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Julia Escudero

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Mais qu’est-ce qu’être au fan au juste ? Au court des années, le mot n’a eu de cesse d’être décrié. Vu comme une forme d’hystérie. La Beatles mania y est-elle pour quelque chose ? Il est chose connue que d’évoquer les fans amoureux.ses des Fab 4, les yeux révulsés laissant dans la salle une odeur d’urine. Il en va de même avec le phénomène Elvis Presley. Depuis, le vocabulaire a cherché à évoluer. A l’instar de ce que l’on peut voir dans le monumental « Almost Famous », on est plus une groupie mais une groupeuse. On aime le groupe mais pas les musiciens. L’affaire n’est pas toujours si simple. Puisque si les clichés persistent, être fan en réalité peut donner le sentiment d’appartenance à une communauté, resserrer des liens, sauver des vies, en transporter et même révéler des vocations et des carrières. Comment ce statut, cet amour entier pour un morceau ou même un musicien peut-il créer ? Quelles en sont les effets bénéfiques ? Enquête.

Sur les pas de mes idoles

Crédit photo : Louis Comar

Les premiers fans de musique sont les musicien.nes profesionnel.les. Pour suivre un parcours souvent compliqué et choisir de consacrer sa vie à la création musicale encore faut-il admirer ceux qui ont créé avant soit. Pas besoin d’aller chercher bien loin pour confirmer ce fait. Les Rolling Stones doivent leur nom au titre « Rollin’ Stone » de Muddy Waters. D’autres suivent cette voie, Don McLean dédicace son plus gros succès « American Pie » au « Day the music died » à savoir le crash aérien qui aura coûté la vie à ses idoles et ceux de l’Amérique : Buddy Holly, Ritchie Valens et “The Big Bopper” J. P. Richardson. Le culte que vouent les frères Gallagher dans leur ancien groupe Oasis aux Beatles est également de notoriété publique. Il suffit de regarder les nombreuses reprises que les frangins terribles du rock, de « Strawberry fieds forever » à « I am the Walrus » ont fait pour le confirmer. Ce schéma s’applique à l’infini et permet aux musicien.nes de puiser inspiration et envie. Ce qui est vrai pour les plus grandes stars l’est aussi pour les jeunes pousses de la musique indépendante sur le chemin du succès. Quatre parmi les plus talentueux à l’heure actuelle ont accepté de nous répondre.

Mais d’abord, un peu de sémantique. Le fait d’être un.e fan peut signifier des choses bien différentes en fonction de l’individu à qui l’on parle. Pour Quentin du groupe d’indie post punk de Berling Berlin : « C’est avoir une adhérence, une admiration envers une personne (artiste, sportif…)  » Alors que Coco Bans elle parle immédiatement d’amour : « Je pense que c’est assez subjectif comme mot. Être fan d’un artiste peut se résumer à une attirance jusqu’à l’amour inconditionnel. On vit des choses à travers des parcours et des créations d’artistes et l’importance de chacun dans nos vies diffèrent. » Pour Garbriel du groupe de rock Bipolar Club, le terme est souvent utilisé à tord à des fins péjoratives : « Pour beaucoup de gens le mot ‘fan’ renvoie à l’image stéréotypé du fan hystérique hurlant à la mort en voyant son chanteur ou acteur préféré, devenant complètement fou et incontrôlable. » Un à priori qu’il juge faux  » Selon moi être fan d’un artiste, c’est tout simplement le fait de l’aimer pour ce qu’il est ou ce qu’il crée, de suivre son actualité et surtout d’en être inspiré, que ce soit artistiquement, esthétiquement, au niveau du mode vie ou même de l’idéologie, et ce, parfois, de manière inconsciente. » En ce qui le concerne, c’est la découverte du groupe Nirvana qui marque son adolescence. Période charnière, moment où l’on se cherche, c’est souvent là que née l’obsession, et avec elle, les prémisses d’une vie adulte. Quentin l’évoque également : « Je me suis fait un tatouage de David Bowie. C’est un de mes héros. Je l’ai dans la peau depuis mon adolescence, je voulais absolument l’inscrire dessus. » Malgré ça, il évoque tout autant parmi ses idoles John Lennon, Liam et Noël Gallagher, Pete Doherty ou encore Alex Turner.

 

Le fait de dédier sa vie à la création, d’y trouver sa place, d’en avoir besoin de manière viscérale, et surtout l’acceptation de tous ces facteurs a été, dans mon cas, inspiré par plusieurs artistes dont je suis fan. – Gabriel

La rencontre des musiciens qu’ils chérissent sont autant de souvenirs marquants desquels découle leur appétit pour la création musicale. Geoffrey Le Goaziou est musicien auteur de très belles compositions folk. Il se souvient : « J’ai eu la chance de partager une soirée avec Patrick Watson qui est un artiste qui m’inspire beaucoup. C’était inattendu et j’avoue avoir été impressionné lorsqu’il est arrivé à la table. Nous avons bu des coups, discuté et même fait de la musique et la soirée a été en fin de compte très naturelle.  »  Pour Quentin c’est le leader des Libertines qui lui apporte ce petit frisson : « Il m’est arrivé d’aller voir Pete Doherty plusieurs soirs d’affilé, d’être au premier rang et de vouloir le suivre après le concert, je lui ai même offert une cigarette, j’en étais fier. » Coco Bans elle confie même quelques folies : « Avec une pote, on a inventé toute une histoire au gérant d’une salle de Montréal pour rentrer à un concert qui affichait complet de The White Stripes, dont j’étais super fan. Il nous a fait passer par les coulisses pour nous placer juste devant la scène, donc ça valait bien le coup. J’ai aussi assisté à un concert de Taylor Swift à Paris et j’étais la seule adulte qui n’était pas là avec son enfant de 9 ans. C’est du niveau hardcore fan je pense. »

