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Le 24 février 2023, Fakear était de retour avec un tout nouvel album, « Talisman ».  Pour se faire le musicien a pris le temps de se réinventer mais aussi de se réconcilier avec son double musical Fakear, pour mieux en assumer ses sonorités.  Maintenant loin des majors, il était chez Universal, c’est sur le label indé Nowadays qu’il sort cet opus, plus proche de la nature et avec lequel il compte bien assumer ses engagements pour la planète. C’est en studio que l’équipe de Popnshot l’a rencontré pour un moment fascinant. Outre sa nouvelle façon de percevoir sa musique, le musicien en profite pour parler écologie, lui opposer la vie en tournée, parles des limites de l’exclusivité territoriale, débattre sur les engagements de Coldplay ou de Pomme, parler sans langue de bois de son parcours en major, des différences créatives dans un label indé et prendre du recul sur le rôle de l’artiste. Interview vidéo.

Découvrez l’interview vidéo de Fakear pour « Talisman »

Fakear | Interview Pop & Shot
  • Interview : Julia Escudero
  • Vidéo : Théophile Le Maitre

 

C’est en 2019 que Bagarre publiait son dernier album tout simplement nommé « 2019-2019 ». La pandémie les aura mis à l’arrêt forcé. Aujourd’hui la formation est bien décidée à retourner dans le club et prépare un nouvel opus pour l’an prochain. De passage au MaMA Festival & Convention, nous avons pu rencontrer les 5 indomptables avant un show déjanté à la Machine du Moulin Rouge. On a pu parler évolution de la vie nocturne, prévention, manifestations, Twich, crise du Covid, amour, engagement. Un moment vraiment « super » à découvrir.

MaMA-Festival_Bagarre-Paris_2022
Bagarre – MaMA 2022 – Crédit photo : Louis Comar

Popnshot : Cyril tu t’es cassé  le bras récemment, déjà est-ce que ça va mieux ?

Maître Clap : Ça va mieux merci.

Popnshot : Votre dernier album est sorti en 2019. Aujourd’hui, c’est quoi Bagarre ?

Maître Clap : On a pris le seum déjà.

Majnoun : Et puis aujourd’hui on refait de la scène. On a pris une forme de normalité à jouer toutes les semaines et aussi à être en studio la semaine.

Emma : C’est la scène le weekend, le studio la semaine.

La Bête : On prépare secrètement notre plan d’attaque pour 2023. Il y a l’album et des soirées. Il ne faut pas trop le dire parce que tout n’est pas confirmé mais beaucoup de choses avancent en parallèle.

Le cœur du Monde bat à nouveau on peut travailler

Popnshot : Vous parliez d’une nouvelle ère, vous avez même loué pour ça une maison au bord de la plage. C’est quoi cette ère?

Emma : On est sortis du club.

Maître Clap : On continue le processus d’écriture. On s’était mis en dehors de nos vies normales.

La Bête : Le moment après le Covid même si c’était pas encore fini, on a commencé à se retrouver pour remettre en route la machine. La différence, c’est qu’avant le Covid on avait déjà envie de repenser notre musique mais la pandémie a forcé ce changement puisqu’on n’a rien fait pendant un an et demi. Ça nous a séparé, ça nous a fait voir le nécessaire. Tout ça nous a permis d’aller très vite dans les émotions, la recherche. Notre réaction ça a été d’aller chercher ce qu’on n’a pas eu depuis longtemps et ça se sent dans la musique qu’on fait mais aussi dans les textes. C’est quelque chose qui va chercher les autres, la danse et c’est vrai qu’on peut se dire avec les deux ans de Covid  qu’on allait faire de la musique mais ça ne marchait pas du tout pour nous parce qu’on avait besoin d’être tous les cinq ensemble mais aussi en contact avec le public. Le studio est lié avec son existence sur scène. Temps qu’on en voyait pas le bout on ne pouvait rien faire.

Maître Clap : Ça a du sens, le cœur du Monde bat à nouveau on peut travailler.

Mus : On t’a déprimé là (rires).

il n’y avait plus rien qui se passait, plus rien à dire, donc il ne restait que nous.

Popnshot : Il va parler de quoi ce nouvel album ?

