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Julia Escudero

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Hot Chip, Fnac Live Paris 2023 – Crédit Photo : Louis Comar

Le coup d’envoi Festival Fnac Live Paris était donné  le 28 juin. Comme chaque année l’évènement entièrement gratuit profitait d’un cadre de rêve pour se déployer : celui de l’Hôtel de Ville de Paris. Au programme, une grande scène, des concerts et Nôtre-Dame de Paris en fond, comme cadre bienveillant.

A chaque édition, le décors fait rêver et déploie ses beautés pour faire la part belle à la scène musicale populaire comme les nouvelles pépites qui promettent de se faire têtes d’affiches dans le futur. A la différence pourtant des précédentes éditions, le Fnac Live cette année, n’aura pu se déployer que sur deux journée. La troisième s’est vue annulée en dernière minute sur fond de contexte sociale et d’émeutes ayant gagnéesParis (entre autre de nombreuses autres villes) pour protester contre le décès de Nahel et les violences policières.  Dans la nuit du second jour de nombreux brasiers se sont allumés,  représentation de la colère ressentie, certains même sur l’avenue de Rivoli, à quelques mètres seulement du festival. Alors au détour de tout ça : la mort insensée et inexcusable d’un jeune homme, les revendications, les violences policières, les commerces détruits et la souffrance de ceux qui ont tout perdu, on pourrait presque se demander à quoi bon parler de concerts ? Et là serait l’erreur fondamentale. On doit toujours, quoiqu’il arrive parler de culture. La culture et la musique sont autant de vecteurs d’union que de terreaux aux révoltes, elles interrogent, portent et instruisent. Un évènement gratuit comme le Fnac Live est une excellente manière de l’apporter à tous, de faire table rase des privilèges, de partager la fête et l’instant. Il y est question d’unir et rassembler. Il est donc temps de parler des artistes qui auront su marquer ces deux belles soirées, en ayant une pensée pour ceux qu’il n’aura pas été possible de voir. Et de prouver une fois de plus que la culture est l’une des réponses (certainement pas l’unique) pour guérir une société.

la musique pour réparer les coeurs

Il n’est de guerre sans coeurs brisés qu’il ne faudra un jour consoler. Folk et douceur seront accompagner les douleurs. Et c’est bien le programme qui nous est ici proposé.  En effet, l’évènement profite d’une double programmation, celle de la grande scène sur le parvis et la seconde intimiste dans le salon de l’Hôtel de Ville. Pas de surprise à ce niveau, le cadre y est, autant se le dire, exceptionnel. Peintures, dorures, longs couloirs, moulures aux plafonds, sculptures,  le décors est à couper le souffle. Là une partie de la programmation se joue en petit comité. Des chaises y ont été dressées. De quoi profiter de la musique en se concentrant pleinement. Warhaus est le premier à se prêter au jeu. De retour l’an dernier avec son album « Ha ha Heartbeak », le musicien signait l’une des oeuvres les plus marquantes de 2022. Normal lorsqu’on le connait. Seconde moitié de Balthazar, le musicien émérite sait composer. En l’occurence pour parler de rupture sur cet opus. Mais pas seulement pour pleurer une séparation subie. Ecrit d’un bloc à Palerme en trois semaine, l’opus coloré, avait aussi été écrit avec l’envie de reconquérir l’être aimé. Topo, c’est une véritable pépite aux sonorités 70’s qui en sort, intemporelle et emplie de séduction. Sur scène, Marteen Devoldere n’est pas venu seul. Il est accompagné de ses musiciens brillants. Oui brillant, parce que comme avec son groupe Balthazar, le jeu est d’une précision millimétrée. Si l’acoustique de l’espace, qui n’est pas une salle de concert est le seul reproche que l’on fait au cadre, le travail sur le son a été calibré. Le chanteur est l’incarnation de l’élégance scénique, point d’artifices, seule la musique vient à compter. Sa voix grave prend au tripes et se pose en maitresse. Les instruments se déploient et sont même un temps abandonnés en solo par Marteen qui préfère leur laisser la part belle. L’instant est carré, millimétré, soigné. La musique en est presque mathématique tant le soin est porté à la précision de son rendu. L’interprétation de « The good lie » issu de « We fucked a flame into being » est un temps fort de la soirée. Le nouvel opus est loin d’être oublié pour autant. Warhaus rit des coeur brisés mais sait aussi les sublimer et les soigner. Voilà ce dont nous avons besoin.

