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Penelope Bonneau Rouis

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Willie J Healey par Pénélope Bonneau Rouis
Willie J Healey par Pénélope Bonneau Rouis

Willie J Healey est de ces artistes que l’on rencontre rarement. Moins d’un an après la sortie de son troisième album Bunny, le chanteur Anglais se lançait en mai 2024, dans sa première tournée en dehors du Royaume-Uni. Nous avons eu la chance de le rencontrer quelques heures avant le coup d’envoi de sa tournée, sur la terrasse ensoleillée du Point Éphémère. Avec lui, on a parlé de son processus créatif, de son dernier morceau « The Apple », de sa prochaine tournée avec IDLES et des mauvaises surprises de l’intelligence artificielle.

P&S : Bonjour Willie, c’est la première date de ta première tournée européenne ce soir au Point Éphémère. Qu’est-ce que tu en attends ? 

Willie J Healey : Pour être honnête, je sais pas ce que je suis censé attendre de cette tournée. C’est un saut dans l’inconnu ! On est déjà venus en tant que première partie, comme tu le sais [Willie J Healey et son groupe ont ouvert pour Florence + The Machine en Novembre 2022, ndlr]. C’est familier parce qu’on sait ce que c’est de jouer en Europe mais comme tu le disais, je n’ai jamais fait de concert par moi-même ici, donc j’ai l’impression de recommencer de zéro. C’est évident que certaines salles seront plus bondées que d’autres, mais je pense que tout le monde s’attend à s’amuser. Et aussi, on ne sera que trois sur scène, au lieu de cinq. Donc l’ambiance sera aussi un peu différente, un peu plus détendue. Jouer à trois, faire notre première date, c’est beaucoup de premières pour nous. 

P&S : Et c’est une tournée express, avec une date par soir pendant 10 jours ! 

Willie J Healey : Oui, c’est très intense, on vient juste de finir notre tournée en Angleterre il y a deux ou trois jours. Et hier, on voyageait. Au total, sur le mois de mai, on aura que deux jours de repos.

P&S : Ton album Bunny est sorti en août dernier et ton son a beaucoup évolué depuis People and Their Dogs. Tu sembles plus apaisé et joyeux. Qu’est-ce qui a inspiré cette direction ? 

Willie J Healey : Je pense que j’ai beaucoup évolué. Les premiers chansons que j’ai écrites, j’avais 18 ou 19 ans et aujourd’hui j’en ai 29. En tant que personne, tu évolues beaucoup. Et je me suis beaucoup amusé sur l’écriture et la conception de Bunny. J’imagine que quand j’avais 19 ans, j’étais pas très sûr de moi et d’une certaine manière, c’est un peu aussi le cas aujourd’hui, mais tu peux vraiment l’entendre dans mes premiers morceaux. Je regardais beaucoup ailleurs pour trouver de l’inspiration.

P&S: Oui, c’est important de « digérer » tes inspirations pour trouver ton son. 

Willie J Healey : Exactement, parce qu’à cet âge-là, je n’avais pas vécu grand chose. Je venais d’une petite ville, donc je regardais ailleurs pour trouver ce sur quoi je pouvais chanter. Et Bunny est un peu plus tourné vers l’intérieur, vers mes expériences, ce que j’ai appris et ce que j’ai fait dans la vie. Aujourd’hui, je suis plus heureux aussi.

P&S : Tu as enregistré Bunny à New York, quel a été le processus et quelle a été la différence avec les précédents albums ? 

Willie J Healey : Bunny a été entièrement enregistré à New York. J’avais déjà enregistré quelques morceaux de Twin Heavy à New York donc c’était la première fois que je faisais tout au même endroit. Et c’était très simple, j’avais toutes mes maquettes, et on avait que 13 jours pour tout enregistrer. Je suis allé au studio et euh… attends j’essaye de bien me souvenir, je veux bien le raconter !

P&S : C’était à quelle période ? 

Willie J Healey : Oh! Je sais plus. On était en Novembre quand je suis allée à New York et je suis resté un mois là-bas. Et j’avais une semaine avant d’enregistrer pour m’assurer que les chansons étaient bien finies, puis une semaine pour tout enregistrer au studio, puis une semaine chez le producteur, Loren Humphrey. Et on l’a fait très rapidement finalement. C’était très spontané! Le premier album a été très différent dans sa conception, on enregistrait chaque partie qu’on assemblait ensuite et pour Bunny et Twin Heavy, on jouait tous ensemble dans le studio et ensuite on choisissait la version qu’on préférait.