La Bête : on n’est pas sûrs parce qu’on a écrit pleins de morceaux mais on ne sait pas lesquels on va garder. Mais je m’avance pas trop en disant que c’est autour d’amour. Pas forcément au sens amoureux mais au sens nécessaire, le besoin d’amour, le besoin des autres, de vivre quelque chose, de le dire aussi. Tous nos textes sont liés au Covid. Ce qui nous a manqué. Il y a toujours eu quelque chose de nocturne, culture club dans notre musique et là il y a des morceaux qui sont là-dedans. Mais il va y en avoir des plus lumineux et fédérateurs.

Majnoun : Il y aura plus de nous que dans les précédents albums qui étaient tournés vers l’extérieur. On s’est peut-être moins posé la question de quoi on parle et on s’est plus posé la question de la musique et puis après les textes allaient avec. Et puis il n’y avait plus rien qui se passait, plus rien à dire, donc il ne restait que nous.

Popnshot : Super !

Maître Clap : (rires) Parfois on sait pas si on a fait une bonne réponse en interview mais là on est encouragés.

On pouvait faire des soirées gay, des soirées gay friendly pour dire qu’on pouvait se mélanger. Maintenant les soirées sont différentes.

Popnshot : On va vous encourager à chaque réponse maintenant (rires générales) Pour en revenir à ce que tu disais, tu parlais du club. C’est un espace safe pour vous et une notion centrale chez Bagarre. Comment ça a évolué avec le temps pour vous ? En grandissant ça change ?

Maître Clap : Il y a un moment où défendait vraiment l’idée de trouver une safe place dans le club pour qui on a envie et besoin d ‘être. Après tout ce qu’on a vécu, cet enfermement, ça s’est transformé en nécessité d’avoir ça au quotidien. Que ça aille au delà du club, il n’y a pas de raison qu’en dehors du club on ne puisse pas se sentir comme on en avait envie d’y être il y a 3 ans.

La Bête : Les clubs au delà de notre ressenti là-dedans, ils ont énormément changé. Entre 2013 et maintenant ça n’a rien à voir. A l’époque on bossait avec le collectif Vénus avec qui on faisait des soirées gay friendly alors que c’est un collectif lesbien.  C’est pour te dire comme la mentalité de la nuit était différente. On pouvait faire des soirées gay, des soirées gay friendly pour dire qu’on pouvait se mélanger. Maintenant les soirées sont différentes. Il y a les soirées hors les murs qui sont plus rave, il y a des soirées plus organisées. Ce changement fait beaucoup de bien. La musique a changé aussi avant c’était only techno.

Mus : Maintenant c’est bien moins sectaire.  Maintenant tu peux avoir des soirées à thème avec plus de courant musicaux… Hip Hop par exemple…

La Bête : Nous on a changé avec. La consommation est différente. Nous on est surtout en dates maintenant.

  On part du principe que la nuit c’est libérateur mais qu’il faut que tout le monde soit libre.

crédit : Caroline Caro

Popnshot : Bravo (rires) Vous avez fait récemment un Trabendo avec Consentis. Ce type d’initiatives sont aussi majeures en terme de changement de la vision de la nuit …

Maître Clap : C’est pas la première fois qu’on travaille avec une association et nous notre envie c’est de donner la parole aux gens. On ne prend pas la parole à la place des associations. On va jouer de notre notoriété pour ramener des gens et faire payer pour une cause.  Consentis, on a voulu les inviter parce que la question des violences sexistes et sexuelles dans les milieux festifs est un enjeux énorme. Et nous on est sensibles à ça. Avant on en parlait peu ou pas mais maintenant faire sans ça, c’est impensable. En appeler à cette association c’était une façon de faire de l’éducation.

La Bête : Consentis est un très bon exemple du changement qui se passe dans les clubs. Elles en parlent très bien, le club est autant un endroit de fête que de dangers. Tu mélanges alcools, drogues, substances, donc c’est autant la libération qu’à la virgule près, un risque pour autrui.  On part du principe que la nuit c’est libérateur mais qu’il faut que tout le monde soit libre. Et si certains ne le sont pas en raison de leur orientation sexuelle, leur genre, leur couleur de peau, là il y a un problème. Il y a aussi Acceptess qui lutte pour le droit des personnes trans.  C’est tout un  monde qu’il faut défendre et c’est un monde qui n’existait pas aussi librement il y a 10 ans et qui arrive de front et c’est là qu’il est important de lui faire place.

La télé, pour moi, ce sont des dinosaures

Popnshot : Cette soirée a été intégralement diffusée sur Twich. Dernièrement, Squeezie a fait un évènement à plus d’un million de viewers sur ce même média. Vous pensez qu’aujourd’hui ça peut être un nouveau moyen de consommer la musique et le live ?

