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Julia Escudero

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ADRIEN COMAR – JOURNALISTE

TOP ALBUM 2023 Black Country, New Road – Live at Bush Hall5. Blur – The Ballad of Darren

4. Cash Savage and the Last Drinks – So this is love

3. The Murder Capital – Gigi’s Recovery

2. Shame – Food for Worms

1. Black Country, New Road – Live at Bush Hall

Cet album live de BCNR, redouté par beaucoup à cause du départ du chanteur, est un bijou
de poésie, de renaissance et de beauté. Plus doux et plus jeune que les deux premiers opus
du groupe, il offre la possibilité à chacun des membres du groupe d’exprimer collectivement
sa sensibilité. Sentiment décuplé, sublimé et hors du temps lors de leur concert au Trianon
en Octobre (le meilleur concert de l’année), les compères continuent de faire planer leur
fébrile émotion créative dans les oreilles de quiconque les écoute.

 

LÉONARD POTTIER – JOURNALISTE

TOP ALBUM 2023 Cleo Sol - Gold5. Cat Power Sings Dylan – The 1966 Royal Albert Hall Concert

4. Danny Brown x JPEG Mafia – SCARING  THE HOES

3. Nick Waterhouse – The Fooler

2. Marc Ribot & Ceramic Dog  – Connection

1. Cleo Sol – Gold

La voix du groupe Sault nous a offert deux grands albums cette année. « Heaven » d’abord, excellent, puis « Gold » ensuite, sorti quelques jours après par surprise, encore meilleur, donc doublement excellent. La soul de Cleo Sol est une bénédiction. Il y est beaucoup question de Dieu et de religion, comme chez Sault, ce qui n’est pas forcément mon trip à la base. Mais force est de constater pourtant, même pour un non-croyant, que ce voyage donne l’impression véritable d’être arrivé au paradis, par sa grâce et sa souplesse. Cleo Sol n’a de cesse de prôner la paix et la bienveillance. On pourrait penser que sa musique est un peu niaise. Elle est surtout portée par de grandes compositions et une immense chanteuse, ce qui fait d’elle tout l’inverse. La production cristalline joue un rôle essentiel. Les titres « There Will Be No Crying » et « Lost Angel » sont les deux plus beaux de 2023 selon moi. Une longue caresse tant apaisante.

 

PÉNÉLOPE BONNEAU ROUIS – JOURNALISTE

TOP ALBUM 2023 vinyle PJ Harvey - I Inside the Old Year Dying5. Allie Crow Buckley – Utopian Fantasy 

4. Hozier – Unreal Unearth 

3.  Loverman – Lovesongs

2. Susanne Sundfør – Blòmi 

1. PJ Harvey – I Inside The Old Year Dying 

Même si le dixième album de PJ Harvey nous parait bien difficile à cerner, il se pose comme l’un des albums les plus audacieux de sa carrière. Riche en symbolisme et en expérimentations, il ne se dévoile pas en une écoute, ni même en deux. Il fait partie de ces compositions dont l’écoute est particulièrement appréciable d’une seule traite. Chaque morceau complétant le précédent. PJ Harvey nous y apparait plus sensible et intime et impose sa vision de l’amour. I Inside The Old Year Dying s’ajoute à une discographie, jusqu’ici sans faute et qui, on l’espère, le restera longtemps.

 

Théophile Le Maitre – Vidéaste

TOP ALBUMS 2023 Yves Tumor – Praise a Lord Who Chews but Which Does Not Consume; (Or ...

5.  Geese– 3D Country

4.  Shame– Food for Worms

3.  Cleo Sol – Heaven

2. King Krule – Space Heavy

1. Yves Tumor – « Praise a Lord Who Chews but Which Does Not Consume; (Or Simply, Hot Between Worlds) »

Pas évident d’instaurer une hiérarchie dans ce top 2023, même si c’est selon moi Yves Tumor qui signe la plus grande chanson de l’année avec Operator, issue de son dernier album exceptionnel, dont le titre est sans doute presque aussi long que la carrière de Michel Drucker. King Krule et Yves Tumor sont des façonneurs de son, qu’ils travaillent, triturent, distordent, colorent et assemblent avec justesse. Les groupes Geese et Shame proposent deux albums éclatants que l’on s’amuse à écouter à fond, une énergie folle mais qui sait rester subtile, et parfois délicate. Heaven transpire la spontanéité, Cleo Sol nous donne une leçon type masterclass, d’une évidence déconcertante. On aurait presque l’impression que l’album a été pondu en une nuit. Un sentiment exacerbé par la sortie d’un deuxième projet, tout aussi passionnant, quelques jours après le premier… Cleo Sol est-elle humaine ?