C’était juste un beau moment, on a beaucoup en commun [avec Jamie T] dans notre manière d’appréhender la musique et on a fait quelque chose pour en témoigner.

P&S : Tu as collaboré avec Jamie T sur cet album. 

Willie J Healey : J’ai écrit « Thank You » pour lui parce qu’il m’a donné une boîte à rythmes et je l’ai utilisé pour toutes les chansons de l’album. J’ai écrit la chanson  pour la blague et le remercier. Mais j’ai commencé à bien aimer la chanson donc je l’ai finie et je lui ai envoyé. Il m’a ensuite proposé d’écrire un couplet dessus et ça nous faisait rire. Et une nuit, vers 5h du matin après une soirée, il m’a envoyé sa proposition et on l’a utilisé. Voilà l’histoire !

P&S : La boucle était bouclée en somme ? Jamie T a été une source d’inspiration pour toi en pendant ton adolescence. 

Willie J Healey : Oui carrément ! J’ai grandi avec sa musique et j’ai eu ensuite la chance de le rencontrer et de devenir ami avec lui. Mais quand je rencontre des gens, je me demande pas vraiment ce que je pourrais faire avec eux d’un point de vue professionnel. Je l’ai rencontré en tant qu’ami, et fan de sa musique. Je suis pas vraiment du genre à réseauter. C’était juste un beau moment, on a beaucoup en commun dans notre manière d’appréhender la musique et on a fait quelque chose pour en témoigner.

P&S : Et vous l’avez déjà joué ensemble en live ? 

Willie J Healey : Oui ! Et la dernière fois, il s’est déshabillé sur scène… À part ses sous-vêtements bien sûr.

P&S : C’était ma prochaine question. Tu as une nouvelle chanson sorti en fin avril, « The Apple » qui a des influences rétros aussi. 

Willie J Healey : J’avais cet enregistreur et j’ai commencé à l’utiliser pour m’amuser et « The Apple » a été un des morceaux qui en est sorti. Je l’ai écrit après un voyage. C’est sur l’envie d’être plus présent dans la vie, d’être plus conscient et l’idée de grandir aussi. Dans la vie, les moments vont et viennent et c’est comme ça. Je pense que certains sont bien venus pour moi et j’ai voulu l’exprimer. Je l’ai aussi enregistrée à New York. Le label l’a beaucoup aimée donc ils m’ont envoyé au studio et on l’a faite en quelques jours. Je trouve que c’est très bien sorti. J’en suis très satisfait.

P&S : Et le morceau a déjà un joli succès!

Willie J Healey : Oui ! Le morceau a été très bien accueilli. C’est très intéressant à observer pour moi, parce que le morceau n’a pas été affecté par le processus de promotion d’un album, c’est pas un single. C’est un morceau à part entière. C’est le genre de morceau que j’adore, que j’aurais aussi aimé si quelqu’un d’autre l’avait sorti. Mais s’il avait fait partie d’un album, je ne pense pas qu’il aurait été choisi comme single. Parce que le label voudrait quelque chose de plus rock ou plus enjoué, ou je ne sais quoi. Donc voir son succès assez rapide, ça me confirme l’idée qu’il faut sortir la musique que tu aimes.

P&S : Et la pression des majors peut parfois complètement changer la trajectoire d’un album. 

Willie J Healey : Oui, quand un plus grand nombre de personnes est impliqué dans un projet, tu reçois plus d’opinions. Parfois ça marche, parfois quelqu’un entend quelque chose qu’en tant qu’artiste tu n’entends pas forcément. Mais parfois, l’idée se dilue un peu parce que trop de personnes sont sur le même projet. Ils essaient de changer la direction de quelque chose qui vient d’un artiste.

P&S : Et la question qui se pose c’est aussi de savoir si on préfère être écouté par des millions de personnes et détester sa musique ou être écouté par un plus petit groupe et adorer sa musique ? 

Willie J Healey : Oui. C’est une drôle de situation. L’important à mes yeux, c’est d’aimer ce que tu fais parce que le reste est un peu hors de portée. Tu contrôles pas trop la réaction du public.