La Bête : Pour moi Twich ça remplace la télé. Ça va devenir des émissions de télé, il y a Pop Corn, Zen, là il y a carrément un prix… Mais la télé n’a jamais remplacé le vrai live, elle permet des captations, des diffusions, le vrai live a une saveur qui est unique et qui ne se vit pas avec une image. Ce qu’on essaie de donner c’est un inside du club avec ce que ça peut donner, la sensibilisation, la discussion mais par contre ça ne remplace pas le moment vécu, la force des décibels, la sueur, la chaleur.

Maître Clap : Ce qui est cool avec Twich c’est que c’est différent de la télé. A la télé tout est cadré, tout le monde ne peut pas s’y faire entendre, ils sont choisis au compte gouttes pour dire des choses précises. Alors que là c’est un peu comme les émissions à l’ancienne, Paris Dernière, où ça partait beaucoup plus en couille, où c’était plus libre. La télé ce sont les dinosaures, il n’y a pas de spontanéité.

Mus : Il y a aussi le tchat, le contenu va être ton interaction. Il n’y a pas d’intermédiaire. La télé transmet sur toi et tu n’interagis pas forcément, là c’est l’inverse.

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Bagarre – MaMA 2022 – Crédit photo : Louis Comar

Popnshot : Super ! (rires) Vous parliez aussi sur Insta de votre participation à une manifestation anti violences policières et contre le racisme. Ce sont des messages extrêmement importants…

Majnoun : Le fait d’aller en manif quelque soit la cause, c’est très important. C’est là que tout devient concret. C’est le moment où on capte que les choses sont vraies.

La Bête : Sur ce sujet là précisément, je pense qu’on devrait tous aller en manif. On n’est pas porte parole de ce combat mais on le soutient comme beaucoup d’autres groupes, une égalité des citoyen.nes ensemble. On devrait tous être dans  la rue pour ça.

Popnshot : Cool (rires générales) . Une dernière question, comment vous faites pour découvrir des nouveautés en musique ?

Maître Clap : Spotify, Soundcloud…

La Bête : Moi les trends Tiktok. C’est des artistes qui vont dans tous les sens mais avec les morceaux identifiés, tu peux aller les chopper et aller plus loin. Ça m’a amener beaucoup de morceaux, des choses inconnues parfois même anciennes.

Mus : Sinon surfer, se laisser porter par les plateformes, surfer sur le net avec Lycos quoi (rires).

Journalistes : Louis Comar et Julia Escudero

De passage au Fnac Live de Paris le 30 juin 2022 pour un concert gratuit entre grosses lumières et gros sons, l’immense maître de l’électro Vitalic a accepté de répondre aux questions de Popnshot. Dans les sublimes salons de l’Hôtel de ville de Paris, le chanteur livre une iterview fascinante et entière revenant sur les nouvelles formes de raves party, l’esprit libertaire, dresse un portrait d’une nouvelle époque, parle d’indépendance musicale, de violence dans la société, de sécurité, de découvertes musicales et en profite pour donner un petit cours de cuisine. Rencontre.

Popnshot : Tu avais un sentiment d’inachevé quand tu as fini le premier Disideance, qu’avais-tu envie de raconter ?

Vitalic : C’est un équilibre sur les sons. J’aime les contrastes avec une seule couleur très resserrée. Je voulais un équilibre entre les morceaux calmes et pêchus. J’avais fait plus de morceaux que pour un disque de dix donc je me suis dis autant en faire deux avec deux couleurs. une partie est plus pop, l’autre plus expérimentale.

Popnshot : Tu compares ça à de la cold wave et du punk. Ils t’évoquent quoi ces morceaux que l’on rapproche traditionnellement plus du rock ?

Vitalic : Il y a vraiment du rock et de la disco dans ma musique.

Popnshot : Tu as d’ailleurs un morceau qui s’appelle « Rave against the system ». Ce nom évoque forcément un rock sans concession mais il parle aussi de raves. Est-ce selon toi un dernier espace de liberté comme ont pu l’être les concerts de punk fut un temps ?

Vitalic : Ce morceau fait référence aussi aux raves illégales pendant les confinements. Il y en a eu un peu partout. Faire la fête c’est politique. Par exemple le disco des années 70, les chants des esclaves noirs dans les champs de coton. La musique est politique. La rave, ce n’est plus très nouveau, mais c’est un peu la nouvelle forme de prise de liberté sans demander l’autorisation.