Tout comme du show de Beck. Quelle belle proposition que celle-ci. Là où Warhaus se joue des coeurs brisés, Beck lui, est immédiatement associé à son immense titre « Everybody’s gotta learn sometimes » issu de la bande originale du chef d’oeuvre « Eternal Sunshine of the spotless Mind » de Michel Gondry. Titre au combien évocateur pour traverser les temps actuels. L’apprentissage collectif serait le bienvenu. Le musicien ne manquera pas d’interpréter ce morceau issu de son immense répertoire. Le géant Beck sur scène se livre à nu, seul derrière sa guitare folk. Point d’artifices pour celui qui rencontrait le succès en 1994 avec le désormais culte « Loser ».  L’instant est à la communion, l’introspection et les notes unissent une assistance hypnotisée par la présence de ce très grand monsieur de la musique.

Danser pour unir les corps et libérer les esprits

Pas besoin que la musique soit douce pour qu’elle rassemble. Elle peut aussi libérer les corps en plus des coeurs. En terme de programmation dansante, le Fnac Live a de quoi flamboyer. Et en jouant sur la diversité. Qu’il est beau au cour des sets qui s’enchainent de voir les festivaliers vissés sur les épaules de leurs amis, les regards joyeux, les corps qui bougent et se rapprochent, les pas de danses calculés et ceux faits pour amuser.

Avec son leader vêtu de rose, Hot Chip et sa synthpop britannique sait servir la fête. En tournée dans le cadre de la sortie de son dernier opus « Freakout/Release » paru en 2022, le combo balance franchement. Le tire « Flute » issu d’ « In our heads » sait toujours mettre le public d’accord même s’il prend une saveur bien particulière en live. Il est l’amorce d’un concert franchement bien écrit et accrocheur. Tout passe par le jeu des instruments qui donne au parvis un visage de grande fête populaire. Il faut dire qu’Hot Chip joue sur la simplicité et préfère enchaîner les titres que de trop en faire côté scénographie.

Hot Chip, Fnac Live Paris 2023 – Crédit Photo : Louis Comar

C’est Polo & Pan qui clôture la folle nuit du mercredi. Habitué au festivals, le combo distille son électro populaire et ses titres connus qui font osciller les corps. Loin de se contenter d’un simple DJ set, le groupe vient accompagner de sa chanteuse qui donne au live une dimension supplémentaire. « Ani Kuni » souffle son brin de légèreté sur l’instant et sa comptine quasi enfantine. C’est d’ailleurs ce qui caractérise le mieux l’âme d’une formation qui joue avec des codes colorés et sent bon l’été dans tout ce qu’il a de plus candide. Sans pour autant être simplistes, les titres ont un naturel qui fait mouche et entraînent dans le chemin cartoonesque qu’ils évoquent. En milieu de set « Canopée » s’inscrit comme un temps fort sur lequel le public chante bien volontiers. On est loin de Paris, loin des problèmes, quelque part où le bonheur est simple, à portée de main.

Polo & Pan, Fnac Live Paris 2023 – Crédit Photo : Louis Comar

Le jeudi, là aussi en clôture, le super trio Boombass X Etienne de Crécy X DJ Falcon sera la dernière fois qu’il sera possible de danser face à Notre Dame de Paris. L’instant est d’autant plus magique qu’il se vit sans avoir conscience qu’il marque une fin. Le son y est plus intense et porté par de grosses basses que celui de Polo & Pan. Etienne de Crécy est un caméléon de l’électro qui sait se prêter à tous les jeux, ce qu’il prouve encore ce soir. Vitalic disait lors de notre rencontre un an plus tôt dans le même cadre que faire la fête est politique. Se donner le droit de faire la fête plus précisément. La fête n’a pas un visage mais une multitude. Elle regorge d’instants vécus individuellement mais qui s’inscrivent dans un tout collectif. Elle est une réponse à tout ce qui vise à séparer et pointer du doigt.

Du rock, des rocs

Le jeudi, Benjamin Biolay est l’une des têtes d’affiche de la soirée. Le musicien profite d’une énorme notoriété qui fait les lettres de noblesse d’une chanson française intemporelle. Avec son timbre rauque, le chanteur profite d’une aura à la Dutronc. C’est d’autant plus vrai que le chanteur ne quitte pas ses lunettes de soleil vissées sur son nez. Côté set list, le musicien offre 10 de ses plus gros succès au public du Fnac Live. « Parc Fermé », « Rends l’amour! » et bien sûr en conclusion « Comment est ta peine ? ». Bonne question, en reflet de ce qui se passe hors les murs. Certaines peines se muent en colère qui vient tout dévaster sur son passage. pour ce qui est de sa prestation, le chanteur divise. Certain.es conquis.es chantent en choeur, d’autres lui reprocheront un set trop statique dans lequel il est difficile d’entrer.

