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Léonard Pottier

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Comme pour célébrer ses 30 ans de carrière qu’il n’a pas eu l’occasion de fêter comme il se doit, le chanteur français Dominique A dévoile un double album divisé en deux temps : 14 de ses morceaux revisités avec l’orchestre de chambre de Genève et 14 autres revisités en formule trio avec Julien Noel au piano et Sébastien Boisseau à la contrebasse. Une œuvre rétrospective scintillante aux deux parties communicantes qui nous aide à mieux saisir cette poésie musicale qui nous obsède depuis tant d’années. Nous avons eu la chance de l’interroger sur ce nouveau projet.

Dominique A @Richard Dumas
Dominique A @Richard Dumas

 

Pop & Shot : Vous avez récemment fêté vos 30 ans de carrière, vous avez sorti une quinzaine d’albums, comment est-ce qu’au fil du temps, vous avez su garder intactes la passion et l’envie d’écrire des choses, de sortir des albums et de composer de la musique ?

Dominique A : C’est assez simple : je dépéris si je ne fais rien. Cette envie découle de ça. Quand je n’ai pas un projet en cours, je me fane *rires*.

Après, il y a deux types de projets, ceux que je lance et ceux vers lesquels on m’aiguille, comme là avec ce double disque rétrospectif qui, au départ, est lié à une commande de l’orchestre de chambre de Genève. De cette commande est née l’envie de faire un disque, puis l’envie d’en faire un double *rires*. A un moment donné, je voulais même que ça soit un triple album mais ça voulait dire quintuple vinyle.

Après, il y a plusieurs périodes. Quand j’ai commencé, c’était les années 90 donc un contexte quand même très différent dans le monde de la musique. Là je ne faisais pas du tout de plans sur la comète. Je n’avais pas de perspectives autres à chaque fois que celles de faire un disque. Et pour les quatre premiers, je me disais que c’était le dernier. Et puis à partir du moment où il y a eu la décision consciente et assumée de continuer et de faire toute ma vie avec ça, je me suis rendu compte que je ne pouvais tout simplement pas m’en passer. Et puis tout est aussi dépendant d’un contexte qui est l’entourage professionnel. Des gens qui réagissent quand vous leur proposez quelque chose, ou des gens qui vous proposent des choses, et après des gens qui vous suivent, des gens qui viennent vous voir ou qui achètent des disques. C’est aussi ce qui entretient la machine. C’est à dire que s’il n’y avait pas ces gens-là, comment je vivrais les choses ? Je n’en sais rien.

Parfois, je suis beaucoup plus admiratif des gens qui s’accrochent alors qu’il n’y a rien, personne… Pas de gens pour les épauler et un public peau de chagrin. Dans mon cas, c’est plus confortable, j’ai cette chance.

 

Pop & Shot : Et vous avez toujours le même plaisir à sortir des choses ?

Dominique A : Oui carrément ! Ce qui m’épate, c’est que ce sont toujours des objets physiques. C’est sûr qu’on en vend moins qu’avant mais on travaille toujours sur ça. Parce que les gens qui me suivent, c’est des vieux barbons comme moi qui sont attachés à ça. Même si le streaming s’est généralisé, je m’adresse beaucoup à des gens qui ont un rapport à l’objet, qui ont envie d’écouter un disque dans son intégralité, qui ont envie d’une espèce de fil narratif avec les chansons. Je suis quasi persuadé que l’objet existera encore à la fin de ma vie, même si c’est devenu une création marginale.

 

Pop & Shot : Ce nouvel album que vous venez de sortir est divisé en deux, 14 morceaux avec l’orchestre de chambre de Genève et 14 autres en formule trio. Pourquoi l’avoir construit comme ça ?

Dominique A : De façon un peu étrange. Déjà, le projet du trio, je l’avais en tête depuis un bout de temps, pour faire une tournée, mais sans disque à la clé. L’idée de faire un enregistrement m’est venu parce que je voulais garder une trace de ma collaboration avec l’orchestre symphonique. Parce que bon, c’est pas tous les jours que ça arrive ! Sauf que quand ça m’est venu à l’esprit, je me suis dit : si c’est rétrospectif, 14 morceaux, ça va faire court, ça va être un drôle d’objet.

Je savais que défendre un disque, ou en tout cas le porter sur un certain nombre de temps, plus que les deux semaines de la sortie, ça passe par la scène, alors je me disais qu’avec le symphonique, ça n’allait pas être possible. Ça se limitera à deux trois concerts, ce qui est le cas – on a fait quatre concerts en Suisse, on va en faire deux en France – puis point barre. Dans cette configuration, le disque allait être un peu mort-né. Il n’y aurait pas de suivi. L’idée du trio permettait d’avoir une tournée derrière qui aurait un effet d’entrainement pour que le disque vive sa vie tranquillement. Ce sont des visions complémentaires, à la fois une envie et puis en même temps, de façon prosaïque, ça permettrait au disque d’exister sur plus de temps.

Après, il y avait autre chose. J’avais enregistré un projet un peu à part avec des copains jazzmen dont Sébastien Boisseau qui joue de la contrebasse dans le studio de la Buissonne qui se trouve près d’Avignon. J’avais adoré travailler dans ce studio, j’avais adoré la façon de travailler de Gérard De Haro, le producteur qui a monté ce studio. Un trio dans cet endroit là avec cette façon de travailler, ça m’excitait. Ce sont donc des envies complémentaires qui m’ont fait aller voir la maison de disques pour leur proposer cet album en deux temps. Avec un point de jonction qui serait le travail sur l’acoustique dans un cadre assez pléthorique d’un côté, avec le symphonique, et puis dans un cadre intime de l’autre, avec le trio. Mais dans les deux, on retrouve l’idée de gens qui jouent ensemble dans un espace où l’électronique est absente, où l’électrique même est quasiment absente puisqu’il y a très peu de sources électriques. C’était une espèce de jeu de piste en deux temps.