J’ai voulu moi aussi à mon tour tenter l’aventure comme eux. – Quentin

Pour les musiciens, loin d’un fanatisme aveugle, c’est bien plus la carrière, la créativité et le message de ceux qu’ils admirent qui les portent. Gabriel reprend : « C’est la philosophie de vie et la façon de penser de certains de mes artistes favoris qui m’ont influencé. Au-delà de la musique elle-même, qui est forcément influencée par ce que l’on écoute, c’est le choix de vie qui est important puisqu’il implique de nombreux sacrifices. Le fait de dédier sa vie à la création, d’y trouver sa place, d’en avoir besoin de manière viscérale, et surtout l’acceptation de tous ces facteurs a été, dans mon cas, inspiré par plusieurs artistes dont je suis fan. Et personnellement cela s’est plus fait à travers les livres qu’à travers la musique, en lisant les biographie de certains artistes, comme par exemple Keith Richards ou Jeff Buckley dans mon cas. » Un point de vue que rejoins Geoffrey : « Ils ont guidé ma manière de faire de la musique et d’évoluer en tant qu’artiste. Quelle vision et posture je veux défendre vis-à-vis de la musique.  » Coco Bans résume : En tant qu’artiste, on cherche à rester soi-même mais on a cette tendance à se comparer – et on nous compare – à d’autres artistes. Be inspired but be yourself, c’est ma devise. »  Le risque de l’admiration n’est-il pas d’entraver le processus créatif ? Gabriel nuance :  » Tous les artistes sont influencés par quelque chose : la création à partir de rien n’existe pas. Tout l’enjeu consiste à ne pas laisser ses influences trop transparaitre. Dans mon cas, lors du processus créatif, je suis dans le lâché prise total, afin de ne pas entraver la créativité qui prend source dans ces nombreuses influences, et qui ne doit pas être contrôlée lors de la création. Mais chacun travaille différemment, tout cela reste très subjectif.  » Quentin, lui embrasse plus volontiers le principe de la transmission de ceux qu’il admire : « J’ai voulu moi aussi à mon tour tenter l’aventure comme eux. C’est une source d’inspiration au quotidien et dans ce que je compose dans les projets musicaux dans lesquels je suis. » La transmission, c’est aussi le mot clé pour Coco bans : « En grandissant, on écoutait beaucoup de musique. Je chantais avec les disques de Sheryl Crow et Tracy Chapman et en chantant leurs mélodies, en tissant ma voix avec les leurs, j’ai ressenti la puissance de cette transmission. La musique me connecte avec le monde extérieur. Que ce soit la musique des autres ou la mienne. »

De l’envie de marcher dans leurs pas

Crédit photo : Louis Comar

Pour le fan qui ne crée pas, le rapport à l’artiste ne peut aller qu’en un sens. La notion de devenir soi-même l’objet des convoitises est lointaine. Mais lorsque l’envie de faire carrière dans la musique est là, l’inversion des rôles est une possibilité. Est-ce pour autant un besoin ? Une envie ? Pour Quentin avoir une fan base est enviable, il explique : « C’est très important pour moi. Ton public est ce qui fait que tu existes, que tu tiens sur le long terme. Il faut le chérir et en prendre soin. »  La relation artiste public est d’ailleurs selon Coco Bans un véritable moteur créatif : « Le processus de création et de promotion de ses créations peut être difficile, émotionnellement et physiquement. Mais quand je reçois un message où on dit que ma chanson a sauvé leur vie ou qu’ils ont mis ma musique à leur mariage, c’est ça qui m’encourage à continuer à créer ces moments de connexion. C’est ça la vraie force de ce rapport de fan-artiste. C’est donnant-donnant. » Gabriel est loi de les contredire : « Selon moi le public est l’objectif final de tout processus de création. N’en déplaise à certain, un artiste ne crée pas seulement pour son plaisir personnelle et l’objectif final d’une œuvre est la présentation à un public, quel qu’il soit. Je pense que c’est devant un public qu’une œuvre se met à réellement exister, qu’elle prend tout son sens. »  Une notion qui est d’autant plus vraie dans le domaine de la musique. Se produire sur scène, avoir le retour d’un public permet de juger de la pertinence et de la qualité d’une oeuvre. Et c’est aussi ce qui est ressenti côté public. Le live est un moment à part mais aussi celui qui détermine de l’engouement à porter à des compositions. Quitte à avoir des avis tranchés comme avait pu le partager sur Facebook un professionnel du secteur qui disait : « le live a tranché s’il n’y sont pas bon alors leur musique ne l’est pas. » Geoffrey lui va à contre sens ayant plus peur de devoir se confronter à la notion d’avoir des fans : « J’ai une gêne vis-à-vis du public, j’ai du mal à croire que des gens écoutent et aiment ma musique.  » même si , il admet : « Je pense qu’avoir des fans représente aussi une forme de réussite, un message qui parle à beaucoup de gens dans lequel ils arrivent à s’identifier. »

Pour citer Paul Simon : « Il n’y a rien de mieux que le succès pour permettre au talent de s’épanouir »

Le succès comme certitude de pouvoir créer. Bien loin du besoin d’être aimé et admiré, Gabriel pousse son analyse sur un sujet central : la création a besoin de moyens. Et ces moyens, ils passent aussi pour le fait d’avoir un public prêt à payer pour se la procurer. Il détaille : « C’est plus qu’enviable d’avoir des fans. Cela donne confiance en son projet, cela donne de la reconnaissance artistique et personnelle. Dans le meilleur des cas cela amène au ‘succès . Je pense que le succès à grande échelle a beaucoup d’inconvénients mais qu’il simplifie énormément les choses concernant la création. Cela permet d’avoir du temps, des moyens financiers et humains, de travailler dans les meilleures conditions possibles, ce qui permet de continuer à avoir du succès. C’est un cercle vertueux. Pour citer Paul Simon : « Il n’y a rien de mieux que le succès pour permettre au talent de s’épanouir ». »

Cure de bonheur

Crédit photo : Louis Comar

Dans le microcosme de la musique française et de ses professionnels, impossible d’évoquer The Cure sans penser à Xavier Martin. La chose est connue que lorsque le nom de nos garçons imaginaires est prononcé, celui du nouveau directeur de de publications du magazine Longueur d’Ondes arrive dans la foulée. Il faut dire que l’homme à la plume affinée et au goût prononcé pour la cold wave sait mieux que quiconque parler de Robert Smith et sa bande. La preuve il leur dédie un livre entier intitulé « Paroles de Fans ».  Plus qu’un hommage à ceux qui ont accompagné sa vie. C’est aussi et surtout l’occasion de mettre en lumière une communauté dont il aime à faire partie : « Mettre les fans en avant est l’essence même de cette collection que Faustine Sappa, directrice de la collection Paroles de Fans, a créée en l’inaugurant comme autrice avec un ouvrage consacré à Noir Désir. L’angle me paraissait changer des sempiternelles biographies. Les fans forment une vraie communauté, dans laquelle ils échangent informations, souvenirs, impressions… Rassembler leurs témoignages (près de 100 fans ont participé au livre) dans un seul livre était le moyen pour eux de s’exprimer mais également découvrir des anecdotes souvent savoureuses, les goûts, et préférences de personnes qui partagent la même passion qu’eux. » L’idée de l’ouvrage est né par hasard, après avoir réalisé une enquête sur la cold wave avec Julien Naït Bouta, le rédacteur en chef de Longueur d’Ondes. : « Nous avons interviewé Pedro Peñas y Robles, musicien, DJ et fondateur du label Unknown Pleasures Records. Ce dernier m’avait alors dit qu’il venait de sortir un livre rassemblant des témoignages de fans autour de Joy Division, paru chez Camion Blanc. C’est de là que l’idée a germé de faire l’équivalent pour The Cure. J’ai contacté Faustine qui m’a fait confiance. C’était pour moi l’opportunité de raconter ma propre histoire de fan des Cure, en l’utilisant comme fil rouge. » Pour se faire, il contacte de nombreux fans de la formation. Leur amour pour eux est si fort que 95% d’entre eux lui renvoient leur témoignage. Une  expérience marquante :  » Je pensais être l’un des fans les plus hardcore du groupe, le travail sur le livre m’a montré que j’avais trouvé mes maitres ! Je n’imaginais pas à quel point certains vivaient cette passion pour The Cure aussi intensément, connaissait tout ou presque de leurs disques, de leurs vies, faisant des sacrifices incroyables pour aller les voir, même à l’étranger. » 

