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Julia Escudero

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Et voilà que l’automne est déjà arrivé ! Si la saison n’a pas officiellement commencé, les températures elles invitent déjà à se lover dans son plaid et à regarder les feuilles tomber. On peut profiter de septembre pour reprendre ses force puisque, octobre juste après, sera le mois du MaMA Music et Convention !  Il promet une nouvelle édition placée comme toujours sous le signe de la découverte au gré de déambulations dans le 18ème arrondissement et le quartier de Pigalle. Et pour mieux savoir où aller dans toutes les salles qui y participent, l’évènement a enfin dévoilé la totalité de sa programmation . Il ne faut pas s’y tromper il a toujours  le nez creux, repère les talents, annonce les carrières et offre de très beaux moments de scènes. Alors à vos agendas !

Affiche MaMA Music et convention 24

MaMA Music et Convention, réservez les dates !

Outre les nombreux concerts, ce festival pour le moins indispensable est l’un des plus beaux rassemblements professionnels de la musique en France. Entre les lives, rencontres, échanges, ateliers et conférences s’adressant à ses participants.

Prenez dès à présent vos agendas et notez les dates du 16, 17 et 18 octobre en rouge, vous ne voudriez pas manquer cette grande fête.

Cette année encore Pop&Shot est ambassadeur du MaMA Festival et Convention et vous entraînera dans notre folle course à travers les rues de Pigalle. Restez connectés, on vous réserve des surprises.

En attendant de vivre ces trois très belles soirées de concerts, découvrez l’annonce complète de la programmation ci-dessous.

A noter également que le MaMA Festival et Convention comporte également son lot d’évènements en off dont des showcases qui auront lieu au disquaire de notre média, The Mixtape. Pour en savoir plus, suivez-nous sur noter Instagram !

La billetterie du festival, c’est par là que ça se passe.

Découvrez les derniers artistes programmés au MAMA 2024

BILLIE / YEND / RAIVY / 2L / JULIANE PIERMAY / SYDO / YELSHA / ETANE / KARI BEE / SOPYCAL / WHISPER / LOSSAPARDO / 8RUKI / MU540 / LES SOEURS MALSAINES / SWHOOH / ONEDA / KURT SUTIL / NOUVEAU MONICA / CELELE / RAGAPOP / ANYONEID / LUANA FLORES / XAPE / SOLITARIS / ANAIS CARDOT / RALPH BEAUBRUN / ZEQUIN / MAAR / ELEONORE FOURNIAU / MEZAR / ELEKTRE / AITAWA / DENDANA KING KRAB / ISADORA / JON ONJ / IKAN HYU / JUNGLE SAUCE / FUTURE EXES / MELISSA WEIKART / JOSY BASAR / GRAND CAMINO / GABRIEL KRÖGER / LUZ / LYNX / EDVA / LA MANA / ISKWĒ / LeFLOFRANCO


The Offspring : the former kids are alright

The Offspring @ Rock en Seine 2024 - crédit : Louis Comar
The Offspring @ Rock en Seine 2024 – crédit : Louis Comar