 

Pop & Shot : Comment s’est fait le choix des morceaux ?

Dominique A : Pour le symphonique, on en a discuté avec David Euverte, l’arrangeur. C’est un musicien avec lequel je travaille depuis longtemps. Il fallait qu’il soit à l’aise avec les morceaux qu’il allait arranger parce que c’était un gros chantier pour lui. C’était quelque chose d’assez neuf d’orchestrer de cette manière. Il ne l’avait pas fait de façon aussi suivie car ça a représenté un an de travail pour lui. Il y a des morceaux qu’on ne pouvait pas trop écarter. Je pense par exemple à « Courage des oiseaux », « Immortels » ou encore « Au revoir mon amour ». Ceux-là devaient absolument figurer. Pour le reste, c’est beaucoup venu d’envies personnelles en me disant : tiens, tel morceau sur tel album, je lui redonnerais bien une seconde vie parce que je l’aime bien et que j’estime qu’il n’a pas eu le parcours qu’il méritait.

Pour le trio, c’était plus libre. Autant, pour le symphonique, à partir du moment où on commence à travailler sur un morceau, il y a toute une machine qui se met en branle et on ne peut pas changer de fusil d’épaule facilement. Autant pour le trio, c’était plus simple. C’est à dire qu’à partir du moment où l’un d’entre nous avait une idée de morceau – moi j’en ai soumis une trentaine à mes camarades – on pouvait tester, essayer et s’en détacher plus facilement si ça ne convenait pas. D’un côté la rigueur et la contrainte et puis de l’autre quelque chose de beaucoup plus débridé. Je trouvais que c’était intéressant de jouer sur ces deux tableaux et ce contraste entre quelque chose de très écrit qui nécessite un temps de préparation énorme et puis au contraire quelque chose de très immédiat.

 

Pop & Shot : Est-ce que vous avez découvert des choses insoupçonnées dans vos propres morceaux en les revisitant ?

Dominique A : Non, je ne dirais pas ça. Ce qui m’intéressait dans les propositions de David Euverte, l’arrangeur, c’est la façon qu’il avait de les emmener vraiment ailleurs… Je pense à un morceau qui s’appelle « Rue des marais » qui est à la base très introspectif, très très très triste dans sa première version studio. Je ne dirais pas qu’il est devenu joyeux mais David lui a donné une petite coloration chaloupée, cubaine presque, qui était complètement inattendue. Je trouve que l’éclairage sur le morceau est très différent et ça fait partie des choses que j’attendais de ce travail là, que les morceaux soient emmenés ailleurs, que ça soit des versions possibles en fait, comme si je m’étais saisi du répertoire d’un autre. Sans volonté de retrouver l’ambiance initiale du morceau à tout prix. A la limite, ce qui m’intéresse le moins, c’est quand les morceaux sont plus proches de leurs versions premières.

 

Pop & Shot : Qu’est ce qui a été le plus marquant dans votre collaboration avec l’orchestre vous diriez ?

Dominique A : Déjà d’entendre les morceaux joués avec le son de l’orchestre, c’est assez marquant. Sur des morceaux qui ont parfois 25, 30 ans, qui ont été composés par un jeune homme qui n’imaginait pas se retrouver un jour dans cette situation…

Puis après, ce qui m’a marqué c’est l’implication de l’orchestre. Parce que dans le classique, on ne sait jamais trop. Ca peut être des expériences un peu douloureuses où il y a du mépris en quelque sorte. Il y a des gens pour qui ça n’est pas vraiment de la musique à partir du moment où vous même n’êtes pas un musicien avec un cursus… Moi je ne lis pas la musique par exemple. Ma légitimité est assez faible par rapport à des gens qui ont suivi pendant des années des études musicales très poussées.

Mais là, il y a vraiment eu des interactions très chaleureuses entre Raphaël Merlin, le chef-d ‘orchestre, et tout l’orchestre. Je n’ai senti que des bonnes ondes. Une grande chaleur dans l’échange. Ça m’a beaucoup porté de sentir cet intérêt. C’est très motivant. On n’a pas l’impression de forcer la main des gens ni de sentir de l’ennui de leur part.

 

« Quelques Lumières », album disponible depuis le 18 octobre 2024 chez Cinq 7 / Wagram Music

 

 

 

 

 


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Leur premier album Faux Ever sort ce vendredi (11/10), un concentré pop où se rencontrent plein d’influences. Une musique survitaminée faite par deux frères franco-américains, qui se déploie au travers de performances lives subjugantes, où, seuls en scène, le duo habite corporellement ses morceaux. Voici Faux Real, le groupe dont vous allez entendre de plus en plus parler, ayant déjà tourné aux côtés de Metronomy et bientôt de Los Bitchos, et avec qui on a eu la chance de s’entretenir pour parler de leur démarche artistique et de ce premier album. Virgile et Eliott Arndt nous attendent dans les locaux de leur label. Leur attitude à la fois cool et nonchalante (surement amplifiée par l’enchainement des interviews) a quelque chose de sympathique. Les deux frères n’ont aucun mal à s’exprimer et dans leurs réponses transpire une joie sincère de faire ce qu’ils font.

Faux Real – Crédit : Megan Hullander

Pop & Shot : Hello les gars, merci de nous accorder cet entretien ! Je sais que vous habitez à Los Angeles, mais ça vous arrive souvent d’être passage à Paris j’imagine ?

Eliott Arndt – Faux Real : Depuis le début de l’année, c’est assez souvent et on va revenir à l’automne. On est moitié français moitié américains.

