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Julia Escudero

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Il n’est de meilleur rendez-vous automnal que le MaMA Music & Convention. Chaque année, alors que l’automne se profile, il marque une rentrée bien entamée et des retrouvailles chaleureuses. Un quartier entier en pleine ébullition qui parle de musique, questionne la musique et la fait vivre. Réunissant ainsi ses acteurs importants, partant des indés pour aussi faire place aux plus grands, jouant sur la carte d’une programmation sous le signe de la découverte.

C’est d’ailleurs ce qui primait quand celle-ci avait été annoncée. Des noms souvent confidentiels, des espoirs à découvrir. Et pour bien le faire, il fallait préparer son festival mais aussi faire confiance aux bruits de couloirs. En la matière, la sphère professionnelle, particulièrement bavarde, sait toujours raconter ceux qui les font vibrer. Il fallait aussi se laisser surprendre, entrer dans une des nombreuses salles qui avaient revêtues le bleu du MaMA et donc voir qui y jouait. Des coups de coeur, des temps forts, énormément d’arrêts pour saluer des visages connus sur le boulevard Pigalle, qu’on espère toujours traverser vite sans jamais y croire. Et la rencontre entre le public et les visages de l’ombre qui l’aide à mieux découvrir celles et ceux qui peupleront leurs playlists et donc leur journée. Voilà que démarre sous un soleil puissant une nouvelle édition d’un des plus beaux et plus intenses rendez-vous de l’année. En plus cette année, Pop&Shot a l’immense fierté d’être ambassadeurs de l’évènement. On vous prend par la main pour courir avec nous dans Pigalle et revivre les temps forts de ce premier jour.

fredz : Trois accords pour convaincre

La journée commence en beauté avec une session canadienne. Comme chaque année la délégation à plaisir à nous faire découvrir ce qui se fait de mieux sur ses scènes dont les artistes de Montréal, particulièrement prolifiques. Ma Cabane à Paname nous propose donc de découvrir Fredz en showcase à la Machine du Moulin Rouge. Parfois les scènes montréalaise et parisiennes ont beaucoup en commun, d’autres fois, chacune apporte son lot de nouveautés et de façons de concevoir la modernité. Cette prestation tendrait plutôt à unir nos pays. Fredz a en effet une esthétique que l’on saurait identifié. Plutôt urbain dans ses sonorités, il sait osciller vers la chanson rythmée. Dans ses premiers instants le musicien évoque d’ailleurs Therapie Taxi et leur single « Hit Sale ». Il en a du moins la capacité tubesque, l’aisance du couplet bien écrit et joliment dosé. Armé de son blouson en cuir, le musicien a une sensibilité à fleur de peau. D’ailleurs il écrit volontiers sur ses angoisses, nuits blanches et ses amours. Se confiant à travers ses textes, il préfère rendre ses pensées dansantes pour mieux capter son public. Ce dernier suit volontiers le rythme, se laissant aller à danser en ce début de journée. Les refrains de Fredz sont généreux et accrocheurs. Lorsqu’il dévoile le titre « Trois accords » il s’amuse à raconter qu’il a appris la guitare il y a peu et qu’il n’a pas la capacité d’en faire plus. Il n’en a pourtant pas besoin. Trois accords suffisent à ce que la sauce prenne et à ce que Fredz se glisse avec aisance dans les esprits de ceux qui l’écoutent. La Canada est emplie de belles promesses qu’il est toujours de bon de découvrir à chaque édition du MaMA.

Damlif : aire de jeu et air du temps

Sous la Machine du Moulin Rouge, la Chaufferie fait office de cocon pour découvrir les artistes sous les meilleurs hospices. Un bref retour en enfance sous forme d’immense marelle dessinée au sol permet de changer son état d’esprit avant d’entrer dans la salle. Une sorte de passage magique pour mieux se laisser porter par les concerts avec une certaine sensibilité retrouvée.  Damlif fait partie des musiciens dont le nom est cité de toutes parts comme un de ceux à voir. D’ailleurs, la salle pleine ne trompe pas. Avec l’âge d’or du Hip Hop, la proposition en la matière est plus que variée. Le musicien aux cheveux longs apporte sa pierre à l’édifice. Son flow maitrisé oscille entre chant et phrasé. La répétition est l’une de ses armes maitresses pour séduire tout comme un beat travaillé, hypnotisant en fond sonore. Sur scène, la mélodie gagne du terrain et habille parfaitement la voix.  Il prend entièrement possession de son espace, habitant avec allure son avancée. Mais c’est aussi son timbre accessible qui fait mouche et convainc. Sa faculté à jouer des mots et à embrasser pleinement l’air du temps … pour mieux embraser l’assistance.

Liv Oddman : ovni en tout genre 

À 21h50, heure à laquelle le soleil se couche et une nouvelle étoile se meut.  Liv Oddman monte sur la scène de la Cigale. Celui qui a chanté tout l’été était très attendu sur cette édition du MaMA, l’annonce de sa venue se répandait comme un bruit de couloir. « Faut aller voir Liv Oddman, c’est super cool » qu’on entendait au détour d’une Boule Noire ou d’un Trianon. Et, influencé.es par le parfum capiteux de la découverte, à la Cigale, sommes nous allé.es.

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©Kevin Gombert

Si l’on ne devait choisir qu’un seul mot pour décrire Liv Oddman (tâche ardue j’en conviens), ce serait ovni. Vêtu de noir, il passe d’un genre à l’autre sans aucune brisure de rythme. Le tout est parfaitement logique et pourtant complètement inattendu. Les morceaux passent du rock au rap avec en sous-tension une attitude résolument punk. Seul avec un guitariste, Liv Oddman serpente sur la scène. Magnétique, il l’occupe avec une assurance rafraîchissante. La foule est électrisée et oscille entre silence médusé et cris d’extase. Liv Oddman, un artiste à suivre.