Il est un lieu où l’on a toujours 15 ans, inlassablement, et ce même année après année. Cet espace de parfaite régression se situe sûrement dans la musique que l’on écoutait à cet âge là. Pourtant, il parait d’autant plus vrai pour tous les groupes qui ont fait la grande époque du post punk. En la matière The Offspring était déjà l’un des darons de cette grande famille aux cheveux colorés et aux riffs saturés. Et comme pour les aînés que l’on regarde toujours avec respect, leur présence semble inévitable et indiscutable. Plus bière de Proust que madeleine, la formation se présentait pour la 4ème fois de ses propres dire sur la scène de Rock en Seine. « Tu y crois Dexter ? » lui lance d’ailleurs amusé son acolyte à la guitare, Noodles, pour les intimes. Puisque avant il était de bon ton de se donner des noms de scène au sein d’un groupe. On pourra prendre tout le recul de l’âge, celui que confère des centaines de lives vus, rien n’y fait, le charme opère toujours. Chaque apparition du groupe sur scène fait toujours mouche, faisant de nous des pantins prêts à reproduire tous les gimmicks adorées du rock show idéalisé. Les premières minutes de « Come out and play », introduction parfaite suffisent à faire bondir et rebondir. La foule ne s’y trompe pas alors qu’elle se lance immédiatement dans un mélange entre pogo et danse à la sauce punk, têtes qui se balancent dans tous les sens. Evidemment, le groupe connait son public de festival, venu se mettre les très gros tubes d’ « Americana » et consorts dans les oreilles.  Et c’est bien un rouleau compresseur de gros singles qui nous attend. « Want you bad » qui figurait sur le BO d' »American Pie 2″ est joué en troisième position. Et quel joie de chanter à nouveau dessus, comme de citer le titre de ce film d’un autre temps aussi culte que complètement obsolète. Dexter et Noodles sont particulièrement causant, échangeant l’un avec l’autre en des phrases à l’intonation de showmen, G.O d’un soir. Les voilà qui entament bien rapidement des « Hey ho let’s go » empruntés aux Ramones pour « Blitzkrie bop ». « On a affaire à un public qui aime les gros mots ici ! » s’amuse à clamer Noodles. Et chaque mot permet de l’assistance de se lancer dans des « hooo » de plaisir distincts. Les confettis sont balancés dans la foulée alors qu’une pluie de titre s’apprête à se succéder. « Bad Habit », « Why don’t you et a job ? », « Pretty fly (for a white guy) » et même « The kids aren’t alright », tous nos vieux amis sont là. Et qu’il est bon de chanter avec eux. Quittant nos corps pour entrer dans une transe collective, un monde sans âge où les 4 jours de festival écoulés ne font plus mal aux jambes. Le set s’achève sur « Self Esteem » issu de « Smash » sorti en 1994. Et rien que l’évocation de ce nom confère en une prise de liberté totale, le souvenir de tous les possibles et la rebélion qui colle à l’espoir de la jeunesse. Quelques derniers sauts dans les airs et il faudra revenir au présent. Il n’est pas si mal finalement, on est encore en plein festival et puis au moins on a l’âge légal de se payer une bière !

LOVERMAn : DARLING Boy

Loverman - @Pénélope Bonneau Rouis
Loverman – @Pénélope Bonneau Rouis

À 17h30, une petite foule se presse devant la scène Firestone. Certains semblent avertis de la tornade qui s’apprête à leur tomber dessus (et de la pluie, tant les K-way et les cirés sont de sortie), d’autres semblent avoir atterris là un peu par hasard, au détour d’un bosquet ou d’une cascade. Loverman, que l’on ne présente plus, s’apprête à monter sur scène… 17h31, l’amoureux se fait désirer. Puis, un cri de surprise dans la foule, un deuxième, un rire… peu à peu, la foule se tourne vers ce bruit. Loverman se glisse entre les gens, assuré, sourire fier. Il grimpe sur la barrière, bondit sur la scène et hurle « Here comes your Loverman ! » et dans une fanfare qu’il est le seul à gérer, débute sa performance tantôt clownesque, tantôt théâtrale, toujours passionnée. En quarante minutes, Loverman enchaînera les morceaux issus de son premier album, Lovesongs. Le live est une manière pour le chanteur de constamment revisiter ses morceaux, laissant libre cours au moment pour transformer son oeuvre initiale. Des rugissements parsèment soudainement sa folk en clair-obscur. À son habitude, dès le deuxième morceau, Loverman plonge dans la foule sous les regards amusés des fidèles et ceux mal à l’aise des novices. Tambourin en main, éclair dans le regard, il harangue une foule qui grandit de minute en minute et qui, à la manière d’une Mer des Joncs, se scinde en deux pour mieux laisser passer son guide. Il y descendra trois fois dans cette foule adorante, intriguée, attisée par un feu qu’elle peine à domestiquer. Un feu-follet qui court et saute et s’éloigne avant qu’on ne réussisse à le saisir. Les quarante minutes sont passées, on n’a pas vu les aiguilles glisser, malgré les questions redondantes de Loverman : « Quelqu’un a l’heure? » Oui, mais on ne veut pas savoir. Il est 18h10, Loverman laisse son micro à quelqu’un dans l’assistance, il se glisse dans la foule, trombone à la main et disparait. « Euh, il est où? » demande le porteur de micro. Quelques instants plus tard, Loverman est retrouvé à plusieurs mètres de la scène Firestone, à jouer du trombone près de la scène du Bosquet.
Funambule et saltimbanque, insaisissable, il disparait à nouveau. 