P&S : La couverture de « The Apple » me fait un peu penser à James et la Pêche géante de Roald Dahl. Est-ce intentionnel? 

Willie J Healey : Tout à fait ! J’adorais le film et le livre quand j’étais petit. On le regardait tout le temps avec mes soeurs. On avait pas trop de temps pour faire la couverture, on avait 4h ! J’ai directement pensé à une photo de pomme. Et j’avais un peu James et la Pêche géante en tête mais c’était pas forcément conscient. J’ai un ami, AJ Stark, qui est photographe, et je lui ai demandé ce qu’il pouvait faire de cette idée. Je voulais pas que ce soit Photoshop, je voulais faire ça en perspective. Et j’ai vu dans certains films, dont Eternal Sunshine of the Spotless Mind où Jim Carrey est un petit garçon et ils le filment comme s’il était tout petit. C’était une idée simple finalement. La pomme qu’on a utilisé était une fausse pomme, assez grosse, c’était pour ça que ça rendait si bien.

L’important à mes yeux, c’est d’aimer ce que tu fais parce que le reste est un peu hors de portée.

P&S : Tu tournes avec IDLES cet automne. Ce n’est pas ta première fois en première partie d’un groupe de renom anglais. Il y avait eu Florence + The Machine et Arctic Monkeys l’an dernier. Est-ce qu’il y a une pression ou un pic d’adrénaline à l’idée de jouer devant un public aussi dévoué ? 

Willie J Healey : Oui vraiment un pic d’adrénaline! C’est vraiment l’opposé de la pression. Parce que tu n’as rien à perdre, les gens ne sont pas venus te voir. Donc comme je le vois, c’est que du gain, pas de perte. Si je fais des choses dont le public se fout, c’est pas grave, parce que dès le départ, ils ne s’y intéressaient pas. Il y a davantage de pression à jouer son propre concert, parce que si les gens aiment quelque chose, qu’ils paient leur place pour venir te voir, il y a plus d’incertitude. Mais quand tu passes avant quelqu’un dont le public est hyper fan, je le vois plutôt comme un challenge. Je vais juste m’amuser et je vais essayer de plaire au plus de monde possible. Et même essayer des choses que je ne me permettrais pas forcément à mon propre concert. C’est très libérateur, tu apprends ainsi que tu peux faire ce que tu veux parce que personne n’a d’image préconçue de toi.

P&S : Tu as tourné avec Florence en Grande Bretagne et avec Arctic Monkeys en Europe. As-tu remarqué une différence de traitement entre le public britannique et le public européen ? 

Willie J Healey : Mon expérience en tant que première partie était plus sympa en Europe qu’en Grande Bretagne maintenant que j’y pense. J’adore le Royaume Uni mais je trouve les gens en Europe un peu plus ouverts. Ou plus enthousiastes. Au Royaume-Uni, les gens sont concentrés sur le groupe qu’ils sont venus voir et en Europe, les gens sont plus enthousiastes à l’idée de voir tout le monde. Mais je peux comprendre les deux points de vue. Si tu vas à un concert, ta priorité, c’est le groupe principal. Mais comme j’aime la musique du groupe principal, je pars du principe que la première partie sera bien choisie et ce sera quelque chose que j’aime. Je pense que c’est plus commun de venir après la première partie, t’as pas envie de rester debout toute la soirée à attendre. Mais je pense aussi que la Grande Bretagne est saturée de  musique, de groupes. Il y a tellement de groupes là bas, et donc tu peux te permettre d’être exigeant. Il y a des groupes en Europe mais moins. Pas forcément à Paris mais dans des endroits un peu plus lointains où il y a moins de concerts dans l’année. Partout dans le monde, les gens écoutent la musique qui vient d’Angleterre ou des États-Unis, c’est un fait. Et c’est pour ça quand on jouait en Europe avec Arctic, les gens étaient ravis.

Chaque label a ses avantages et ses inconvénients mais je trouve que dans ma manière de faire de la musique, être dans une plus petite équipe me convient mieux.

P&S : Ton premier album est sorti sous Columbia et tu as fait la transition vers un label indé, Yala! Records juste avant Twin Heavy. Quelle a été l’influence de ce changement sur ton parcours musical ?