Marcel : tout ce qui bruite 

Un peu plus tard, dans la salle cachée qu’est la Backstage, le groupe belge Marcel débarque sur scène. Dès les premières notes, le ton de la soirée est lancé. Particulièrement énergique et excessif, le groupe entraîne un public déjà attisé par une série de concerts rock tout au long de la soirée. Dans la foule, ça hurle, ça crie, ça pogote. On ne pouvait pas espérer mieux comme accueil pour un groupe dont le premier album s’appelle « Charivari ». En d’autres termes, le charivari c’est le vacarme, le bruit, le chahut, bref. Tout ce qui bruite. Véritable pépite rétro, le groupe oscille entre le garage band, le rock ou encore le grunge.

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©Kevin Gombert

Les CLOPES : Fumée non identifiée

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©Kevin Gombert

Et d’un quatrième album pour l’objet non identifié les Clopes qui s’auto définissent comme membres à part entière de la troll wave.  Pour mieux situer le propos le troll concerne l’humour affirmé de la formation et la wave est une évidente référence à la cold wave qui les porte. Les Clopes, c’est un projet né d’un morceau, d’une blague aussi, mais de musiciens très sérieux, qui maitrisent parfaitement leurs instruments. Leur live s’inscrit comme une promesse : celle d’un moment hors normes où l’absurde la dispute au talent. Le groupe avait prévenu, sur scène, ils invitent les membres de leur collectif à venir ne rien y faire. Trolls toujours, ils sont vêtus de noir et portent de grandes lunettes de soleil blanches. Le tout va parfaitement avec les paroles de leurs morceaux qui tournent bien souvent autour de la dépression. Nombreux sur scène, ils prennent place et créent comme toujours le doute. Doit-on en rire ? Doit-on se laisser entraîner ? Une chose est sure, la formation permet au public de prendre du recul sur l’oeuvre qui lui est présentée. Et avec elle, l’attitude d’un certain rock élitiste. Celui-ci promet le droit de se moquer mais de se moquer avec eux. Pour autant, la qualité des compositions, prend régulièrement le dessus. les titres s’enchainent alors avec aisance. Face à un public conquis qui s’il ne sait pas sur quel pied danser, se laisse pourtant porter. Pas besoin d’aller au fumoir pour aspirer de grandes taffes qui font tourner les têtes et les esprits.

Tramhaus  : post punk rotterdamois 

tramhaus mama festival 2023
©Kevin Gombert

Et pour boucler cette soirée au Backstage, quoi de mieux que le groupe originaire de Rotterdam, Tramhaus ? Dernier round pour le Backstage, mais aucune perte en puissance. Leur énergie délirante soulève la salle, la renverse avec des riff de guitare efficaces. Avec à peine trois ans d’existence, Tramhaus a déjà bien sa place dans le paysage rock européen. Ce groupe d’amis à la vitalité affolante critiquent aussi bien le système qu’ils ne parlent de leur santé mentale. Un rock frais à découvrir sur scène pour en saisir toute l’étendu.

Texte : Pénélope Bonneau Rouis & Julia Escudero


 

 

L’automne est là, les feuilles rougissent, les températures baissent, il est temps de cuisiner des courges et surtout, de vivre trois jours de MaMA Music & Convention. Comme chaque année, l’évènement fera vibrer tout le quartier de Pigalle, cette fois-ci du 11 au 13 octobre. L’affiche dense composée de 130 artistes permettra aux curieux de faire le plein de découvertes. Et parmi ces découvertes, les artistes canadiens pourront à en coup sûr vous réchauffer les cœurs.

MaMA 2022
La Cigale – MaMA 2022 – Crédit photo : Louis Comar

Envoyés par la délégation Ma Cabane à Paname, ils promettent déjà une belle diversité. Il faut dire que côté Canada francophone, la scène actuelle est en pleine effervescence, pointue, novatrice et surtout différente de ce qu’on a l’habitude d’entendre dans l’Hexagone.

Ce sont donc 15 artistes à découvrir absolument qui viendront se produire sur les différentes scène du MaMA Music & Convention.

Ma Cabane à Paname, demandez le programme

MA-Cabane-a-Paname-2023Le 11 octobre

FREDZ  – Le Bar à Bulles, 12 heures 50

FERNIE – La Cigale, 19 heures 35

GRAND EUGENE – Le Bar à Bulles, 12 heures 10

MAYFLY – Les Trois Baudets à minuit

MCLEAN – 360 Music Factory, 13 heures

Mimi O’Bonsawin – 360 Music Factory, 14 heures 10

Parazar – 360 Music Factory, 22 heures 40

Witch Prophet – 360 Music Factory, 13 heures 35

Le 12 octobre

Peanut Butter Sunday – 360 Music Factory, 12 heures 30

Pillow Fite – 360 Music Factory, 11h00

Sluice – 360 Music Factory, 11h45

Le 13 octobre

Ariane Roy – Trois Baudets, 22 heures

Blonde Diamond – La Machine du Moulin Rouge, 2 heures 30

Loig Morin – 360 Music Factory, 12 heures 30

Pastel Blank – La Machine du Moulin Rouge, 22 heures 20

Coup de cœur : Fernie

Fernie par André Rainville (@villedepluie)
Fernie par André Rainville (@villedepluie)

La qualité sera au rendez-vous pour tous ces artistes. L’un d’entre eux nous a tout particulièrement conquis lors de ses derniers passages parisien. Il s’agit de Fernie.  Le chanteur profite d’une voix tout particulièrement puissante qui touche droit au cœur. Entre soul et r’n’b, l’artiste connait ses classiques et sait les moderniser. Ses titres entraînants font rimer nostalgie avec créativité. Comme les plus grands, il façonne  des morceaux lumineux emprunts de jolies couleurs et y mêle une grosse dose d’émotions. Il dévoilait son premier album « Aurora » en 2021 et profitait de 2022 pour le faire découvrir sur les scènes de France et du Canada. Son élément naturel. La base du projet de cet artiste queer d’origine brésilienne ? L’envie de créer une safe space pour s’exprimer en musique. Ne manquez surtout pas son passage au MaMA le 11 octobre, vous nous remercierez plus tard !