Kae Tempest : It was grace

L’art c’est la connexion. Celle qui unie tout le monde en un cercle. C’est sur cette idée que s’ouvre le set de Kae Tempest. L’artiste se présente sur scène et adresse la parole longuement à l’audience, dans ce qui sera, prévient-iel, son seul temps de parole. Parler l’obligerait à sortir de son art, à s’extraire de la musique, hors la musique, parle plus que tous les mots du monde. Et qu’est-ce beau de parcourir le Monde pour communiquer de cette façon ! Point de décors travaillé au programme, juste un fond, simple. Et la beauté d’un texte récité sous forme de spoken word avec une intensité qui transperce les âmes. « Votre solitude est le symptôme, pas le mal » dira-t-iel plus tard sur l’un de ses textes-poèmes. En cette heure de show, ce mal disparait entièrement. Face à un public venu en nombre malgré sa présence sur la petite scène du Bosquet, Kae Tempest unit par des mots et repousse tous les maux. Mais iel sait aussi les décrire, les raconter pour mieux les conjurer. Il faut dire que le ton avait été donné dès les toutes premières notes de « Priority boredom », interprété en intro d’un set qui ne permettra à aucun moment de respirer. Et puis vient le moment de « Grace », récité en immense majorité a capella. « Make love, let me be love. Let me be loving. Let me give love, receive love, and be nothing but love » scande l’immense musien.ne, et sous ses mots nous ne sommes tous.tes qu’amour. Le souffle court, seule une question persiste, comment une intonation et quelques notes susurrées peuvent à ce point ouvrir les coeurs ? C’est la toute la grandeur de l’oeuvre de Kae Tempest et de son immense album « The Line is a curve » dont la perfection du titre n’a de cesse d’émouvoir. Il y a tant à dire sur ce moment bercé par le soleil qui doucement se couche, l’air rafraîchi par la pluie de la journée et les visages tournés, transcendés, et baignés d’espoir. Bien au delà de la musique, de la simple scène, l’artiste est le vaisseau d’émotions à fleur de peau, iel les portent pour nous, les rend plus faciles à accepter. La beauté et la colère peuvent cohabiter, on peut s’oser à les sentir sans être effrayer, sur scène, la route nous a été dégagée. Tout ira bien mieux maintenant. C’est une promesse, il suffit d’y croire. Et lorsque les yeux s’ouvrent après un moment instrumental, il est temps d’accueillir un nouveau titre, promesse d’un album à venir l’an prochain. Les au revoirs se font le sourire aux lèvres alors que l’air a été boulversé. « I saw light » chante-iel avec Grian Chatten, eh bien nous aussi.


Carlos O'Connell de Fontaines D.C. @Pénélope Bonneau Rouis
Carlos O’Connell de Fontaines D.C. @Pénélope Bonneau Rouis

Difficile ces dernières années de passer à côté du tourbillon Fontaines D.C. Le quintet irlandais a conquis la planète rock, redéfinie le post punk et subjugué les esprits avec ses incroyables précédents albums « Dogrel », « A Hero’s death » et « Skinty Fia ». Tous méritent d’être cités et écoutés. Les voilà de retour le 23 août 2024 comme un cadeau de pré-rentrée avec « Romance ». Un album qui va radicalement changer tous les codes auxquels le groupe nous a habitués, l’encrant dans une nouvelle ère musicale. C’est pour le promouvoir que Fontaines D.C était de passage à Paris. Le rendez-vous était pris dans les locaux de leur nouveau label Beggars. Nous avons eu le plaisir d’y rencontrer Carlos O’Connell qui était venu accompagné de sa petite fille âgée d’un an. Difficile d’arrêter la tornade Carlos, fascinant lorsque l’on se met à parler de musique, de romance non romantique, du Monde actuel, de démocratie, d’imaginaire, d’identité, du rock qui se fige, du Hip hop aujourd’hui plus transgressif que les autres courants et de la situation à Gaza. Un moment dense, puissant et une conversation pleine de sens, à lire. Rencontre.

