Le nouvel album de Rosalía a déjà fait le tour du monde et reçu une floppée d’éloges saluant son audace et sa grandeur. Numéro 1 partout. En un temps record, tout le monde criait déjà au génie, certains allant même jusqu’à parler de révolution pop. Aujourd’hui, nous arrivons un peu après l’euphorie générale, 11 minutos tarde, mais non moins excités par cette œuvre majeure de 2025, et nous souhaitions en remettre une couche si vous le voulez bien. Alors, LUX, révolution ?

Déjà en 2022, soit il y a 3 ans, le nom de Rosalía était sur toutes les lèvres et sa musique dans toutes les oreilles, avec l’album MOTOMAMI, bijou de pop moderne aux mélanges de flamenco, salsa, hip-hop, soul, reggaeton… La chanteuse espagnole déjà au sommet. Une star mondiale. Comment revenir sur le devant de la scène en marquant le coup ? s’est-elle très certainement posé la question. En allant chercher ailleurs, s’est-elle très certainement dit. Et voilà qu’en cette fin d’année, ce fut l’heure de cette renaissance. Rosalía transformée en sainte, accompagnée d’un orchestre, et chantant en 10 langues différentes. Dit comme ça, on aurait tendance à penser que c’est un moove de prouveuse. Et c’est d’ailleurs ce que nous nous sommes dit, notamment à la sortie du premier single « Berghain » qui, pris individuellement, n’a pas été tant un choc, malgré l’artillerie lourd déployée. C’est seulement plus tard qu’il nous ait apparu, inscrit dans un ensemble.
Une approche qui interroge Rosalía
Mais d’abord, avant d’être convaincus, et nous allons y venir, une interrogation cruciale : qu’est-ce que tout le monde a avec les orchestres symphoniques ? Comme si c’était une étape obligatoire pour « augmenter » sa musique via une approche maximaliste… Comme si, presque en opposition avec une précédente identité plus populaire, il fallait à tout prix redonner vie à la musique, la rendre plus humaine, plus chaleureuse. C’est en tout cas ce qu’affirmait Daft Punk en 2013 sans même aller jusqu’à l’orchestre. Or, cette pensée cache un sous texte : il y est question de rendre une musique populaire plus appréciable par les classes aisées. La rendre donc plus « savante », si l’on s’en tient à cette opposition historique entre musique savante et musique populaire. Alors, lorsqu’on apprend que Guy-Manuel de Homem-Christo, une moitié de Daft Punk, aurait coproduit des titres de LUX, on espère que cette vision a évolué et qu’elle ne s’applique pas à Rosalía. Car les artistes ont évidemment le droit et le loisir d’être attirés par une démarche plus « humaine », comme ils aiment à l’appeler, sans tenter de l’opposer à leur passé pour mettre de l’ombre sur ce dernier.
A contrario, on peut aussi penser différemment et se dire : il ne s’agirait pas tant pour l’artiste de trahir son identité populaire, mais plutôt d’utiliser simplement une forme associée à la musique savante pour justement y incorporer cette identité intacte. Et d’ailleurs, en ce sens, certains férus de musique classique reprocheraient à LUX de trop simplifier cette dernière, de lui enlever sa complexité, ses variations, son « aura »… C’est bien que sa musique continue de s’adresser à un public hyper large sans chercher à atteindre forcément des classes plus élevées. Les chiffres vont d’ailleurs dans ce sens. En touchant autant de personnes, de fait, elle reste dans une certaine approche populaire qui rend son album encore plus surprenant.
Peur de rien ! Rosalía
Rentrons maintenant dans le vif du sujet. Car au-delà des interrogations qu’il soulève sur sa démarche, LUX a aussi été pour nous une sacré claque. Et oui, quelle œuvre riche, complexe, puissante. Son écoute constitue un labyrinthe émotionnel jouissif, d’une incroyable accessibilité. Rosalía flex, et le fait avec brio. Musique baroque, opéra allemand, chant lyrique… Jusqu’où peut-elle aller ? Rien ne semble être une barrière. Le plus étonnant étant la cohérence d’ensemble. Le tout s’enchaine magnifiquement, sans même se rendre compte des performances dingues de l’artiste. C’est toute la force de LUX, de combiner une multitude d’éléments divers en une entité compréhensible, logique, fascinante, qui jamais ne tombe dans l’effet inutilement.
Une valse grandiose Rosalía
Tout est parfaitement maitrisé, d’une folle précision. Et quand vient « Berghain » par exemple, qui ne nous avait pas tant marqué en tant que single, là, à ce moment précis dans l’album, le morceau prend tout son sens, par son entrée majestueuse. Il faut dire qu’il arrive après le sublime « Mio Cristo Piange Diamanti » et que l’enchainement des deux relève de la perfection. Varier les ambiances, les rythmes et les manières de chanter, est une des forces implacables de LUX. Parfois, comme sur les géniaux « De Madrugà » et « Dios Es Un Stalker », Rosalía met un temps de côté le lyrisme pour mieux retrouver son identité pop, avant de refaire un pas en arrière (ou en avant ?) comme prise dans une valse avec elle-même sur le morceau d’après, l’incroyable « La Yugular » dans lequel elle prend son temps jusqu’à un final grandiose. LUX est en mouvement constant, dans une avancée rotative hypnotisante. Ses sons électroniques au service du classique le rendent tout particulièrement moderne, sans aller jusqu’à parler de révolution. Björk est passée par là avant, et Rosalía le sait, puisqu’elle la convie sur l’album, comme pour lui rendre hommage et la remercier. Le choc de leurs deux voix sur « Berghain », toutes deux organiques, mais l’une plus texturée et âpres que l’autre, est une merveille.
Histoires de femmes religieuses Rosalía
LUX est aussi un hommage à plusieurs femmes, figures saintes associés à la religion comme Santa Rosa de Lima (« Reliquia ») ou encore Ryonen Genso (« Porcelana »), une moine bouddhiste japonaise. Rosalía met en avant leurs histoires, dans la langue d’origine de ces femmes, sans se les approprier, mais en faisant un parallèle avec ses propres expériences. D’où le fait qu’elle se mette en scène en tenue religieuse sur cette magnifique cover.
Avec cet album, l’artiste espagnole signe donc l’œuvre musicale la plus écoutée et saluée de l’année 2025, provoquant l’excitation générale. C’est la preuve qu’elle est parvenue à satisfaire ses fans inconditionnels tout en arrivant à atteindre un nouveau public. Et, de prime, faire rager les puristes de musique classique. On trouve ça magnifique. On ne peut qu’applaudir.

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