En préambule, ça fait du bien de se plaindre ! Parfois on pense qu’on saura s’incommoder de films qu’on voit et finalement il laissent cet arrière goût dans la bouche : le besoin d’exprimer tout ce qui n’allait pas dedans. En matière de cinéma d’horreur, c’est d’autant plus vrai. Parce que quand on aime le registre, on doit manger des tonnes de (merde) très mauvais films. Quand le métrage a la bonté d’âme de ne pas se prendre au sérieux, ça passe. Mais quand il a l’impression de révolutionner le genre, il y a besoin de recracher son avis façon Linda Blair dans « L’exorciste » (classe). Certains pourtant donnent de l’espoir, font croire qu’on va passer un bon moment. Et à 13 euros la place de cinéma (je voulais voir un film, pas acheter UGC, hein!) de nos jours, la déception est encore plus forte.  C’est mauvais de tout garder pour soit. On va donc parler de 5 films sortis en 2022 et 2023 dont j’attendais beaucoup et qui se sont bien moqués de moi.

Cocaïne Bear : choisis ton registre !

Cocaine Bear
Winnie the bear on c !

De quoi ça parle ?

Le film est basé sur un fait divers hallucinant : en 1985 une cargaison de cocaïne disparue après le crash de l’avion qui la transportait, avait été en fait ingérée par un ours brun. CRAZY BEAR est une comédie noire qui met en scène un groupe mal assorti de flics, de criminels, de touristes et d’adolescents qui convergent tous au cœur d’une forêt du fin fond de la Georgie vers l’endroit même où rode, enragé et assoiffé de sang, un super prédateur de plus de 200 kilos, rendu complètement fou par l’ingestion d’une dose faramineuse de cocaïne.

Qu’est ce qui ne va pas ?

Qu’est ce qui pourrait mal se passer quand on a pour sujet un ours sous cocaïne qui veut tuer toutes les personnes qu’il rencontre ? A priori, absolument rien. On tient ici, une grande idée du nanar assumé. Aussi simple que celles qui va pousser un requin à être plus méchant que méchant (il est radioactif, il est fantôme, il a trois têtes voire cinq – un seul estomac mais bon les détails pour ce qu’on s’en fout…). Donc le film promet un moment entre rires et sang, grand guignol, à regarder entre potes pour abandonner son cerveau et faire des scènes, nos  futurs moments cultes. Et là, patatra c’est la déception ! Le motif principal tient sûrement au fait qu’Elizabeth Banks confond faire une petite daube sans prétention pour amuser la galerie et considérer elle même que son film doit être une énorme merde. Le genre horrifique c’est connu, n’est pas assez bien vu, pas assez intelligent pour en faire un film conscient de ce qu’il est avec amour et sans se prendre au sérieux. Pour donc palier à ce manque d’estime pour son métrage, qu’absolument personne et certainement pas moi ne l’a forcée à réaliser, elle décide de mélanger tous les registres. C’est un film d’aventure mais avec des enfants, comme les « Goonies » mais avec de la coke mais sans le côté subversif de la coke. C’est un peu un film d’horreur aussi mais vraiment pas trop. Parce que vraiment à y regarder de près, c’est beaucoup un film d’aventures pour enfants avec des scènes sanguinolentes. Parce que les vrais héros de l’histoire ce sont des enfants espiègles. Espiègle, c’est mot détestable pour décrire des personnages jeunes, mal écrits qui devraient avoir l’air adorables mais sont en fait gênants. Si votre ami.e vous dit que votre môme est espiègle, ça se traduit par chiant. C’est comme contemplatif, ça veut dire ennuyeux. Du coup, et c’est bien le pire, alors que les nanars horrifiques s’offrent rarement les grandes affiches de cinéma, celui-ci qui a cette chance, ridiculise un registre qui pourtant ne se prend pas au sérieux. C’est fort quand on y pense. Heureusement Jason Statham et son « En eaux très troubles » ont lavé l’honneur du genre dans un océan de pieuvre et mega shark cet été ! Comme si ça ne suffisait pas, le film tout doit être justifié, à tel point que le film devient… cohérent, l’angoisse. Quand le requin des sables vient s’en prendre au plus grand festival à ciel ouvert du Monde (4 figurants filmés sous divers angles – dont un avec un maxi coup de soleil – qui dansent face au pire Dj de l’histoire), on passe pas 4 heures à expliquer pourquoi il respire dans le sable. Tu veux pas en plus expliquer les motivations de l’ours à être si méchant puisqu’on en est là ? Il a peut-être de bonnes raisons sait-on jamais. Si, si, en fait, elle le fait, spoiler : l’ours est une maman ours. On s’en fout Elizabeth. Et les enfants, personne n’a envie de suivre la touche de légèreté qu’ils apportent. On veut des tripes et de la coke. De la classe en somme. Et même si c’est inspiré d’un fait réel, le but n’est jamais de rendre ce genre d’histoires si réalistes. Par exemple, le saviez-vous ?  Les griffes de la nuit du regretté Wes Craven est inspiré d’un fait divers. Dans une université, de nombreux étudiants sont morts de façon inexpliqués dans leur sommeil. Ceci est la source d’inspiration d’une histoire. Le reste est inventé. Alors après on peut toujours faire un documentaire qui traiterait des méfaits de la coke sur la ours pour les dissuader de tomber dans la drogue. C’est un fléau qui en touche beaucoup, on le sait. Mais plus tard, là on veut juste le voir manger des jambes. Reste à sauver la scène de l’ambulance, franchement bien, elle. Et à espérer que le requin sous coke qui sera bientôt sur nos écrans sera mieux gérer sa montée.

Knock at the cabin : être conscient de son message, c’est important

knock at the cabin
Toc, toc, c’est les intégristes !

De quoi ça parle ?

Tandis qu’ils passent leurs vacances dans un chalet en pleine nature, une jeune fille et ses parents sont pris en otage par quatre étrangers armés qui leur imposent de faire un choix impossible. S’ils refusent, l’apocalypse est inéluctable. Quasiment coupés du monde, les parents de la jeune fille doivent assumer leur décision avant qu’il ne soit trop tard…

Qu’est ce qui ne va pas ?