Le groupe est une sorte de fil d’Ariane qui guide lors des moments plus difficiles

The cure paroles de fansLa notion de communauté chez de nombreux fans est d’ailleurs centrale. Elle permet de se retrouver, de se comprendre, de se sentir moins seul. Un point mis en lumière par Camille Oudre, psychiatre parisienne qui détaille : « Lorsque cette passion est partagée par une communauté, elle peut également permettre de favoriser le sentiment d’appartenance à un groupe de pairs souvent nécessaire au développement de la socialisation dès l’adolescence. Elle est alors utilisée comme médiation pour créer du lien et du partage. » C’est aussi ce que note Xavier. La bienveillance des aficionados de The Cure entre eux le marque particulièrement : « Les fans forment une communauté dans laquelle de véritables amitiés se sont créées et c’est peut-être en cela que leur passion pour The Cure a une importance fondamentale, tellement forte qu’elle a le pouvoir de changer certaines trajectoires de vie. » La bande de l’immense Robert Smith a évidemment boulversé des trajectoires. Au delà du look emprunté entre corbeau et eye-liner, des sources d’inspirations découvertes (la littérature de Camus avec « Killing an Arab » ou de Penelope Farmer « Charlotte Sometimes »),  elle s’immisce pleinement dans les vies : « Surtout, le groupe est une sorte de fil d’Ariane qui guide lors des moments plus difficiles durant lesquels beaucoup trouvent dans certaines chansons un peu de réconfort. »

Kiss me, Kiss me, Kiss me

Crédit photo : Louis Comar

Le premier baiser des Cure, Xavier le reçoit à 18 ans lorsqu’il découvre l’album « Faith » qu’il fait tourner en boucle sur sa platine : « Leur musique m’a accompagné à certains moments de ma vie particulièrement difficiles, vers 22, 23 ans. Paradoxalement, c’est dans leur disque le plus noir, Pornography, que je puisais alors du réconfort. Peut-être le fait de savoir que Robert Smith et sa bande – qui n’avaient que 3 ou 4 ans de plus que moi – n’étaient pas au mieux de leur forme eux non plus me rassurait. » C’est sûrement cet album particulièrement brillant de la formation qui fait office de second baiser. Le troisième sera celui des concerts et des rencontres : « Ils sont devenus mon groupe favori, je ne les ratais jamais lorsqu’ils passaient, et rapidement j’ai eu envie de rencontrer Robert Smith, ce que j’ai réussi à faire finalement après quelques péripéties. » Même s’il s’en sépare par moment, le baiser de la formation est si ancré qu’il laisse une trace considérable dans sa vie d’adulte, et qu’il y revient toujours.  Est-ce eux qui l’ont conduit à tracer sa voie dans l’écriture et la musique ? Oui et non. Ce chemin il le doit à «  La lecture des chroniques et articles de rock, je lisais Best, Rock’n’Folk, le New Musical Express quand je le trouvais dans un kiosque à la Gare du Nord ou sur la place St Michel. Les journalistes de l’époque : Eudeline, Dordor, Picart… avaient un style que j’enviais et m’ont donné l’envie de suivre leurs traces. » Pourtant et même si son premier livre n’était pas anticipé : » II tombait sous l’évidence que s’il y avait un premier livre, c’est à lui qu’il devait être consacré. » Le second, en préparation traitera d’un autre groupe qui parle beaucoup à Xavier. La musique n’a de cesse d’inspirer et est un sujet sans fin. Pour vous conseiller le meilleur de la scène francophone, vous pouvez d’ailleurs lui faire confiance, les yeux fermés pour le suivre au fil des colonnes de Longueur d’Ondes et les oreilles, elles, grandes ouvertes.

Be-come together

Xavier n’est pas le seul journaliste dont la carrière aura été fortement influencé par un artiste au succès colossale. Jessica Saval que l’on peut notamment lire dans les colonnes de Rolling Stones et qui aujourd’hui est également manageuse et attachée de presse doit beaucoup à Paul McCartney et ses fab 4. Elle se remémore : « Je dois tout bonnement ma carrière aux Beatles. Après les avoir rencontrés au détours d’un DVD de Help! acheté par hasard, puis découverts à Liverpool, je leur ai consacré mon mémoire de maîtrise intitulé « We Turned Left At Greenland : L’impact des Beatles aux Etats-Unis ». J’étais alors lectrice dans une université américaine, et ce qui avait motivé mon choix c’était l’organisation par les étudiants d’un festival caritatif au cours duquel élèves comme enseignants reprenaient les Beatles pour collecter des fonds pour la communauté.  » Ce parcours lui permet de se tracer une vie qu’elle ne pensait pas avoir. Mais le destin s’en mêle : » mon retour en France, j’ai postulé au magazine Rolling Stone… et coup du sort : c’était l’anniversaire de la sortie de Sgt. Pepper ! Me voilà donc engagée et ma vie transformée ! » Un hasard et un coup de coeur musicale peuvent changer des trajectoires, révéler un talent et aussi décorer une vie :  » Sans les Beatles, je serais aujourd’hui traductrice, et pas journaliste et manageuse d’artistes… Et la décoration de mon appartement serait moins fournie !  »

 

Fans en bandes organisées

Les passions lient et rapprochent. Elles transcendent et se partagent. Puisque quand on aime, quoi de plus évident que de chercher à transmettre ? C’est surement pour cette raison qu’il est facile de se regrouper pour mieux en parler. Et cette appartenance rend cet amour encore plus fort. L’humain est un animal sociable. Il a besoin d’une communauté, d’un noyau dur dans lequel il se reconnait et s’épanouie. En cela, la musique est vectrice de rapprochements. Elle crée de l’émotion, marque et souligne des instants clés. Elle est le centre d’une vie, accompagne chaque moment clés. C’est pour cette raison que des collectifs de fans se montent afin de la partager mais aussi de la transmettre et de créer des actions collectives pour soutenir les artistes qu’ils défendent.

L’odeur de l’ensemble

Crédit photo : Louis Comar

Morgane a suivi ce processus. La jeune étudiante parisienne a été particulièrement touchée par l’univers d’Orelsan. La normande d’origine se souvient « Je suis tombée un peu par hasard sur Si facile, et je me suis pris ma première « claque » musicale, j’avais 16 ans à ce moment là et je me suis beaucoup retrouvée dans ses textes. J’ai découvert qu’on pouvait transmettre des émotions. » En premier lieu, elle s’identifie à la vie du rappeur alors que leur parcours à Caen s’inscrivent en parallèle.  Elle détaille « J’ai d’une certaine manière grandi avec lui et il m’a permit d’avoir une vision différente du monde et de la société. Quand j’ai commencé a regarder ses interviews, j’avais l’impression de me retrouver par moment. » Souvent le processus d’aimer un artiste vient aussi de ce sentiment d’être compris. Une nécessité qui sonne juste. Tout naturellement elle va voir Orelsan en concerts. Là, elle rencontre « d’autres fans qui sont aujourd’hui mes amis. »

Pour moi être fan c’est… apprécier un artiste pour ses œuvres et être présent pour le soutenir.  