 

Pop & Shot : Vous êtes nés en France ?

Les deux en même temps : Oui, à Paris tous les deux !

Eliott Arndt – Faux Real : On a grandi au Luxembourg surtout. Virgile a habité à Paris pendant une dizaine d’années et moi à Londres. On a beaucoup de potes ici et nos parents habitent encore en France.

Virgile Arndt – Faux Real : Paris comme Londres restent des endroits assez importants pour nous.

 

Pop & Shot : J’ai lu que vous aviez enregistré l’album dans plusieurs villes, dont Paris et Londres justement.

Eliott Arndt – Faux Real : Oui, un peu partout à on est passés…

Virgile Arndt – Faux Real : … au gré des différents déménagements plus ou moins volontaires. On a atterri à Los Angeles pour deux bon il y a deux ans et demi à peu près !

 

Pop & Shot : Votre duo a créé son propre courant artistique que vous appelez le Faux Réalisme. Vous pouvez nous dire ce que c’est avec vos propres mots ?

Eliott Arndt – Faux Real :  Courant artistique, c’est un mot fort. On veut pas sonner aussi prétentieux. En réalité c’est marrant parce que c’est plus quelque chose que les gens nous ont attribués. On disait ça pour rigoler au début. C’était une espèce de doctrine inventée.

Virgile Arndt – Faux Real :  C’était un peu pour se déclarer, comme quand on se dit dadaïste par exemple…

Eliott Arndt – Faux Real :  C’est en tout cas un truc dont on parle beaucoup et auquel on réfléchit de plus en plus. En tout cas, il y a de plus en plus de choses qui viennent influencer cette pensée. Si on devait définir le faux réalisme aujourd’hui, ça serait trouver autant de beauté, d’émotions et de réalité dans ce qui est faux que dans ce qui est vrai, que ça soit par de la contrefaçon, par de la copie ou du sample par exemple… Et ça s’applique un peu partout : dans le cinéma, la mode, la musique… Ca a aussi à voir avec l’humour et l’ironie, dans le sens où c’est pas parce que quelque chose est drôle que ça ne peut pas être pris au sérieux.

 

Pop & Shot : Ce nom de groupe, faux real, il vous est venu après avoir réfléchi à tout ça ?

Eliott Arndt – Faux Real :  Non du tout ! Le nom est vraiment venu parce qu’on le trouvait cool

Virgile Arndt – Faux Real :  Il sonnait parfaitement parce que c’est français et anglais à la fois. Faux, c’est un mot qui s’utilise en anglais aussi. On trouvait ça bien que ça passe dans les deux langues, c’est toujours quelque chose auquel on pense, parce qu’on est bilingues et qu’on a grandi comme ça. On aimait aussi l’idée de pouvoir monter sur scène et dire we are faux real (prononcé : for real), donc pour de vrai quoi. C’est parti de là.

 

Pop & Shot : Vous incarnez des personnages assez haut en couleurs sur scène. Est-ce qu’ils ressemblent à qui vous êtes dans la vraie vie ?

Eliott Arndt – Faux Real :  Depuis le commencement de ce projet, on a enclenché une nouvelle aire personnelle aussi je dirais.

Virgile Arndt – Faux Real :  Faux Real, ça a été une manière pour toi comme pour moi de clamer haut et fort nos personnalités, notre vision artistique et de s’affirmer en tant que personnes et artistes. Ça a été assez libérateurs dans ce sens-là mais je dirais que les personnages qu’on incarne, c’est la version la plus nous de nous même qui existe.

Eliott Arndt – Faux Real : Après avoir passés des années dans des autres groupes où on était à l’arrière-plan, à servir d’autres projets, c’était vraiment une manière de mettre tout ça de côté et de se lancer véritablement. C’était enfin nous, version brute. Et plus les gens réagissaient positivement à la proposition, moins on essayait de masquer.

 

Pop & Shot : Votre musique fait partie d’un ensemble, aux côtés d’un travail de recherche visuel et de prestations scéniques originales. C’est important pour vous d’être protéiforme et de ne pas être seulement focus sur la musique ?

Eliott Arndt – Faux Real : Oui carrément. Je pense surtout que pour le style de projet qu’on mène, c’est difficile de faire sans. Tu peux de plus en plus difficilement séparer l’art et l’artiste, et la vie personnelle…

Virgile Arndt – Faux Real :  En tout cas, nous, au niveau où l’on opère, je pense que c’est très vrai.

Eliott Arndt – Faux Real : Je pense qu’on cherche à être nous-mêmes dans notre projet, à ne pas être un personnage. Cette honnêteté, cette spontanéité, c’est aussi ce qui permet aux gens de comprendre le projet profondément, dans une forme d’identification.

 

Pop & Shot : Et vous vous êtes trouvés progressivement j’imagine, parce que j’ai vu que vous avez commencé avec une esthétique plus rock dans vos précédents groupes, si je ne me trompe pas ?

Virgile Arndt – Faux Real :  Oui, on vient de ce milieu-là, des groupes à guitares, batteries etc. Beaucoup de la musique qu’on écoute et avec laquelle on a grandi est celle-ci. On a mis un peu de temps… Disons simplement que ça a évolué. Plus on affinait ce groupe, plus c’est devenu personnel et moins identifiables aux codes de la musique rock ou indé. Le premier EP était quand même aussi enregistré avec une batterie, dans un studio, avec plus de « vrais » instruments, pas softwares. Le son était nourri par cet aspect mais assez vite, la performance scénique a poussé la musique dans une direction particulièrement électronique.

 

Pop & Shot : Vous avez fait beaucoup de concerts avant de sortir des choses ?