Pop&shot : Félicitations pour votre troisième album, Romance, comment aimerais-tu le décrire ?

Carlos O’Connell – Fontaines D.C : C’est un album très intense, qui vient à bout du vide et du manque de sens dans le Monde en ce moment. D’essayer de trouver une option, une solution et la beauté du monde.

On s’est habitués à un système où tout le monde et toutes les idées sont pré-déterminées et structurées.

p&s : Et cette option serait la romance ?

Carlos O’Connell – Fontaines D.C : Oui et non. C’est pas vraiment une question d’amour romantique, c’est plutôt l’idée de pouvoir romancer n’importe quoi. D’être capable de trouver de la valeur et de la beauté au monde physique, tangible et sociétal. C’est la volonté de trouver de la valeur au monde.

p&s : Quelles valeurs attacherais-tu au monde? 

Carlos O’Connell – Fontaines D.C : En fait, c’est une question très existentielle. On s’est habitués à un système où tout le monde et toutes les idées sont pré-déterminées et structurées. On part du principe que c’est comme ça que l’on doit vivre et qu’il n’y a aucun autre moyen. Pour moi, la vie se concentre sur la quête de la beauté et ce qui en découle. Et parfois on oublie de la chercher et de la regarder. 

L’idée générale de la carrière, la famille, la stabilité, la démocratie, les classes sociales, tout ça se mélange et perd la valeur initiale pour tenter de créer une forme d’identité culturelle tronquée.

p&s : En tant qu’artiste, vois-tu la beauté partout ? 

Carlos O’Connell – Fontaines D.C : Oh non, pas du tout. On serait tous capables de changer le Monde si l’on ne consommait pas autant toutes ces idées. L’idée générale de la carrière, la famille, la stabilité, la démocratie, les classes sociales, tout ça se mélange et perd la valeur initiale pour tenter de créer une forme d’identité culturelle tronquée. Toutes ces choses me donnent l’impression que le monde perd de plus en plus son sens. Et en se référant constamment à ces choses-là, le monde perd de sa beauté et de sa valeur. On en rate la vie.
Un enfant, par exemple, ne colle pas aux critères de la société. Un enfant est un enfant et on lui crée des structures et des valeurs pour qu’il corresponde ensuite aux critères de cette société. Et c’est pour ça que beaucoup de gens peinent à parler à des enfants. Et ça s’entend d’une certaine manière. J’adore voir le monde à travers les yeux de ma fille, elle n’est attachée à rien du tout à aucune structure sociétale. C’est que de la joie. Tu vois tellement de gens stressés, épuisés par la société, leur travail, etc. [Ce jour-là Carlos était accompagnée par sa petite fille Ndlr]

Tout est là pour nous, pour l’apprécier. On a créé un trou dans le monde moderne et ce trou se comble par la romance. Tout s’invente, tout est dans l’imagination et c’est plein de sens. Tu y attaches la valeur que tu veux. Il n’y a aucun mal à insuffler de l’imaginaire dans le réel. On vit dans l’imaginaire tout le temps. C’est légitime de faire ça et peut-être que ça nous permet d’accepter un peu mieux la réalité, comme la mort par exemple. L’identité s’invente et pourtant il n’y a rien de plus réel que ça. Le monde va vers une démocratisation, au point de perdre tout son sens : plus de valeur, plus d’identité et notre raison de vivre. C’est aussi un choix individuel et qui vient de l’inspiration. Je me souviens du premier poème qui m’avait marqué quand j’avais 12 ans et qui a changé ma vie. Ça m’a appris à regarder le monde et à chercher du sens. Le rêve derrière la démocratie n’est plus là, il faut la déstructurer. On a oublié quel était le rêve initial. Il n’y a plus rien derrière. C’est ça la romance pour moi : le pont entre les interactions physiques et l’imagination. 