« Knock at the cabin », le dernier né d’M. Night Shyamalan était des plus attendus cette année. En cause un réalisateur chéri de tous depuis « 6ème sens » dont on espère toujours un twist finement amené après un visionnage malaisant et un univers bien à lui. En réalité, la finesse ce n’est plus trop ça pour monsieur Shyamalan qui dans un délire d’égo trip hitchckokien (mais chéri tu n’es pas Hitchcock) se permet régulièrement des petites apparitions en guest star dans ses métrages. On avait douloureusement pardonné pour « Phénomène », le conte écologique dont l’idée était bonne mais la mise en place retombait comme un soufflé. En même temps, Mark Wahlberg au générique avait de quoi ressembler à une mise en garde qu’on n’avait pas voulu entendre. Personne n’a vraiment pardonné « Glas »s en revanche mais ce souvenir restera à jamais trop douloureux pour en parler. Ce sera sûrement pareil pour « Knock at the cabin » pour différentes raisons. La première est simple : chers scénaristes, par pitié, il faut arrêter de vouloir sauver le Monde. C’est pas la peine, c’est lourd, c’est gros, c’est fatiguant. On court à notre perte, on a compris, il faut trouver de nouvelles choses à sauver dans vos films s’il vous plait. Le récit de Shyamalan arrive ici à conjuguer la lenteur qu’on lui connait dans sa façon de conter une histoire – c’est pas mince affaire- avec une lourdeur elle toute fraîche. Admettons, on pourrait passer au-delà. Au-delà également d’un scénario qui tourne en rond, se répète en boucle pour faire vivre au spectateur pourtant de prime abord surpris et interloqué, un long moment de déception. Si décevant d’ailleurs que le « twist » final est annoncé globalement dans les 10 premières minutes du métrage pour être rebalancé en fin de pellicule mais cette fois à coup d’effets et musique bien lourde comme si on était si bêtes qu’on n’avait pas capté au début. Et malgré le gros effet de « hehe regardez mon gros twist » la vraie surprise vient du fait qu’on ne voit pas en quoi ça en est un. A tel point, que tu t’arrêtes, face écran en te demandant si t’es passé à côté d’une info, s’ils ont pas dit un truc que t’as pas bien entendu peut-être. Tu t’étais pourtant pas endormi. Mais tout ça, à la limite aurait pu passer. Ce qui ne passe pas en revanche Monsieur Shyamalan c’est le fait que vous preniez la responsabilité de créer le premier film d’horreur mainstream à mettre un couple d’hommes gay en tant que personnages principaux. Grande idée, évidemment, qu’il était plus que temps de mettre en place. Enfin, des personnages gays qui ne servent pas juste de quota au body count final. Joie ? Non parce que, et peut-être est-ce juste une horrible maladresse, ce qui ressort du film c’est que son réalisateur prône une forme d’intégrisme religieux aussi peu ragoutant que celui de « Signe » (les extra-terrestres peuvent bien détruire la planète si Mel Gibson, le pasteur, retrouve la foi. Un indice chez vous sur le film en deux mots : Mel et Gibson). Au final, on peut toujours nous raconter que ce couple qui finalement malgré des flash back prend trop peu de temps à exister sous nos yeux, s’aime de tout son cœur, la vérité c’est que pour sauver la planète, il faut d’après ce film, tuer un homme gay. Parce que c’est bien de ça dont il est question, demander à une famille de sacrifier l’un des siens (mais pas la petite fille) pour sauver le Monde. Et quand s’ajoutent tout au court du métrage des préceptes religieux dont la métaphore est d’une évidence convenu (regarde plutôt mon gros twist) le tout prend la forme d’une œuvre qui se veut ouverte mais raconte une histoire à son opposée. Il faut toujours faire attention à ce qu’on raconte et comment on le dit, mon bon Shyamalan, surtout quand on tient une grande première en matière de cinéma.

Tin & Tina : encore des enfants creepy ?

tin & tina
« Coucou, tu veux nous adopter ? »  » Mais enfin non ! »

De quoi ça parle ?

Des jumeaux orphelins sont accueillis dans un couvent où ils reçoivent une éducation stricte. Bientôt, ils sont adoptés par un jeune couple.

Qu’est ce qui ne va pas ?

Mais qu’est ce que c’est que ce rythme dites moi ? Comment ça peut être aussi lent ? Pour ne rien dire du tout la plupart du temps en plus. Tin & Tina c’est donc la rencontre de parents qui veulent absolument devenir parents et adoptent de jeunes intégristes religieux qui font peur en appliquant à la lettre la Bible. Bon évidement quand on dit appliquer la Bible au sens littéral c’est effectivement bien flippant. Mais déjà aller dans un orphelinat et choisir comme on fait ses courses des faux jumeaux échappés  de « Children of the corn » ça se voyait que c’était pas l’idée du siècle. D’accord, sans ça il n’y pas d’histoire, on sait, après si les personnages agissaient logiquement il pourrait quand même y avoir des histoires ! Bref nous saurons nous en incommoder. Évidemment, une fois à la maison le couple se heurte à bon nombres d’incompréhensions. Pourquoi tu cites la Bible en continue ? Pourquoi êtes-vous si étranges ? Et surtout pourquoi vous découpez le chien en rondelle ? Question classique, les chiens et chats n’ont pas de longues vies en matière d’épouvante. Mais qui hors cinéma peut interloquer un parent concerné (et consterné) Face à toutes ces bizarreries, le père, comme d’habitude, s’en fout complètement. Heureux qu’il est d’être adulé par deux enfants, mais alors bien bien bizarres, mais qui l’appellent papa. Le mot clé de la virilité qui fait chaud au cœur. D’ailleurs, à chaque bêtise des enfants, genre essayer de tuer quelqu’un pas renverser le sel, il y a va de son meilleure « Ce sont des enfants calme toi » face à une mère qui sent bien que ça se passe pas aussi bien que le postulat – adopter 2 gosses qui foutent la trouille – pouvait le laisser penser. Pas bête la mama ! Bien consciente que les enfants ne sont pas juste creepy mais deux petits monstres, elle d’ailleurs essaie de faire entendre à son mari que quand même, ils ont des attitudes qui peuvent mettre mal à l’aise, voire quand ils forcent à réciter le bénédicité à table peut aller jusqu’à créer un blanc. Mais rien ne semble pouvoir troubler la quiétude de l’époux un peu comme le père dans « Annabelle » qui vraiment n’en a rien à cirer de la poupée diabolique qui hante la maison. Bien sûr, tout ça contribue à créer une atmosphère qui se veut malaisante à coup d’enfants qui n’ont aucune conscience du bien et du mal et confondent allègrement les deux. Sauf que, les scènes supposées aider à monter en tensions basculent vite dans le déjà vu et peinent à être la critique qu’elles imaginent de ce que la religion peut offrir de pire aux esprits sensibles. Et même l’enfance supposée innocente bafouée ne fonctionne pas, on est loin de « The Children ». C’est, en dehors de ses lenteurs, le plus gros défaut du film. Il n’arrive pas à bien exprimer son postulat et transforment les petits dévots en rejetons flippants d’une banalité éprouvée. Pas plus intéressants que la petite fille d' »Esther » finalement qui, il est temps qu’on se le dise était un mauvais film adressé à un public mainstream. Le film, disponible sur Netflix, dure en plus 1 heures 59 ! C’est très long quand le tour du sujet a été fait dans le premier temps de l’histoire.

