca fait partie d’une odyssée dans laquelle il y aura plein d’albums à thèmes. Au même titre qu’il y aura un thème anglais et peut-être latin.

PnS : Vous allez varier les langues …

Marlon Magnée : Et les styles. Ce sont des concepts, celui ci c’était l’espagnol mais après ce sera western, ça peut être aquatique. Ca peut aussi bien être une langue qu’autre chose.

PnS : Comment tu fais un album aquatique ?

Marlon Magnée : Ce serait des drones, des morceaux méditatifs et calmes. Là par exemple on a mis plein de choses différentes dedans mais le socle sur celui-là c’est l’espagnol.

PnS : C’est quelque chose de très marquant chez La Femme ça. Vous avez des albums aux morceaux complètement variés, comme on peut l’entendre sur « Paradigmes » et pour autant c’est cohérent.

Marlon Magnée : Je sors ce que j’ai envie de sortir. Notre filtre c’est qu’on a envie que ce soit bien et si c’est validé, ça sort. Tout peut être différent, bizarre mais si c’est bien on se pose pas de questions. Avec La Femme on s’autorise tout. On a pensé à faire de la musique paillarde mais finalement Sacha l’a utilisé dans un side project. On s’est dit que ça pourrait compromettre La Femme de l’inclure.

PnS : Pour autant, vous sortez en plein milieu de votre album un titre comme « Foutre le bordel » qui fait très Dutronc  ou un « Lâcher de chevaux »…

Marlon Magnée : On n’a pas forcément pensé à Dutronc mais on voulait un truc un peu en mode électro punk 80’s. Le deuxième c’est Sacha qui a commencé à écrire pour l’album western. J’étais avec lui en studio, j’ai voulu ajouter des synthés et ça a donné un côté Ennio Morricone.

PnS : Vous êtes toujours à contre courant. Au début, c’était rock indé et puis tout à changé. Comment vous en êtes arrivé là ?

Marlon Magnée : Depuis le début c’est un peu notre logique. On aime faire pas comme tout le monde. Quand on voit que les artistes partent d’un côté, on fait autre chose. Là on voit que tout le monde chante en français, nous on va chanter en anglais, en espagnol… on aime être à contre courant.

PnS : Mais vous ne parlez pas toutes les langues que vous choisissez, comment vous faites ?

Marlon Magnée : On se démerde quand même avec google translate, soit on baragouine ou on fait des collaborations avec des gens qui parlent ces langues. On est à deux, on check.

Personne n’est vraiment indépendant dans la musique et ceux qui le sont c’est ceux qui ont vraiment réussi.

PnS : Tu disait d’ailleurs que tout le monde parle de musique indé comme si c’était un registre et justement toi tu t’éloignes de ça et tu dis que ça ne veut rien dire.

Marlon Magnée : C’est de la merde. Les gens se raccrochent à ça pour se donner un genre. Comme si un mec avait de la viande dégueulasse mais voulait absolument un label fait en France ou label rouge. C’est un tampon qui veut rien dire parce que les indés sont dépendants de tellement de choses. Personne n’est vraiment indépendant dans la musique et ceux qui le sont c’est ceux qui ont vraiment réussi. Les Rolling Stones par exemple. Finalement eux sont indépendants, ils ont leur propre catalogue. McCartney aussi. Ils s’en battent les couilles. Les autres indés ce sont ceux qui ont leur groupe électrogène et qui vont jouer dans des champs. Mais qui vont pas être sur I-Tunes, Spotify … parce que si tu veux être dans leurs playlists faut donner de toi, remercier ces plateformes, faire des stories en disant « C’est Marlon, vous m’écoutez sur Deezer » comme les gros artistes faisaient avant sur les radios. Pour moi tout le monde devrait être plus lucide sur le fait qu’on est des produits. Ce qui nous différencie c’est d’être un produit de qualité. C’est comme une machine à lavée qui va tenir 100 ans ou une voiture qui va tenir 100 ans ou de la bonne viande faite avec un cahier des charges. Et nous notre musique on la fait comme des artisans. On écoute nos morceaux, on veut qu’ils vieillissent bien, on prend du temps à faire nos disques, surtout on ne suit pas les lois du marché, on fait ça avec le coeur. Une fois qu’on a fait ce contenu artistique qui est vraiment nous, là il faut le vendre. On n’a pas de gêne par rapport à ça parce que oui il faut vendre des disques. Comme ça t’as pas un taff à côté, on ne fait que de la musique. On peut financer nos propres projets. Par exemple, on a fait un film qu’on a financé de A à Z. Tout ça permet d’étendre notre univers… Les indés ils ont aussi un peu des discours de faux-cul. Souvent ils sont dépendants d’une major et t’as plein d’indés qui signent des deals avec des majors. Comme nous on avait signé un deal avec Barclay. Les gens pensaient qu’on s’était vendus mais c’était notre label qu’on avait créé qui avait fait une licence. On a été beaucoup plus libres en major que dans un label indé.

