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Julia Escudero

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En préambule, ça fait du bien de se plaindre ! Parfois on pense qu’on saura s’incommoder de films qu’on voit et finalement il laissent cet arrière goût dans la bouche : le besoin d’exprimer tout ce qui n’allait pas dedans. En matière de cinéma d’horreur, c’est d’autant plus vrai. Parce que quand on aime le registre, on doit manger des tonnes de (merde) très mauvais films. Quand le métrage a la bonté d’âme de ne pas se prendre au sérieux, ça passe. Mais quand il a l’impression de révolutionner le genre, il y a besoin de recracher son avis façon Linda Blair dans « L’exorciste » (classe). Certains pourtant donnent de l’espoir, font croire qu’on va passer un bon moment. Et à 13 euros la place de cinéma (je voulais voir un film, pas acheter UGC, hein!) de nos jours, la déception est encore plus forte.  C’est mauvais de tout garder pour soit. On va donc parler de 5 films sortis en 2022 et 2023 dont j’attendais beaucoup et qui se sont bien moqués de moi.

Cocaïne Bear : choisis ton registre !

Cocaine Bear
Winnie the bear on c !

De quoi ça parle ?

Le film est basé sur un fait divers hallucinant : en 1985 une cargaison de cocaïne disparue après le crash de l’avion qui la transportait, avait été en fait ingérée par un ours brun. CRAZY BEAR est une comédie noire qui met en scène un groupe mal assorti de flics, de criminels, de touristes et d’adolescents qui convergent tous au cœur d’une forêt du fin fond de la Georgie vers l’endroit même où rode, enragé et assoiffé de sang, un super prédateur de plus de 200 kilos, rendu complètement fou par l’ingestion d’une dose faramineuse de cocaïne.

Qu’est ce qui ne va pas ?

Qu’est ce qui pourrait mal se passer quand on a pour sujet un ours sous cocaïne qui veut tuer toutes les personnes qu’il rencontre ? A priori, absolument rien. On tient ici, une grande idée du nanar assumé. Aussi simple que celles qui va pousser un requin à être plus méchant que méchant (il est radioactif, il est fantôme, il a trois têtes voire cinq – un seul estomac mais bon les détails pour ce qu’on s’en fout…). Donc le film promet un moment entre rires et sang, grand guignol, à regarder entre potes pour abandonner son cerveau et faire des scènes, nos  futurs moments cultes. Et là, patatra c’est la déception ! Le motif principal tient sûrement au fait qu’Elizabeth Banks confond faire une petite daube sans prétention pour amuser la galerie et considérer elle même que son film doit être une énorme merde. Le genre horrifique c’est connu, n’est pas assez bien vu, pas assez intelligent pour en faire un film conscient de ce qu’il est avec amour et sans se prendre au sérieux. Pour donc palier à ce manque d’estime pour son métrage, qu’absolument personne et certainement pas moi ne l’a forcée à réaliser, elle décide de mélanger tous les registres. C’est un film d’aventure mais avec des enfants, comme les « Goonies » mais avec de la coke mais sans le côté subversif de la coke. C’est un peu un film d’horreur aussi mais vraiment pas trop. Parce que vraiment à y regarder de près, c’est beaucoup un film d’aventures pour enfants avec des scènes sanguinolentes. Parce que les vrais héros de l’histoire ce sont des enfants espiègles. Espiègle, c’est mot détestable pour décrire des personnages jeunes, mal écrits qui devraient avoir l’air adorables mais sont en fait gênants. Si votre ami.e vous dit que votre môme est espiègle, ça se traduit par chiant. C’est comme contemplatif, ça veut dire ennuyeux. Du coup, et c’est bien le pire, alors que les nanars horrifiques s’offrent rarement les grandes affiches de cinéma, celui-ci qui a cette chance, ridiculise un registre qui pourtant ne se prend pas au sérieux. C’est fort quand on y pense. Heureusement Jason Statham et son « En eaux très troubles » ont lavé l’honneur du genre dans un océan de pieuvre et mega shark cet été ! Comme si ça ne suffisait pas, le film tout doit être justifié, à tel point que le film devient… cohérent, l’angoisse. Quand le requin des sables vient s’en prendre au plus grand festival à ciel ouvert du Monde (4 figurants filmés sous divers angles – dont un avec un maxi coup de soleil – qui dansent face au pire Dj de l’histoire), on passe pas 4 heures à expliquer pourquoi il respire dans le sable. Tu veux pas en plus expliquer les motivations de l’ours à être si méchant puisqu’on en est là ? Il a peut-être de bonnes raisons sait-on jamais. Si, si, en fait, elle le fait, spoiler : l’ours est une maman ours. On s’en fout Elizabeth. Et les enfants, personne n’a envie de suivre la touche de légèreté qu’ils apportent. On veut des tripes et de la coke. De la classe en somme. Et même si c’est inspiré d’un fait réel, le but n’est jamais de rendre ce genre d’histoires si réalistes. Par exemple, le saviez-vous ?  Les griffes de la nuit du regretté Wes Craven est inspiré d’un fait divers. Dans une université, de nombreux étudiants sont morts de façon inexpliqués dans leur sommeil. Ceci est la source d’inspiration d’une histoire. Le reste est inventé. Alors après on peut toujours faire un documentaire qui traiterait des méfaits de la coke sur la ours pour les dissuader de tomber dans la drogue. C’est un fléau qui en touche beaucoup, on le sait. Mais plus tard, là on veut juste le voir manger des jambes. Reste à sauver la scène de l’ambulance, franchement bien, elle. Et à espérer que le requin sous coke qui sera bientôt sur nos écrans sera mieux gérer sa montée.