Johnny Jane offre une parenthèse de légèreté au milieu d’un programme dense. Ses mélodies sont colorées et ont pour elles une douceur entre mélancolie de mélodies écrites à une période plus lumineuse de l’histoire et modernité plus électro. Une touche à la Lomepal, dans son flow, séduit forcément un public très sensible aux compositions de celui qui est aujourd’hui une super star. A l’opposé pourtant du chanteur, toute gravité est exclue des mélodies composées par le chanteur. Pas de ses paroles en revanche. Il fait partie des nouveaux noms poussés par l’évènement.

Pour mettre tout le monde d’accord vient l’heure des très attendus Franz Ferdinand. Les écossais de Glagow les années passant n’ont rien perdu de leurs capacités. Au contraire, la voix de son chanteur emblématique, Alex Kapranos, est toujours une aussi grosse claque sonore. Elle est aussi précise que grave, juste et semble avoir donné le ton d’un mouvement post punk qui ne prendra de l’heure que des années plus tard dans le même terreau britannique. Habitués de la scène, les compères emplissent pleinement leur espace scénique et sautent dans tous les sens. Les très gros tubes s’enchainent volontiers « The Dark of the Matinée », « No You Girls » ou le culte « Take me Out » qui font mouche comme à chaque performance de la formation. L’interprétation de ce dernier n’empêche en rien de poursuivre la soirée sur deux autres titres pour mieux finir sur « This Fire ».  « On va vous mettre le feu ce soir ! » promet Kapranos. On pourrait voir une certaine ironie cosmique à cette phrase. Le rock est pourtant un cri de révolte, l’étendard d’une jeunesse passée et vecteur de progrès et d’avancements.

C’est le coeur serré qu’il sera impossible de raconter une troisième journée qui n’aura jamais lieu, comme un rendez-vous qu’on attendait en comptant les jours. De ceux que l’on est impatients de chérir parce qu’il est bon de retrouver les visages qui comptent dans des instants portés par des mélodies. Parce qu’il est bon de découvrir dans des foules des visages inconnus souriant, se laissant aller à apprécier la musique et à communier. Peut-être aussi parce que les rendez-vous manqués ont été trop nombreux ces dernières années. La véritable légèreté, les temps apaisés n’existent certainement pas, ils sont des instants orphelins au milieu du reste. Ces instants sont d’une importance centrale, ils ouvrent les dialogues avec bienveillance, portent des messages forts sans les forcer. Il faudra maintenant apprendre à s’interroger sur ce qui se passe hors de cette enceinte privilégiée, cette bulle d’oxygène.


Solidays – Crédit photo : Louis Comar

25 ans déjà que le festival Solidays a vu le jour. 25 années quand on y pense, c’est un long moment. La vie dans notre partie du Monde a complètement changé durant cette période. De l’avènement des smartphones, aux présidents qui défilent, des luttes sociales qui grossissent, des crises financières, la planète Starbucks, Amazon, l’inflation, les modes, la perception même  de l’humanité, de la planète, notre rapport à la nature, aux animaux, tout est bien différent. En la matière la perception du VIH, la lutte contre la maladie, la vie en tant que personne séropositives elles aussi ont évolué. Et pourtant malgré ces 25 longues années, les souvenirs personnels et collectifs qui en découlent, l’engagement pour lutter contre cette maladie mais aussi contre la stigmatisation qui l’entoure restent à conjuguer au présent. A titre d’exemple très concret, il aura fallu attendre 2023 pour qu’en France la discrimination à l’embauche des personnes séropositives soient enfin levées dans l’armée. 2023, la chose parait hallucinante. A cela on peut ajouter les clichés, l’éducation pour lutter contre un mal qui peut paraitre à tord, lointain pour les nouvelles générations.