Les majors c’est pas leur fric donc ils s’en battent les couilles de toi.

PnS : Pourquoi t’es plus libre en major qu’en label indé ?

Marlon Magnée : Parce que les majors c’est pas leur fric donc ils s’en battent les couilles de toi. Tu peux leur apporter du pognon ou pas à un moment ils lâchent l’affaire. Les labels indés comme c’est plus ou moins leur fric, ils sont plus vénères et ils vont vouloir signer des contrats à 360, prendre les éditions, le management. Ils prennent les décisions pour toi, t’as les mains plus liées. Nous comme était tellement bizarres là dedans, ils nous foutaient la paix, on était les artistes du truc.

PnS: Elle sert à quoi la major au milieu de tout ça ?

Marlon Magnée : Elle t’apporte énormément de fric et ça c’est cool. Et elle t’apporte des votes quand tu fais les Victoires de la Musique.

Un article, c’est bien pour la concierge, monsieur tout le monde, ta mère ou le programmateur qui en voyant ça va te programmer.

PnS : Elles apportent vraiment quelque chose les Victoires de la Musique ?

Marlon Magnée : Non pas vraiment mais quand même un peu. C’est comme faire de la promo. Aujourd’hui, je sais pas si t’as pu t’en rendre compte mais un artiste très présent dans les journaux, ça veut pas forcément dire qu’il va vendre beaucoup de disques. Et inversement il y a des artistes qui n’ont pas de présence médiatique et vendent beaucoup. Par contre un article, c’est bien pour la concierge, monsieur tout le monde, ta mère ou le programmateur qui en voyant ça va te programmer, ça enclenche une mécanique. Tu en as besoin pour développer des choses et faire vivre l’album.

PnS : Tu parlais aussi dans une autre interviews des réseaux sociaux, des likes … ça aide en tant qu’artiste ?

Marlon Magnée : C’est vachement important. Plus autant maintenant à l’exception d’un réseau qui peut changer ta carrière, c’est Tik Tok. Malheureusement, je ne suis pas de cette génération, j’ai eu du mal à m’y mettre, j’ai toujours du mal. Mais je vois beaucoup de choses très, très bien dans ce média. Notamment que c’est un game changer et pour beaucoup c’est de la lumière gratuite. On a besoin de balance pour contrer le système établi : on a besoin de tunes et de label. Là n’importe qui peut buzzer à tout moment. C’est comme une loterie c’est ouvert à tout le monde. Nous par exemple, le titre « Elle ne t’aime pas », un influenceur Tik Tok qui s’est fait largué a mis notre morceau et du coup on est revenu dans les charts. Ca nous a aidé, nous a permis de nous maintenir sur Spotify et de maintenir des caps.

Avec Tik Tok on a de l’or devant nous et on comprend pas.