Willie J Healey : Ça a été une bonne chose. Être lâché par son label peut être dur, et des gens ont vécu pire que moi. Heureusement, j’ai réussi à rebondir assez vite en trouvant un autre label. Yala! est complètement différent, une plus petite équipe, des moyens plus modérés. Chaque label avait ses avantages et ses inconvénients mais je trouve que dans ma manière de faire de la musique, être dans une plus petite équipe me convient mieux. Tu as plus de liberté artistique, moins de contraintes, moins d’ordres. C’est beaucoup plus direct.

P&S : Y a-t-il des genres musicaux que tu aimerais essayer dans tes prochains projets ?

Willie J Healey : Oui, il y a tellement de choses que j’aimerais essayer, notamment en guitare. J’écoute tellement de choses différentes… J’aime bien le heavy rock, j’aime bien The Blue Nile qui font de la synth pop.  J’aimerais bien essayer quelque chose de plus « heavy », pas du métal non plus. J’aime beaucoup IDLES justement, Neil Young dans sa période plus énervée. J’aimerais juste être plus expérimental en fait. Cameron Winter, le chanteur de Geese, a écrit un morceau qui n’est pas encore sorti et c’était génial. Ça m’a inspiré à me laisser un peu plus aller pour des projets futurs.

P&S : À une ère où les réseaux sociaux jouent un rôle important dans la promotion musicale, comment trouves-tu ton équilibre entre authenticité et  une bonne présence en ligne ? 

Willie J Healey : Je trouve ça assez difficile parfois. Notamment parce que trop d’emphase est mis sur cet aspect et la réussite d’un projet semble parfois être évalué que selon ces critères. Le problème c’est que parfois, tu vas recevoir beaucoup de likes et le lendemain, rien du tout ! Entre l’algorithme et ce que tu es censé poster… Personnellement, j’aime pas trop me filmer quand j’écris des morceaux ou en train d’enregistrer. C’est un moment spécial pour moi. Je veux pas briser ce moment. Mais bref ! Ça reste une bonne chose parce que ça te donne l’occasion de partager et de créer une connexion avec les gens. C’est vraiment spécial de pouvoir aussi contacter des artistes ou des producteurs. Mais je suis toujours un peu frustré quand j’ai rendez-vous avec le label, et que le sujet c’est les réseaux sociaux… Le truc, c’est que beaucoup de gens ont besoin d’être seuls dans leur processus de création. Mais c’est aussi comme ça que les gens te découvrent. Je suis pas très fan des réseaux sociaux. Ça a ses avantages et inconvénients.

P&S : Est-ce que tu penses que si tu étais resté avec un plus gros label, tu aurais dû poster encore plus ?

Willie J Healey : Oui probablement. Ou quelqu’un l’aurait fait pour moi. Mais ça se ressent assez vite quand c’est pas l’artiste qui poste lui-même et j’aime pas trop ça. Mais en même temps, je peux pas leur jeter la pierre. Les réseaux sociaux, c’est qu’une vitrine.

Il faut que je me souvienne qu’écrire des chansons est ce qui me rend heureux et le reste est juste ce qui en découle.

P&S : Mais les réseaux sociaux ont aussi ouvert la conversation sur de nombreux sujets comme la santé mentale, le rapport au Brexit et la stabilité financière des artistes post-covid.  

Willie J Healey : Oui, c’est différent pour tout le monde. C’est bien d’être connecté avec tout le monde et ton public. C’est aussi important pour moi, il faut que je me souvienne qu’écrire des chansons est ce qui me rend heureux et le reste est juste ce qui en découle. Je pense qu’on vit dans un monde où tout est exposé. Il y a tellement de facteurs auxquels on doit aussi faire attention. Il y a tellement d’offre artistique et il y a les réseaux sociaux qui nous y donnent accès. Quand je pense à tout ça, ça me stresse un peu, alors je pense juste à la raison principale, la musique et pourquoi j’en fais, pourquoi les gens viennent ? Parce que les gens aiment ce que je fais. Et le reste est juste un entre-deux, et c’est important de commencer avec les chansons. Je sais pas si tu as déjà entendu des chansons faites pas des IA mais c’est impressionnant, c’en est énervant. C’était fort et je savais pas ce que c’était en l’écoutant. J’étais horrifié, j’avais l’impression d’avoir été piégé.

P&S : Mais ça n’avait aucune émotion!