Virgile Arndt – Faux Real :  Oui et le maitre mot dès le début, quand on a réfléchi au projet pour le rendre viable et transportable, ça a été de pouvoir faire des trucs au pied levé, retrouver cette excitation de la spontanéité, cette énergie adolescente. Grâce à un minimalisme extrême et assumé.

 

Pop & Shot : Et sur scène, vous n’êtes que tous les deux…

Eliott Arndt – Faux Real :  Oui, c’est des backing tracks. C’est juste nous deux, de la chorégraphie, des costumes, de la performance.

Virgile Arndt – Faux Real :  On habite nos chansons corporellement.

 

Pop & Shot : C’est le cas de vos clips aussi. Je pense à celui de « Faux Maux ».

Virgile Arndt – Faux Real : Tous nos clips partent de ce qu’on fait sur scène et on les retranscrit de manière plus imagés, plus travaillés parce qu’on a plus de temps. Mais ça va dans les deux sens parce qu’il y a des morceaux qu’on a enregistré et qu’on a sorti avant de les jouer sur scène. Pour les besoins du clip, on a imaginé une chorégraphie qui, par la suite, a terminé sur scène. C’est marrant parce qu’on vient pas du tout du monde de la danse. En tout cas, on a pas cette formation. La partie danse est inventée. Comme tout Faux Real, c’est créé de toutes pièces.

 

Pop & Shot : J’ai vu que vous avez déjà performé dans des endroits insolites, comme des jardins, des maisons de retraite… C’est quelque chose qui est encore possible aujourd’hui pour vous, avec cette notoriété grandissante ?

Virgile Arndt – Faux Real : Oui, c’est quelque chose qu’on essaie de garder quoi qu’il arrive. C’est hyper excitant. Ca nourrit un côté un peu challenge. Ca nous plait d’explorer. C’est ce que je disais sur l’aspect transportabilité, de pas vraiment annoncer les choses… L’idée au départ c’était de dire oui à tout et de jouer autant que possible. On a fait des concerts où on avait pas de micros. Absurde *rires*

Bon maintenant qu’on a joué beaucoup, qu’on a un public et qu’on a sorti de la musique, si les gens achètent des places pour voir un concert, une performance, voilà, on a aussi une obligation de présenter quelque chose qui tient la route. Mais on essaie toujours de garder l’esprit ouvert pour ces propositions hors normes, notamment ces concerts en maison de retraire qu’on a commencé à faire il y a quelques années à New-York. C’était dans un quartier portoricain de Brooklyn avec des gens qui pour la plupart ne parlaient pas vraiment anglais. On a adapté des trucs pour chanter en espagnol. C’était génial, on y est retournés deux ou trois fois. C’est devenu un peu un pèlerinage.

Eliott Arndt – Faux Real : Et on y retourne dans deux semaines ! Les tournées, c’est les tournées mais voilà depuis le début, on a toujours voulu garder le fun en faisant des trucs improbables comme ça. C’est là où les gens réagissent beaucoup, quand ils voient qu’il n’y a pas de règles fixées.

Virgile Arndt – Faux Real :  Et puis pour nous, ça permet de maintenir quelque chose de vivant et d’excitant. On peut encore faire des trucs bizarres dernière minute.

 

Pop & Shot : A propos de l’album, j’ai remarqué que vous mettiez beaucoup d’attention dans les sonorités, toujours dans une recherche de trituration, notamment sur le refrain de « Hi tension » ou encore sur le dernier morceau « Scratch » que j’aime beaucoup. A quel point c’est important cette recherche sonore ?

Virgile Arndt – Faux Real :  Comme je le disais, sur le premier EP, on a commencé avec une formule un peu plus classique, orienté groupe. On s’est vite rendus compte que notre manière de travailler à deux était…

Eliott Arndt – Faux Real :  …un peu plus spéciale et unique ouais.

Virgile Arndt – Faux Real :  On vient pas du tout du monde de la prod musicale donc ça a été un challenge de pouvoir s’exprimer de plus en plus précisément à travers le choix des sonorités et des textures. On a toujours des outils de travail très minimales. On a pas beaucoup de matos, on reste assez dans l’instinct.

Eliott Arndt – Faux Real : Un truc qu’est arrivé avec le temps aussi, sans forcément le chercher, c’est qu’en apprenant à produire nos démos etc, on s’est familiarisés avec beaucoup de matériaux de base. On a pas cherché à aller beaucoup plus loin. L’idée c’était plutôt : comment on va prendre le son de base et le rendre intéressant, le tordre… Y’a beaucoup de sons qui reviennent dans l’album, que ça soit des synthés, des sonorités de drums ou encore le micro qu’on a utilisé. On aime ce truc autoréférentiel, où l’album a un son bien spécifique.

Virgile Arndt – Faux Real :  Y’a aussi beaucoup de sound effects. Ça a été un élément clé dans la constitution de notre son : quand c’est abrasif, quand ça surprend, quand c’est pas là où on l’attend.

 

Pop & Shot : Vous vous êtes d’ailleurs entourés de grands noms pour ce premier album, Geoff Swan au mix (Caroline Polacheck, Charli XCX), Heba Kadry au mastering (Depeche Moche, Bjork, Gossip etc)…

Virgile Arndt – Faux Real :  On travaille avec Geoff depuis quelques années maintenant. Il a adoré le projet et on adore son travail.

Eliott Arndt – Faux Real :  Ca a grave matché. D’avoir ces sonorités très basiques avec un côté presque cheap, mais de les travailler une attention et précision, c’était un défi. Je pense que les deux ensemble, ça crée quelque chose de particulier.

Virgile Arndt – Faux Real : On a constitué cette équipe pour l’album d’une manière lente. Ça s’est vraiment fait au goût et parce qu’il existait un intérêt mutuel pour le travail des uns et des autres. C’est le meilleur cas de figure possible. On est super contents de cette team.