 

Louis Comar – photographe

top album 20235.  Liam Gallagher – Knebworth 22 (Live)

4.  The Hives –  The Death of Randy Fitzsimmons

3.  Fever Ray –  Radical Romantics

2.  Zaho de Sagazan – La symphonie des éclairs

1 . Gabriels – Angels & Queens
Grabiels proposent en 2023 la deuxième partie d’Angels & Queens. Ils complètent ainsi un premier album déjà excellent. Ce deuxième album a d’ailleurs été présenté en live sous le soleil de We Love Green, où le groupe a hypnotisé le public avec la beauté de ses morceaux.

 

Kevin Gombert – Photographe
binary comment

5. Bill Withers – Live At Carnegie Hall

4. El Michel Affairs And Black Thought – Glorious Game

3. Gabriels – Angels And Queens

2. Grian Chatten – Chaos for the fly

1. Black Pumas – Chronicles of a Diamond

Pour ce second opus, Black Pumas opte pour une formule plus rock. Impossible a réellement classer, l’essence soul reste prédominante mais est complètement revisitée. Adrian Quesada et Eric Burton apporte au genre ce que les Black Keys ont apporté au blues. Ces sons plus modernes et la production plus vintage permettent de toucher les toutes les générations. Ce second LP est parfaitement coupé en deux, pour s’adapter au format vinyle. Les guitares se saturent un peu plus pour finir par rugir. Le duo vient de frapper un grand coup dans le spectre musical et font définitivement partie de la cour des grands. Avec 7 nominations aux Grammy’s le succès déjà énorme de cet album ne devrait que s’amplifier et trouver sa place au Panthéon des meilleurs albums produits. Espérons que nos compères garderont leur côté sauvage et ne seront mis en cage dans leur évolution vers un public grandissant.

 

JULIA ESCUDERO – RÉDACTRICE EN CHEF

TOP ALBUM 2023 vinyle Anohni & the Johnson - My Back Was a Bridge for You to Cross5-Bar Italia – Tracey Denim

4- Adam Naas – Goldie and the kiss of andromeda

3 – Lana Del Rey – Did you know that there’s a tunnel under ocean blvd

2 – Grian Chatten – Chaos for the fly

1 – Anohni & The Johnsons – My back was a bridge for you to cross

C’était le retour attendu d’une légende dont la dernière merveille remontait à 2016. Proche de Lou Reed, la musicienne engagée avait déjà eu la bonne idée de dévoiler, cette année, une compilation « Black Lips Bar : androgyns and deviants »  retraçant son parcours au Pyramid Club de 1992 à 1995. Des années où l’art était pluriel, en compagnie de 13 artistes sur fond hautement politisé. De retour avec The Johnsons, elle signe un nouvel opus à fleur de peau où sa voix hors normes domine. Une promenade puissante hors du temps qui rend le rock soul, enivre et délivre ses messages sans concession. La transphobie, la destruction de l’environnement, l’amour, le deuil sont tour à tour abordés avec sensibilité. Le plus beau morceau de 2023, l’incroyable Scapegoat trône en son coeur, pour mieux ne plus jamais se déloger du mien et prendre la tête ce classement. Anohni, incontestable reine de coeur de cette très belle année pour la musique.


Declan Mckenna – Paris 2023 – Crédit photo : Louis Comar

Declan McKenna publiait son premier album « What do you think about the car ? »  en 2017 à tout juste 19 ans. Une belle prouesse pour le petit génie de l’indie-rock anglais qui a su se fédérer un public d’adeptes dès ses premières heures. Aujourd’hui le musicien s’apprête à publier son troisième album studio « What happened to the beach » le 9 février 2024.