Popnshot : La liberté est politique pour toi ?

Vitalic : Le fait de la prendre. Et aussi à la base les raves parties, c’était la promotion d’un nouveau style de vie, en communauté, itinérante, pour la musique, des gens qui vivent en autarcie. C’était nouveau.

 

 Je pense qu’on vend aux kids de maintenant, une sorte de Big Mac de la rave party.

Popnshot : Tu le trouves intact aujourd’hui ce mouvement ?

Vitalic : Est ce que je fais mon vieux con ? (rires) Je pense qu’on vend aux kids de maintenant, une sorte de Big Mac de la rave party. Tout ça c’est caché derrière des intérêts financiers. Maintenant elles sont souvent organisées par de gros groupes de production musicale. Ce sont des grosses machines industrielles. ce n’est plus le message de la rave. Mais les kids ont envie de vivre ça, comme j’aurai voulu vivre la folie disco des années 70.

Temps qu’on est libre de travailler avec qui on veut, alors on est indépendant.

Popnshot : Tu parles de grosses machines de l’industrie. Tu as toi même ton label qui te permet d’encadrer de jeunes artistes. J’avais un débat avec le chanteur de La Femme qui dit que l’indépendance dans le musique est mythe. Tu est d’accord avec ça ?

Vitalic : Evidement on est dépendant d’un public si on veut vivre de la musique. On peut créer sans vouloir en vivre, sans la produire, là c’est en toute indépendance. Je pense qu’on travaille avec des gens mais ce n’est pas dépendre d’eux. On dépend de son distributeur, même des photographes. Temps qu’on est libre de travailler avec qui on veut, alors on est indépendant.

Popnshot : Et avec les artistes que tu as dans ton label, entends-tu cette peur d’être trop orienté ?

Vitalic : Nous on oriente vraiment pas. On donne des avis. Une fois qu’on signe on laisse une grande liberté. Après quand ça marche pas, ce qui peut arriver, il vont m’entendre parce que je préviens. Mais c’est vrai que la jeune génération est très frileuse pour signer des contrats. Pas frileuse pour obtenir de la tune mais  pour les contrats. Mais c’est beaucoup plus professionnalisé qu’on pouvait l’être début 80 / 90.

  Quand j’ai commencé, on signait des contrats avec des labels qui ne nous payaient jamais.

Popnshot : Comment ça se passait à tes débuts ?

Vitalic : On signait des contrats sans savoir où ça allait. On était pas à la Sacem. On signait des contrats avec des labels qui ne nous payaient jamais. C’était mieux que maintenant, heureusement que ça s’est professionnalisé.

Popnshot : D’ailleurs en parlant de générations, tu as un titre qui s’appelle « Boomer OK »…

Vitalic : C’est une phrase que mon grand de 20 ans m’a dit. C’est une façon d’envoyer bouler son père avec une forme d’ironie. Je lui ai répondu du tac au tac oui, boomer ok, je suis bien content de mes 45 ans, d’avoir vécu mon époque. Tout ça avec de l’humour. Il n’y pas de clash de générations, surtout qu’ils écoutent la même musique que nous on écoutait à leur âge.

Popnshot : Il y a un retour à des artistes plus anciens …

Vitalic : Ou même récents mais qui sont la même chose qu’on écoutait à leur âge.

 C’est la limite des machines, c’est plus difficile de créer de nouveaux sons aujourd’hui

Popnshot : Il y avait moins cette forme de retour musical dans les scènes de ton époque ?

Vitalic : Il y a toujours de petits bons dans le passé. Finalement 70, 80 et 90, il y a eu beaucoup de nouveaux sons. C’est moins vrai aujourd’hui. C’est la limite des machines, c’est plus difficile de créer de nouveaux sons. La production est plus accessible, la création moins. La techno avant ça n’existait pas par exemple… Mais on va avoir une révolution sur cette période, je la sens…

Popnshot : Tu t’attends à quoi ?

Vitalic : J’en sais rien mais je crois que le dernier truc nouveau que j’ai écouté c’est James Blake mais ça date. Le mélange jazz et électro très froide, j’avais jamais entendu ça. Depuis j’entends des trucs intéressants mais pas aussi novateurs.

Popnshot : D’ailleurs tu aimes chercher des nouveaux morceaux à écouter, comment fais-tu toi et quels conseils donnerais-tu pour découvrir de la musique ?