 

Pop & Shot : Des morceaux « Sketches of pain » et « Love on the ground » fonctionnent super bien ! Quand vous composez, vous êtes dans quel état d’esprit ? Vous cherchez le tube ou vous laissez sortir comme ça vient ?

Virgile Arndt – Faux Real :  Je pense pas qu’on cherche pas à faire des tubes.

Eliott Arndt – Faux Real :  Ouais, c’est ça, on se pose pas trop de questions sur la forme du truc. Quand y’a un truc qu’est cool, on fait en sorte que ça cool

Virgile Arndt – Faux Real : On a tous les deux un vrai goût pour la mélodie, le song-writting pop. En terme de prod, on essaie aussi de faire rentrer toutes les autres influences, parce qu’on écoute des trucs du top 40 aussi bien que de l’avant-guarde chelou des années 70, de la musique expérimentale, de l’ambiant, de la techno… On ratisse large et tout ça nourrit évidemment les sonorités

Pop & Shot : Selon vous, c’est quoi les conditions idéales pour écouter votre album ?

Virgile Arndt – Faux Real :  Moi, la première fois que je l’ai écouté en entier, masterisé, c’était sur le toit de mon immeuble à Los Angeles, un soir avec une belle lune. Je me suis allongé, j’ai regardé le ciel, j’avais mes écouteurs et je l’ai mis à fond. Je me suis bousillé les oreilles mais c’était génial ! Ça valait le coup *rires*

Eliott Arndt – Faux Real : Moi, la première fois que je l’ai écouté, c’était au même moment sauf que j’étais à Dallas au Texas. C’était un soir avant de prendre l’avion. J’étais à l’hôtel de l’aéroport. Dans ma voiture de location en train de boire une bière sur le parking *rires*

Virgile Arndt – Faux Real :  Je pense que c’est justement un album qui s’écoute bien en voiture. C’est peut-être une déformation parce que je l’ai moi-même beaucoup écouté en roulant. En tout cas, on sait dans quelles conditions il ne vaut mieux pas l’écouter, du genre soirée romantique à la bougie. Non, faut le mettre à fond ! Mais ça sera au public de nous dire. On est impatients de savoir.

Faux Ever – Premier album de Faux Real (sortie le 11/10)

Le groupe se produire en première partie de Los Bitchos le 12 novembre prochain à la Cigale (Paris)


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Difficile ces dernières années de passer à côté du tourbillon Fontaines D.C. Le quintet irlandais…

« Soft tissue ». C’est le nom du nouvel album de Tindersticks, aussi doux que son titre le laisse entendre.
Meilleur que les deux précédents, rivalisant même avec leurs albums cultes des débuts, cet opus marque un retour en grande pompe du groupe, fait de morceaux toujours plus sublimes, et habité par une âme soul entièrement retrouvée.
C’est leur premier album composé post-pandémie, et il reflète l’immense plaisir qu’ont eu les membres du groupe de jouer ensemble à nouveau. Et de ces retrouvailles, la magie a opéré…

Pour l’occasion, Stuart Staples, chanteur et leader, nous a accordés de son temps pour répondre à nos questions.
Adorable personnage qui nous fait penser au père castor par son côté grand-père conteur d’histoires, l’homme dont la voix nous berce depuis plus de 30 ans nous attend sur la terrasse du bateau Petit Bain. Un cadre parfait pour s’entretenir avec lui autour du nouvel album, mais aussi autour de l’histoire du groupe et du chemin semé d’embûches qui les a amenés jusque-là.

Stuart Staples – Tindersticks
Pop & Shot : Le groupe a derrière lui plus de 30 ans de carrière. Qu’est-ce qui a changé depuis vos premiers pas et qu’est ce qui vous motive à encore faire des albums aujourd’hui ?

Stuart Staples – Tindersticks : Quand tu dis ça, ça sonne comme une ligne continue, sauf que cette ligne a connu beaucoup d’obstacles et a été brisée. On était de jeunes garçons qui, pendant nos cinq premières années d’existence, vivaient comme on l’entendait, selon nos propres règles. Personne ne se mêlait de quoi que ce soit. Pas de maison de disques. Sur cette période, on a fait nos deux premiers albums avec une liberté totale. Puis la réalité a fini par frapper à notre porte *rires* : maison de disques, budgets et tout ce qui s’en suit, avec le besoin de mener le groupe vers une existence viable, d’en faire notre travail. C’est vraiment difficile quand ta passion devient ta source de revenus. Tu dois prendre des décisions parce que tu dois payer ton loyer.

Pop & Shot : Le Tindersticks d’aujourd’hui n’est plus le même que celui des débuts donc ?

Stuart Staples – Tindersticks : Cette première formation du groupe que je viens d’évoquer a duré pendant dix ans avant de prendre fin. J’ai cru à ce moment-là que le groupe était terminé. Quelques disques solos sont parus puis Neil [Fraser] and David [Boulter], membres du groupe, ont voulu essayer de nouveau. On a alors recommencé à faire de la musique ensemble, accompagnés de Dan McKinna qu’on a rencontré à ce moment-là et qui est avec nous depuis. Il a eu un impact incroyable sur le groupe et sa relancée. Puis on a aussi rencontré Earl Harvin qui est notre batteur depuis 13/14 ans. Ces deux gars sont à l’origine d’une version du groupe totalement différente que celle originale. Les gens pensent qu’étant donné que je suis un des membres fondateurs, j’ai la main sur tout mais ça n’est pas comme ça que fonctionne un groupe. Les groupes sont généralement faits de personnalités musicales qui s’assemblent. Il faut sentir le feeling dans la pièce et si le feeling est là, tu ne peux pas dire : c’est moi seul aux commandes. Le groupe a vécu bien des choses et c’est toujours aussi stimulant.

