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Julia Escudero

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Il était attendu le spin off de The Boys. Et c’est normal. La série de super-héro la plus crasseuse, jusqu’au boutiste et décalée du moment a su se fédérer un public d’adeptes d’Homelander et de ses acolytes à la morale douteuse. Trash, souvent gore, toujours drôle, choquante, percutante mais surtout avec une critique au vitriole et d’une justesse impressionnante de la société actuelle, l’original tirée des comics du même nom, avait placé la barre très haut. On espérait donc que sa petite sœur, Gen V, saurait réunir tous ces éléments, les mixer et en tirer une histoire originale. Pari réussi ? On vous parle des trois premiers épisodes dévoilés sur Amazon Prime. (sans spoilers)

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Gen V

Gen V de quoi ça parle ?

Les vies mouvementées de super-héros en devenir dans une école ultra-compétitive gérée par Vought International, où leur résistance physique, leurs hormones et leurs limites sont testées au quotidien. A la clé : les meilleurs contrats pour les meilleures villes.

Gen V, est-ce que c’est bien ?

On prend la même recette mais on change les ingrédients. C’est un peu ainsi que se découvrent les premiers épisodes de cette série. Là où The Boys plaçait un cadre d’empathie et de choc dès ses premières minutes via le personnage de Hughie (Jack Quaid) et de sa bien aimée, Gen V tente de frapper encore plus fort. La scène d’ouverture promet donc son bain de sang (et ceux qui l’ont vue savent qu’il y en a plus que dans le scène du bal de « Carrie au bal du diable ») mais pas seulement. Il permet aussi de placer ses bases : on va parler de super pouvoirs qui ne font pas du bien et on va décaper le wokisme d’image, s’amuser à être féministes pour de vrai mais en explosant ceux et celles qui s’en servent sans conviction et par pure appât financier. C’est donc ainsi que l’on rencontre notre personnage principale : Marie Moreau qui rêve d’être la première femme noire à rejoindre les Sept.  Dans The Boys, Ashely Barrett (Colby Minifie), chargée de l’image de Vought que l’on retrouve aussi dans Gen V, explique que « Black Lives Matter » c’est son hashtag préféré. Une réplique coup de poing, pied de nez  à toutes les grandes entreprises qui disent se battre pour des causes nobles mais n’en pensent pas un traitre mot. Et la raison pour laquelle on la cite ici, c’est parce qu’elle résume bien le propos que tient cette nouvelle série trois épisodes durant. Stop à l’hypocrisie, on vous voit, on vous juge. Et pour bien vous juger on va clairement en rire. Mieux encore, on va clairement choquer.

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Gen V Marie Moreau

Dans cette optique, la série s’offre un crochet par en dénonçant le pink washing. Elle dépeint un.e personnage, Jordan Li (Dereck Luh) qui est à la capacité de changer de sexe à volonté. Iel devient femme puis homme au gré de ses humeurs et besoins. Évidemment, son pouvoir dérange et ne lui permet pas de se fixer au top des podiums. Trop compliqué à comprendre, il déplait en plus au public en Floride. On peut être ouverts, mais quand même pas à se point…

Gen V tourne aussi autour d’un classement. Qui sera le ou la meilleur.e ? Nos jeunes super héros (mais qui ne sont pas du tout des héros), dopés dans leur enfance au composant V (celui qui permet d’avoir des pouvoirs) se disputent la première place. Celle qui permettrait de rejoindre les Sept et l’équipe d’Homelander ou de devenir une star internationale. D’un côté de l’école, il y a celles et ceux qui se destinent à être des justiciers, de l’autre à faire vivre l’entertainement. Télés réalités, films, Danse avec les Stars, shows grandiloquents… voilà les carrières qui leur sont promises. Dans cette équipe , la colloc de Marie Moreau, Emma Shaw (Liz Brodway) apporte l’une des notes les plus attachantes de la série. Elle permet de créer un personnage qui va questionner l’image du corps de la femme, certes, mais surtout la récupération (à vomir) par tous et toutes qui en est faite. De nombreux personnages décidant pour elle de ce qu’elle ressent, de comment elle le gère, de comment elle doit en parler. Tout en prônant de jouer la carte de la sincérité, au cœur des véritables problématiques féminines. Et en la matière les femmes qui lui donnent la réplique sont aussi néfastes que la masculinité toxique. Et c’est tout aussi dérangeant que jubilatoire à regarder scène après scène.