Knock at the cabin : être conscient de son message, c’est important

knock at the cabin
Toc, toc, c’est les intégristes !

De quoi ça parle ?

Tandis qu’ils passent leurs vacances dans un chalet en pleine nature, une jeune fille et ses parents sont pris en otage par quatre étrangers armés qui leur imposent de faire un choix impossible. S’ils refusent, l’apocalypse est inéluctable. Quasiment coupés du monde, les parents de la jeune fille doivent assumer leur décision avant qu’il ne soit trop tard…

Qu’est ce qui ne va pas ?

« Knock at the cabin », le dernier né d’M. Night Shyamalan était des plus attendus cette année. En cause un réalisateur chéri de tous depuis « 6ème sens » dont on espère toujours un twist finement amené après un visionnage malaisant et un univers bien à lui. En réalité, la finesse ce n’est plus trop ça pour monsieur Shyamalan qui dans un délire d’égo trip hitchckokien (mais chéri tu n’es pas Hitchcock) se permet régulièrement des petites apparitions en guest star dans ses métrages. On avait douloureusement pardonné pour « Phénomène », le conte écologique dont l’idée était bonne mais la mise en place retombait comme un soufflé. En même temps, Mark Wahlberg au générique avait de quoi ressembler à une mise en garde qu’on n’avait pas voulu entendre. Personne n’a vraiment pardonné « Glas »s en revanche mais ce souvenir restera à jamais trop douloureux pour en parler. Ce sera sûrement pareil pour « Knock at the cabin » pour différentes raisons. La première est simple : chers scénaristes, par pitié, il faut arrêter de vouloir sauver le Monde. C’est pas la peine, c’est lourd, c’est gros, c’est fatiguant. On court à notre perte, on a compris, il faut trouver de nouvelles choses à sauver dans vos films s’il vous plait. Le récit de Shyamalan arrive ici à conjuguer la lenteur qu’on lui connait dans sa façon de conter une histoire – c’est pas mince affaire- avec une lourdeur elle toute fraîche. Admettons, on pourrait passer au-delà. Au-delà également d’un scénario qui tourne en rond, se répète en boucle pour faire vivre au spectateur pourtant de prime abord surpris et interloqué, un long moment de déception. Si décevant d’ailleurs que le « twist » final est annoncé globalement dans les 10 premières minutes du métrage pour être rebalancé en fin de pellicule mais cette fois à coup d’effets et musique bien lourde comme si on était si bêtes qu’on n’avait pas capté au début. Et malgré le gros effet de « hehe regardez mon gros twist » la vraie surprise vient du fait qu’on ne voit pas en quoi ça en est un. A tel point, que tu t’arrêtes, face écran en te demandant si t’es passé à côté d’une info, s’ils ont pas dit un truc que t’as pas bien entendu peut-être. Tu t’étais pourtant pas endormi. Mais tout ça, à la limite aurait pu passer. Ce qui ne passe pas en revanche Monsieur Shyamalan c’est le fait que vous preniez la responsabilité de créer le premier film d’horreur mainstream à mettre un couple d’hommes gay en tant que personnages principaux. Grande idée, évidemment, qu’il était plus que temps de mettre en place. Enfin, des personnages gays qui ne