Avec 11 d’entre eux, elle crée La Patronade, une team consacrée au musicien et qui a pour but notamment, de promouvoir sa musique. Elle détaille : «  A la sortie de Civilisation on s’est tous retrouvés ensemble à un enregistrement d’émission et le courant est tellement passé qu’on a créé cette team. Au début c’était plutôt pour la rigolade, mais ça a prit un aspect vraiment cool par la suite. » et de poursuivre : « On a fait un compte Instagram qui a la base devait servir d’album souvenir pour nos aventures liées à Orel, puis après on a fait des tee shirts à notre effigie. On a fait floquer des tee-shirts Avnier (la marque d’Orelsan) avec notre logo, c’est une manière de se reconnaître et de montrer qu’on fait partie du même groupe. Et on en a offert un à Orelsan d’ailleurs, ça l’a fait rire. » Le tee-shirt à l’effigie d’un idole ou de sa marque est d’ailleurs un immanquable aujourd’hui. S’il permet de se reconnaître entre connaisseurs, il est aussi une façon d’aider un artiste. Au temps du streaming alors qu’il devient difficile pour les artistes émergeants ou non de rendre rentable leur art, le produit dérivé est un atout supplémentaire. Les grandes enseignes type H&M, Urban Outfitters ou Pull and Bear en font des classiques des gardes robes. Au risque surement de détourner l’objet de son véritable intérêt, la preuve jusque dans le look qu’on est profondément touché par une formation. Loin d’être l’occasion de porter un logo cool, il s’inscrit dans une véritable démarche communautaire. On pense forcément pour recentrer le débat à Kim Kardashian qui porte le tee-shirt Slayer et au groupe qui lui répond avec un tee-shirt « Kill the Kardashian ». Une claque.

Des fêtes et deux familles

Morgane poursuit : « Ça a prit une tournure vraiment plus importante quand on a fait le projet « gommette » pour le concert d’Orel au zénith de Caen, on a distribué des gommettes à tous les gens présents dans la salle pour que quand on allume le flash ça fasse une couleur différente de blanc. On avait reparti les gommettes pour que ça refasse le drapeau de Civilisation (vert, bleu, rouge). Et contre toute attente ça a fonctionné, c’était une organisation assez folle et beaucoup de temps de distribution, mais le résultat était incroyable. Orel et son équipe étaient choqués et émus, de ce qu’ils ont pu nous dire. Cet évènement nous a vraiment marqué, d’autant plus qu’Orel nous a remercié sur scène et sur un post Instagram. Après les médias ont aussi parlé de ce qu’on a fait, et ça a vraiment mit en lumière La Patronnade. » Une façon de prouver que quand on agit avec le coeur on crée de la beauté et des souvenirs immortels.

Je pense qu’être fan d’Orelsan m’a aidé à franchir le cap d’entrer dans un média

La Patronnade n’est pas le seul projet sur lequel travaille Morgane en plus de ses études. Elle a en effet rejoint l’équipe de Crescendo, un média indépendant centré sur la musique que l’on peut suivre sur Instagram. Avec une équipe entièrement féminine, elle partage coups de coeur, interviews, reportages avec professionnalisme. Une autre façon d’utiliser sa passion « Je parlais de mes goûts musicaux sur Twitter, et Crescendo est aujourd’hui une manière pour moi de faire la même chose mais de façon plus professionnelle. Je pense qu’être fan d’Orel m’a aidé à franchir le cap d’entrer dans un média car j’avais déjà de l’expérience dans la musique de part les nombreux concerts et festivals que j’ai pu faire.Je suis contente aujourd’hui de pouvoir allier ces 2 aspects de ma vie, avoir un côté fan assez poussé qui me fait vivre des aventures incroyables, tout en étant dans un cadre plus sérieux à côté pour parler d’autres artistes. »

Morgane a de plus eu la chance à mesure des concerts de rencontrer Orelsan a plusieurs reprises : « Au début, c’était vraiment particulier et impressionnant. Je me rappelle encore avoir été toute tremblante la première fois que je l’ai vu. Maintenant ça a changé et ça prend une tournure différente, l’équipe connaît notre petit groupe et c’est toujours cool de discuter avec eux. » Un aboutissement mais pas une fin en soi. Au delà du média et de la team, la jeune femme s’est lancée dans la photographie : « J’ai acheté récemment un appareil et je me lance doucement dedans. Comme on a l’occasion de couvrir des festivals avec le média, je me suis retrouvée à faire des photos pendant le concert d’Orelsan, à la Nuit de l’Erdre et aux Francofolies. » Une vie bien remplie, faite de rêves et de réussites : « Le concert a commencé et j’ai fait des photos pendant les 3 premières chansons, c’était une autre façon de vivre le concert, et au final j’ai réussi à faire quelques clichés dont je suis contente, alors que je pensais vraiment ne pas y arriver vu mon manque d’expérience. Orel en a même mit quelques uns sur son compte Instagram, ça c’était vraiment le choc. C’est au travers de ce genre d’événement que les 2 univers se rejoignent, alliant Orelsan et Crescendo et je suis contente de voir que ça peut s’accorder et me permettre de vivre de nouvelles expériences. » De quoi prouver qu’être fan d’un artiste ouvre de belles perspectives. 

 Si j’existe, ma vie …

Crédit photo : Louis Comar

Pas besoin pour autant de faire carrière dans la musique pour voir sa vie inspirée par la musique et en tirer une véritable force. C’est le cas pour Christelle Garcia. Le mot fan peut néanmoins avoir cette vision péjorative d’un avis commun qui pousse certains à refuser de se décrire comme tel : « Ce n’est pas le terme que je préfère car l’association au côté « fanatique » me dérange un peu… Je me considère plus comme une passionnée de musique avec une admiration un peu plus poussée pour certains groupes ou chanteurs . » Ces artistes, pour elle, se sont Muse, Asaf Avidan, Détroit, La Maison Tellier et Soan.   Mais que ressent-on profondément lorsque l’on vit des moments liés à cette passion ?  Pour elle, le positif est de mise  : » Un grand plaisir qui peut être décuplé lorsqu’il est partagé et une évasion euphorisante.  » Le partage et la communauté sont donc toujours autant d’atouts centraux dans cette expérience de vie.  La relation aux autres personnes qui vivent avec la même intensité les concerts et les écoutes sont centrales. Mais celle à l’artiste l’est également.