D’autre personnages viennent bien sûr s’ajouter au casting, le super-héro évident, Golden Boy, homme blanc et beau-gosse, dont tout le monde attend beaucoup ( Patrick Schwarzenegger) ou encore son ami Andre Anderson au fort héritage sur les épaules (Chance Perdomo qu’on a grand plaisir à retrouver depuis Les Nouvelles aventures de Sabrina). Le tout est servi avec une bonne dose de suspens et surtout un grand mystère à éclaircir.  Et pour le servir les cliffangher vont bon train, écrit comme les grands shows américains savent le faire, dosant l’action et le suspens avec la même précision que les gros blockbusters dont sont les héros Queen Maeve et Starlight …

Du trash, du gore, du fun

Enfin reste l’esprit The Boys, un décalage complet dans le ton, du gore très assumé, des litres d’hémoglobine utilisés pour faire rire et marquer les esprits. Si dans la série d’origine, tout ça va crescendo partant du bien crado pour arriver au très crado, ici et en seulement trois épisodes à ce jour diffusés, les choses partent rapidement dans tous les sens. Une bite géante face à un mini personnage la dispute à des meurtres hyper violents, boyaux, explosions et entrailles en tête de liste. Et toujours utilisés pour servir de gros rires qui feront plaisir aux fans de séries B. Aucun répit n’est laissé au spectateur. On se régale en poussant de petits cris.Pas étonnant donc, de retrouver au générique et à la production le très barré Seth Rogen.

Reste à attendre les 5 prochains épisodes qui promettent de s’en mettre plein les yeux et de patienter sagement jusqu’à la saison 4 de The Boys, qui elle aussi laisse entrevoir son lot de rollercoasters, qu’on espère aussi acerbes et sombres que ceux du parc d’attraction dédié à Queen Maeve, Proud Maeva, ce pink washing dénoncé sans concessions.


Buck Meek, connu pour être le lead guitare des excellents Big Thief, a aussi une carrière solo. Il publiait le 25 août son tout nouvel album « Haunted Mountain », un opus qui parle d’amour dans toutes ses formes mais aussi de celui qu’il éprouve pour son épouse : Germaine Dunes. Un périple à travers les montagnes miraculeuses mais aussi sauvages et dangereuses dont la bande son touche clairement à la country. La musique s’y  façonne sur fond d’héritage américain, profondément solaire, elle invite à la douceur et à la joie. De passage à Paris le temps d’un Hasard Ludique complet et très chaud, Buck Meek a accepté de répondre à nos questions. Dehors, assis sur coussin de sol, le très sympathique musicien nous parle de son rapport à la communauté, du fait de rester humble, de la culture musicale américaine, de son projet solo comme de Big Thief. Un rencontre enivrante et passionnante, à lire ci-dessous.

buck meek interview
© Pénélope Bonneau Rouis

Popnshot : Comment tu décrirais ton album « Haunted Mountain » ?

Buck Meek : Sur cet album j’ai essayé d’écrire une chanson d’amour vraiment honnête ce qui pour moi est la chose la plus difficile à écrire. Le dernier album parlait de perte, de processus de guérison et de rupture. Sur celui-ci je parle d’amour, mais dans tous les sens du terme. De l’amour d’une mère pour son enfant, d’amour platonique, d’amitié mais aussi du travail que demande le fait d’entretenir une relation saine.

P&S : Il se dit qu’il est plus simple d’écrire des chansons au paroles tristes ou mélancoliques. Comment as-tu appréhender la lumière et la joie qui transpercent cet album ?

Buck Meek : Ce n’est pas évident d’écrire un morceau joyeux sans devenir banal. Pour moi c’es plus simple d’écrire lors d’un processus de guérison quand la douleur est encore là. Parce que la douleur donne l’impression qu’on sort de son propre corps. Quand je souffre ou que je dois abandonner quelque chose j’ai cette impression naturel de sortir de mon corps. La joie est bien plus direct, elle fait sentir tout son corps. Et ça peut vite se transcrire de manière banale. C’était un challenge pour moi d’écrire quelque chose de joyeux mais qui resterait frais.

Ça me rappelle que je suis vulnérable et c’est très intéressant à exploiter dans mon processus créatif.

P&S : Cet album, il parle aussi de montagnes, puisqu’il a été écrit dans les montagnes du Portugal. Ton dernier album avec Big Thief s’appelle « Dragon new warm Mountain I Believe in you », celui-ci « Haunted Mountain ». C’est la nature sauvage qui t’interpelle autant dans cet environnement ?