Willie J Healey : Si. C’est le problème, il y en avait! Je m’attendais à ce que ce soit plat et pourtant… Si tu m’avais joué une chanson faite par une IA et une autre par une vraie personne, j’aurais pensé savoir déterminer laquelle était laquelle. Quand j’ai entendu la chanson, j’étais halluciné. Quel monde de fou dans lequel on vit…! Quel futur nous attend si un ordinateur peut faire une vraie chanson avec une vraie voix qu’on aimerait écouter ? La seule différence c’est que je suis une personne avec des émotions et des réactions et que les gens peuvent se reconnaitre dans ce que je fais et mon point de vue. Et le reste est juste atteignable par des ordinateurs maintenant… Je te laisse avec ces réflexions. Une belle manière de finir l’interview je trouve.

P&S : Oui mais j’ai une dernière question : tu as combien de chapeaux ?

Willie J Healey : J’ai arrêté de compter… 180, je dirais!


La semaine la plus attendue de l’année pour les professionnel.les de la musique approche à grands pas. En effet, le Printemps de Bourges 2024 ouvrira les portes de sa 39ème édition du 23 au 28 avril. L’édition 2024 promet d’être un moment de partage autour de la musique, riche en émotions, en découvertes et en retrouvailles avec le festival chouchou.

La programmation 2024 promet  déjà une très belle année et de très beaux moments scéniques. On y retrouve un grand nombre de nos coups de coeur :  Cat Power à Mika en passant par Aliocha Schneider, Zaho de Sagazan, Eddy de Pretto, Timber Timber, Vero Sola, Clara Luciani, English Teacher, Shaka Ponk, Loverman ou encore Yamê.

Grille de la Programmation du Printemps de Bourges 2024

Et les Inouïs….

La fête ne serait pas aussi belle sans les ÏNOUIS. En effet, chaque année, le festival sillonne la France pour découvrir les talents de demain. Des artistes pris à leurs premiers pas que le dispositif accompagnera pour mieux les présenter sur scène et révéler ceux qui feront la musique de demain.

Parmi les 3200 à tenter leur chance, seuls 33 ont été sélectionné.es. Ils profiteront ainsi tout particulièrement de l’accompagnement et du coaching offert par le festival.

Toute la semaine, les festivaliers pourront découvrir cette nouvelle scène, promesse d’un avenir musical riche, varié, talentueux et lumineux.  A écouter d’ici le mois d’avril pour mieux les retrouver durant le festival. A l’issue de l’évènement trois prix seront remis  par un jury : le Prix du Printemps de Bourges Crédit Mutuel – iNOUïS 2024 et le Prix du Jury – iNOUïS 2024.

Découvrez la sélection complète des Inouïs du Printemps de Bourges 2024


The-Last-Dinner-Party-prelude
Prelude To Ecstasy, le premier album de The Last Dinner Party

Ça faisait longtemps qu’on l’attendait celui-ci. Prelude To Ecstasy du quintette The Last Dinner Party a été annoncé en novembre dernier mais voilà au moins deux ans que les filles se déchaînent sur scène. Dans les pubs, les disquaires ou encore en première partie des Rolling Stones, de Florence + The Machine ou d’Hozier, The Last Dinner Party nous ont conviés à de nombreuses fêtes… Maintenant que l’album est entre vos mains, serez-vous de la partie?

Rock en dentelle

Here comes the feminine urge, I know it so well / To nurture the wounds my mother held… Une chose est sûre, Prelude To Ecstasy de The Last Dinner Party, accorde une jolie part à la licence poétique. Le premier album du groupe est comme on l’avait escompté, voire mieux! Sans me laisser aller à une subjectivité défaillante, il est même carrément excellent.

Prelude To Ecstasy débute avec une intro musicale, un prélude à l’extase qui nous attend. La quête nous semble déjà merveilleuse et épique. Que ces femmes en jupons et dentelles ouvrent la voie à un rock théâtral que l’on attend depuis bien trop longtemps… ce prélude nous prépare à une aventure musicale, nos poitrines se gonflent et nos cœurs palpitent. Nos jambes fourmillent alors que l’envie de danser s’installe… et juste comme ça « Burn Alive » commence. Celles et ceux qui étaient au concert d’Hozier en novembre avaient déjà eu l’occasion de l’entendre. Quel plaisir de pouvoir désormais l’écouter à sa guise, en boucle. I am not the girl I set out to be, let me make my grief a commodity!