Pop & Shot : Si le groupe a eu différentes vies, votre manière de chanter reste toujours dans la continuité des débuts selon moi. Cette façon si belle que vous avez de poser la voix en accord avec la musique, est-ce qu’encore aujourd’hui, vous la travaillez en quête d’exploration et de nouveauté ou, au contraire, est-ce que vous avez le sentiment d’avoir déjà atteint votre sommet à ce niveau là ?

Stuart Staples – Tindersticks : J’ai toujours été motivé par l’envie de faire des choses, plutôt que de me dire : hey je suis un chanteur. Quand j’étais jeune, pour faire exister une chanson, je n’avais pas beaucoup : une guitare et une voix. C’est grâce à ça que je pouvais faire naître des chansons mais je ne me voyais pas comme un chanteur. Dans les débuts du groupe, j’étais un peu désinvolte à propos de mon chant. En une prise j’étais là : ok c’est bon. Puis c’est à partir du quatrième album que j’ai commencé à prendre le sujet véritablement en considération. J’ai alors commencé à déceler les faiblesses de mon chant. Sauf que c’est une partie naturelle de moi. Je n’essaie pas d’en faire quelque chose d’autre. C’est juste moi. Et aujourd’hui encore. Tout est très naturel.

Pop & Shot : Vous composez depuis des années les bandes originales des films de Claire Denis. Qu’est-ce que cette collaboration de longue durée vous a apporté ?

Stuart Staples – Tindersticks : Je ne sais pas si je serais encore là à faire de la musique si ça n’était pas pour Claire. Chaque fois qu’on travaille ensemble, ses idées m’obligent à aller chercher ailleurs, sur un terrain nouveau de notre musique. Une fois que tu es passé par là, que tu es sorti de ta ligne créative pour explorer une nouvelle façon de jouer et de composer, tu en ressors forcément changé. C’est comme une extension du groupe qui le fait évoluer. Notre collaboration repose sur une conversation vivante entre nous deux à chaque fois. C’est SON film à elle et moi, j’essaie de l’aider au mieux à atteindre l’endroit où elle a besoin d’aller, toujours au service de son œuvre. Tant que la conversation est vivante, je suis toujours heureux d’y participer.

Pop & Shot : Et ça change quoi dans votre manière de composer d’écrire des morceaux pour du cinéma ?

Stuart Staples – Tindersticks : Il n’est pas question d’écrire sur notre propre expérience, mais plutôt à partir d’elle. Donc c’est pratiquement semblable, mais c’est à la fois quelque chose de différent. Je réponds à ce que Claire demande, à ses idées visuelles. Ca engage ma personne, mais d’une manière différente. Plus légère. Car parfois, nos propres créations peuvent être un peu lourdes, étant donné qu’elles parlent de nous directement…

 

Cover de « Soft tissue » (2024) – Tindersticks

Pop & Shot : Ce nouvel album que vous vous apprêtez à sortir est excellent. Je trouve que c’est l’un de vos meilleurs. Vous arrivez à capter mon attention de la première à la dernière note, avec des morceaux hyper prenants, jamais ennuyants…

Stuart Staples – Tindersticks : J’aime que tu dises ça : jamais ennuyants, contrairement à ce que vous pourriez penser ! *rires*

Pop & Shot : Oui pardon, ça ne devait pas sonner comme ça *rires*
Pouvez-vous nous parler de la conception de ce nouvel album ? Comment est-il né ?

Stuart Staples – Tindersticks : Premièrement, par la manière dont tu décis ce nouvel album, et je le ressens comme ça aussi, c’est que c’est un moment charnière pour le groupe. C’est un album post-pandémie, qui est marqué par le plaisir de se retrouver suite à un long moment on ne pouvait pas aller au studio tous ensemble. On sortait d’une période où on a été privé de ce temps important : celui de profiter de notre compagnie commune, celui de partager nos idées, celui de jouer… Pour nos retrouvailles, on s’est pas mis en tête de faire un nouvel album. Non. Quand notre tournée en Espagne s’est terminée, on a loué un studio là-bas dans l’idée de passer un week-end ensemble, à discuter, à boire, à jouer. Voyons ce qu’il se passe ! C’était le sentiment : on méritait d’avoir ce temps de nouveau ensemble, sans pression. Ca n’était pas un grand studio couteux. Il était modeste, et il nous a permis de célébrer ses retrouvailles dans la joie et l’inconnu. De là a commencé a naitre des bribes de morceaux : « Always a Stranger », « New World », « The Secret of Breathing ». On est revenus de ce séjour avec les bases de chaque idée, qu’il a fallu plus tard mettre en forme. Mais voilà, le cœur de tout, c’est nous dans ce studio à ce moment précis, poussés par un désirs commun.

Pop & Shot : Vous avez pris plus de plaisir avec cet album qu’avec le précédent (Distractions, 2021) ?

Stuart Staples – Tindersticks : Disons que Distractions a été fait pendant le confinement, donc c’était beaucoup moins fluide et chaleureux. C’était en mode : on se libère un jour pour mettre la batterie sur cette chanson. On avait pas cette atmosphère facile, sereine, et cool qui prédomine sur ce nouvel album. (14:30)

Pop & Shot : Ce nouvel album sonne plus soul que les précédents, avec des cuivres, des violons, et des chœurs féminins, ce qui le fait gagner en intensité et en accroche. D’où vient cette direction artistique ?

Stuart Staples – Tindersticks : Cet aspect fait partie de notre musique depuis très longtemps. Notre album « Simples Pleasures » sorti en 1999 se voulait vraiment être un album de soul. C’est tellement une partie intégrante de nous, de moi en tant que chanteur, d’Earl en tant que batteur, de Dan en tant que bassiste… C’est si naturel pour le groupe que ça n’était pas vraiment une décision en tant que telle. Rien est forcé. On le sent alors on le fait.