Buck  Meek : J’aime les montagnes pour leur volatilité. Il y a toujours un sens du danger là-bas qui rend humble. Ça me tient éveillé et c’est un bon rappel de mon insignifiance je pense. Ça me rappelle que je suis vulnérable et c’est très intéressant à exploiter dans mon processus créatif.

J’essaie d’écouter plus et l’humilité, fait partie de ce chemin.

P&S : Etre humble, c’est un mot que tu utilises énormément et qui revient dans toutes tes interviews. Pourquoi cette notion est-elle si importante pour toi ?

Buck Meek: Je pense que c’est un des plus grands challenges dans la vie de travailler son humilité. Que ce soit avec ton ou ta partenaire, tes amis, c’est un élément essentiel. Etre proche d’une personne c’est rester humble, curieux et avoir de l’empathie pour elle. C’est si simple de te laisser aller à ton égo, de penser tout savoir. En plus, en tant qu’homme je pense que c’est un trait récurent de la masculinité toxique que de se dire qu’on a les solutions à tout et qu’on doit tout expliquer. J’essaie d’écouter plus et l’humilité, fait partie de ce chemin.

P&S : Ecouter plus c’est aussi un chemin qui vient avec la maturité. J’ai l’impression qu’en vieillissant ça devient plus simple d’entrer dans ce processus.

Buck Meek : C’est vrai. Mes parents sont toujours ensemble. Mon père aime encore énormément ma mère. J’ai beaucoup appris d’eux. De voir mon père écouter ma mère. C’est une femme très forte. Mais je pense qu’être dans un groupe peut aussi être un vrai challenge. Tu est dans des lieux restreints, très proches pendant des heures parfois des semaines. Et peu importe qui tu es, il y aura naturellement des frictions qui naîtront même si vous êtes meilleurs amis. Avec Big Thief comme avec mon groupe, le show à la fin de la journée est une chose qu’on chérit et qui permet de tenir ensemble. C’est un peu comme un enfant qu’on co-parente. Et du dois bosser au delà de tes résignations, de tes peurs pour rester ensemble et élever cet enfant qui est la musique.

La communauté donne du pouvoir dans la musique

P&S : L’amitié est un vecteur essentiel de ta musique. Tu en parles beaucoup et surtout elle se ressent dans tes différents projets musicaux. Pourquoi est-elle centrale dans ton travail ?

Buck Meek : Je pense que la communauté donne du pouvoir dans la musique. Tous les groupes que j’ai eu font partie d’une communauté. Big Thief par exemple est une toute petite partie d’une grande communauté d’amis qui se soutiennent les uns les autres. On joue avant tout pour nos amis notamment quand on les retrouve à New-York. Ils font partie de plus de 20 groupes. Avoir des gens en qui on peut avoir confiance et à qui faire écouter notre musique, c’est primordial.

Une chose que je trouve distinctive dans la musique américaine c’est que tu es un immigrant et donc tu prends à différentes cultures.

P&S : C’est quelque chose qui transparait dans Big Thief et qui ajoute quelque chose de très beau au groupe. Parmi tes amis tu as aussi Jolie Holland qui signe plusieurs morceaux de ton nouvel album. Tu disais dans une interview qu’elle a une véritable compréhension de ce qu’est la musique américaine. Pour toi, qu’est-ce qu’est la musique américaine ?

Buck  Meek : C’est bonne question. (Il prend le temps de réfléchir). Une chose que je trouve distinctive dans la musique américaine c’est que – et sauf si tu es natif américain et que tu fais de la musique indigène  – tu es un immigrant et donc tu prends à différentes cultures. C’est un amalgame de différentes cultures. Aux Etats-Unis tout le monde est un peu orphelin culturellement. Au bout de 5, 6 ou 7 générations, ils n’ont aucune idée d’où ils viennent. Je sais que j’ai du sang français, italien, gallois … mais je n’ai aucun connexion à ces cultures. Il y a une perte et une tristesse là-dedans. Mais tu dois aussi trouver ta propre identité et prendre ce que tu peux sur ce chemin-là. Tu dois créer une synthèse de tout ça. A un certain degré, la musique américaine est une synthèse de ses influences, pour le meilleur et pour le pire. Il y a beaucoup d’influences africaines qui vient des esclaves, il y a beaucoup d’évidences. A un certain degrés c’est une musique de voyageur.

ce que j’aime le plus dans la musique américaine, c’est d’écouter comment les gens se découvrent et découvrent leur identité, à travers la musique

P&S : Qu’est ce qui te touche le plus dans ces musiques ?