Je dirais qu’être fan de musique a impacté ma vie car c’est une passion qui m’ouvre socialement avec de belles rencontres

Un sentiment qui pour Camille Oudre, psychiatre, arrive souvent tôt dans la vie d’une personne, dès l’adolescence et qui peut perdurer : « Dans la plupart des cas, cette relation apporte un soutien à l’individu, l’aide à gagner confiance en lui et à se sentir moins seul en ayant recours à son imaginaire. Nous parlons donc d’un phénomène tout à fait ordinaire qui existe depuis la nuit des temps par lequel beaucoup d’entre nous passons ou sommes passés. »

Ce même sentiment pousse à faire des folies passionnés. De ces anecdotes qui peuplent une vie, la remplissent, lui donnent du sens. Pour Christelle celles-ci sont nombreuses : « Décider de partir à Belfast du jour au lendemain quand Muse a annoncé sa mini tournée surprise en petites salles et devoir mentir à mon boulot pour avoir ma journée.. Dormir devant la salle pour être devant. Partir en road trip sur un coup de tête dans le Sud de la France avec des inconnues pour voir Soan en concert privé. Inconnues devenues des amies par la suite !  Partir seule au fin fond de l’Autriche sans parler un mot d’Allemand pour voir Muse. Du coup je ne sais toujours pas ce que j’ai mangé j’ai pris au hasard sur les menus ! (rires) » Ces anecdotes là, au même titre que les folies amoureuses sont autant de souvenirs à chérir que de temps de joie intense : « Je dirais qu’être fan de musique a impacté ma vie car c’est une passion qui m’ouvre socialement avec de belles rencontres, qui me fait voyager émotionnellement mais aussi physiquement avec des découvertes cultuelles et touristiques et surtout cela m’amène beaucoup de bonheur au quotidien. »

Le prix du bonheur

Crédit photo : Louis Comar

Si être fan de musique est un véritable enrichissement personnel, essentiel à une vie et la peuplant d’art, certains n’hésitent pas à abuser du phénomène pour s’enrichir au risque d’abuser des passions pour toucher les portes-monnaies. Alors que sur les grands concerts, il fallait avant s’armer de patience pour pouvoir atteindre le tant désiré premier rang, et passer une journée d’attente, aujourd’hui le principe de la fosse or est monnaie courante. Il suffit donc de payer bien plus cher et de mettre des tarifs indécents pour pouvoir s’approcher de son idole. Il en va de même pour les rencontres qui se monnaient. Les quelques mots échangés avec un idole, un autographe, une photo, tout cela n’est plus une simple façon de récompenser une communauté d’adeptes qui permettent pourtant à l’artiste de vivre de son art. A ce jeu là, le groupe de Jared Leto, 30 seconds to Mars,  fait office d’exemple grâce notamment à son Aventure in Wonderland et ses packages à plusieurs centaines d’euros pour pouvoir lui serrer la main. A Paris, en 2015, le groupe proposait d’ailleurs un show très privé à ses adeptes au Bataclan. Les places à tarif normal  étaient vendues en si petite quantité qu’on en venait à se demander si leur mise en ligne avait été faite. Il fallait donc s’offrir le package avec rencontre pour assister à ce concert privé.  Résultat : une salle plutôt vide pour un concert somme toute étrange. Son festival sur une île baptisé Mars Island lui s’achète en milliers d’euros (en incluant certes des activités avec le groupe, les repas, le logement sur une île paradisiaque… mais tout de même). Ce n’est pas le seul groupe à user de ces pratique. Lady Gaga avait une fosse or à son Stade de France, My Chemical Romance à son Bercy … Il est néanmoins bon de rappeler qu’il est normal qu’un.e musicien.ne trouve des moyens pour gagner sa vie, d’autant avec les difficultés que provoquent le streaming, et qu’à ce titre le merchandising est une excellente façon d’aider ceux que l’on aime. Un équilibre est pourtant possible sans centrer l’accès au partage de l’art sous un prisme uniquement onéreux. Christelle défend aussi cette position : « Il y a de plus en plus une surenchère qui mène à une différenciation sociale… Pour la fosse cela devrait rester un endroit populaire avec un prix raisonnable pour que la majorité puisse en profiter . À la limite le merchandising avec exclusivités ou participation aux balances pourquoi pas mais j’ai peur de voir le système évoluer comme Ticketmaster aux États-Unis où le prix des places est déterminé en fonction de la demande et où on atteint des sommes hallucinantes ! » L’expression « quand on aime, on ne compte pas » devrait connaître ses limites.

Mais au fait docteur, pourquoi ?

Crédit photo : Louis Comar

Etre fan est certes le fil conducteur d’une vie et peut amener à de très belles expériences. Mais d’où vient le phénomène ? Pourquoi est-on fan ? Maud Ferrari, psychologue et Camille Oudre ont tenté de nous répondre.

Comme l’explique Maud Ferrari, psychologue à Strasbourg « Des recherches sociologiques et psychologiques interrogent la notion d’être fan à travers le prisme du fonctionnement identitaire de l’individu. » Pour mieux répondre à notre question et expliquer le fait d’être fan, elle s’appuie donc sur les recherches de Christian Le Bart et son travail réalisé en 2004. Elle reprend :  » L’attitude fan constitue une modalité de construction identitaire propre aux société contemporaines. »  C’est également dans ce sens que va Camille Oudre, psychiatre à Paris : « Cette relation à l’objet d’admiration peut commencer dès l’enfance et persister à l’âge adulte. Elle est le plus souvent marquée à l’adolescence, période cruciale de la construction identitaire du sujet par le biais du phénomène de séparation-inviduation, c’est-à-dire devenir un individu autonome différencié d’un autre. »

Pour Maud Ferrari : « Il s’agit de se différencier, de s’individualiser, tout en ayant une figure, une idole, ce qui ouvre la porte à un sentiment de valorisation. »  Un chemin naturel donc, qui permet de se créer tout en se sentant appuyé et soutenu. Pour Camille Oudre : « Le sujet va alors s’identifier à cet objet de fantasme, de par ses valeurs, ses croyances communes… ce qui engendrera un sentiment de « familiarité » avec celui-ci et proposera alors à l’adolescent un autre modèle identificatoire que celui de ses parents ou de son entourage. » Un processus fréquent. Mais qu’en est-il dans ce cas de l’image négative que peut avoir le fait d’être fan ? D’où cela vient-il ? « Il ne s’agit pas d’un symptôme tant qu’il ne génère pas un retentissement significatif dans la vie sociale et affective de la personne comme par exemple un isolement relationnel, une souffrance psychique, un désinvestissement scolaire ou professionnel, des dépenses inconsidérées, etc.  » répond Camille.

Finalement être fan de musique est-ce une bonne chose ?  Là dessus les deux professionnelles se rejoignent. Pour Maud Ferrari, pas de doute : « La passion musicale contribue  à l’élaboration de son identité et de sa personnalité. » Mais c’est à Camille Oudre que reviennent les mots très justes et finalement idéales pour conclure cette enquête : « Rassurez-vous, il n’y a a priori rien d’inquiétant à avoir des posters de son idole placardés partout dans sa chambre ou à avoir parcouru toutes les salles de concert pour l’écouter. Continuez de rêver et vibrer à tout âge avec les artistes qui vous font du bien, c’est avant tout thérapeutique. »


Crédit photo : Louis Comar

Nouvelle journée sous le soleil de Rock en Seine ce samedi 27 août.  Sans les palmiers certes, mais le Parc de Saint-Cloud profite aussi de ses arbres et de son lot de coins paradisiaques. Cette fois-ci, c’est la scène française qui est particulièrement mise à l’honneur avec un bon nombre de ses représentants à l’affiche. Moins rock que les autres jours, ce samedi profite d’une belle vague allant du dansant au carrément électro. Non contents de faire faire des kilomètres aux festivaliers qui courent d’une scène à l’autre chaque jour, il faudra se déhancher franchement pour profiter pleinement du programme.