.Le rêve derrière la démocratie n’est plus là, il faut la déstructurer. On a oublié quel était le rêve initial. Il n’y a plus rien derrière. C’est ça la romance pour moi : le pont entre les interactions physiques et l’imagination.

p&s : Tu parles beaucoup d’identité. En tant que groupe, une identité collective vous a été donnée. En tant qu’individu, comment perçois-tu cette identité? 

Carlos O’Connell – Fontaines D.C : Je pense que Fontaines est un groupe d’amis qui se sont bien trouvés. Et on a commencé à voir le monde à travers le regard des uns et des autres. Et on essaye de conserver cette amitié originelle car la perdre serait une tragédie. Le groupe c’est notre happy place et il s’avère que ça plait à d’autres gens aussi. C’est quelque chose de magnifique. J’aime vivre ma vie en espérant voir le monde à travers les yeux des gens que j’aime. C’est beau que les gens acceptent voir le monde à travers nos yeux. 

 P&s : Tu parles des gens que tu as rencontré en tournée ?

Carlos O’Connell – Fontaines D.C : Pas vraiment, parce que j’ai pas forcément l’occasion de rencontrer tout le monde. Grâce à ce groupe, je peux me rapprocher de personnes qui ont une vision du monde fascinante. Ça te donne une perspective nouvelle. On se retrouve les uns dans les autres. 

p&s : Vous tournez beaucoup, où trouvez-vous le temps d’enregistrer et de composer ? 

Carlos O’Connell – Fontaines D.C :  D’une certaine manière, le prochain album commence toujours quand on finit le précédent. On fait un album, on passe beaucoup de temps ensemble à creuser des idées et l’album est fini. Et très vite, tu veux recommencer l’exercice et d’autres fois tu veux être seul, réfléchir par toi-même et revoir le monde selon tes critères. Mais ça ne dure pas longtemps et très vite on a de nouveaux projets et un an passe et les chansons se concrétisent. L’une des premières chansons de l’album a été écrite vers la fin du processus pour Skinty Fia, vers 2021. Et d’autres chansons ont suivi et très vite Romance a pris forme. C’est pas un processus constant pour nous, les chansons apparaissent et on les façonne. 

Carlos O'Connell de Fontaines D.C. @Pénélope Bonneau Rouis
Carlos O’Connell de Fontaines D.C. @Pénélope Bonneau Rouis
P&s : Les chansons sur l’album ont l’air plus joyeuses, la couleur aussi et l’esthétique est très 90s. Était-ce contrôlé ou est-ce que c’est arrivé spontanément ?

Carlos O’Connell – Fontaines D.C : Ça a été très spontané, oui. On écrit en réaction à ce qui nous entoure et en fonction de ce qu’il se passe, ça influe sur ce que tu écris. Il y a des moments où tu es heureux et tu veux pas sortir de cet état pour aller l’écrire, tu en profites pleinement. Il y a quelques chansons un peu nostalgiques. Le son est très 90s, mais c’est aussi une question de goûts. On a des gouts très éclectiques et on passe notre temps à écouter de nouveaux morceaux.  Et on écoutait beaucoup de Korn, de Deftones et de Nirvana. Tous ces groupes se sont un peu mélangés. 

Je trouve ça ennuyeux les groupes qui font de la musique anti-système, juste parce que c’est à la mode d’en parler. Et le hip hop me parait plus authentique sur ce point-là.

p&s : La scène hip hop est actuellement l’une des plus prisée des novatrice comme ce fut le cas dans les 90’s. Est-ce que cela a eu une influence sur vous ? 

Carlos O’Connell – Fontaines D.C : Oui je pense. Ce que j’aime avec le hip-hop, c’est cette attitude finalement très punk et transgressive qui était devenue un peu inexistante. Je trouve ça ennuyeux les groupes qui font de la musique anti-système, juste parce que c’est à la mode d’en parler. Et le hip hop me parait plus authentique sur ce point-là. Je trouve que c’est culturellement plus légitime et significatif. J’aime le rap actuel parce que je trouve ça plus radical que des groupes à guitare. Il y a presque plus d’options en rap. J’adore le noise rock mais à part quelques exemples, j’ai l’impression que les groupes de rock sont assez polis de nos jours. Il y a tellement de morceaux raps qui sont plus intéressants. 

p&s : j’avais une interview il y a quelques mois avec Protomartyr. on parlait scène hip hop et selon eux comme les gens se concentrent davantage sur le rap, ça laisse plus de liberté au rock d’expérimenter de son côté. 