Vitalic : Il y a beaucoup de musique qui se transmet avec tes amis, il y a aussi les réseaux sociaux. Comme je fais des dj sets, je dig, je vais acheter des morceaux sur des distributeurs indépendants et puis aussi j’en découvre en festival et en soirées.

Popnshot : Tu achètes en digital, pas en physique ?

Vitalic : J’achète des vinyles mais pour les dj sets c’est des waves que j’achète. Mais j’ai sorti tous mes albums en physique. C’est un format important. Je suis attaché à l’objet. Je n’ai pas tout ce que j’écoute en vinyle mais quand j’aime un album, je l’achète. j’ai toujours le plaisir quand je cuisine de prendre un verre de rouge et de me mettre mon disque. C’est un truc de papi (rires).

Popnshot : Tu compares d’ailleurs le fait de faire un album au fait de cuisiner. Pourquoi ça ?

Vitalic : Mes fameuses métaphores culinaires ! Tout le monde se moque de moi dans mon cercle proche à cause de ces métaphores (rires).

La musique c’est aussi l’assemblage d’ingrédients pour que tout soit harmonieux.

Popnshot : Je te rejoins, l’oreille s’éduque comme le palais. Il faut goûter beaucoup de choses pour appréhender les saveurs et en écouter beaucoup pour mieux comprendre les sons …

Vitalic : L’oreille c’est pareil c’est vrai. Et aussi il y a beaucoup de parallèles. Il y a l’entrainement, la cuisine plus tu en fais, plus tu maîtrises et plus tu trouves ta voie culinaire. Il y a le fait de faire quelque chose pour le partager. la musique c’est aussi l’assemblage d’ingrédients pour que tout soit harmonieux. Les épices, ce serait les effets par exemple.

Popnshot :  Si on reprend cette métaphore pour parler de ton album, l’entrée de Dissidaence est très apocalyptique avec « Sirens », pourquoi ce choix ?

Vitalic : C’est un truc que j’avais longtemps en tête. Il est passé par beaucoup de phases ce morceau mais j’avais envie de ces deux sirènes, de ces deux alarmes. Avec une explosion comme ça, c’est très new wave. j’ai des impressions, j’en fais des brouillons et puis je les adapte. Au début ça fait une vague, puis ça créé une urgence.

Les tensions, le politiquement correct, les gens qui s’insurgent pour tout et pour rien. Je trouve ça violent.

Popnshot : Cet opus débute par ce sentiment mais tu avouais en interview qu’il traite d’une forme de violence. Tu disais par exemple avoir été inspiré par les gilets jaunes.

Vitalic : Les tensions, le politiquement correct, les gens qui s’insurgent pour tout et pour rien. Je trouve ça violent. Ce n’est pas une époque plus violente que les autres mais je la trouve tendue. Même verbalement, on n’est pas en 76, ce n’est pas relax. On a eu le Covid en plus mais j’avais déjà ce sentiment d’époque plombée même si c’est peut-être une perception, on ne vit pas plus mal qu’il y a 20 ans… je n’en ai pas l’impression. Mais tout le monde est un peu colère, tout le monde a envie de polémiquer et ça me gonfle. Je prends mon van, je vais dans la pampa, je vois mes amis mais je suis moins les informations par exemple.

Popnshot : Tu penses qu’il y aura un après et une période plus relax qui suivra ?

Vitalic : Je ne sais pas. Je pensais tout à l’heure qu’à chaque fois qu’on a fait des trucs pour la sécurité on est jamais revenu en arrière. Les aéroports par exemple, il y a 15, 20 on a commencé à vérifier les liquides et maintenant on continue à les vérifier. Le plan Vigipirate est toujours en vigueur, même s’il n’y pas d’alarme, on ne peut plus faire rentrer qui on veut en loge, ou c’est très restreint. La sécurité ne fait que se resserrer. C’est une époque étrange.

Les raves avant, ce n’était pas avec le cashless et le prix des boissons incroyable.

Popnshot : Tout ça revient à ce qu’on disait tout à l’heure, les parts de libertés sont plus restreintes et factices …

Vitalic : Quand on pense aux raves, on pense toujours à 20 000 personnes dans des champs. Moi j’en ai fait des petites de 1500 personnes et pour moi c’est ça les raves. C’était un truc de hippie. C’était pas avec le cashless et le prix des boissons incroyables. J’en ai fait une petite en Angleterre,  les boissons étaient si chères qu’à deux on a claqué 90 pounds en trois heures, donc ça c’est pas une rave. Avec peu de service et beaucoup de choses payantes, c’est une soirée pour un promoteur qui va en vivre et pourquoi pas mais on appelle pas ça rave. Quand j’étais gamin, on ramenait notre bouteille, c’est une fête sauvage et il n’y a pas de bar dans une fête sauvage. Je pense que c’est un truc qui a disparu.