Pop & Shot : Et par rapport aux deux précédents albums, qu’est-ce qui différencie ce nouvel opus selon vous ?

Stuart Staples – Tindersticks : « No Treasure But Hope » est un album tellement naturaliste, qui a été fait en réponse à ce qu’il y a eu avant, c’est à dire trois projets très spéciaux dont la bande-originale de « High Life » (Claire Denis, 2017) et un album solo qui m’ont demandé beaucoup de temps et de recherche. J’en avais assez de creuser et d’expérimenter dans mon studio. Je voulais retrouver cette simplicité d’être avec les gars, ma guitare et ma voix. Ce qui a donné un disque très naturaliste. Mais finalement, je n’en suis pas totalement convaincu, car ça n’était pas assez excitant à mon goût. Puis « Distractions » a été en réponse à ça. Les morceaux et les sonorités sont devenus très abstraits. Je dirais que ce nouvel album est un combiné des deux. Il poursuit le solide travail de composition de « No Treasure But Hope », ainsi que l’aspect expérimental de « Distractions ».

Pop & Shot : J’ai l’impression que cet album gagne quelque chose en évidence, grâce notamment à la sensation d’un mouvement de progression et d’élévation tout du long, particulièrement marquant. Il y a comme un suspense qui nous maintient en haleine. Le morceau « Always a Stranger » en est la démonstration parfaite. Etait-ce volontaire, d’aller vers ce quelque chose de plus catchy ?

Stuart Staples – Tindersticks : La question du rythme est primordiale. Trouver le rythme, c’est l’enjeu principal.

Pop & Shot : Il y a une chanson intitulée Nancy, est-ce en référence a une personne réelle ?

Stuart Staples – Tindersticks : Non, c’est simplement le prénom d’une femme *rires*

Pop & Shot : La chanson d’ouverture de l’album « New World » me rappelle une autre chanson française qui porte le même titre : « Monde nouveau » de Feu Chatterton. Je ne sais pas si vous en avez déjà entendu parler. Le refrain dit « Un monde nouveau, on en rêvait tous ». Est-ce le cas du vôtre également ? Est-ce qu’on en rêve, de votre new world ?

Stuart Staples – Tindersticks : Les premières lignes de la chanson sont : « Baby I was falling, but the shit that I was falling through ‘Thought it was just the world rising ». [Chérie j’étais en train de tomber mais la merde dans laquelle je tombais était en fait un nouveau monde en élévation]. Ca parle de ne plus être capable de voir le chaos dans lequel on est. Parfois, tu as ton nom dessus. Et tous les gros problèmes de ce monde portent notre nom. On fait partie du problème. On est le problème. Si tu vis dans la tourmente, sentiment que cette chanson reflète, et que partout autour de toi, il y aussi de la tourmente, il faut essayer de comprendre où sont les frontières, d’où ce sentiment de tourmente provient, et si ce n’est pas quelque chose dont tu es toi-même à l’origine.

Pop & Shot : La chanson est accompagnée d’un très joli clip en stop motion, qui s’ouvre par une image d’écroulement. vous pensez que le monde dans lequel on vit est en train de s’effondrer comme dans le clip ?

Stuart Staples – Tindersticks : Avant d’écrire une chanson, je ne me dis jamais : ok cette chanson parlera de ça. Non. C’est les émotions qui me guident. Avant même de penser au clip, c’était important que le morceau et donc l’album commence avec ces perturbations. C’est ce qu’on entend musicalement au tout départ, avec ces gros cuivres. Cette partie symbolise le passé et ensuite, direction le futur. Ces perturbations sont destructrices pour moi. C’est pour ça que les immeubles s’écroulent au début du clip. Ensuite, le petit personnage peut commencer sa journée.

Pop & Shot : vous considérez cet album plutôt sombre ou lumineux ou les deux en même temps ?

Stuart Staples – Tindersticks : Ca change sur le moment selon moi. Si tu me parles de « The Secret of breathing », je vais te dire ok c’est une chanson dure. Vraiment très dure, pour moi. « Falling the Light », par exemple, parle de la lumière qui tombe sur l’eau, et sur les souvenirs. Quelque chose de lumineux donc. Mais c’est aussi autour de la lumière qui disparait. Chaque morceau a sa particularité. « Always a stranger » est une chanson qui en appelle désespérément à la connexion mais lorsque je pense à elle, je ne la vois pas comme une chanson noire particulièrement.

Pop & Shot : L’avant dernier morceau « turned my back », avec ses chœurs féminins, est magnifique et très entrainant. Elle finit presque l’album sur des notes joyeuses. C’est une bonne idée de l’avoir placé. Je n’ai pas de questions particulières *rires*

Stuart Staples – Tindersticks : *rires* merci beaucoup*

Pop & Shot : Concernant la cover de ce nouvel album, c’est une peinture comme beaucoup de vos précédents albums. Elle représente deux personnes qui s’enlacent. Je la trouve très apaisante. Pouvez-vous nous dire son histoire ?

Stuart Staples – Tindersticks : A vrai dire, ce n’est pas une peinture. Elle est faite en feutres, ce tissu artificiel créé à partir de fibres naturelles. On la doit à ma fille qui est une artiste du textile. Elle a crée elle-même chaque couleur que l’on voit dans cette image.

Pop & Shot : Vous lui avez donné une direction ou elle avait carte blanche ?