Lutte out loud

Alors pour y répondre, le message de Solidays reste toujours aussi pertinent et juste. Mais comment continuer année après année à le promulguer ? La réponse touche toujours à l’évidence : par l’art et son vecteur le plus puissant, le langage universelle, la musique. Elle permet d’attirer le nombre, de toucher les plus jeunes et d’en profiter pour assener des messages par tous les moyens : stands, intervenants, cérémonies. Il faut parler, il faut éduquer et il faut aussi chanter. Et pas seulement sur le VIH, conscient de son époque le festival s’est ouvert à de nombreux messages militants qui sont portés avant chaque concert pour que les voix soient entendues : on parle accueil des migrants chez soi autant que de la façon d’enfiler un préservatif avant de se mettre à danser. Les stands associatifs et les messages peuplent l’évènement autant que les conférences et que les temps forts et hommages. N’hésitez pas si vous y passez le week-end à y faire un tour, vous en sortirez mieux instruits et armés pour faire du Monde, à votre échelle, un bien meilleur endroit.

Solidays 2023 - crédit Maud Ferrari
Solidays 2023 – crédit Maud Ferrari

Retour vers le present

Solidays – Crédit photo : Louis Comar

Evidemment Solidays, ce sont aussi des concerts et des moments festifs. Retour sur ceux qui ont marqué cette première journée placée sous le signe d’un soleil qui cogne fort et d’un festival qui affiche complet.

S’il n’avait fallu retenir qu’une performance de cette journée du vendredi, ce serait évidemment celle de Sofiane Pamart. Le génie du piano qui fait cohabiter classique et hip hop. Certains diraient que la nouvelle génération ne s’intéresse plus au classique (la belle musique ajouteraient les plus vieux). Et voilà que notre homme débarque pour donner tord aux on dit. Prodige du piano sur la scène Paris, la plus grande de l’évènement, le voilà de rouge vêtu, derrière son piano aidé d’une batterie pour rendre le classique moderne, jouer des antithèses et faire cohabiter les opposés. On dit bien qu’ils s’attirent non ? En l’occurence, l’alliance est magique. Le voilà donc qui balance des titres urbains français, dont Vald pour l’habiller de piano, les doigts flottants sur les touches. On danse sur du classique comme si on était à l’un des bal des « Chroniques de Bridgerton » en ne pouvant que reconnaître le génie instrumental qui tape sur ses touches noires et blanches. Le maître salue régulièrement l’assistance, un véritable salut comme au temps jadis. Mais en une performance se sont différents registres que tout semblaient opposer qui saluent l’audace et la créativité.

Solidays – Crédit photo : Louis Comar

Autre temps fort que celui du concert de Juliette Armanet. Avec son décors sous forme de cercle lumineux rouge, la belle s’en donne à coeur joie et rencontre un public adepte qui connait son répertoire parfaitement. Tantôt au piano, tantôt face à l’assistance pour danser avec elle. Elle la remercie d’ailleurs à l’infinie : « Merci, merci, merci. » Encore et encore avant de « Brûler le feu » comme elle le promet et le chante. Le temps marquant de la performance reste bien sûr sa transformation en boule de disco humaine sur le « Dernier jour du disco ». Loin d’être la dernière note du disco, le titre s’étend et s’étire, le refrain revient encore pour permettre à tous.tes de mieux le chanter. Notre Véronique Sanson moderne profite de sa voix crystalline pour rendre la nostalgie bien plus belle, la scène 80’s bien plus actuelle. L’hypodrome de Longchamps est sous le charme.

Changement de registre

Au coeur de la programmation féminine de l’évènement, deux artistes marquent par leur changement et évolution de carrière. La première Jain, sur la scène Bagatelle a changé sa formation. Celle qui jouait solo avec ses pédales de distortion est maintenant accompagnée d’un groupe élevé derrière elle. Son registre se fait plus pop que le titre qui lui a fait rencontrer le succès  « Makeba ». Evidemment, ce dernier est interprété à mi set alors que la chanteuse raconte sa vie au Congo qui a fortement influencée ses compositions et la découverte des instruments qui l’ont vu débuter. En avant-scène, la voilà qui danse volontiers. Exit le look noir et blanc, l’image forte de la musicienne est aujourd’hui happée dans le tourbillon de création musicale, à la découverte de singles qui font toujours mouche. Jain est une bête de festival, la chose est connue.

Autre changement radicale pour Adé, ex chanteuse de Therapie Taxi. Si en groupe, la musicienne mélangeait les registres et offrait un set aux paroles parfois trash, en solo elle se fait chanson plus pop. Exit les paroles vulgaires, notre musicienne est à fleur de peau et fait s’envoler sa voix. De noir vêtu, elle captive la foule et permet de penser à l’enjeu de savoir habiter pleinement une scène, à bouger son corps en musique. Sur la scène du Dôme, elle maîtrise l’exercice, se réinvente et se pose comme une nouvelle voix sur qui compter. Reste à saluer son premier single « Tout savoir » dont l’écriture précise entre profondément dans les esprits et qui a la fougue dansante d’un « J’ai plongé dans le bruit » de Baden Baden.