Popnshot : Ton album il est inspiré par les années 70, c’est une époque importante pour toi ?

Vitalic : Oui on peut s’en inspirer parce qu’on a remplacé les instruments par les machines. L’EBM, c’est du rock avec des machines. Donc les chanteur.euses ont ce côte homme ou femme machine, c’est une chose que je trouve d’intéressant. C’est brutal et poétique et ça m’intéresse. C’est antinomique de passer de l’hyper violence au slow.


Skip the Use by
Nicko Guilal

Le 25 mars prochain Skip the Use sera de retour avec leur cinquième album studio : Human Disorder. Véritable concentré de genres, les français offrent une musique libre et variée. Mat Bastard, le chanteur était avec nous pour parler rock, politique et jeunesse. A l’abordage de ce nouvel album si personnel.

J’essaye de ne pas être guide mais plutôt de susciter le débat et la prise de position 

Pop & Shot : comment décrirais-tu Human Disorder, nouvel album à paraître le 25 mars prochain ?

Mat : On a essayé de mettre en musique toutes les émotions qu’on a ressenti pendant deux ans. La claque, le refus de ce qui se passe, l’énervement, la colère, le pétage de plomb, être enfermé ; le besoin de faire n’importe quoi, les questions sur l’avenir. C’est un vrai travail d’introspection sur soi, sur sa vie, sur sa famille, sur sa manière de voir les choses, de te construire. Ça méritait vraiment un disque. Et pour une fois on était tous logés à la même enseigne. Pour une fois qu’il y avait un truc vraiment démocratique. Après, on a utilisé pleins de styles musicaux pour essayer de mettre en musique ces émotions-là.

Pop & Shot : Tu as dit en évoquant Orelsan qu’on arrivait à un moment où il y a pleins de carrefours et qu’il faut choisir la bonne direction. Comment en tant qu’artiste peut-on guider vers cette bonne direction ?

Mat : J’essaye de ne pas être guide mais plutôt de susciter le débat et la prise de position à travers des chansons. On met le projecteur sur quelque chose, après, libre aux gens d’avoir leur avis. On met le projecteur sur quelque chose parce qu’on juge ça intéressant. Mais guider sur l’interprétation, ça on ne veut pas. Ce qu’on veut c’est juste qu’il se passe quelque chose ; en parler plutôt que de s’en foutre.

Pop & Shot : Alors sur quoi est mis le projecteur dans Human Disorder ?

Mat : Quand tu fais un disque t’es parti pour deux ans entre le moment où tu le sors, où t’en parles dans les médias et le moment où tu vas le défendre sur scène. Nous on a été coupé en plein milieu d’un truc – d’un coup, t’as deux ans de travail dans ton cul. Ensuite tu vois tous les morts partout. Tu te resserres au niveau de ta famille, tu te remets un peu en question. Donc on met le projecteur sur quelle importance va avoir la famille ou les proches que t’as autour de toi dans les projets que tu peux mener. Moi mes filles elles ont dix ans, ça fait dix ans qu’elles me voient plusieurs fois par mois passer des soirées avec des chorales d’enfant, mais pas elles. Faut l’assumer ça. Le projecteur ; c’est le choix. Qui je suis vraiment ? Est-ce que ce que je mets sur les réseaux sociaux c’est ce que je suis ? Est-ce que c’est mon choix ? Comment je me fais enculer par le système tout le temps ? J’ai acheté cette veste (ndlr : avec des petits ours dessus), est-ce que je la voulais vraiment ? Et des fois les réponses sont super cools.

Pop & Shot : Tu voulais vraiment cette veste.

Mat : Voilà. Ce n’est pas forcément négatif. Mais la situation pousse à réfléchir. Down, ça parle de la claque qu’on se prend dans la gueule. Slaughter ça parle de tous les morts qu’il y a partout. On a des chansons sur l’autre : The One Two.On a fait une chanson sur ceux qui sont tous seuls. Make it Bad c’est un mec qui fantasme, parce qu’il est tout seul. On met le projecteur sur pleins de petits moments de la vie qu’on a tous traversé.