Firestarter : ni feu ni flamme

firestarter
Je vais tout brûleerrr si vous touchez à Stephen King

De quoi ça parle ?

Depuis plus de dix ans, Andy et Vicky sont constamment entre deux déménagements pour échapper à une agence fédérale obscure qui cherche à capturer leur fille Charlie. En effet, celle-ci dispose d’une faculté extraordinaire de pyrokinésie dont l’agence aimerait se servir pour créer une arme de destruction massive… Andy a appris à sa fille à maîtriser sa colère ou sa douleur qui déclenchent son pouvoir. Mais Charlie a désormais 11 ans et elle a de plus en plus de mal à maîtriser ses émotions – et donc le déclenchement du feu. Lorsque l’agence découvre le lieu où elle et ses parents séjournent, un mystérieux agent est envoyé en mission pour traquer la famille et s’emparer de Charlie. Mais la jeune fille ne compte pas se laisser faire…

Qu’est-ce qui ne va pas ?

C’est vrai depuis des années, la littérature de Stephen King continue de fasciner et de permettre à nombre de cinéastes en mal d’inspiration de venir re re re ( re re re re re) adapter l’une des ses œuvres pour en proposer une nouvelle lecture (et se faire des sous surtout). Sur les centaines d’adaptations des romans du Roi de l’horreur, seules quelques rares exceptions viennent à cocher la case du convenable, encore plus rares sont celles à être carrément bien.  Ici c’est une nouvelle adaptation du roman « Charlie » (publié en 1980) qui est faite et autant dire qu’elle tombe dans la catégorie du carrément mauvais. Le problème majeur de la plupart des adaptations de Stephen King est que les cinéastes ont tendance à ne pas comprendre le sujet des romans de l’écrivain : les monstres et autres démons sont en réalité un élément secondaire de ses histoire, le vrai méchant, le vrai problème, ce sont les hommes et comment ils réagissent quand on les pousse. C’est le cas pour « Dôme » (ce qui dégénère c’est que le shériff établi une dictature et se met à tuer les habitants du village) par exemple mais aussi des « Tommyknockers » ( c’est l’alcoolisme le véritable enjeux), de « Carrie » (parler d’harcèlement scolaire et d’extrémisme religieux pas réellement de télékinésie). En la matière, « Firestarter » de Keith Thomas n’a absolument rien compris ! Ses personnages sont si plats, si inintéressants, qu’on se contrefout qu’ils partent ou non en fumée. La petite Charlie harcelée par une entreprise gouvernementale parait d’ailleurs bien vicieuse sous l’œil de cette caméra. Zach Effron, devenu père de famille pour l’occasion ( je suis si vieille, où Zach le BG ? C’est-il vraiment transformé en Matthew Perry ?) oscille entre l’absence profonde de personnalité et la personnalité pathologique. Parce que hein – spoiler alerte tout ça- qui s’en fout à ce point que sa fille fasse brûler vif un chat et se fout carrément de sa gueule lors des funérailles improvisées de la pauvre bête ? Sûrement la même personne qui n’a pas une seule goutte d’empathie pour sa propre femme. Si tout ça n’était pas suffisant, il faut aussi souligner la très mauvaise gestion du timing du film. On vit 45 minutes de mise en place complètement inutile au cours desquelles une famille se dispute. On est loin de la course effrénée d’un père et une fille, effrayés mais prêt à tout pour survivre, poursuivis par un organisme qui veut en faire des rats de laboratoire comme le décrit le livre. La deuxième partie du métrage balance tout ça et là sans aucun enjeux, sans effets, sans intérêt d’ailleurs avec une vitesse folle et un nombre de manques scénaristiques qui fait passer « Riverdale » (dont le final m’a achevée, ciao, je suis allée jusqu’au bout pour rien)  pour un grand moment de logique. Grosse apogée dans la dernière partie du film qui se veut à la « Stranger Things » mais fait surtout penser que l’équipe est tombée par hasard sur une boite de néons multicolores et a pris le pari de les utiliser à outrance pour « donner du style ». Oui mais lequel ? D’autant plus que le sujet de « Charlie », dépouillé d’empathie tombe finalement dans le banal en 2023. Une entreprise secrète qui poursuit des gens avec des pouvoirs. Mais c’est qu’on avait jamais vu ça nul part ailleurs. Attends si en fait, on l’a vu mille fois et du coup, il faudrait s’approprier l’essence de l’histoire, la relation père / fille pour en tirer un film intéressant. Reste aussi à se dire qu’au lieu d’investir dans les néons, l’équipe aurait pu plutôt payer quelques figurants et acteurs, parce que bon dans l’organisme secret, ils sont quoi 10 membres à comploter (caractéristique des gens de la firme : ils sont méchants). En même temps, comme toujours, il n’y a rien à sauver quand c’est produit par Blumhouse. A part peut-être une BO signée par Carpenter, certes au plus caricaturale de ce qu’il sait faire mais toujours qualitative. « Firestarter », disponible sur Netflix,  sera vite oublié mais rappelle qu’il est temps de foutre la paix à Stephen King.