Une pépite pop rock aboutie, colorée et pleine de bonne humeur. A la réalisation de cet opus très attendu on retrouve Gianlucca Buccellati, connu pour avoir travaillé avec Arlo Parks et Lana Del rey, un gage de qualité s’il en est. Plus d’un milliard de streams, quelques 200 000 albums vendus dans le Monde à presque 25 ans, le musicien sait qu’un public de fans l’attend avec impatience. C’est d’ailleurs sur elles et eux qu’il a pu compter pour le retrouver dans la très intimiste Mezzanine des Trois Baudets à Paris. Cet espace bar a permis à Declan McKenna d’offrir un set acoustique à la foule compacte. Assisté d’une guitariste, il a joué quelques titres en exclusivité de ce dernier jet histoire d’en donner un avant-goût. Multi-instrumentiste et en grande forme, c’est à la guitare qu’il débute son set endiablé, pas besoin d’artifices pour plaire quand on sait créer des mélodies entêtantes et bien faites. Plus tard, en fin de concert le voilà qui se retrouve propulsé derrière le piano de la salle. Derrière lui un cercle de fans qui lui laisse l’espace de chanter, l’encourageant en chantant eux aussi  mais du bout des lèvres pour ne pas troubler le moment.  Il y a toujours une grande beauté à vivre ces instants privilégiés de communion entre artistes et fans dévoués. La preuve indiscutable que la musique marque les cœurs, les esprits et unie toujours. La magie n’a pas manqué d’opérer en cette soirée du 29 novembre. La chaleur humaine palpable faisait oublier le froid glacial extérieur qui a trop vite pris d’assaut la capitale. Côté public, alors que l’espace lui-même cassait la fameuse distance que peut créer la scène, impossible de rater une seule note distillée. Même les traditionnels murmures étaient proscrits.  Plus bavard, le chanteur s’est laissé aller à des nombreuses blagues face à une vue imprenable sur le boulevard Pigalle, ses néons, son bouillon de fêtes et ses immenses lofts qui font rêver.  Voilà qui promet un bel album, entraînant, entêtant et dont la version live en set intégral sera un must de l’année 2024.

Pour celles et ceux qui ont raté ce passage, le rendez-vous est déjà conné à la Cigale de Paris le 3 mai mais aussi le 29 avril au Tranbordeur de Lyon , 30 avril au Barbey de Bordeaux et le 2 mai au Mem de Rennes.

En attendant, on invite à (re) vivre le showcase de Declan McKenna grâce à une galerie photos signée Louis Comar.

(Re) vivez ce moment en photos

 

Declan Mckenna – Paris 2023 – Crédit photo : Louis Comar

Quel festival rime mieux avec mise en avant d’une scène indé pointue que le Pitchfork Music Festival ainsi que son Avant-Garde ? A travers le monde, l’évènement qui s’offre plusieurs visages, rayonne par sa diversité. Être au Pitchfork c’est une promesse de qualité mais aussi celle de s’adresser à un public expert qui connait aussi bien son sujet qu’il fait confiance à une équipe brillante à la programmation. A Paris en ce mois de novembre 2023, le festival prend d’assaut de très nombreuses salles de la capitale. Des connues : le Pop Up du Label, le Café de la Danse, le Supersonic, le Badboum … mais aussi des lieux atypiques comme l’église de Saint-Eustache.

bar italia pitchfork 2023
bar italia pitchfork 2023 ©Kévin Gombert

Bar Italia, cappuccino aux éclats de Sonic Youth

En ce samedi 11 au soir, armé du bracelet qui permet d’accéder à toutes les salles de l’évènement du côté du grand quartier de Bastille, il est temps de se lancer dans la course aux concerts. L’un des plus attendus n’est autre que celui de Bar Italia. Le groupe londonien est l’une des figures fulgurantes de la scène rock cette année. Signé chez Beggars, gage de qualité s’il en est, il s’était offert une Boule Noire à guichets fermés durant l’été. Les retrouvailles avec un public parisien impatient de lesvoir sur scène était aussi l’occasion de célébrer la sortie de son second opus en une seule année. Après l’excellence de « Tracey Denim », pépite aux allures de Sonic Youth à la sauce moderne sans pour autant jamais tomber dans le plagiat, « The Twist » publié le 3 du même mois entérinait le statut d’un groupe puissant à l’esthétique aussi léchée que sincère. C’est donc sans surprise qu’à l’heure du début du show soit 20 heures 30, le Café de la Danse se voit envahit par une ordre de fans de rock dont l’écrasante majorité a entre la vingtaine et la trentaine d’années. Impossible pour beaucoup d’entre elles et eux d’entrer. La jauge est plus que pleine et il faudra attendre de miraculeuses sorties pour pouvoir se frayer un chemin dans la petite salle parisienne.