S’il n’y a pas la cohésion des hommes, Dieu c’est une catastrophe. 

Pop & Shot : Tu parlais de tes enfants tout à l’heure. Aujourd’hui toute la fiction, les médias sont orientés sur un futur catastrophe. Comment en tant que père, en tant que voix qui s’adresse à la jeunesse, tu vois le futur pour eux ? Comment les accompagner ?

Mat : Je pense que les jeunes ont un vrai pouvoir. Ils le montrent avec « les jeunes pour le climat », Black Lives Matter, avec les mouvements féministes. Et c’est cool de voir cette énergie, cette fraîcheur, de gens qui se sont rendus compte qu’on avait les hommes politiques, les médias, et les artistes qu’on mérite. C’est nous qui choisissons de regarder un truc. Tout le monde se fout de la gueule de Nabilla mais elle a deux millions de followers. Si personne ne la regarde, elle n’existe pas. Ce monde on le choisit. Tout le monde est là « je suis contre le système ». Le système des fois c’est toi. C’est toi qui décides. Nous, les plus vieux, on a vraiment fucked up. Ça fait 25 ans qu’on essaye de dire « regardez-ça, ça, ça » et il n’y a pas grand-chose qui change. Mais au final on a la possibilité de faire les choix.

Pop & Shot : En parlant de choix et de changements, les élections présidentielles approchent. Dans votre album précédent, Past and Future, il y a une chanson qui s’appelle Marine où tu dénonces l’extrême droite. Une chanson appelée Éric en prévision ?

Mat : (rires) Je ne sais même pas quoi dire. Quand je vois les jeunes avec Éric Zemmour, c’est tellement incompatible, impensable. Alors que s’il y a bien des gens qui ont compris que la base c’était la remise en question, ce sont les jeunes. Pour moi c’est incompatible de voir un mec de 20 ans qui va expliquer que « tous les musulmans sont des terroristes, ils vont remplacer les gens ». Ok. Alors que c’est eux qui sont en trains de remplacer le bon sens chez les jeunes. Les extrêmes me font peur. La religion me fait peur. C’est tellement minimiser les choses de dire « les musulmans me font peur ». Toutes les religions me font peur. S’il n’y a pas la cohésion des hommes, Dieu c’est une catastrophe.

Je ne pense pas qu’une chanson va changer quelque chose mais une chanson va permettre de lancer une émulsion. 

Pop & Shot : Comment abordes-tu ce contexte politique ?

Mat : Je suis moins frontal dans mon discours qu’avant. Parce que j’ai remarqué qu’Éric Zemmour a vu le reportage sur Roubaix et maintenant c’est sa nouvelle litanie d’aller partout en France et de dire « si vous ne votez pas pour moi la France va devenir Roubaix. » Nous, on vient de Roubaix. Évidemment il y a des trous du culs à Roubaix. Comme il y en a à Lille, à Paris, partout. Il y a aussi des trucs très bien. Éric Zemmour doit avoir 1% des religieux extrémistes, toute religion confondue – sans ces gens-là, est ce qu’il existe ? Il a besoin de gens fucked up, pour avoir un discours fucked up, pour que les gens soient fucked up et c’est un cercle vicieux. Alors que pendant ce temps-là on pourrait faire un cercle vertueux. On ne parle plus d’avenir pour les jeunes. Les jeunes d’aujourd’hui c’est maintenant. Un avenir est possible si on change ça, ça, ça – ensemble. C’est à ça que sert l’art.

Pop & Shot : En tant qu’artiste, tu penses que ce changement peut venir de ton art ?

Mat : Je ne pense pas qu’une chanson va changer quelque chose mais une chanson va permettre de lancer une émulsion. Une chanson ça peut poser une question. L’Odeur de l’Essence d’Orelsan, quand t’as fini de l’écouter, tu te dis que tu ne peux pas rester indifférent. Et cet art-là il a le pouvoir de lancer des vocations.

 Le dernier album d’Orelsan c’est un super bon album de rock. 

Pop & Shot : C’est important d’être engagé dans son art aujourd’hui ?

Mat : Je ne sais pas si c’est de l’engagement. C’est susciter la prise de position. Après tu peux faire des choses futiles, des chansons toutes légères parce que la musique ça peut aussi servir à s’évader. C’est symptomatique d’une société. Quand tu te réfugies dans le superficiel c’est que tu ne veux surtout pas voir le fond. Parce que ça te fait flipper.