Fête populaire

Solidays c’est avant tout une grande fête dansante et enivrante. Elle commence tôt avec la prestation de Julien Granel, chanteur engagé qui fait vibrer la foule et la galvanise, ses cheveux multicolores dans le vent. Arc-en-ciel et paillettes peuplent sa performance sur la scène Domino. Le ton est au plaisir et à la convivialité. Tout le monde reprend en coeur ses titres, danse sans se prendre au sérieux, rit de bon coeur. De quoi faire de l’immense festival un petit village.

La nuit tout est permis, les festivités se prolongent jusqu’au 5 heures du matin alors que l’évènement change de visage. Familiale en journée, il devient une immense boite de nuit à ciel ouvert la nuit. La performance de Salut c’est cool ne fait pas mentir cette dernière phrase. Avec ses paroles barrées et ses excentricités mémorables, le groupe balance fort et rend la foule dingue au moment du célèbre « Techno toujours pareil » Boum Boum dans les oreilles certes, mais boum boum qui fonctionne à la perfection. Et ça saute, saute, saute jusqu’au bout de la nuit.

Solidays – Crédit photo : Louis Comar

Solidays se tiendra jusqu’au 25 juin et promet de nombreux temps forts durant ce week-end. La fête est essentielle.  Après tout, faire la fête comme disait lors de notre interview, Vitalic c’est politique.


Comme chaque année du 23 au 25 juin, Solidays se déroulera à l’Hippodrome de Longchamp. Cette année l’évènement y fêtera ses 25 ans. Si souvent, l’accent est mis sur une programmation choisie avec soin pour satisfaire un large public, il ne faut pas oublier que le festival est là pour participer activement à la rechercher et à la lutte contre le SIDA. Du fait de sa cause importante mais aussi de son ambiance particulière, l’évènement tient particulièrement à ses bénévoles qui oeuvrent à l’année autant sur site qu’aux côtés de Solidarité SIDA. En quoi consistent leurs missions ? A quoi ressemble la vie de bénévoles pour Solidays ? Quels sont les souvenirs, temps forts et actions déployées ? Nous avons rencontré Mélanie Preyzner, bénévole engagée depuis maintenant 8 ans sur le festival. Passionnée, elle nous raconte son expérience et pourrait bien vous convaincre de rejoindre son équipe.

Mélanie – Bénévole Solidays – crédits : Louis Comar
Popnshot : Depuis combien es-tu bénévole pour Solidays ?

Mélanie : Ca va être ma huitième année. A la base j’étais bénévole pour Sidaction. Parfois, je passais des appels, je faisais de la mise sous plis de magazine par exemple que j’envoyais à des partenaires, des médecins … Je fais Solidays depuis que j’ai eu l’âge d’y aller seule en tant que festivalière. J’ai une pote et son mec qui sont maintenant bénévoles depuis 15 ans. Et c’est eux qui m’ont dit de venir faire ça avec eux. Moi mon cousin est décédé du SIDA en 2014 et avec ma cousine on s’est inscrites en 2015 pour devenir bénévoles.

Popnshot : Concrètement, tu fais quoi ?

Mélanie : Tout au long de l’année tu as des missions qui peuvent être la vente des rubans rouges par exemple. On peut aider en amont à préparer l’exploitation du festival ou du gala de Solidarité SIDA qui a lieu une fois par an. Là on fait comme sur Solidays, on s’occupe des entrées, du public, des artistes. C’est varié, on peut t’appeler pour de la logistique. Il y a peu on m’a par exemple demandé de faire de l’Illustrator. On t’appelle en fonction de tes compétences et de ton CV. Il y a aussi un pôle prévention. Ce sont des bénévoles qui ont une formation particulière et qui eux vont faire des actions auprès des personnes à risques. Dans les soirées par exemple, en accompagnant  des travailleurs du sexe, des utilisateurs de drogues… Et il y a les après-midis du zapping où ils interviennent auprès de lycéens . Ce sont des actions sur lesquelles, ils parlent de sexualité et répondent à leurs questions sur la santé sexuelle. Il n’y a pas de diabolisation du sexe, on parle de plaisir et consentement.

Je me rappelle d’une infirmière qui disait qu’ils n’avaient pas de matériel donc ils utilisaient un pied de chaise pour montrer comment utiliser une capote.