Don’t worry darling : si, si I worry

don't worry darling
Chérie, ressers quelques filtres à nos invités

De quoi ça parle ?

La chronique d’une communauté isolée dans le désert californien en plein cœur des années 1950, au sein de laquelle une femme au foyer voit sa vie être chamboulée.

Qu’est ce qui ne va pas ?

Loin d’être un mauvais film et pourtant blindé de qualités, le très attendu « Don’t worry darling » s’avère avoir, en y réfléchissant bien, trahi bon nombre de ses attentes. Commençons par soucis d’honnêteté par énumérer les qualités  du film d’Olivia Wilde. C’est esthétique, c’est bien joué, le sujet est intéressant, part d’une bonne idée. Oui mais et il y a bien un mais, c’est justement le sujet qu’on perd très rapidement de vue. A coup d’effets visuels très dosés qui feraient passer « The Neon Demon » pour un film réalisé sans filtres, le développement de l’intrigue lui, est complètement noyé. On en perd tous les enjeux et les révélations sont amenées grossièrement. A tel point, qu’à la fin toutes les questions les plus logiques restent sur la table. Alors oui, tout n’a pas besoin d’être entièrement expliqué et raconté, oui on peut très bien laisser des zones d’ombres mais il faut tout de même savoir démêler une chute qui constitue finalement le centre de l’histoire. Alors que cette dernière se perd à coups de moments dignes de clip, le sujet lui, va à toute allure. On se demande pourquoi notre héroïne, interprétée par Florence Pugh en est déjà là dans ses réflexions et dans sa façon d’agir. Qui d’ailleurs n’a absolument rien de fin, comme si elle voyait un danger et se disait que le mieux était encore de se jeter dans la gueule du loup. Le plus gros souci tient peut-être au fait qu’on ne s’attache pas aux personnages, ils manquent de développement et leurs actions sombrent vite dans une forme d’incohérence. Alors oui, la fin (précipitée malgré plus de 2 heures de pellicule) vient à expliquer une partie de ce que l’on voit mais certainement pas tout. C’est bien de parler de féminisme , c’est bien de faire de jolis films dont l’intrigue pourrait retourner le cerveau mais encore faut-il prendre le temps de bien gérer son écriture. Les tensions sur le tournage peuvent aussi être à l’origine de ce qui cloche dans le film :  la prise de bec entre Harry Style et Chris Pine (Harry a-t-il craché sur Chris ?), l’éviction de Shia LaBeouf et les brouilles entre la réalisatrice Oliva Wilde et Florence Pugh ont fait couler beaucoup d’encre. A moins que le problème ne vienne du fait qu’il ait préféré sa forme à son fond.


black angels route du rock 2023La Route du Rock pour son édition 2023, se tenait du 17 au 19 août au Fort Saint-Pierre. L’évènement à l’affiche rock et pointue a su, comme chaque année, fédérer un public averti, désireux de vivre en trois jours tous les concerts qu’ils attendent à l’année. Édition plurielle, elle vivait son apogée en terme de fréquentation lors de sa première journée notamment grâce à la présence des très attendus King Gizzard & The Lizard Wizard, qui avaient annulé leur venue l’année précédente. Pour autant, les belles surprises ont peuplé les festivités de Sorry à Squid en passant par The Black Angels mais aussi une véritable proposition urbaine  qui s’est habillement glissée dans une programmation très rock. On vous raconte les concerts qui nous ont marqué.

Route du Rock 2023

Dry Cleaning

Premier jour du festival, premiers émois. Dry Cleaning pose ses valises sur la scène de la Route du Rock pour son ouverture. Le groupe y est venu défendre sa seconde sortie Stumpwork  publiée une année plus tôt. De quoi faire oublier son premier excellent album  Long Legs ? En partie quand on s’intéresse de prêt à une set list qui lui fait la part belle au détriment d’un premier essai qui, à n’en pas mentir manquera aux puristes de la formation. Côté scène, le groupe que l’on compare aisément à Joy Division distille son essence à la Sonic Youth. En pratique, sa chanteuse, Florence Shaw vêtue d’une longue robe dorée ne semble pas à l’aise dans ses premières minutes scéniques. C’est ce que laisse transparaitre un jeu de scène timide, sur la pointe des pieds. Voilà qui n’impacte en rien les qualités musicales qu’on leur prête sans tergiverser. Doit-on pour autant les qualifier de formation de studio ? Oui et non. Le rendu musical est aussi qualitatif que celui de l’album, le son incroyable, le spoken word parfaitement posé, les instruments sonnent magistralement. L’instant est hypnotisant. Normal quand on voit le matériel de base et les qualités de composition démentes dont font preuve les britanniques qui ont depuis su se faire un vrai nom dans le milieu du post punk. Dry Cleaning a en lui ce qui rend la scène indé si grande. Pointu mais accessible, poignant et très écrit. La musicienne gagne en aisance à mesure que le set avance, sort de sa carapace de tortue (mais après tout le titre « Gary Ashby » parle bien d’une tortue) pour mieux se grandir et s’ouvrir à son audience. Le résultat se déguste comme un bon vin, l’ivresse apparaissant au bout de quelques titres pour rester dans les esprits longtemps après la fin du set.