Mais où va le monde ?

Il va sur la Grande Scène et pas sur la planche (ni dans le sable) pour accueillir La Femme et ce dès 18 heures 30. La joyeuse troupe fondée par Marlon Magnée et Sascha Got la joue comme à chaque performance sur un show complètement déluré pour séduire. Profitant d’un meilleur son que la dernière fois que nous avions pu les voir aux Francos Montréal, les acolytes sont venus en masse, déjà pour officialiser la sortie de leur nouvel album « Teatro Lucido » dont le premier extrait « Sacatela » est déjà en écoute. La Femme aime à surprendre comme le montrait son dernier né, l’indomptable « Paradigme » et ses titres allant du western au rock français façon Dutronc en passant par de la pop tropicale. Sur scène, l’immense variété d’un répertoire qui ne se refuse absolument rien en terme de créativité, en cause le besoin de s’assurer une véritable indépendance musicale, même si vous dira Marlon, la chose n’existe pas vraiment, parait pourtant bien cohérente. il faut quelques minutes à la troupe pour se chauffer et chauffer la foule. Interprétant d’abord des extraits de « Paradigme » pour vite mettre tout le monde d’accord sur le classique « Elle ne t’aime pas ». Les copains saluent tout le monde, même Robert Gil, photographe musical qui vous avez certainement déjà vu shooter en live. La sauce prend et gonfle, à la fin du set, Rock en Seine est un dancefloor géant.

Il faut quand même dire que le groupe avait été aidé par Lewis Ofman, le prodige de l’électro français qui avait posé ses valises et surtout son décors sur l’indétronable scène de la Cascade à 17 heures 30. Aussi élégant que les marques pour lesquelles il a travaillé d’APC à Colette en passant par Gucci, la musicien sait varier les plaisir avec une précision millimétrée. Entre funk, house et pop, le touche à tout convainc un par terre en effusion qui commence à siroter une bière mais aurait tout autant apprécier un set plus nocturne avec un cocktail et une paille (en carton) pour se laisser enivrer jusqu’au bout de la nuit.

Lewis Ofman – Crédit photo : Louis Comar

Le before de l’after

Parmi les moments les plus attendus de la journée, se glisse la performance de Jamie XX. Le set du membres des iconiques XX se déroule sur le Grande Scène dès 20 heures 30. Si le groupe de rock londonien fait office de légende dans le milieu et que leurs sonorités minimalistes sont aujourd’hui d’incontournables classiques, le musicien se détache de sa formation en solo. C’est un set purement électro entre le DJ set et le remix qu’il propose. Communiquant une énergie festive, il fait danser une assistance qui célèbre la fin de l’été. Certes, ça manque un peu de grandes interprétations et de spectaculaire mais l’instant est plaisant et le Parc de Saint-Cloud, hyper réactif se laisse convaincre par l’esprit festif qui lui est proposé en guise de before de la tête d’affiche, Tame Impala, très attendue ce jour-là.

Jamie XX – Crédit photo : Louis Comar

Pour mieux la découvrir, il faut néanmoins patienter encore un peu. Pour se faire, le rendez-vous est donné par The Blaze sur la scène de la Cascade. La foule y est très dense. La nuit est tombée sur la ville du 92. Les arbres en bordure donnet au tout un aspect mystique que les  deux compères francophones savent maximiser. Avec eux, il est facile de se laisser entraîner et de suivre les courant. les écrans géants se dévoilent en nuances de bleus. La couleur de la mélancolie appelle à la trans. Tout indique qu’il est possible de se laisser porter, que le moment sera partagé mais qu’il saura garder ses secrets. The Blaze et ses sons aériens méritent leur place de très beau nom de la scène française tant leur précision percute et enivre.

Après Nick Cave la veille, c’est maintenant à Tame Impala de prendre d’assaut la Grande Scène. Passer après le géant n’est malheureusement pas chose aisée. Il faut dire que l’immense musicien et ses Bad Seeds ont placé la barre si haut en terme de leçon de live qu’il parait impossible de se glisser à ses côtés. En la matière Tame Impala a en plus la réputation d’être certes excellent sur album mais bien moins à l’aise en ce qui concerne le live. Leur précédent passage à Rock en Seine avait d’ailleurs laissé un souvenir un peu flou d’un concert certes plaisant mais sans l’étoffe de la grandeur. Cette fois, pour palier à ça, la bande originaire d’Australie est venue les valises pleines. Déjà pleines d’une très belle humeur, n’ayant de cesse de rappeler leur plaisir à revenir dans vertes contrées et s’adressant régulièrement à la foule.

Tame Impala – Crédit photo : Louis Comar

Le set s’ouvre en douceur sur « One more year » mais ne fait que gagner en intensité, le son est propre, la voix calée, l’interprétation joliment orchestrée.  Pour l’appuyer, les grosses machines sont de la partie, un jeu de lumières déjà mais surtout un cercle géant placé au dessus des musiciens qui rapidement s’intensifie en des effets de lumières chromatiques rappelant celles de l’arc-en-ciel. « Breathe Deeper » ou encore « Elephant » se joignent à une fête rapidement recouverte de confettis multicolores. La voix aérienne colle aux couleurs pastels d’un moment franchement estival. Le tout se conclut sur  le très attendu « The Less I know the better » et « New Person, same old mistakes ».  Un moment suspendu dont les lumières marqueront les rétines mais n’atteindra malheureusement jamais les sommets de la veille. Restera une dernière journée à vivre avant de retrouver le quotidien bien trop calme une fois la période des festivals achevée. Alors que faire pour en profiter comme il le faut ? Rock en Seine y répond deux journée d’affilée par la même proposition : »Alors on danse » ?


 

 

Quand on aime digger, chercher et découvrir de la musique, le cheminement peut être long. Il est facile de découvrir un coup de cœur par ci, une pépite par là. Mais se laisser entièrement conquérir par un projet et ce, dès sa première écoute, est chose rare. Pour ça, encore faut-il avoir de la chance et tendre l’oreille. Avec les températures caniculaires, l’envie de douceur se fait en plus ressentir. Certes le dernier Black Midi est une bombe mais il sera plus aisé de mieux l’appréhender une fois les chaleurs passées. Coup de chance, la playlist FIP fait des merveilles et c’est ainsi que les incroyables Black Sea Dahu ont pu se frayer un chemin aux creux des oreilles des curieux. Une claque sublime qu’il fallait qu’on vous conseille.