Carlos O’Connell – Fontaines D.C : Je suis pas d’accord. Je pense que c’est carrément le contraire. Bien sûr, des groupes comme Protomartyr sont complètement libres de faire ce qu’ils veulent mais d’autres groupes de rock se ressemblent énormément. Ils essayent d’appartenir au même genre de rock indé. C’est un peu méchant dit comme ça, mais je trouve que le rock est un peu rigide en ce moment. Il y a des groupes vraiment bon comme Jockstrap ou Black Midi. Mais il faut savoir trier. Et si c’est censé être transgressif, ça doit se voir. Et je trouve que le rap est plus fou sur ce plan-là. Le rock a juste peur de la cancel culture maintenant donc ils sont trop politiquement corrects. Je pense pas que la musique devrait se soucier de ça. 

[Ndlr : Pour retrouver l’interview de Protomartyr, ça se passe par là !]

Le rock a juste peur de la cancel culture maintenant donc ils sont trop politiquement corrects. Je pense pas que la musique devrait se soucier de ça.

p&s : Qu’est-ce qui a causé ça à ton avis ? L’attitude punk a-t-elle été remplacée?

Carlos O’Connell – Fontaines D.C : Je pense que c’est lié aux différentes carrières installées. Le rock est surtout représenté par des petits labels indés qui doivent se protéger de la casse en cas de gros scandales. Et si une major a des soucis au tribunal ou je ne sais quoi, ils s’en foutent. Les groupes indés ont peur de perdre leur contrat. Et avec les réseaux sociaux, tout te revient en pleine tête. Et pourtant, le monde du rap est complètement détendu, ils s’en foutent. Le rock personnifie ce sens de justesse et de droiture dans un sens et de bien-séance. Et faire une interview aussi ça fait peur. On a peur de dire le mauvais truc, d’être mal cité, etc. Ça m’est jamais arrivé encore, mais j’ai quand même peur!  J’ai juste l’impression que le rock est un peu sans issue. Le rock est devenu un privilège. La seule chose qui ne devrait pas être sacrifiée, c’est la musique.
Je ne pense pas que la musique va changer le monde complètement mais ça peut quand même améliorer les choses. Je trouve ça fou le nombre de personnes qui clamait haut et fort Black Lives Matter en 2020 mais qui disent rien sur ce qu’il se passe à Gaza parce qu’ils craignent que ça ait une influence sur leur carrière. C’est pathétique. Quel est le principe d’avoir une voix, une plateforme si tu ne prends pas la parole ? Ça perd tout le sens de la musique comme acte de résistance et ça devient un simple divertissement. 

 Je trouve ça fou le nombre de personnes qui clamait haut et fort Black Lives Matter en 2020 mais qui disent rien sur ce qu’il se passe à Gaza parce qu’ils craignent que ça ait une influence sur leur carrière. C’est pathétique.

p&s : de votre côté, Vous avez d’ailleurs fait un EP dont tous les bénéfices reviennent aux victimes palestiniennes à Gaza…

Carlos O’Connell – Fontaines D.C : Oui, je suis un peu perdu en ce moment entre être désespéré et espérer un changement total de la situation. Bon, on a réussi à en parler, à attirer l’attention dessus. C’est impossible aujourd’hui de ne pas en avoir entendu parler et si certains en ont pas entendu parler c’est qu’ils ont fait ce choix-là et on peut rien faire contre ça. Quoi d’autre peut arriver finalement ? Je ne pense pas que ça va s’arrêter du jour au lendemain. En tant que société mondialisée, qu’est-ce qu’on peut faire pour arrêter le massacre ? J’ai peur de succomber à l’idée que rien ne va changer, sinon on est foutus si on pense tout comme ça. Ça voudrait dire que tout peut arriver et que des crimes contre l’humanité peuvent avoir lieu en toute impunité. Je pense qu’en Occident, on a plus ou moins réussi à donner une voix aux palestiniens. C’est une situation effrayante. Et je peux pas m’empêcher aux groupes qui ne font rien et qui ne disent rien. 