Furieusement fières

L’album fait plaisir. Il est théâtral, élaboré, la production est impeccable. Les filles ont sorti le grand jeu. Wilde en serait fier, Virginia Woolf encore plus. Chaque morceau y trouve sa place et ils s’enchaînent avec une logique déconcertante. Moment fort ? La transition quasi-idéale entre « Beautiful Boy », « Gjuha » et « Sinner ».

L’énergie féminine y est folle, dévorante, excessive. On se reconnait dans chacune des paroles, soigneusement écrites et rageusement entonnées par Abigail Morris, la chanteuse charismatique à la tignasse brune. Do you feel like a man when I can’t talk back? Do you want me or do you want control?

L’album est peuplé de femmes mystiques, menaçantes, toujours fières. La femme damnée reprend sa place, elle quitte le bûcher et devient reine.  The Last Dinner Party se réapproprie le rock à papa, le transformant en un nouveau rock, encore plus fantasque et déluré. Les productions presque Queen-esques de certains morceaux mettent en exergue l’inventivité de ces cinq londoniennes.  I’ll be Caesar on a TV screen / Champion of My Fate / No one can tell me to stop / I’ll have everything I want. 

Cette épopée baroque pop arrive à son apogée avec « Mirror », ultime cantique de cet opus. Il vient boucler la boucle avec un postlude majestueux, excessive qui ne peut que nous évoquer le prélude de l’album. Le groupe tire sa révérence, nous laisse redescendre sur terre après ce festin extatique. Le premier d’une belle série.

Jolie plante, joli talent

Chaque fois qu’une femme a un peu de succès dans la musique, les puristes sont circonspects. Imaginez donc les réactions quand il y en a cinq. De nombreuses conversations se sont ouvertes autour de The Last Dinner Party. Sont-elles des Industry Plants ? Un plan marketing incroyablement bien ficelé plutôt qu’un talent véritable? Tout le monde sait bien que le rock est affaire de mec. Et ça en fait rager certains de voir des femmes, jeunes, fières, indépendantes et créatives avoir leur mot à dire. Quelle audace de leur part que de vouloir avoir leur place.

Mais aujourd’hui, on troque les pantalons de cuir pour les robes en velours. Le tigré rose pour la toile de Jouy.  Les femmes ne sont plus des objets de convoitise. La muse devient la créatrice. Et si c’est le cas, que ce groupe est bel et bien un plan marketing, je ne vois pas trop le problème. Ça voudrait donc dire que la demande a été entendue et que l’industrie se bouge un peu et laisse la place aux femmes.

Ce prélude à l’extase est formidable, que sa suite soit fabuleuse. The Last Dinner Party jouent à la Maroquinerie le 20 février prochain.


Agyness Deyn, Gayle Rankin, Elisabeth Moss dans Her Smell
Agyness Deyn, Gayle Rankin, Elisabeth Moss

Le Festival des Femmes S’en Mêlent existe depuis plus de 20 ans et s’active à mettre en avant des musiciennes de tous horizons sur nos scènes françaises. Au programme, concerts, conférences, workshops, projections. Cette année, parmi les films sélectionnés, Her Smell d’Alex Ross Perry, sorti en 2018. En collaboration avec le festival Pop&Psy, les Femmes s’en Mêlent ont présenté le film au cinéma le Brady à Paris. L’occasion de réfléchir à  la place accordée à la santé mentale dans l’industrie musicale.

Punk is not dead (et pourtant…)

Her Smell, c’est l’histoire du groupe de rock féminin des 90s, Something She et de sa chanteuse au comportement erratique, Becky. Du Courtney Love sans la citer. Du Bikini Kill chuchoté. Du punk féminin 90s hurlé. Her Smell est un film qu’il est essentiel de voir. Que l’on soit musicien.ne, de l’industrie, ou simple spectateur.rice. Car ne sommes nous pas tous finalement un peu acteur.rice ?