Stuart Staples – Tindersticks : Pas pour cette image non. Elle a commencé à travailler à partir de cette matière, le feutre, et j’ai beaucoup aimé. Je lui ai commandé trois images qui font partie de l’artwork global de « Soft tissue ». Mais l’image de la cover, c’est une œuvre sur laquelle elle était déjà en train de travailler et je l’ai supplié de pouvoir l’utiliser pour l’album.

Pop & Shot : Sur l’album précédent, vous repreniez une chanson de Neil Young : « A man needs a maid ». Je suppose qu’il est l’un de vos guides en terme de composition…

Stuart Staples – Tindersticks : Il fut un temps oui, mais c’était il y a longtemps. J’ai toujours énormément de respect pour lui. Il y a une époque dans les années 90, où, quand je partais en tournée, j’emmenais avec moi une pile de CDs avec mon lecteur walkman – c’était avant les téléphones etc *rires* – et dans cette pile, il y avait forcément un album de Neil Young. Puis est arrivé un moment où j’ai déconnecté avec tout ça, et je me suis « séparé » de beaucoup de monde. Des artistes qui, je le croyais, m’accompagneraient jusqu’à ma mort. Mais j’ai stoppé. Et aujourd’hui, avec du recul, je suis content de l’avoir fait. Je connais tout concernant cette musique mais je ne l’écoute plus. Ca ne veut pas dire que je ne l’aime plus… enfin je veux dire… tout le monde aime Neil Young non ? J’ai juste arrêté parce que je devais aller de l’avant et si je ne l’avais pas fait, je n’aurais pas été capable de vivre des expériences musicales incroyables que j’ai vécu durant les 25 dernières années. Mais quand même, tout le monde a envie de reprendre du Neil Young, ça ne fait jamais de mal.

Pop & Shot : Et vous écoutez quoi en ce moment ?

Stuart Staples – Tindersticks : J’aime beaucoup le dernier album d’André 3000. C’est ce que j’écoute le plus dernièrement.


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Voilà plus de 20 ans que le groupe  The Kills, mené par Alison Mosshart et Jamie Hince, aka le duo le plus cool du monde, rythme notre vie. Chaque album paru, de Keep on your main side à Ash & Ice, est devenu un « instant classic ».  Encore l’année dernière, ils publiaient God Games, leur 6e album, nouvel acte de foi envers ce rock si classe et rugueux, non pour autant dénué de tendresse. Le duo était sur la scène de l’Olympia le 3 mai dernier pour défendre ce nouvel opus. On vous raconte.

Ils sont à l’heure, 21h, apparaissant sur la scène devant un décor de bal de promo américain, style Carrie au bal du diable. Avec cette grande carrière, ils ont eu le temps de s’en faire, des aficionados (mais aussi avec la cover de leur dernier album). Car oui, ce sont de véritables stars. On ressent instantanément l’émerveillement du public à leur égard.The Kills Olympia 2024

The Kills, Premières surprises

Contre toute attente, le duo démarre le concert avec une belle surprise : un morceau relativement calme de leur tout premier album « Kissy Kissy ». Calme certes, mais bien électrique comme il faut, et intense sur sa longueur et dans sa répétition. « It’s been a long time coming ». C’est d’abord Jamie qui chante timidement cette phrase, presque unique parole du morceau, avant qu’Alison prenne la relève et fasse hurler la foule. Ce qu’elle dégage est dingue. Son micro est réglé au max, pour que sa voix nous cloue sur place, car c’est surement, outre l’incroyable danse de la guitare, le meilleur atout du groupe. Puissante, ravageuse. Le morceau doit bien durer six ou sept minutes, faisant grimper l’attente puisque tout le monde sait pertinemment que la suite sera explosive.

Et c’est le cas, avec la deuxième surprise de la soirée, puisque le duo enchaine sur « U.R.A Fever », morceau d’ouverture de leur mythique album Midnight Boom (2008). C’est l’un des plus forts du groupe et, en live, dès que retentit le bruit de téléphone qui l’introduit, il fait l’effet d’une bombe. Le show peut commencer !

 

Le Nouvel album parsemé de tubes

Place à leur nouvel opus, ensuite mis à l’honneur. Celui-ci sonne comme toujours avec les Kills : serpent métallique qui se répand à travers la salle pour poser son venin sur chacun.e d’entre nous, nous faisant tomber instantanément love, même si nous le sommes déjà depuis 20 ans. La recette fonctionne toujours, avec cette formule on ne peut plus duo, avec une rythmique entièrement enregistrée. Jamie assure à la guitare et Alison au chant. Parfois, les kicks sont un peu bourrins, mais les deux maitrisent tellement leur art qu’on se laisse prendre par l’intensité des versions. Deux chœurs féminins rejoignent la partie sur trois titres, dont « DNA » issu du 4e album Blood Pressures (2010), auquel elles apportent une ampleur jubilatoire. De ce même album, nous aurons le droit à la fin avant le rappel à l’incroyable « Future Starts Slow », le plus gros « tube » de leur carrière. Scotchés, cela nous rappelle à quel point ce morceau est grand, même 15 ans après sa sortie.

Parmi les morceaux ayant réuni le plus d’applaudissements dès l’esquisse de leur première note, on compte aussi « Doing it to death », issu de leur 5e album Ash & Ice (2016). Celui-ci est un mastodonte qui ravage tout sur son passage. Impressionnant !

Manger rock équilibré !

Equilibrée, la setlist ne se sera malheureusement pas attardé sur l’album No Wow (2005), que nous adorons de tout notre cœur. Tant pis, car nous savons qu’avec une carrière de cette taille, les concessions sont obligatoires. On quitte l’Olympia suite à un joli rappel de 4 morceaux, concentré sur le dernier album, mais avec comme surprise finale « Sour Cherry », un morceau bien rentre dedans issu de Midnight Boom ! Que pouvait-on attendre de mieux ?


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