Popnshot : Tu as des retours sur ces interventions ?

Mélanie : Il y a de super retours. En général, ils sont super contents. J’y ai assisté pas en tant que bénévole prévention mais pour les assister. Ils sont contents que des gens répondent à leurs questions. Je me rappelle d’une infirmière qui disait qu’ils n’avaient pas de matériel donc ils utilisaient un pied de chaise pour montrer comment utiliser une capote. C’est bien de pouvoir parler sans mettre de tabous, mais il faut aussi donner les moyens aux gens d’en parler. On parle de tolérance, des différents types de sexualité, des IST, de consentement. Il y a des projections de spots c’est pour ça qu’on parle de zapping.

Popnshot : Ce sont les spots qu’on voit avant les concerts ?

Mélanie : Entre autre oui.

Popnshot : ça se retrouve où ça sur le festival ?

Mélanie : Il y a différents espaces qu’on appelle les espaces Sens. Le village des associations, c’est là où on retrouve des associations spécialisées sur la  prévention mais aussi des partenaires parce que Solidarité Sida récolte des fonds pour d’autres associations. Il y a aussi l’expo qui s’appelle Sex and the City. Il faut la faire. La première fois qu’on la faite avec ma cousine, elle m’a dit putain j’ai trente piges et j’ai découvert des trucs (haha).

Peindre une scène par exemple j’avais jamais fait. Ça tâche de ouf, j’ai des vêtements qui s’en rappellent encore!

Popnshot : Tu disais qu’on peut t’appeler sur tes compétences. Comment ça se fait ?

Mélanie : Quand on s’inscrit on remplit un petit CV. On nous demande si on a des compétences en particulier : est-ce que tu travailles dans la musique ? Est-ce que tu es infirmière ? Est-ce que tu as ton brevet de secouriste ? Est-ce que tu travailles dans la musique ? Si tu as quelqu’un par exemple qui est habitué des scènes, ça peut être très intéressant. Il y a évidemment aussi des pros qui sont là mais on vient les aider. Peindre une scène par exemple j’avais jamais fait. Ca tâche de ouf, j’ai des vêtements qui s’en rappellent encore, j’ai jamais pu les récupérer (rires).

Popnshot : ça te prend combien de temps ce bénévolat ?

Mélanie : Le temps que tu veux, tu n’as pas d’obligations. Si tu t’inscris sur Solidays, il faut que tu sois présent les trois jours de festival. J’ai reçu les propositions pour les montage par exemple. Il démarre fin mai, ça se termine le 2 juillet. C’est assez dingue d’ailleurs on a trois semaines de montage et une semaine de démontage. Déjà quand les festivaliers sont partis, dans la nuit, la moitié du festival est démonté.  Le lundi matin il y a des créneaux 8 heures, 18 heures, on se réveille après l’after des bénévoles et il n’y presque plus rien, c’est impressionnant. La galère à monter c’est que ça se passe au mètre. Défaire c’est plus simple. En plus en montage, il y a les décors qui sont faits par des pros et des bénévoles. C’est un taff de fou mais c’est génial. On aide sur tous les fronts.

Popnshot : Vous avez le temps de profiter du festival ?

Mélanie : Oui largement, après j’ai l’impression que plus ça va et moins je passe de temps sur le festival. Mais c’est aussi peut-être parce que je taffe dans la musique donc les artistes souvent, je les ai déjà vus. On a des bénévoles qui posent leurs congés pour venir travailler. A l’époque quand je bossais en entreprise je faisais ça. Tu crée pas mal de liens parce que quand tu fais le montage tu passes beaucoup de temps avec les autres, c’est une sorte de grosse colo. On est habillés à l’arrache, on transpire, on est couverts de poussière, on est pas coiffés, on s’en fout. Tout le monde est sur pied d’égalité. Il y a des gens je ne sais ni leurs âges, ni ce qu’ils font de leurs vies. Mais je sais depuis combien de temps ils sont bénévoles.

Solidays 2023Popnshot : Tu retrouves toujours les mêmes personnes sur place ?

Mélanie : Un peu des deux. On revoit beaucoup de personnes mais il y a aussi beaucoup de nouveaux. Il y a des gens qui reviennent mais il y a un noyau dure. Certains sot là depuis le premier Solidays.

Popnshot : Qu’est-ce qui fait que toi par exemple tu reviens chaque année ?

