Grossièrement intitulé « Samhain : les origines d’Halloween » en France, puisque c’est du cinéma d’horreur et qu’il faut donc miser sur l’aspect commercial d’une fête qui s’est malheureusement trop vite essoufflée chez nous, « You are not my mother » en VO recèle d’une lecture bien plus travaillée qu’un simple conte noir pour frissonner à la fin du mois d’octobre. Au programme une fable sur la famille, la dépression, la filiation, le tout servi par quelques éléments horrifiques. On vous raconte.
« Samhain » de quoi ça parle ?
C’est la semaine précédant Halloween et la mère de Char, Angela, a inexplicablement disparu. Tout ce qui reste, c’est sa voiture abandonnée. Lorsqu’elle revient chez elle sans explication le soir suivant, Char et sa grand-mère, Rita, comprennent que quelque chose ne va pas. Elle a beau avoir la même apparence et la même voix, le comportement d’Angela est de plus en plus effrayant, comme si elle avait été remplacée par une force malveillante. Lorsqu’arrive Halloween, une nuit imprégnée de mythes et de légendes anciennes, Char réalise qu’elle est la seule à pouvoir la sauver, même si elle risque de la perdre à jamais.
« Samhain » est ce que c’est bien ?
Vous l’avez peut-être vu, si ce n’est le cas vous devriez réparer d’urgence cette erreur, il y a deux ans sortait « Relic » film sensible de la réalisatrice australienne Natalie Erika James. Elle y abordait le thème de la vieillesse et la sénilité, se servant d’éléments surnaturels pour personnifier des peurs, elles bien concrètes. La souffrance des aidants, le fait de ne plus se reconnaître en vieillissant, la perte de la conscience, des repères, de soi. Une réussite bluffante, incroyablement sensible et qui profitait d’une métaphore claire et bien exploitée sans jamais en appeler à trop de prétention pour servir un drame magnifié par sa montée en puissance dans l’horreur. Et si on évoque aujourd’hui ce film c’est bien parce que les traits communs avec « Samhain » sont évidents. Non pas que le film de Kate Dolan n’aille lorgner sur celui de Nathalie Erika James, mais bien pour leurs thématiques similaires.
Outre le fait qu’en centre de métrage se trouve le fameux triptyque grand-mère / mère / fille, les deux se répondent quand à la désincarnation de la personne aimée par le fait tangible d’une maladie. Chez « Samhain » le postulat est rapidement posé : Angela souffre de dépression. Les trois femmes vivent ensemble, s’entre-aident mais surtout supportent avec difficulté la mère qui peine à tenir son rôle. Un élément fantastique, la disparition, va donc venir personnifier la perte de l’être aimé qui même s’il est physiquement là n’est pas lui-même. C’est cette métaphore filée et les choix de notre petite héroïne, Char et sa grand-mère qui n’hésitera d’ailleurs pas utiliser quelques grands moyens pour réagir ( métaphore encore des médicaments ? de l’aide par internement ?), qui tient à lui seul la qualité du film.
Kate Dolan est une réalisatrice gourmande, il faut lui reconnaître, et son envie de beaucoup en dire transparait à l’écran. C’est ainsi que la réalisatrice ajoute à son œuvre la notion de harcèlement scolaire dont est victime l’héroïne. Si l’idée – un brin hors sujet-a le mérite de s’inscrire dans un débat important actuel et qu’il évite la lourdeur d’œuvres américaines plus anciennes, il va souvent trop loin. Les adolescents sont certes parfois douloureusement méchants, mais rarement à ce point à un cheveu de sombrer dans la psychopathie sanguinaire. N’est ce pourtant pas ici une façon comme une autre d’ajouter à la sauce Stephen King, un méchant bien plus vilain que le mal démoniaque auquel sont confrontées nos héroïnes ? Puisque, disons le nous, l’humain est toujours le plus dangereux des prédateurs.
Il faudra certes, savoir pardonner. A la mère d’abord de ne pas remplir le rôle qu’on attend d’elle, à la famille ses secrets enfouis, aux bourreau pour qu’elles se fassent amies… C’est le chemin de croix de Char qui bien que trop jeune doit lutter pour sauver son repère, sa mère. Il faudra côté public, s’abstraire du petit budget du film et de ses maladresses pour mieux se focaliser sur son sous-titre.
Côté frissons, le film joue plus sur une montée en tension que sur de bons gros jump scares juteux à la « Smile » la sortie horrifique de l’année au moins côté box office. L’introduction fait clairement froid dans le dos, notamment grâce à l’utilisation d’un hors champs bien choisi. Quelques autres scènes, une danse endiablée ou une virée aux toilettes nocturnes constituent quelques temps fort d’une pellicule qui se concentre rarement néanmoins sur l’horreur.
« Samhain » n’a pas toute l’étoffe d’un « Relic » ou la délicatesse du monstrueux « Vivarium » qui lui aussi se servait de l’horreur pour traiter fait de société et vie de foyer. Il a néanmoins la délicatesse de mettre en scène des femmes dans toute la complexité de leurs rapports : de celui du conflit des générations, de la transmission, du besoin de se reconnaître et d’être protégée par ses aînée, à la découverte de la mère en tant que personne à part entière, des conflits, des jalousies. Il ajoute aussi sa pierre à l’édifice des films horrifiques à textes et aborde la maladie mentale comme un fléau dont on peut se sortir avec le soutient sans faute de ses proches … pour mieux renaître de ses cendres. Quant à Halloween alors ? Le film se déroule dans cette période de l’année et c’est tout. Pas de Micheal Meyers donc, mais un boogey man qui fait des dommages bien plus réels et douloureux.