Aucun moyen de se tromper, c’est bien pour eux que la foule s’est déplacée. Le bar est vide là où l’avant scène déborde. Chacun.e s’entasse, grimpe là où il ou elle peut pour tenter d’apercevoir et de bien voir les petits génies du rock.

Côté scène, la formation joue la carte du minimalisme. Aucun décors, aucun effet et quasiment aucune parole échangée avec le public. Seule la musique compte et le fait d’en jouer un maximum en un minimum de temps soit 40 minutes de shows.  La chanteuse profite d’un look particulièrement sobre si on se concentre le haut de son corps : chignon, veste de costume, jupe plissée. Un collant noir et blanc aux longues rayures vient à casser le tout. Tout ça est à l’image de leur prestation : lisse et propre mais cassée par la mélodie radicalement rock que dévoile le combo.

Précision statique

En les retrouvant sur scène la comparaison avec Dry Cleaning sonne comme une évidence. Qu’il s’agisse de parler des compositions doucement lancinantes et hypnotisantes qui les caractérisent, de la voix féminine qui domine la musique ou simplement de la posture sur scène. Alors que la musique de Bar Italia est clairement un dialogue , la voix du chanteur s’additionne comme une réponse avant de reprendre elle-même le lead de l’instant. La qualité est clairement au rendez-vous. Le son est bon, la voix millimétrée, la mélancolie qui se dégage des versions studio est bien là, l’interprétation est juste et précise.

Néanmoins le tout est trop statique et manque d’ampleur sur scène. Les membre de la formations ne semblent pas encore avoir pris leur aise sur les planches, se cachant derrière leurs instruments et compositions sans savoir comment se mettre en avant eux en tant que personne. Le tout donne une note plus dure à l’instant. Ils oscillent légèrement et quand un membre du public réclame un titre en particulier seul le mot « Maybe » sera prononcé en réponse. Le public lui suit le pas, certes heureux de les découvrir en live mais se contentant de bouger avec lenteur pour suivre les notes.  Une forme de timidité peut-être pour un groupe formé en 2020? Toujours est-il que même les visages de ses acolytes restent fermés et concentrés sur leur activité.

bar italia pitchfork 2023
bar italia pitchfork 2023 ©Kévin Gombert

Les deux derniers albums s’alternent et les temps forts de « Tracey Denim » ne sont pas oubliés pour autant dont l’excellent « Nurse! ». Un véritable régal à entendre en live, à l’image de cet album très égal où tout les titres sont aussi bons les uns que les autres., chacun y ayant son exacte place. Le concert se termine comme il a commencé. Pas d’au revoir, pas un mot. Juste une dernière note qui flotte dans les airs sans chichis, sans larsen. Le Pitchfork Avant-Garde continue lui de résonner dans le quartier de Bastille ce soir-là mais aussi dans tout Paris jusqu’au 12 novembre.


La Chute de la maison Usher, de quoi ça parle ?

La Chute de la Maison Usher  disponible depuis le 12 octobre 2023 sur Netflix suit Roderick et Madeline Usher, des frères et sœurs jumeaux et entrepreneurs, qui ont bâti un véritable empire pharmaceutique autour d’un médicament anti-douleur. Lorsqu’une mystérieuse femme révèle au monde entier leurs secrets sordides, les membres de cette famille vont commencer à dévoiler leur vraie nature.

La chute de la maison Usher, est-ce que c’est bien ?