Buck Meek : Il y a un mythe dans les histoires américaines. C’est difficile à expliquer, c’est une bonne question, personne ne me l’avait jamais posée avant . Je pense que c’est ce que j’aime le plus dans la musique américaine, c’est d’écouter comment les gens se découvrent et découvrent leur identité, à travers la musique, sans dépendre d’un héritage en dehors de l’héritage américain qui est très abstrait.

P&S : Ton album aussi est international. Tu l’as écrit au Portugal, enregistré au Texas. Comment tout ce chemin l’a-t-il façonné ?

Buck Meek : J’ai écrit les chansons pour cet album dans beaucoup d’endroits, je voyageais beaucoup et j’étais en train de tomber amoureux de la personne qui est aujourd’hui ma femme. Elle vient des Pays-Bas. On a voyagé au Portugal, en Grèce et dès qu’on le pouvait, on allait camper et j’écrivais pendant ce temps. Mais pour ce qui est de l’enregistrement c’est mon producteur qui a voulu qu’on le fasse là où j’ai grandi. C’est le premier album que j’enregistre là-bas.

P&S : Comment s’est déroulé l’enregistrement ?

Buck Meek : On a enregistré en deux semaines. La première semaine on a enregistré tous les rythmes. On se mettait en cercle dans une grande pièce et comme le voulait mon producteur,  on jouait tout en live ensemble avec les vocaux eux aussi en live. La deuxième semaine on l’a mixé.

P&S : Ta femme ouvre aussi pour toi sur cette tournée. L’album lui est dédicacé. Qu’est ce que ça fait de l’avoir avec toi pour pour le jouer ?

Buck Meek : C’est très doux. Mais ça me rend vulnérable. Il y a certains titres qui sont très honnêtes et ça me rend vulnérable de les chanter avec du monde autour parce que je les trouve très intimes. 

j’ai beaucoup appris à soutenir notre chanteuse, Adrianne (Lenker),à comment vraiment la suivre et à être dans l’empathie.

buck meek hasard ludique 2023
©kévin Gombert

P&S : Tu as passé l’été à tourner avec Big Thief et cet automne tu es en solo. Comment tu vis le fait d’être cette fois, le lead singer ? 

Buck Meek : Les deux projets se donnent de l’oxygène mutuellement. Parce que avec Big Thief, j’ai beaucoup appris à soutenir notre chanteuse, Adrianne (Lenker), à comment vraiment la suivre et à être dans l’empathie. Quand je suis le leader, je me rends compte que je m’inspire beaucoup d’elle parce que j’ai beaucoup appris d’elle. Avec Big Thief c’est plus abstrait puisque je fais les instruments. Je peux faire l’ambiance ou les mélodies, je peux être sauvage et noisy ou au contraire très calme. Avec ce projet, j’ai plutôt la responsabilité de guider le public à travers une histoire. Et dire ma vérité honnête.

P&S : Le live et le studio peuvent sonner différemment. Vous avez rencontré le problème avec Big Thief et le titre « Vampire Empire » dont la version studio, sortie plus tard, avait déçu certaines personnes , à tord, les deux sont excellentes. Penses-tu qu’un morceau à plusieurs visages, changeant à chaque interprétation ?

Buck Meek : Je l’espère, c’est comme ça que j’aime jouer de la musique du moins. Mais c’est bien aussi parfois d’avoir un squelette et une façon de retourner à la base d’un morceau. C’est amusant parfois de jouer de la musique complètement improvisée. J’aime qu’il y ait une structure : les paroles, la mélodie et une forme d’improvisation. C’est ce qu’on essaie de créer en studio avec les groupes. On joue tous en même temps pour voir ce que chacun donne. On a des réponses à la seconde, on jour une chose et on répond à ce qu’une personne a joué dans la pièce. 

Je veux débloquer les chansons dans de multiples dimension

buck meek hasard ludique 2023
©kévin Gombert

P&S : Ton projet solo tu en parles toujours comme d’un groupe. C’est très rare cette démarche. Pourquoi ce besoin de mettre le groupe au centre ? 

Buck Meek : Je veux débloquer les chansons dans de multiples dimensions et quand j’écris les paroles, j’essaie de faire appel à tous les sens. Il y les lumières, la période de l’année et de la journée. Je veux que ce soit un lieu où on peut vivre dans les chansons. Et avec un groupe c’est aussi quelque chose que je peux faire. Créer un espace à quatre dimensions, ce n’est pas une chose que je peux faire seul. Les musiciens qui jouent avec moi ont une telle dimension sonique que ça nous permet d’élever la musique. 