Le pathos et les airs de guitare se mêlent avec une facilité déconcertante. De beaucoup sont les artistes qui créent par expiation de leur peine. Il en est accablant de constater qu’avec le temps, leur malheur vient de leur statut lui-même. C’est exactement ce qu’il se passe avec Becky (jouée par l’excellente Elisabeth Moss). Constamment ballotée par la pression de son manager, son addiction et son nouveau rôle de maman qu’elle peine à assurer -principalement à cause des raisons sus-nommées- Becky perd pied. Elle n’est plus que l’ombre d’elle-même et ses relations avec les autres membres du groupe sont de plus en plus conflictuelles, culminant sur la dissolution du groupe au milieu d’une répétition en studio.

Autre scène troublante quand à la suite d’une énième engueulade, Becky monte sur scène visiblement défoncée, le nez en sang, trébuchant devant un public en délire. L’absence d’inquiétude de la foule le rend presque complice de sa perte.

Elisabeth Moss en Becky dans Her Smell
Elisabeth Moss en Becky dans Her Smell

Un film immersif

En plus d’être une véritable odyssée au coeur de la scène rock des 90s, Her Smell est une expérience immersive sur tous les plans. Cinq scènes se succèdent dont trois qui se déroulent en backstage. Chacune d’entre elles possède son lot d’éléments anxiogènes. Dans les scènes backstage, les engueulades du groupe sont accompagnées des acclamations du public, du son de guitares lointaines, de la rumeur de la salle en pleine effervescence. Tout est mis en place pour que le.a spectateur.rice se retrouve propulsé.e dans la scène avec les personnages. Sans regarder dans la caméra, ils ont brisé le quatrième mur.

Elisabeth Moss en Becky dans Her Smell
Elisabeth Moss en Becky dans Her Smell

Après les hurlements, le silence. Becky obtient une rédemption qui, tellement incongrue, fait presque sens. Elle survit à ses excès, mais la scène est d’une tristesse affligeante. Seule dans sa grande maison, le mascara coulant laisse place à un regard nu de tout excès. Ceux et celles qu’elle avait entrainés dans son tourbillon vivent loin d’elle. Sa fille, son ex, ses anciennes collègues. Elle apprend au cours de cette scène, qu’Ali la batteuse, s’est mariée. Agyness Deyn qui joue Mari, est touchante dans son rôle de force tranquille.

Entre fiction et réalité

Il est important de noter que le jugement porté à l’encontre de Becky n’aurait peut-être pas été le même si elle avait été un homme. Une femme qui perd pied, ça déplait à beaucoup et en ça en fait jubiler certains, ravis de voir une femme rater une marche. Même s’ils ne l’assumeraient jamais à haute voix, ça se voit, on vous voit. Et si cette femme est mère, c’est qu’elle a tendu le baton pour se faire battre. Pourquoi pensez-vous alors que les femmes n’osent parfois pas demander de l’aide, si chaque faiblesse la transforme, dans les yeux du monde, en mère indigne ? Qu’en est-il de toutes ces rockstars masculines droguées et pères ? Si Becky avait été un homme, la problématique de l’enfant aurait été plus anecdotique. Peut-être l’enfant aurait eu droit à une scène, ou à une mention. Mais ce serait tout.

Amber Heard dans Her Smell
Amber Heard dans Her Smell

Le conflit social de la maternité et de la carrière est peut-être l’un des sujets centraux du film, sans pour autant dire son nom. Ça nous parait tellement normal qu’elle ait à choisir que l’on ne s’en offusque presque pas. Pour un homme, la question ne se poserait même pas. Son comportement serait justifiable, celui d’une femme condamnable.

Ironie du casting, Amber Heard joue le rôle de Zelda, ancienne acolyte de Something She. Envoutante dans le rôle, elle est pourtant l’exemple parfait des doubles standards imposés aux femmes dans la sphère publique. Le procès houleux avec son ex mari que l’on a même pas besoin de citer pour qu’il apparaisse devant nos yeux, sous les traits d’un pirate, d’un chocolatier ou d’une créature humaine aux mains-ciseaux, est un constat frappant de ce phénomène. La haine à l’encontre d’Amber Heard a été et reste accablante encore aujourd’hui. La justification de cette haine vient en quelques mots pour certains : « en même temps, c’est pas une oie blanche ». Parce que son ex-mari était un bichon maltais, peut-être? Le géant d’Hollywood fait des ravages, la jeune actrice ne peut que s’en retrouver détruite. Voilà comment on traite les femmes dans la sphère publique. Et ça se demande pourquoi on veut tout cramer.