Chaque année, la tradition persiste. Pour Halloween, Mike Flanagan dévoile sur Netflix une nouvelle série. Voilà qui est encore plus excitant que de revoir « Love Actually » avant noël. Et chaque année la question se pose, sera-t-il aussi bon que les précédentes fois ? « Haunting of Hill House » était un chef d’œuvre sur le deuil, « Bly Manor » l’histoire d’un amour maudit, le sommet de son travail « Midnight Mass » était une lettre fascinante sur la religion et la rédemption, « Midnight Club » sorti hors saison, avait été injustement boudé alors que ce « Fait moi peur » centré sur la maladie était également une excellente histoire. « La Chute de la Maison Usher », cette fois, librement inspiré de l’œuvre d’Edgar Alan Poe promettait donc de passer un excellent moment de frissons. Et ça tombe bien, puisque, effectivement, Flanagan nous plonge une fois de plus dans une série complexe, très écrite et particulièrement brillante. Certes « Midnight Mass » gagne la palme de la meilleure série qu’il aie pu réaliser mais celle-ci vaut largement le détour.

On aurait été beaux, on aurait fait pleurer les corbeaux

C’est donc l’univers du célèbre auteur qui aura inspiré Flanagan pour ce nouveau coup d’éclat. En pratique, comme toujours la série est très bavarde. Les personnages, très bien écrits et interprétés par les acteur.rices avec lesquels il a l’habitude de travailler shows après shows. On a plaisir à retrouver ses chouchous de Carla Gugino ( à l’opposé des rôles très doux qu’elle campe habituellement), Kate Siegel, Zache Gilford et les autres … On y retrouve également les dialogues verbeux et formulations très écrites que l’on connait au réalisateur. Cette fois-ci l’intrigue se découpe en actes dont chacun s’inspire d’une nouvelle de Poe. Et comme, il s’agit ici de rendre hommage à ce géant de la littérature fantastique avec classe, nombreux sont les passages récités sous forme poétique. L’exploit que nous propose donc le réalisateur c’est de conjuguer cela à un récit fourni sans jamais tomber dans les pièges évidents de la lourdeur ou du prétentieux. Evidemment,  comme on le retrouve chez l’auteur, la présence d’un corbeau  va faire basculer l’existence dorée et privilégiée des personnages – tous abjects- que l’on suit dans un cauchemar noir qui laissera peu de place à l’émotion. Le corbeau ici, il peut aussi se lire de manière très littéraire : celui qui signe un courrier anonyme et menaçant. Sauf qu’il n’est pas uniquement menaçant, il est létal. Pas de spoiler ici, il est dit dès les premières minute que chaque enfant Usher a trouvé la mort dans des circonstances dramatiques. Chacune de ces tragédies est une nouvelle interprétation d’un conte noir, de Poe donc modernisé au possible, et remettra au goût du jour des écrits comme « Le cœur révélateur » ou « Le double assassinat de la rue Morgue », considéré comme le premier roman policier de l’histoire moderne. Le corbeau c’est la femme qui les pourchasse . Et si dans les années 1800, l’évocation de l’oiseau pouvait en elle seule paraitre effrayante, elle risquait en 2023 de vite devenir désuète. Heureusement pour nous, Flanagan sait gérer un récit et rend effrayant un oiseau donc les ailes noires paraissaient plus enclines à faire peur aux enfants qu’aux adultes. La poésie rencontre le gore, parfois extrêmement violent mais dont l’esthétique léchée fait qu’il entre parfaitement dans la dynamique construite. Les sauts dans le temps qui suivent le récit de Rodrick Usher (Bruce Greenwood) coulent avec aisance, construisant ainsi plusieurs dynamiques de suspens.  La folie dont sont pris les protagonistes se dévoile en toute pertinence. Rien n’est laissé au hasard, et un indice sur chaque mort est par ailleurs donnée en début de chaque épisode. Décors et costumes vertigineux s’ajoutent et perfectionnent une œuvre qu’il faut absolument voir.

Eh bien! Dansez maintenant

Tout ça ne serait rien sans le sens et les engagements que met Flanagan dans sa « Chute de la maison Usher ». Il y a l’évidence chute des bébé du népotisme. Critique acide d’enfants, aujourd’hui adultes, devenus monstrueux de par leur filiation. Qu’importe d’ailleurs que la découverte de leur bonne naissance eu été tardive, fut-elle à l’adolescence ou l’âge adulte, la bonne fortune arrivée les transforme. Pour se sentir exister sous l’œil de leur père mais aussi par eux-même chacun.e est amené.e à créer sa propre entreprise. Grassement payée par papa certes, mais avec l’impression d’avoir créer leur bonne fortune puisque papa juge durement et ne donne qu’une fois convaincu de la prospérité qu’engendrera l’entreprise. Hors et comme le dira Camille (Kate Siegel), les enfants Usher ne créent pas, ils font travailler d’autres pour eux. Et tout est ici question de filiation : l’héritage qui revient de droit même s’il doit être pris de force. Et cet héritage pourri jusqu’à l’os, celles et ceux qui en profitent. La méritocratie est bien plus intéressante aux yeux de notre narrateur. Dans un conte noir, l’idée parait effectivement sensée.