PnS : C’est un peu la même chose qu’il y a déjà eu sur d’autres réseaux avant. Je pense à My Space à une autre époque …

Marlon Magnée : Exactement. C’est ce qui est en train de se passer sur Tik Tok sauf que là on est comme des teubés, on arrive pas à comprendre ce qui se passe. Personne comprend, on a de l’or devant nous et on comprend pas.

PnS : Mais t’es obligé de jouer ce jeu là.

Marlon Magnée : Exactement. Par exemple, pour te dire que label indé ou pas ça ressemble pas à ce qu’on croit. En ce moment on est en ultra indé. Le summum de l’indé c’est quand t’es en distrib, il y a plusieurs paliers et notre distributeur nous a mis la pression pour qu’on fasse une campagne Tik Tok. Ils ont raison, aujourd’hui quand tu sors un disque il faut être dessus. Sauf qu’ils nous ont mis la pression pour payer des influenceurs au Brésil pour qu’ils diffusent notre son. Certes ça a généré des vues mais ça a pas fait la trend qu’on voulait. C’est pour te dire qu’on se sentait plus forcés qu’avec des majors. Sauf que c’est futile à la fin. L’important est que l’artiste fasse l’art qu’il veut et tout ça c’est la façon de le vendre. On ne va pas se leurrer, on vend notre art, on est un produit mais ce qu’on fait c’est avec le coeur. Et ce sont des albums qui resteront pour l’éternité.

Aujourd’hui, la nouvelle génération d’artistes, elle doit mettre les mains dans la merde.

PnS : L’artiste il doit vraiment avoir les mains dans tout ça ou il peut déléguer ?

Marlon Magnée : Tu peux déléguer mais si tu fais ça, tu as deux chances sur dix que ça se passe bien. Si t’as de la chance, ça se passe bien. Si ça se passe bien, tu peux quand même te faire niquer et tu vas te retrouver dans 20 ans sans rien comme on a vu des artistes se faire niquer par leurs managers. Alors aujourd’hui, la nouvelle génération d’artistes, elle doit mettre les mains dans la merde.

PnS : Au milieu des réseaux sociaux, il y a un retour à l’ancien avec le vinyle. Tu sors tes albums sur ce format, tu as fait une sortie pour le disquaire day. Il t’évoque quoi ce retour ?

Marlon Magnée : Ca me parle et en même temps c’est de l’hypocrisie. Parce que je pense que plus de la moitié des vinyles qu’on vend finissent sur une cheminée pour faire joli. C’est du fétichisme, je suis content, c’est plus beau qu’un CD. Mais je ne sais pas si le public les écoute tant que ça, il y a le streaming à côté. Moi j’ai écouté beaucoup de vinyles quand j’avais 15, 16 ans et après ma platine n’a plus marché et depuis je fais de la musique, j’achète des vinyles parfois et je ne les écoute jamais. Ce qui me rend un peu amère par rapport à ça c’est que les majors se sont vraiment approprié ce retour. Il faut attendre 6 mois pour presser parce que les putains de majors vont presser du Rihanna pour des centaine de milliers d’exemplaires, ils privatisent même des usines. Là je suis content parce qu’on bosse avec une usine à Paris qui a refusé de donner l’exclusivité aux majors. C’est bien que tout le monde puisse bouffer et presser. Et puis à la fin reste la question est-ce écologique de rematérialiser ?

C’est difficile pour un artiste d’être engagé parce qu’on t’attend au tournant sur tout.

PnS : Mais Internet est-ce écologique ?

Marlon Magnée : Exactement ! C’est horrible parce qu’on est prisonniers de cette question mais tourner c’est pas écologique … ça rend fou. C’est difficile pour un artiste d’être engagé parce qu’on t’attend au tournant sur tout. Tu trahies tes convictions à tout moment. Là on va faire des tee shirts en tissus recyclés mais même ceux qui font en coton bio ça marche pas. Le coton vient d’Inde, faut les transporter, il y a assez de vêtements sur Terre…


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