P&S : Qu’est ce qui vient en premier les paroles ou la mélodie ?

Buck Meek : C’est simultané. Je prends habituellement la guitare et j’écris de façon abstraite, je mets de mots, souvent des syllabes sur la mélodie. Et puis je fais des sons dessus. La mélodie vient donc un peu en amont mais elle est accompagnée de mots, de formes. Et quand ça me parait bien je transforme ces formes en une narration. Mais je laisse le subconscient agir avant que le conscient ne dessine une carte.


Vendredi 25 août 2023 marquait la deuxième journée de cette vingtième édition de Rock en Seine. Retour à un format plus classique avec cette fois toutes les scènes d’ouvertes et une programmation mettant en valeur des artistes établis tels que Christine and the Queens ou bien encore Placebo. Une journée durant laquelle la question de l’image aura été questionnée.

La programmation d’une journée de festival est un travail relevant de l’orfèvrerie. Il faut mettre en avant la tête d’affiche prévue pour le dernier ou l’avant dernier créneau du soir tout en réussissant à maintenir l’attention et l’engouement du public tout au long de l’après-midi. Si Placebo était fortement attendu, le public du domaine de Saint Cloud aura eu droit à des rafraîchissements aux saveurs variées pour rester en haleine tout au long de cette deuxième journée de festival.

Quelques nuances de performances musicales

Pas besoin forcément de sophistication pour toucher au but. Cela s’applique parfaitement à Turnstile, car si la ficelle est aussi fine que les gros rif de guitare envoyés depuis la scène Cascade en plein milieu d’après-midi par le groupe de Baltimore, l’objectif de bien secouer et d’éviter toute torpeur estivale est parfaitement rempli.

Par volonté de contraste avec cette première expérience de la journée, Bertrand Belin se pose là, tant sa performance sur la Grande Scène n’était que, justement, contraste. Voix suave aux accents Bashungiens posée sur un rythme enjoué plein de percussions par un artiste dans un total look retro-classique déclamant des lignes profondes comme « Tu veux ma haine ? Tu veux mon amour ? » ou bien encore «  Je viens d’une longue lignée d’alcooliques… ». Surprenante curiosité hautement recommandable donc.

De surprise, il n’était pas vraiment question avec les Viagra Boys tant leur entrée en scène cochait toutes les cases de ce que l’imaginaire populaire peut attendre d’un groupe punk rock. Clope au bec, bouteille de bière à la main, allure savamment négligée, Motherfuckers déclamés comme des signes de ponctuations, le groupe de Sebastian Murphy, torse nu et arborant un pantalon de jogging digne d’un truand d’Ex Yougoslavie sorti d’un film de Guy Ritchie aura livré une performance digne de l’image qu’il s’évertue à donner. Mais il ne faut pas s’arrêter à l’image donnée, car à la grande surprise de beaucoup de spectateurs, ces mêmes Viagra Boys ne se priveront d’aller saluer les Boygenius lors du début de set de ces dernières.

Au vu des échos entendus près de la Grande Scène, beaucoup auront eu plaisir à aller voir hier après midi le « supergroupe » emmené par Julien Baker, Phoebe Bridgers et Lucy Dacus : Boygenius. Si les trois artistes ne se réunissent qu’occasionnellement, menant des carrières solo, la synergie entre les trois américaines était impressionnante tant elles auront su s’effacer et se mettre en valeur à tour de rôle en fonction des différents morceaux permettant à chacune d’entre elles de s’exprimer en fonction de ses sensibilités et de ses propositions musicales aux influences diverses mais baignant dans une esthétique recherchée comme étant un hommage à des années 90 fantasmées. De la folk à la pop onirique, l’alliance de ce trio transcende les registres de chacune de ses participantes. Il faut dire qu’il est un plaisir à retrouver sur scène l’icône Phoebe Bridgers, aujourd’hui figure forte de la pop indé et son homologue Julien Baker, douce esthète folk. Boygenius est une réussite totale qui sait écrire ses balades et créer un univers qui fait mouche autant sur scène donc que sur son très beau premier album « The Record ».