Mélanie : Je pense qu’il y a la cause. Mais il y a aussi les gens et l’ambiance. C’est familiale. On est bien traités en tant que bénévoles. Même si on est râle, on est français (rires). Tous les mois un apéro est fait avec les bénévoles, on se retrouve tout le temps. On sort de Solidays, on organise un pique-nique pour contrer le Soli-blues.

Popnshot : Vous êtes combien ?

Mélanie : En tout, je pense 3000. Après les équipes viennent de toute la France.

Donc même ceux qui viennent pour d’autres motifs sont sensibilisés et savent pour quelle cause ils se battent. Ceux qui viennent ne viennent pas par hasard.

Popnshot : Tu penses qu’au niveau des bénévoles, il y a de la concurrence avec les autres festivals ?

Mélanie : Solidays c’est différent parce que tu es là pour une cause. Il y a beaucoup d’entreprises qui sont partenaires, qui font des réductions… parce que le but de Solidays qui est de récolter des fonds pour la recherche et la lutte contre le SIDA est important. C’est l’engagement principal. Pour les bénévoles c’est moitié- moitié entre la programmation et la cause. Mais pour devenir bénévole à Solidays, il faut t’engager auprès de Solidarité SIDA donc tu payes ta cotisation et as une formation VIH. Donc même ceux qui viennent pour d’autres motifs sont sensibilisés et savent pour quelle cause ils se battent. Ceux qui viennent ne viennent pas par hasard. Et puis même le public me bluffe. C’est vraiment un festival de bisounours. Toutes les 5 minutes, le public nous remercie. Ca fait plaisir.

Popnshot : D’ailleurs, le public, il est sensible à la cause selon toi ?

Mélanie : Oui en grande partie. Pas tous évidemment. Moi je suis en poste sur le Social Club.  C’est un lieu où il y a des conférences de sensibilisation mais aussi sur l’actualité. L’an dernier on a beaucoup parlé de climat, on a parlé des JO, Hugo décrypte est passé. D’autres années, on a eu des reporters de guerre, on a eu Bill Gates… A chaque fois, notre équipe va faire du rabattage et on invite le public à venir. Et en général même si c’est avant les concerts, c’est comble. Même parfois trop. Sur l’expo Sex and the City c’est toujours comble.

Au moment du pique de l’épidémie, on ne savait pas quoi faire des corps du coup les personnes étaient incinérées, il n’y avait pas de tombes. Les familles des personnes qui sont décédées du SIDA ont créé d’énormes patchworks, les associations les ont récupérés.

Popnshot : Il y a un moment fort lié à Solidays que tu aimerais nous partager ?

Mélanie : Il y a la cérémonie contre l’oublie avec les patchworks des noms. C’est association qui vient je crois de San Francisco. Au moment du pique de l’épidémie, on ne savait pas quoi faire des corps du coup les personnes étaient incinérées, il n’y avait pas de tombes. Les familles des personnes qui sont décédées du SIDA ont créé d’énormes patchworks, les associations les ont récupérés et ils font la forme d’un énorme cercueil avec les noms des gens. Parfois, il y a des morceaux de vêtements, des mots, du sang, il peut y avoir du sperme. Ils y ont mis des choses très personnelles. Elles sont gardées depuis des années. Et à un moment le samedi, on déploie ça, c’est magnifique. Il y a les soeurs qui sont là et on dit les prénoms pour se rappeler d’eux. C’est très émouvant. Une année, j’étais en contrôle accès et là j’ai vu un vigile, normalement hyper stoïque, moi je pleurais, je l’ai regardé, lui aussi il avait la larme aux yeux. C’est toujours beau, on finit par se faire des câlins. Il y a aussi l’hommage aux bénévoles qui est un grand moment. Tout le public est là et c’est impressionnant. Mais ce n’est pas le moment qui me touche le plus.

Pour plus d’informations, rendez-vous sur le site de Solidays.


Bar Italia, voilà un nom qui peut induire en confusion. L’effervescent groupe londonien revient le 19 mai avec l’une des plus belles pépites rock de l’année : « Tracey Denim », un trip sous acide loin de la dolce vita qu’inspire le nom de la formation. Au programme un cocktail raffiné, acide, sombre, calibré, aussi élégant que tranchant qui enivre dès son premier titre. Impossible de ne pas en parler comme l’une des plus belle sorties de l’année 2023.