SQUID

Étiqueté comme l’un des groupes les plus excitants du rock indé en ce moment, SQUID remplaçait ce jeudi 17 août sur la scène du Fort le rock stock et houblonné de Viagra Boys. Pari risqué mais qui, étonnamment, n’a pas semblé déplaire à la plupart, au vu de la vigueur des cris et des applaudissements à leur montée sur scène. Comme quoi, SQUID s’est déjà fait un nom. En même temps il faut le dire, leur dernier opus sorti plus tôt dans l’année, O Monolith, est une pépite comme rare il en est, tout comme leur précédent, Bright Green Field, qui s’était miraculeusement hissé en haut des tops albums 2021. Sur scène, comme en studio, leur musique est un vrai labyrinthe de composition. A tel point que nous avons entendu une dame à côté dire à son amie « je n’achèterai pas l’album, ça va n’importe où, ça ne va pas à l’essentiel ». Et nous la comprenons : SQUID manque un peu de concision. Mais les morceaux du dernier album, majoritairement joués, sont si charmants lorsqu’on les connait par cœur qu’ils sont en live d’autant plus jouissifs. Mention spéciale au groupe qui, dans un coup de génie, a repris la chanson Sports des Viagra. Un geste d’une grande classe et humilité, et en même temps un bol d’air frais au cœur de leur set labyrinthique. Merci.

Squid route du rock 2023GILLA BAND

Changement de nom : Girl Band, groupe composé de mecs irlandais uniquement, est récemment devenu Gilla Band.

Leur musique pour autant, n’a pas bougé d’un iota. La preuve en est : leur dernier album, Most Normal, sorti en 2022, est un concentré de rock abrasif, dur, sombre. Il en est même difficile d’en venir à bout, dû en partie à cette manière torturée qu’a le leader de chanter. Bon, le fait est que Gilla Band reste un groupe à suivre depuis leurs débuts en 2015, original, extrême. En live, leur musique prend de l’ampleur, et du relief. La scène des remparts a rarement si bien sonné qu’au travers de ces sonorités hurlantes et déchiquetées. Les plus courageux resteront jusqu’au bout de leur set. Pour notre cas, Shoulderblades nous suffira, leur plus grande chanson. Le palier de 30 minutes a quand même été atteint, nous sommes un peu fiers de notre prestation, après d’innombrables dos d’âne pris à 130.

gilla band route du rock 2023KING GIZZARD & the lizard wizard

Attendus comme les messis depuis leur annulation de l’année dernière, les lézards qu’on ne présente plus clôturaient la soirée du jeudi sur la scène de Fort. Avec trois albums l’année dernière, plutôt impro soul funk vibes, et un complètement métal cette année, les australiens les plus connus du rock de cette génération sont toujours aussi actifs et délirants. Leurs lives sont connus pour être des shots incroyables d’énergie et d’éclate. On y passe un peu partout, naviguant entre leurs multiples albums, sans jamais qu’un set ne soit similaire au précédent. Ce soir-là, nous avons été très chanceux, puisque le groupe n’a pas perdu une seule seconde pour nous en mettre plein la gueule. Comme ouverture : l’ouragan « the Dripping tap », folle chanson de 18 minutes sortie il y a deux ans, où les guitares n’en finissent plus de suer. C’est impressionnant. A quoi bon poursuivre après ? Ça serait mal connaitre le groupe que de penser ça, puisque qu’ils ont toujours plus d’un tour dans leur sac.

La suite du set, qui durera 1h30 en tout, reprendra pour notre plus grand plaisir plusieurs morceaux de leur album Ice, Death, Planets, Lungs, Mushrooms And Lava (2021), peut-être leur meilleur depuis des années, et pas loin d’un top carrière. On passera même par un morceau électro – funk – rap hallucinant (désolé pour les fans ultra, nous ne savons pas lequel était-ce…). Les loustiques sont connus pour être bons partout, et ça n’est définitivement pas un mythe. On pourra seulement leur reprocher de tout placer au même niveau, et de ne pas y trouver véritable construction. La fin du concert sera axé métal, avec l’incroyable « Planet B » (toujours leur plus grand morceau du genre, ça ne change pas).

Anecdote amusante du public durant le live : un mec, probablement déçu de l’annulation de son groupe préféré, était en train de regarder un live filmé de Viagra Boys, le téléphone brandis comme une croix. Chacun ses messies.

Grand Blanc

Changement de programme ce soir avec l’annulation en dernière minute de Billy Nomates, remplacée au pied levée par Grand Blanc qui sont également programmés sur la plage le lendemain matin. Les voilà de retour avec un nouvel album « Halo », bien loin de « Mémoire vive » qui les a fait connaître mais surtout de leurs incroyables premiers EPs sortis en 2014 et 2015.  Ce nouveau jet harmonique a laissé derrière lui toute la crasse industrielle du groupe. En lieu et demeure, ces nouveaux Grand Blanc se sont offert un nouveau look (Camille prend ainsi des airs d’Adrianne Lenker) et surtout un tout nouveau son, bien plus doux et plus triste. Un voyage dans le Danube les a inspiré, évoque Benoit, le chanteur et la poésie qu’ils y ont trouvé. Si le groupe a toujours été sombre, cette fois, il se laisse porter par la voix de sa chanteuse. Tous.tes sur le fil comme happés dans un tourbillon de noirceur, une mélancolie plus brut. C’est du moins ce qui ressort de ce live. Le sentiment que le groupe a posé ses armes, se laissant ensevelir par ses démons et cohabitant avec eux, ici sur scène, les larmes aux bords des yeux. Les anciens morceaux eux aussi ont été passé au filtre, délaissant tout rythme soutenu pour se faire calmes, aériens et aidés par une harpe certes mais empli d’un doux désespoir. Le voyage est éprouvant. Les usines hantées de Metz sont loin derrière, l’ennui inspirant aussi, reste le calme, et celui-ci est éprouvant à recevoir.