Mais c’est finalement en fin de série que son sens le plus profond est dévoilé dans sa totalité. Bien sûr l’écologie, la limite du capitalisme, l’exploitation dans le travail sont abordés mais le cœur même du sujet c’est bien de parler de la génération précédente et de son immense égoïsme. Et si pour s’offrir toutes les possibilités, en toute impunité, il suffisait de laisser payer le prix fort à la génération suivante ? Ne serait-ce pas la meilleure manière de faire ?

Singe qui rit, single qui pleure

Pour appuyer son propos, Flanagan n’hésite pas à parler clairement des test sur les animaux. Un long discours limpide y est dédié. Appuyant sur la caractère souvent inutile de la chose, comme les tests pour les maquillages. L’humain y est également montré comme abjecte et bien plus bestial que le chimpanzé torturé pour lui sauver la vie. De nombreuses tirades viennent s’ajouter à ce propos. Celle sur les enfants exploités, les dérives de la drogue, de l’alcool, du sexe quand on a accès à tout, en tête de liste. Les tests sur les animaux ne sont pas les seuls concernés puisqu’ils sont aussi effectués sur les humains, surtout dans les pays défavorisés en mentant allègrement sur les conséquences engendrées sur les population. Et comment représenter le bourreau qui est à la tête de ces méfaits ? Eh bien simplement comme un bouffon. Flanagan ne laisse rien au hasard. Rappelant que les pharmaceutiques peuvent être d’une acidité létale et que bien mal appris celui ou celle qui ne saurait sans méfier. En ce monde obscure, la démone qui torture notre famille a plus de compassion, de douceur et d’humanité que la famille dépeinte.

Le cœur comme révélateur

The Fall of the House of Usher. (L to R) Carla Gugino as Verna, Willa Fitzgerald as Young Madeline in episode 105 of The Fall of the House of Usher. Cr. Eike Schroter/Netflix © 2023

Pour contrebalancer, deux personnages donnent un ton plus lumineux au récit : Annel Lee ( la femme de Rodrigue) et Leonor. Elles sont empruntes d’empathie. Mais attention, la beauté peut se pervertir. C’est aussi ce qui transparait lorsque l’on regarde les enfants grandir : Frederick et Tamerlane. Enfants ils sont le foyer, la candeur. Adultes, rongés par l’argent, ils sont les plus monstrueux de leur fratrie. Les conjoints, spectateurs et victimes apportent eux et elles aussi du relief et ne vient que prouver de la monstruosité de la famille Usher.

En particulier celle qui est le personnage le plus fascinant : Madeleine. La sœur jumelle magnifique, brillante, forte et hautement machiavélique.  Elle apporte avec elle la question de la quête d’immortalité. Un propos souvent abordé dans les contes sombres et y répond encore une fois par la modernité tout en questionnant l’intelligence artificielle. Elle est celle qui manipule, sorte de Gemini Cricket inversé, qui souffle les idées diabolique à celui qu’elle perverti. Madeleine a une noble cause en tête : changer le monde mais pas forcément pour le meilleur. Simplement pour son meilleur à elle.

En finalité, Flanagan s’intéresse à la question du Et si ? Avec des si on refait le monde dit-il. Si Rodrigue avait fait les bons choix que serait-il devenu ? Que seraient devenus ses enfants ? La réponse est donnée pour mieux mettre en perspective l’importance des décisions qui sont des choix de vie et pour rappeler ce qui compte vraiment.

La véritable richesse nous dit-il, est bien celle de la famille et de l’amour. C’est pour cette raison que l’homme le plus riche du monde n’est pas celui auquel on pense. Et si cette morale parait facile ou évidente, elle est amenée dans une conclusion brillamment interprétée et livre un savant écho à une vision du monde qui n’aura pas changer de 1800 à 2023.