Bar Italia crédits Simon Mercer
Bar Italia crédits Simon Mercer

Tracey Demin : douceur volcanique

Des notes qui se répètent, puissantes et tranchantes en une boucle qui appelle immédiatement l’oreille, et voilà que « Guard » ouvre le bal de ce troisième opus des plus attendus. C’est sur le label Beggars, qui ne laisse place qu’à l’excellence, que le trio londonien donne le ton de cet opus qui vaut bien de s’ajouter au catalogue de ceux à qui l’on devra bientôt le dernier né d’une autre figure emblématique du punk : Anohni.

Il faut dire que le combo sait jouer sur la corde sensible pour frapper juste. Obsédant comme ses notes répétées en boucles, l’album a la force indé et créative des immenses Sonic Youth auxquelles s’ajoute la mélancolie légère que l’on peut retrouver chez les très modernes Sorry ou Porridge Radio. Il faut dire que ce « Tracey Denim » sait jauger de ces effets pour les rendre hypnotiques. Lorsque les notes de guitares s’emballent, vibrant dans les aigus, comme ça peut être le cas dès le deuxième titre, « Nurse! », le tableau se dessine avec précision. Pas étonnant, que leur concert parisien de la Boule Noire, le 22 mai, se jouait à guichets fermés. Il faut dire que la formation convoque l’âme des 90’s, sa puissance underground et crée une nostalgie indéniable d’un temps où le punk avait un plus fort rayonnement.

Cri intérieur

Il y a une urgence notoire dans les titres de cet opus, comme un cri du cœur. Le bien nommé « Punkt » va en ce sens alors que la voix féminine de Nina Cristante rencontre sa part d’ombres lorsqu’elle se mêle à celle de son homologue masculin. Il est bien question de discussions et d’échanges musicaux au cours des titres à fleur de peau qui composent cette galette. La douceur de la voix tantôt à vif, tantôt en retenu se heurte à la guitare, avide d’en dire plus, oppressante, tourbillonnante. Ce nouveau Bar Italia prend aux tripes tant sa sensibilité frappe fort. Pourtant, le trio également composé de Jezmi Tarik Fehmi et Sam Fenton joue sur des compositions sur le fil du rasoir tendues, aussi précises qu’un funambule, sans jamais basculer ou perdre son objectif de vue.

Peut-être que le morceau « Yes I have eaten so many lemons, yes I am so bitter » résume le mieux l’esprit de la performance. Là où les notes rondes et sucrées portées par une batterie qui se répètent ouvrent le bal, les voix elles confèrent à une acidité calculée. Il y a une forme de lâché prise sous-jacent, celui du meilleur du punk qui se trame ici. Les rythmes s’emballent et se cassent savamment, comme des vagues sur la jetée.

« Horsey Girl Rider » lui se construit sur des échos, une forme de chuchotement apaisant comme une ritournelle. Double, l’opus n’hésite pas à pousser les voix dans leurs retranchements. Il sait sortir de la brume épaisse qu’il crée pour déchirer sa ritournelle, un éclair dans le ciel vient illuminer le titre « Harpee » et sa lancinante montée en puissance. Le refrain entêtant monte dans les tours, le tout s’accélère

Bon baiser des 90’s

La fin des titres arrivent toujours avec brutalité, un point qui coupe net le dialogue. C’est peut-être ce qui tend à prouver que l’album s’écrit comme un joyau post-punk non taillé. Parfois la finalité vient avec ses faux raccords, une phrase, un propos qui toucherait à sa fin sans fioriture. La production est brute, épaisse, puissante.

Il a la ferveur du post-punk mais sait aussi se balader dans les recoins sombres de l’indie rock. Le slacker rock des 90’s y est convoqué, les inspirations trip hop, spoken word s’y croisent. Le tout y vit avec naturel, tout comme la construction d’un jet tiré à quatre épingles dont les 15 morceaux défilent beaucoup trop rapidement. On tient ici l’alliance parfaite de la modernité et du retour à l’ancien. Et pourtant et c’est ce qui caractérise la grandeur de cette album, les mélodies y sont toujours accessibles, douces et poignantes. L’indépendance s’y vit, vidée de son inaccessibilité. Le naturel est là, comme un ami que l’on retrouverait au bar et à qui l’on raconterait ses plus tristes mésaventure. « Tracey Denim » est le reflet d’âmes, celui qui sublime les états d’âme, rend le morose puissant, emprunte une machine à remonter le temps et vide les 90’s de leurs journées fluos pour leur rendre leurs cuirs noirs. Venez vous asseoir au comptoir de Bar Italia, comme avec une excellente bouteille, vous en prendrez bien plus d’un verre.