Pop & Shot : Tu parlais d’engagement, le rock est un mouvement qui a souvent été vecteur de révélations. Tu disais aujourd’hui qu’Orelsan est un mec qui a sorti un album très rock alors qu’il fait du hip-hop. Comment le définis-tu aujourd’hui ce rock dont tu viens ?

Mat : C’est quelque chose qui évolue avec le temps. Je pense que le rock c’est plutôt une façon de voir les choses, c’est être en dehors de la ligne jaune. Le dernier album d’Orelsan c’est un super bon album de rock. C’est un album qui bouscule. Ça ne m’étonne pas qu’il ait un si grand succès. Beaucoup de gens se sont dit « enfin, il y en a un qui dit – ‘attendez, on va continuer avec les œillères comme ça ?’ ». C’est ce qu’on essaye de faire avec ce disque.

Pop & Shot : Avant Skip The Use, il y avait Carving, un groupe de punk. Est-ce que ça a encore du sens être punk à une époque actuelle où toute cette scène rock, punk, métal n’est pas la plus prisée ?

Mat : C’est très ambivalent en France. D’un côté tu vas avoir des rappeurs qui remplissent des Bercy en quatre minutes. De l’autre côté t’as le Hellfest qui est un des plus grands festivals d’Europe. D’un côté tu vas avoir des groupes de rock comme nous. Et d’un autre côté t’as un Gojira qui va faire le tour de la planète avec Metallica. En France, c’est un vrai terreau du rock mais encore une fois, on a les médias qu’on mérite.

Ne faire que du rock parce qu’on est estampillé ce n’est pas rock’n’roll. C’est convenu. 

Pop & Shot : À ce propos dans ce dernier album il y a Till the End, une chanson assez métal au sein de musiques accessibles pour un grand public. Est-ce que démocratiser le rock/le métal ce doit être le rendre plus accessible en mélangeant les genres ?

Mat : Nous, en l’occurrence, on ne l’a pas vu comme ça parce qu’on a vraiment fait un travail émotionnel et quand on a voulu parler de cette émotion là c’est ce cette manière qu’on a voulu l’exprimer. Après, aujourd’hui, avec le streaming cette chanson pourrait se retrouver dans une compil métal et les gens ne saurait jamais qu’elle fait partie de cet album. L’année dernière on a joué au Mainsquare avec Bring me the Horizon et ils jouaient entre des groupes comme Angèle, Roméo Elvis, Lomepal – et les gens ont kiffé, ont passé un bon moment. Je pense que c’est plutôt une idée reçue. Mais encore une fois dans le besoin aujourd’hui de la société de mettre tout le monde dans des cases, ça ne veut rien dire.

Pop & Shot : Tu parles de ce mélange de genres, des médias qui cherchent à cataloguer toute la musique. Skip the Use ce n’est pas qu’un style de musique, c’est un ensemble. C’est dur à assumer ou à exprimer quand on vend un album avec cette variété ?

Mat : Il faut que le média soit ouvert. Quand on a fait le clip (ndlr : du single Human Disorder), j’ai parlé à notre responsable promo de ça. Finalement, on a fait pas mal de presse spécialisée avec ce disque parce que je pense que pour eux, le concept est rock’n’roll. Ne faire que du rock parce qu’on est estampillé ce n’est pas rock’n’roll. C’est convenu. Pour nous. Pour Skip the Use. Quand on a sorti Can Be Late (ndlr : premier album de Skip The Use) on avait Bastard Song, Bullet in my Head, People in the Shadow, les gens ont dit « notre chanson ça va être Ghost ». Pour tous les gens on était un groupe de pop alors que c’était la seule chanson pop dans un album avec pleins de morceaux de rock.

Pop & Shot : Alors, pour conclure, quand j’avais douze ans, j’écoutais les albums de Skip the Use en boucle. On a beaucoup parlé de la jeunesse. Quels messages voudrais-tu transmettre à cette jeunesse qui t’écoute ?

Mat : Je suis très heureux qu’elle soit encore là aujourd’hui. C’est plutôt à nous de les écouter que l’inverse. La fraîcheur vient de la jeunesse d’aujourd’hui. Elle peut nous apprendre beaucoup de choses. On a tous des idées bien pensantes, préconçues pour les jeunes. Je préfèrerai les écouter que de leur dire quelque chose. Je pense que j’en apprendrais beaucoup.