C’est avec le goût délicieux de la transgression que l’on peut parler de la performance de Flavien Berger. Avec une désinvolture que seuls les grands peuvent se permettre, il aura ainsi maîtrisé son set tout en improvisant(?) une descente dans la foule, déambulant dans cette dernière avec un discours fleurant bon le méta. Jouant avec maitrise de l’absurde comme un Philippe Katerine d’il y a quelques années, Flavien Berger aura autant amusé qu’enjaillé les spectateurs de la Scène Cascade.

Silly Boy Blue Rock en Seine @ Pénélope Bonneau Rouis
Silly Boy Blue Rock en Seine @ Pénélope Bonneau Rouis

Le rendez-vous est donné sur la Scène du Bosquet pour accueillir Silly Boy Blue, l’enfant prodige de Rock en Seine qui y avait déjà joué en 2019 à ses tout débuts comme elle aura plaisir à le rappeler. Toute la beauté qu’il y a à la retrouver  sur scène tient à sa capacité à garder sa candeur et sa fraîcheur scénique tout en distillant un univers qui lui est propre. Derrière ses nombreuses interventions, la chanteur masque une pointe de timidité. Il faut dire que le public s’est déplacé en masse pour assister à sa performance. Côté voix, le timbre aérien pop rock de la musicienne frappe fort. C’est d’autant plus vrai sur « The Fight » et « Teenager », deux de ses premiers singles qui font toujours mouche tant leur émotion passe avec aisance à travers ses auditeurs. Et ça c’est aussi grâce à la capacité qu’a la chanteuse à alterner douceur et refrain foutrement bien écrit qui entre aisément en tête. C’est pour défendre « Eternal Lover » qu’elle se produit ce soir, impossible pour autant d’oublier son EP « But you will ». Phrase tirée du film « Eternal Sunshine of the Spotless Mind » et promesse faite par le personnage de Kate Winsley à celui de Jim Carrey, tu arrêtera de m’aimer voulait-elle dire. Elle sera à utiliser à l’inverse pour Silly Boy Blue, qui trace son chemin vers les étoiles, jusque sur la grande scène… »you will ».

 

Christine and the Queens : the queen is dead, long live the king

Christine and the Queens Rock en Seine @ Pénélope Bonneau Rouis
Christine and the Queens Rock en Seine @ Pénélope Bonneau Rouis

Il n’est pas aisé pour un artiste de se détacher de son postulat de base, de le faire évoluer et d’en sortir une œuvre aboutie et un véritable projet artistique. C’est pourtant bien ce qu’a fait Christine and the Queens en cette deuxième soirée, proposant ainsi la meilleure performance de la journée voir même du festival. La plus clivante aussi tant l’objet ici interprété fait l’effet d’un OVNI  qui a pu diviser les spectateurs, en perdre certain.es pour en émerveiller d’autres. Il faut dire que le chemin du musicien a été compliqué à comprendre pour le grand public. D’abord il fut Christine, puis  Chris, puis Redcar pour mieux revenir à Christine. Il avait également fait parler de lui récemment dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux entre pleurs et colère où il évoquait sa trans identité et le refus massif des gens à comprendre son parcours et à s’approprier à un art renouvelé loin de accessibilité des début et de fait moins mainstream. Ce terme est certainement un gros mot quand on pense au parcours d’un chanteur qui avait toujours mis la barre très haut quand il s’agissait d’offrir un spectacle de qualité et des titres à fleur de peau à son audience. On le retrouve donc aujourd’hui avec un nouvel album en anglais « Paranoïa, Angels, True Love » désireux d’interpeller et d’être très bavard en terme de messages donnés sur scène. Cette dernière est jonchée de statuts et en s’élançant sur les planches avec une fierté qui frappe fort, il surprend d’emblée. Rapidement son petit veston tombe en un geste politique révélant un torse aux muscles saillants, lorsqu’il harangue la foule c’est d’ailleurs en l’appelant « camarade ».

Les premiers instants ne trompent pas. Tout à partir de ce moment confère au grandiose, le musicien chante pour ses statuts s’adresse en particulier à la statut du lion  (un animal que l’on retrouvait aussi dans les paroles de « Saint-Claude »)  puis aux autres. Le moment est artistique, d’une excellence pointue, intellectuel mais surtout sensible. Christine and the Queens se joue des genres, enfile une longue jupe rouge, toujours le torse nu, court, virevolte, danse, exulte ses démons et personnifie la paranoïa. Tout est grandiose, jonché de couleurs rouges, comme un appel profond alors que voix et instruments frappent fort, les guitares se perdant dans des montées en puissance maîtrisées, elles aussi hors genres et registres. Le chanteur casse toutes les barrières, celles fixées par le format d’un live, d’un album, d’une industrie, d’une société qui aime les cases. Sous fond de lumières bleues obscures, il enfile ses ailes d’ange (déchu ou s’élevant dans les cieux?). Les frissons viennent à parcourir ceux qui hypnotisés reçoivent cette œuvre d’une sincérité troublante où l’image est aussi centrale que son vecteur : la musique. Il faudra vivre cette heure à bout de souffle, se laisser entraîner dans cette spirale où la douceur la dispute à l’intensité et enfin couronner roi ce renouveau de Christine and the Queens.