Yo La Tengo

Les américains de Yo La Tengo sont la belle surprise de la journée. Les premiers à s’essayer à la scène du Fort en ce jour 2 déjouent les pronostiques en offrant une ouverture très rock à un set qui ne cesse de changer de visage avec cohérence. Sophistiqué le groupe fait la part belle à ses instruments sans jamais tomber dans la démonstration technique et mathématique de celui qui sait jouer de ses instruments. A la place, le groupe fait sonner follement ses guitares qui résonnent et appellent les oreilles. Une fois l’attention obtenue, les règles changent, pop enivrante vient rencontrer country expérimentale comme un trouple aussi surprenant que finalement divinement assorti. Si l’opération est réalisée d’une main de maître c’est aussi parce que la formation a eu le temps de roder son identité et de la tester. Formé en 1984, avec quelques 14 albums sous le coude, le groupe a de quoi se raconter et donner une leçon de capacités musicales et scéniques. Les paysages musicaux défilent en toute sobriété, la grandeur est là mais avec l’humilité qui caractérise les meilleurs. Pris par la main au milieu d’une justesse emprunte d’émotions à l’état pure, le public ne peut qu’adhérer à ce live puissant.

The Black Angels

Menu Best Off pour la Route du Rock qui invite les habitués de Black Angels à prendre possession de la scène du Fort en ce deuxième jour du festival. Moins rempli que le premier soir, l’évènement est aussi plus praticable et permet de mieux tourner autour de la scène pour découvrir pleinement le groupe culte. En 2022, la formation psyché d’Austin publiait Wilderness of Mirrors, son dernier né. C’est pour lui qu’elle est là et presque pour lui seulement. Voilà qui laissera un goût de trop peu pour les puristes, déçus d’une set list qui se concentre trop sur ses nouveautés et ne souhaite pas tracer sa route au milieu des 5 albums qui composent pourtant son paysage. Laissés uniquement sur leur faim ? Oui et non puisque The Black Angels reste une expérience immersive et intense en live. La batterie qui résonne particulièrement et l’univers puissant qui déverse ses titres comme une tempête, sont autant d’atouts pour se laisser prendre par la main et apprécier le voyage. Le groupe reste hypnotisant, sonne juste et envoûte avec la précision de ceux qui sont habitués au live et à la rigueur.

Young Fathers

Ce sont les acolytes de Young Fathers, en fin de soirée ce vendredi  qui marquent le plus les esprits. Il faut néanmoins admettre, par souci d’honnêteté, que le groupe tranche avec une programmation très rock. Leur pop, hip hop, électro, word change le ton et forcément intrigue l’oreille pourtant déjà prise au tourbillon de 7 heures d’écoute intense. Ce postulat posé, le groupe aurait été une véritable claque en n’importe quelles circonstances. Draps posés en arrière scène, show déstructuré, fou, indomptable, le concert ressemble à un numéro à toute allure, mélangeant les registres pour aller bien plus loin que le postulat du simple concert. Messe surdimensionnée aux allures de cultes auxquels on adhèrerait les yeux fermés, la formation écossaise sait mettre en avant ses prêcheurs. L’opération prend en un rien, et la foule, maintenant adepte, suit  aveuglément les demandes des trois meneurs qui la mêne à entrer en trans. La set list déstabilise par la variété musicale qui défile à toute vitesse. Le moment est bouillant et rend la nuit mythique d’autant plus que les choristes qui utilisent tout pour porter leurs voix dont un mégaphone. Un bordel organisé, une folie partagée.

young fathers route du rock 2023Sorry

En ce dernier jour de festival, le groupe Sorry a la lourde tâche d’ouvrir les festivités. Il est dommage de les retrouver sur la petite scène  tant la proposition menée par Asha Lorenz et Louis O’Bryen mérite à être vue et à l’étoffe des plus grandes prestations de cette édition. Sous un soleil de plomb, la formation distille son indie rock lancinant et fascine immédiatement. Il faut dire que le matériel qu’est son dernier jet solo, « Anywhere but here » a tout pour faire mouche. Des titres forts, bien dosés, un faux air blasé, une écriture très maitrisé et ici au Fort Saint Pierre un son excellent. les titres les plus forts sont interprétés en début de set dont « Let the Lights on » mais surtout l’excellent « Right Round the Clock » paru sur le premier album du groupe « 925 ». Le morceau qui a piqué les paroles du titre « Mad World » de Tears for Fears en extrait l’âme profondément sombre pour se faire plus répétitif et joue sur des rythmiques qui tapent fort. Surtout la voix d’Asha et sa douceur ajoutée à celle de Louis créent un moment d’osmose parfaite qui conquière les festivaliers. La formation aurait dû faire partie des têtes d’affiches de la journée, on insiste, sorry not sorry.

sorry route du rock 2023Brian Jonestown Massacre

La légende Anthon Newcombe. Sur le site du festival samedi un peu avant 22h15, l’interrogation générale est à savoir si le leader de Brian Jonestown Massacre, groupe mythique des années 90 qui sort encore un album par an actuellement, sera de bonne humeur ou non, puisque réputé pour n’en avoir rien à foutre de rien. Sauf de la musique peut-être. Ce qui est déjà pas mal. De ce côté-là, rien à redire. De longs et lents morceaux, ritournelles psychés aussi puissantes que bourrées d’un sincère et profond magnétisme. On ne sait jamais vraiment lesquels ce sont, de morceaux, bien qu’on reconnaisse quand même du dernier album (génial) ainsi que leur « tube » Anemone, mais ça n’est pas l’important. D’ailleurs, le temps pris par le groupe entre chacun, pour changer d’instruments et accorder les guitares, montre à quel point c’est le son qui importe avant toute chose. Au moins, le look d’Anthon Newcombe, cowboy moderne tout de blanc vêtu, suffit à nous faire patienter, guettant presque la moindre interaction qui pourrait surgir entre lui et le public, ou lui et ses musiciens (ils sont 7 sur scène en tout, dont Joel Gion et son fameux tambourin). Il y a beaucoup de monde devant la scène à ce moment-là, plus qu’à n’importe quel concert de la soirée. Preuve que BJM continue d’attiser les curiosités, et d’être maitre de leur rock unique.

Artbrian-jonestown massacre route du rock 2023Article : Julia Escudero & Léonard Pottier

Vidéo : Théophile le Maitre

Photos : Kévin Gombert