Black sea DahuBlack Sea Dahu : à la croisée de la folk et de la pop

Avec une voix déconcertante, aussi grave qu’apaisante, Janine Cathrein et sa troupe ensorcellent. La guitare à fleur de peau part à la conquête des cœurs. Originaire de Suisse, le groupe est de retour avec un second album « I am my mother ». Le premier jet paru en 2018 n’avait pas laissé de marbre. Il faut dire que la formation initialement appelée JOSH composée de 7 musiciens et musiciennes talentueux.ses excelle avec ses instruments. Avec douceur, elle pousse naturellement à prêter l’oreille puis à se laisser bercer dans un cocon de bien-être. Sur le fil du rasoir, sans se faufiler du côté de la mélancolie ses titres sont l’incarnation de la beauté et de la pureté. « Dans mon monde, 1+1=2 n’existe pas ! Ce n’est pas aussi simple que cela. Les choses ne s’additionnent pas, et j’essaie de l’expliquer avec ma musique. », c’est ainsi que la chanteuse dépeint son univers. Il est vrai que la formation ne choisit jamais le chemin de la facilité pour toucher.  Black Sea Dahu pourra prouver toutes ses qualités en live à l’occasion d’une tournée française dès le mois de novembre 2022 avec notamment un passage  le 22 au Café de la Danse de Paris.

Ecoutez My Guitare is too Loud  version acoustique


Il y a des rendez-vous qui ne se manquent pas. Surtout lorsqu’ils se sont fait attendre. Après deux ans de ratés pour cause connue et un hôtel de ville de Paris qui se regardait comme ce lieu chéri de rencontres qui datent trop, le Fnac Live reprend enfin ses quartiers. Fête incontournable de l’été parisien, ces concerts gratuits sonnent chaque année comme un touchant dernier moment avant de se quitter pour l’été. Le festival a alors l’effluve sucré d’un dernier baiser, un flirt de trois jours en somme, quelles sont belles les amourettes de vacances. Chaque année promet son lot de nouveautés et de découvertes et fait la part belle à une scène française pétillante. Les règles ont été changées pour cette édition. Une seule entrée permet à des festivaliers, moins nombreux, moins tassés peut-être d’assister à cette grande communion. Côté pros, la cour de l’hôtel de ville s’est parée de ses plus beaux atours. Les statues dominent le lieu, clin d’œil artistique à l’histoire qui habite à nouveau les lieux du mercredi 29 juin au vendredi 1er juillet.

Que la fête soit belle

Paris est une fête, nous dit-on. Est-ce toujours vrai ? Non, mais quand le dicton sonne juste, il ébloui. Derrière, le cadre est somptueux, la mairie donc, sa place impressionnante, mais aussi derrière la scène, Notre-Dame de Paris qui contemple les festivités. Pas besoin pourtant de faire partie d’une élite pour profiter du spectacle. Jeunesse et familles s’y côtoient. Les plus jeunes sur les épaules de leurs parents. Lonny et PR2b ouvrent l’instant. La première propose de se plonger doucement dans le bain grâce à une pop folk enivrante, la seconde, radicalement plus énervée permet de s’échauffer pour mieux danser.

Jaques au Fnac live 2022
Jaques au Fnac live 2022 ©Kévin Gombert

C’est ensuite au tour de l’O.V.N.I Jacques de débarquer sur scène. Le chanteur aux cheveux longs mais au crâne rasé ne manque jamais de surprendre et de se positionner là où on l’attend le moins… comme dos au public pour son début de scène. Des écrans géants lui permettent de diffuser de courtes images et d’accentuer les bruits : un insecte qui rampe, un chien, une allumette qui brûle. Du déséquilibre créé par ces bruits, un poil irritants, née l’harmonie. Voilà donc notre hôte barré qui balance de l’électro inspiré par les micros espaces du quotidien. Surprenant vous dites ? Certainement mais c’est aussi en ça que Jacques séduit. Il finit néanmoins par reprendre le micro pour revenir à sa chanson française à la sauce nouvelle vague. Un mélange hybride entre ringardise assumée et modernité, un ton décalé au profit d’une voix précise. Le chanteur est avant tout un personnage : il ne laisse pas indifférent, on l’aime ou on le déteste mais surtout on ne l’oublie pas. Côté public c’est surtout de l’amour qui lui est donné en plus de pas mal de pas de danses. Les sets sont plutôt courts sur le Fnac Live, la place doit être donnée à chaque artiste.

Côté salons de l’Hôtel de Ville, au milieu des peintures au plafond et de ce cadre intemporel, une artiste tout aussi intemporelle vient jouer ses classiques : Jane Birkin. Elle fait la part belle à son répertoire, dans une ambiance tamisée et à fleur de peau. L’icône n’en oublie pas pour autant de mentionner Gainsbourg et de pousser quelques notes d' »Histoire de Melody Nelson ». Frêle et à fleur de peau, elle signe une performance immanquable.

Disco dansant

l'Imperatrice Fnac Live 2022
l’Imperatrice Fnac Live 2022 © Kevin Gombert

Dans le brouhaha de la ville, au milieu d’une foule conquise, les très attendus l’Impératrice débarquent sur scène. Le groupe signe une performance un peu à part, en effet, David le bassiste souffrant du Covid, n’a pas pu venir ce soir et a dû être remplacé en dernière minute par Romain Berguin. Une absence que la troupe comble. Vêtue de ses nouvelles tenues de scène : un cœur lumineux sur la poitrine, ceux qui ont enchantés le Coachella – les bruits de couloirs sont unanimes sur le sujet – font vibrer la foule. Leurs chansons françaises  au groove assumé fait toujours mouche tout autant que le sourire de Flore et ses pas de danse précis. Le set s’annonce néanmoins plus électro que sur sa version album, les sonorités changent légèrement, elles se réinventent pour toucher un plus large public. Sur « Peur des filles »- et le morceau n’est-il pas au combien d’actualité ?- la chaleur a pris d’assaut la place. Le cadre de rêve semble emplir de joie les festivaliers et le groupe dont le sourire est communicatif.

l'Imperatrice Fnac Live 2022
l’Imperatrice Fnac Live 2022 © Kevin Gombert

Il fait un peu moins chaud maintenant et la nuit est bien tombée. C’est pourtant le même sourire rayonnant qu’arbore Clara Luciani quand elle monte sur scène. Très vite, la musicienne ajoute une note de printemps au moment en interprétant « Les fleurs » auxquelles on pense avec elle. Dans une tenue rouge, un patte d’eph brillant  sur les hanches, elle masque sa timidité derrière quelques pas de danse auxquels elle invitera le public à se joindre. La main en l’air, agitée de façon dédaigneuse, comme pour repousser les mauvaises ondes est repris par une foule qui suit chaque indication de la musicienne. Côté public, le chanteur Hervé profite de l’évènement et prend un bain de foule. Sur « La Grenade » tout le monde chante. Un moment d’autant plus magique que lors d’un évènement comme celui-ci, le public n’est pas uniquement celui de la chanteuse. Le set se finit en apothéose sur le titre « Qui donne le nom à ma tournée », « Respire encore ». Le moment de communion est fort, l’instant est emprunt de chaleur. Il faut déjà se dire un premier au revoir.  Rien de trop déchirant pourtant, deux jours de célébrations sont encore programmés.