Placebo : cure nostalgique

Tête d’affiche de la soirée, c’est à 23 heures que les très attendus Placebo, seuls artistes à remplir la Grande Scène ce soir. Un quart d’heure avant le début de la performance, le duo demande au public de ne pas filmer sa prestation sur ses smartphones. « C’est difficile pour nous de connecter avec vous derrière vos écrans, vivez le présent » argue un Brian Molko diffusé sur des écrans géants. C’est donc smartphones en poche, sauf pour les plus rebelles des spectateurs que débute ce live. Le groupe, nous l’avions déjà vu par trois fois, au Live 8, à Bercy, en festival et à chaque fois une sensation de performances aux trop nombreux défauts, d’un manque. Mais il faut savoir laisser à nouveau sa chance. Dans l’instant présent donc, là où Brian Molko invite à la rejoindre, le groupe joue sur une scénographie sobre portée par des jeux d’écrans aux couleurs brouillées et autres effets marqués d’une époque. Il faut dire qu’en place depuis 94, le groupe a vu les modes et façon de faire du live évoluer. En France, Brian Molko aime à s’adresser à son public dans la langue de Molière, d’ailleurs comme il s’amuse à le dire « On est une groupe européen » et bim, le Brexit, dans tes dents. Pour démarrer son affaire, le groupe préfère bouder ses classiques pour mieux présenter d’autres titres. Topo, côté foule, c’est plutôt calme, l’audience écoute attentive, sans rien filmer pour mieux se ré-approprier une air. La voix de Molko est reconnaissable entre toutes, tout comme le son sur le fil d’un rock triste qui a toujours été sur le fil et qui lui aussi est le reflet d’une époque dans laquelle Molko parlait ouvertement de sa bisexualité offrant une des rare proposition queer et glam sur le devant d’une scène rock mainstream et lissée. Il faut attendre 10 titres pour que résonne l’un des plus gros hits des musiciens « Too May Friends » critique des relations tissées en ligne et donc accroché un public moins expert. Sauf que comme à chaque fois, les gros hits sont aussi l’occasion de voir un certain problème de tempo dans le passage au live des titres. Une justesse fébrile peut-être comme une difficulté à faire cohabiter taille des textes et tempo en un seul espace. Les écrans déforment les visages qui changent de couleurs, voir tombent dans un effet « pluie ». Difficile de ne pas penser au clip de « The Bitter end » qui figure sur la setlist tout comme « Song to say goodbye » avant le rappel. Evidemment, la foule réagit fortement aux retrouvailles avec ces titres passés dans le domaine public. Le final se fera sur « Running Up that hill ( a deal with god) », leur reprise de Kate Bush (mais ceux qui savent se souviennent surtout de son utilisation dans « Newport Beach » après la tragique mort de Marrissa, que personne n’a jamais pardonné, hein Mischa Barton ?), pont indéniable pour les nouvelles générations qui ont pu le redécouvrir dans « Stranger Things » mais que Molko et sa bande avaient réinterprété des années plus tôt. Placebo garde la touche d’un temps, ses souvenirs, les nombreux moments à refaire surface en les écoutant. Aucun médicament ne permet pourtant de remonter le temps, même pas un placebo.

Texte : Alexandre Bertrand / Julia Escudero

Photos : Pénélope Bonneau Rouis


La date de sortie du nouvel album d’Hozier approche à grands pas. Le 18 août, le musicien dévoilera dans son entièreté « Unreal Unearth », son troisième né qui succède à la sortie d’un EP « Eat your young », prélude et mise en bouche de ce nouveau jet. Dans la foulée, le musicien annonçait une série de concerts avec rapidité. Un Alhambra complet, un Olympia complet puis pour l’automne un Zénith de Paris. On va crescendo et on y va à toute allure.