Interview : Julia Escudero et Pénélope Bonneau Rouis

Fontaines D.C. sortent leur quatrième album Romance le 23 août 2024 et  passent en concert à Paris le 13 Novembre prochain au Zénith de la Villette.

 


Titre culte parmi les titres les plus cultes, monument de la musique, « Like a Rolling Stone » de Bob Dylan est un incontournable. Souvent associé à tord à une jolie chanson d’amour un poil déprimée, son histoire est bien plus complexe. Sa présence sur l’album « Cat Power sings Dylan » est une occasion comme une autre d’en profiter pour fouiller l’histoire de ce morceau et d’en parler ensemble.

bob_dylan-like_a_rolling_stoneHow Does it Feel … to change the music forever ?

Au printemps 1965, Bob Dylan rentre d’une longue et épuisante tournée en Angleterre. Il écrit alors un long texte dont seule une partie sera utilisée pour le morceau. Le titre, qui sortira en 45 tours, est enregistré en deux jours seulement, les 15 et 16 juin 1965 lors d’une session consacrée au Highway 61 Revisited. Le morceau durant plus de 6 minutes, Columbia Records,  sa maisons de disques, refuse d’abord de le sortir. Il faudra dans un premier temps qu’un club new-yorkais s’intéresse au morceau, puis que les auditeurs.trices des radios fassent une demande répétée de diffusion pour qu’il devienne enfin un single. La culture underground et populaire ont toujours raison, le morceau se hisse rapidement à la seconde place du classement du Billbord avant de partir à la conquête du Monde.

Like a Rolling Stone : Un peu de contexte

Plus que la success story qui fait sens, le plus important reste de se consacrer à l’histoire réelle de l’écriture du morceau. Nous le disions, nous sommes en 1965 et Bob Dylan, lui, est épuisé.  Les attentes du public, la direction que prend sa carrière, tout ça est difficile à gérer. Pire, le chanteur déprime. Tout le succès lui semble gris, terne, d’un ennui impossible à gérer.  Et puis les critiques et le public définissent sa musique pour lui, en l’excluant de ce processus. Il est sur le point de tout arrêter, c’est ce qu’il confie, plus tard, en 1966, à Playboy. Il ne chante plus, ne joue plus mais écrit beaucoup. La voilà qui écrit un long texte, entre dix et vingt pages qu’il « vomit » selon ses dires, d’un seul bloc.  Un fois le texte terminé, en faire un single lui parait être la chose la plus logique du Monde, c’est une révélation totale. L’envie d’écrire un roman disparait d’un coup, la musique le rappelle à elle. Dylan veut écrire des morceaux, personne ne faisait plus ce genre de choses, vraiment se consacrer à l’écriture des paroles d’un titre et pas pour en faire des poèmes ou des sonnets.  Il faut dire que ce texte, loin d’être un joli poème est en réalité la haine du chanteur personnifié par des mots sur papier. Cet amas de haine n’est pas conçu comme une chanson, jusqu’à ce qu’on jour, alors que le musicien est au piano, la phrase « How does it Feel » et sa sonorité lente prenne tout son sens et qu’il y associe une mélodie. Celle que l’on connait.

Les paroles, les paroles, les paroles

Contrairement à ce qui se faisait majoritairement à l’époque en matière de paroles, l’immense morceau ne traite pas d’une histoire d’amour mais il est y est bien question de revanche. Et ça s’entend d’ailleurs, tout particulièrement lorsque l’on écoute le ton goguenard qu’emploie le musicien à mesure de ses notes.  Mark Polizzotti, journaliste est le premier à en parler «  le sarcasme de Dylan envers une femme tombée en disgrâce et réduite à se débrouiller seule dans un monde hostile et inconnu » Et donc how does it feel n’est-ce pas ? Il y dépend une « Miss Lonely », qui a eu la belle vie, à qui tout a réussi et qui aujourd’hui connaît un destin bien moins charitable, devant renier tous ses principes. Pour le grand plaisir de notre chanteur qui attendait sa perte. Si l’on en croit le biographe et proche de Dylan, Robert Shelton :  « Rolling Stone parle de la perte de l’innocence et de la dureté de l’expérience. Les mythes, les faux-semblants et les vieilles croyances tombent pour révéler une réalité très éprouvante ».