Clara Luciani fnac 2022
Clara Luciani fnac 2022 ©Kevin Gombert

Une deuxième journée entre Hip Hop, électro et public trop survolté

Doit-on encore et toujours rappeler que le Hip Hop a le vent en poupe chez la jeunesse ? Du coup évidemment lorsque l’on invite ses dignes représentants, nombreux sont ceux à répondre présents. Parmi les premiers temps forts de la journée, Jazzy Bazz est des plus attendus. Il fait un peu moins chaud aujourd’hui et pourtant ce qui est vrai dans les airs, n’est pas vrai sur scène. Et côté public non plus où la tension monte, la fête est déchaînée ce soir.C’est d’autant plus vrai sur Alpha Wann qui doit régulièrement demandé à son public de calmer le jeu et d’éviter tout débordement. Difficile de faire entendre raison à une foule qui vibre et revis pleinement. Alors à force, les premiers rangs compromettent la sécurité des barrières. Pas de blessés, certes, et puis ces dernières se contentent de bouger légèrement . Mais l’évènement a à cœur la sécurité de ses festivaliers et surtout de faire de l’évènement un beau souvenir. On ne plaisante pas avec ça. C’est donc Alpha Wann qui annonce que « Je vous avais dit d’arrêter, on est obligé d’arrêter le concert. » Le public est dépité mais en festival il est nécessaire de rappeler que la sécurité est primordiale et qu’il faut toujours être prudents. Les concerts sont donc suspendus le temps de s’assurer que le lieu puisse être à nouveau pratiquer pour s’amuser sans risquer de se blesser. Il faut néanmoins toujours que jeunesse se fasse et retrouver l’énergie folle des pogos du punk qui eux lâchaient complètement prise au milieu du Hip Hop qui partagent de nombreuses convictions fait tout de même sourire.

Le Fnac Live s’attèle vite et travaille bien, du coup Thylacine peut quand même jouer le set promis. La foule s’est vidée, d’ailleurs un plus petit nombre de festivaliers est autorisé à s’approcher de la scène.Mais les rues de Paris permettent quand même de profiter des concerts. Il en va de même pour les immeubles alentour. Sur les balcons, deux jeunes filles dansent en admirant la vue d’en haut. Le set électro chill est maîtrisé, les morceaux joliment dosés, ce retour met tout le monde d’accord. Vitalic suit. Venu défendre Dissidænce Episode 2, le musicien profite d’une scénographie lumineuse et soignée qui s’accorde aux mélodies. Ce nouveau jet, inspiré par la scène 70’s sent bon le rock sans concession. « Ma musique est rock » défendait-il en interview quelques heures plus tôt (à retrouver sur Popnshot). C’est vrai en concert. Pour faire danser, le musicien, seul derrière ses platine met les gros moyens. Pas de chichis néanmoins, seul le son compte.  Il ne manque néanmoins pas d’interpréter son classique « Stamania ». Sur la place de l’Hôtel de Ville, on danse volontiers. Certain.es carrément sur les épaules de leurs camarades. Vitalic sait conjuguer la nuit à tous les temps et cette techno sans concession rappelle l’esprit libertaire des raves qu’il défend volontiers.

Dernier jour et ses paillettes

Les derniers au revoir se devaient d’être beaux et l’évènement y a mis les grands moyens. Le soleil est au rendez-vous lui aussi et la chaleur ne partira pas de la nuit. Aloïse Sauvage signe dans les premiers temps, l’une des plus belles prestations de cette édition.  Très vite la belle interprète l’un de ses titres phares : « A l’Horizontale ». Communicative, elle profite d’une certaines simplicité et d’une grande justesse pour frapper fort. Mais surtout, la chanteuse fait décoller son live… littéralement. Celle qui a fait du cirque, s’envole en effet, suspendue par un seul bras dans les airs. Elle tourne et virevolte… sans perdre son souffle. On ne peut pas en dire autant que le public qui pousse de grand « ahhhhh » et « ennncoooreee » redevenu enfant en bas âge le temps de la performance magistrale. La chanteuse est un personnage entier, indomptable et marque les esprits.

Les frères de Terrenoire sont aussi de la partie. Complices, il se présentent, dévoilent un flow bienveillant et maîtrisé. La voix de Théo d’ailleurs, habillé comme son comparse, enchante tout particulièrement. C’est d’ailleurs cette binarité – eux pour tous et tous pour eux-  qui marque particulièrement. Ils chantent en se regardant dans les yeux, des riffs qui ressemblent à des hymnes et rassemblent à l’infini. Les pas de danse sont nombreux, vivants et vibrants. « Jusqu’à mon dernier souffle » scandent-ils coupant le souffle à l’audience qui connait parfaitement leurs titres. Pas étonnant que les compères se soient offert un duo avec Pomme, ils partagent cette âme emprunte de douceur qui fait honneur à notre scène locale.

Juliette Armanet est l’une des plus attendues de la soirée. La chanteuse se présente vêtue de paillettes mais ce qui frappe surtout, c’est son plaisir non feint à jouer ici ce soir. Elle alterne entre piano et moments dansants, sans timidité mais avec légèreté. Chaque mot, chaque pas invite le public à la suivre. D’ailleurs côté public ça chante volontiers des paroles connues par cœur. Nouvelle égérie, super star accomplie, elle restaure un titre de noblesse à la chanson notamment grâce à une voix inimitable. Temps fort de son concert de plus d’une heure, la chanteuse se transforme, tenue et lumières aidant, en une boule de disco géante. Le moment est visuellement à couper le souffle, d’autant qu’elle joue avec ses projecteurs braqués sur elle et renvoie presque tous ses éclats à un public en délire malgré la candide mélancolie de ses notes. Seul point noir au moment l’absence du titre « La carte postale » de la set list. On reconnait que le morceau n’est pas aussi dansant que ceux sélectionnés. Les au revoir sont ponctués de saluts, d’elle et de musiciens de talent. Mais aussi de probables quelques larmes bien dissimulées derrière ses mains.

« Encore » vous dites ? La soirées touchera à sa fin après un set colossale signé par l’union quasi historique de deux mastodontes de la scène électro : Bob Sinclar et Pedro Winter. Copains comme il se doit, les deux djs aux cheveux dans le vent proposent de danser sur leurs plus grands titres, mais aussi ceux des copains (coucou Daft Punk) et puis aussi ceux qui savent réjouir un public varié. Bon enfant et mainstream, l’instant est peuplé de selfies, de t-shirts offerts à la foule et même de micro confettis balancés en s’amusant avec de mini canons par nos amis. L’été est là, bien installés et cette nuit évoque ces soirées là… comme on chantait des années 90. Il sera rapidement temps de déserter un peu la ville pour de nombreux parisiens. Non sans emmener avec eux un souvenir ému de ce Fnac Live, histoire de transporter un peu de la beauté des monuments et de la culture, pour mieux profiter des grains de sable chaud.