Nul doute que le public l’attendait de pied ferme. Les premiers albums étant largement restés gravés dans les mémoires. De « Take me to church » et son succès fulgurant, le prodige était monté dans les tours avec l’incontournable « Wasteland Baby », voyage poétique au confin de la folk qui colle au coeur autant qu’aux oreilles.

Hozier OlympiaTake me to l’Olympia

Nous voilà donc en ce 18 juillet pour applaudir Andrew Hozier-Byrne de son vrai nom. Les lettres rouges sur la façade de la célèbre salle ne trompent pas, nous y sommes. Aucun doute : on ne plaisante pas avec la musique pour Hozier. C’est entouré d’une armée de musiciens, qu’il prend d’assaut la scène. Point de chichis, point de gros décors ou de cadre de rêve, seules les notes viennent à compter. La musique d’Hozier est un périple qui s’ouvre sur « Eat your young », autant immédiatement défendre son nouveau bijou. De ce dernier, le chanteur dévoilera en milieu de set « De Selby », titre en deux partie, longue balade aux accents puissant et aux rebondissements fréquents. C’est un mot intéressant le mot balade dans l’univers d’Hozier. Il marque l’appellation de morceaux évidement. Il pourrait évoquer une certaine tranquillité, un périple facile. Et pourtant, ce serait faire mentir la musique. L’irlandais propose certes un temps calme mais emprunt de rebondissements où la force est langue maitresse. Avancer peut parfois être douloureux, le parcours peut être semé d’inattendu, Hozier s’illustre à coup de rythmes bien construits, de montées en puissance qui prennent aux tripes. Il fait marcher les sentiments.

chaleur ocre

Il n’est pas le seul mot pourtant qui caractérise le mieux le concert du musicien. C’est la chaleur douce qui s’en dégage qui marque de façon indélébile les esprits  et qui est la parfaite illustration de ce moment. Des lumières aux tons ocres et des notes rondes, une voix puissante et nous voilà plongés dans un univers dont il semble impossible de se défaire. Il faut dire que cette voix apaise, ce qui est le cas sur album est encore plus vrai en live. Elle prend par la main. Parmi les balades proposées ce soir manque à l’appel l’immense « Wasteland baby » qui donnait son nom à sa dernière galette. Pas de panique pourtant l’une des plus belles réussites de ce second jet, « Would that I » fait bien partie de la setlist faisant son entrée peu avant la fin. En live, les rythmiques changent de peau mais le décollage, lui, bien de la partie. D’autant que notre homme sait pousser sa voix dans ses retranchements sur un refrain parfaitement construit qui entre dans les sang pour modifier chaque fondement de notre être lorsqu’on l’écoute. Il est un point commun entre la folk canadienne et celle irlandaise : elles savent traduire les espaces et paysages qui peuplent ces très beaux pays. Des paysages verts où la nature est reine. Si un Half Moon Run propose un jeu peuplé de montées et de descentes à l’image des  montagnes qui les entourent, Hozier offre un voyage au coeur des vallées et des étendues vertes, la beauté est là, le chant des champs se suffit. De ces nouveaux nés, Hozier prend aussi le temps de conter « Francesca »et de prouver que le périple est toujours aussi bon au coeur d' »Unreal Unearth ».

Communion

L’artiste n’hésite pas à faire un tour du côté de son premier album. Si « Work Song » clôture le bal, c’est évidemment « Take Me to Church  » qui est le temps le plus fort de cette performance. Placé juste avant le rappel, le titre permet à Hozier de sortir un drapeaux aux couleurs LGBTQ. Impossible d’oublier la dureté du clip qui accompagnait la sortie de ce titre qui parle d’homophobie avec justesse. A l’abjecte du propos évoqué, il est d’autant plus beau de voir un Olympia conquis, chanter en choeur ce qui se dessine comme un hymne, un puissant plaidoyer. Pas une parole n’est pas récitée par l’assistance qui prend à propos de bien ressentir et penser à chaque chose qui est dite. On est bien loin du simple banger radiophonique. Ici musique, société et crie du coeur font bon ménage. Et une fois encore la chaleur est au rendez-vous, elle prend d’assaut une foule à l’unisson, main dans la main avec le berger Hozier et sa voix rauque. S’il fait nuit dehors, ici à l’intérieur, le soleil brille encore et illumine les âmes. Ce petit bout d’union, il sera celui à garder au plus près de soit en quittant l’Olympia. Il permettra de tenir le coeur plein jusqu’à la prochaine escale du voyage, le 18 août pour un tour parmi les vallées d’ « Unreal Unearth ».