Qui est donc la jeune femme cible de toute cette haine ? Et dont la disgrâce réjouit à ce point Dylan ? La question reste à ce jour ouverte. Quelques rumeurs lui répondent néanmoins. ll s’agirait d’Edie Sedgwick, égérie de Warhol en 1965 et figure connue de la scène underground new-yorkaise. Les rumeurs voudraient qu’elle soit également la cible de morceaux que l’on retrouve sur « Blonde on Blonde ». C’est à l’hiver 1964 que le chanteur rencontra Sedgwick mais la plus grande partie de leur histoire ensemble se situe à partir de l’hiver 1965. Parmi les arguments qui viennent contrer l’idée qu’elle serait la femme à abattre de « Like a Rolling Stone », le fait qu’elle ne devienne égérie de Warhol qu’au printemps 65, ne tournant des films avec lui (une dizaine) seulement les mois qui suivirent, est un argument central. Sa courte carrière ne sera sur la piste descendante que plus tard. Voilà qui ne colle pas avec le morceau de Dylan. Autre possibilité, souvent évoquée : Joan Baez pourrait être la cible du morceau.

Une autre théorie pense que Dylan s’adresse à lui-même. Il peine à gérer sa rupture avec la folk, se rapproche de position contestataires, se politise. Serait-ce une séparation de la personne qu’il était pour devenir un tout autre musicien ?  En 2021, Jean-Michel Buizard abonde en ce sens au court d’un essaie : et si le musicien était hanté par la country-blues de ses débuts ? Miss Lonely serait en réalité une métaphore du courant, qui dans les années 40, vivait un changement radical alors que les bluesmen suivant la grande vague migratoire de la population noire, pour fonder un blues moderne et électrique dans les grandes villes du Nord, changeant radicalement le courant. Le concert du « Royal Albert Hall » repris par Cat Power va d’ailleurs en ce sens. Dylan y faisait un set mi acoustique mi électrique, abandonnant son public uniquement folk au risque de laisser certains membres de l’audience avec un sentiment de trahison dans la gorge.

Un titre révolutionnaire !

Pressé sur deux faces sur son 45 tours, le morceau est divisé en deux sur son pressage d’origine. Il faut donc retourner le vinyle pour l’écouter en entier. Pour autant cela ne l’empêche pas de se glisser au niveau d' »Help! » des Beatles en tête des chartes. Il est vite jugé révolutionnaire. Il emprunte en effet au blues, mais utilise une guitare électrique, de l’orgue, et l’inimitable voix de Dylan. Rien de tout ça n’était fait à l’époque.

Parmi les personnalités influencées par le morceau qui changeait alors complètement la donne : Bruce Springsteen qui l’écoute à l’âge de 15 ans.  Il se souvient de la première fois qu’il l’entendait, dans la voiture de sa mère :  » j’ai entendu ce coup de caisse claire comme si quelqu’un avait ouvert la porte de votre esprit… De la même manière qu’Elvis a libéré votre corps, Dylan a libéré votre esprit, et nous a montré qu’une musique peut être physique sans être anti-intellectuelle. »

Autres admirateurs du titre Paul McCartney lui-même qui allait l’écouter chez John Lennon. Pour lui la durée du titre a prouvé que de nombreuses possibilités existaient en terme de composition de musique. Elvis Costello, Frank Zappa, rejoignent ce constat. Le titre restera dans l’histoire de la musique et entre en 1995 au Rock’n’Rool Hall of Fame comme l’un des 500 titres qui ont façonné le rock’n’roll. Et il est encore écouté aujourd’hui, encore et encore, chez nous c’est certain, chez vous, je l’espère.