servent pas juste de quota au body count final. Joie ? Non parce que, et peut-être est-ce juste une horrible maladresse, ce qui ressort du film c’est que son réalisateur prône une forme d’intégrisme religieux aussi peu ragoutant que celui de « Signe » (les extra-terrestres peuvent bien détruire la planète si Mel Gibson, le pasteur, retrouve la foi. Un indice chez vous sur le film en deux mots : Mel et Gibson). Au final, on peut toujours nous raconter que ce couple qui finalement malgré des flash back prend trop peu de temps à exister sous nos yeux, s’aime de tout son cœur, la vérité c’est que pour sauver la planète, il faut d’après ce film, tuer un homme gay. Parce que c’est bien de ça dont il est question, demander à une famille de sacrifier l’un des siens (mais pas la petite fille) pour sauver le Monde. Et quand s’ajoutent tout au court du métrage des préceptes religieux dont la métaphore est d’une évidence convenu (regarde plutôt mon gros twist) le tout prend la forme d’une œuvre qui se veut ouverte mais raconte une histoire à son opposée. Il faut toujours faire attention à ce qu’on raconte et comment on le dit, mon bon Shyamalan, surtout quand on tient une grande première en matière de cinéma.

Tin & Tina : encore des enfants creepy ?

tin & tina
« Coucou, tu veux nous adopter ? »  » Mais enfin non ! »

De quoi ça parle ?

Des jumeaux orphelins sont accueillis dans un couvent où ils reçoivent une éducation stricte. Bientôt, ils sont adoptés par un jeune couple.

Qu’est ce qui ne va pas ?

Mais qu’est ce que c’est que ce rythme dites moi ? Comment ça peut être aussi lent ? Pour ne rien dire du tout la plupart du temps en plus. Tin & Tina c’est donc la rencontre de parents qui veulent absolument devenir parents et adoptent de jeunes intégristes religieux qui font peur en appliquant à la lettre la Bible. Bon évidement quand on dit appliquer la Bible au sens littéral c’est effectivement bien flippant. Mais déjà aller dans un orphelinat et choisir comme on fait ses courses des faux jumeaux échappés  de « Children of the corn » ça se voyait que c’était pas l’idée du siècle. D’accord, sans ça il n’y pas d’histoire, on sait, après si les personnages agissaient logiquement il pourrait quand même y avoir des histoires ! Bref nous saurons nous en incommoder. Évidemment, une fois à la maison le couple se heurte à bon nombres d’incompréhensions. Pourquoi tu cites la Bible en continue ? Pourquoi êtes-vous si étranges ? Et surtout pourquoi vous découpez le chien en rondelle ? Question classique, les chiens et chats n’ont pas de longues vies en matière d’épouvante. Mais qui hors cinéma peut interloquer un parent concerné (et consterné) Face à toutes ces bizarreries, le père, comme d’habitude, s’en fout complètement. Heureux qu’il est d’être adulé par deux enfants, mais alors bien bien bizarres, mais qui l’appellent papa. Le mot clé de la virilité qui fait chaud au cœur. D’ailleurs, à chaque bêtise des enfants, genre essayer de tuer quelqu’un pas renverser le sel, il y a va de son meilleure « Ce sont des enfants calme toi » face à une mère qui sent bien que ça se passe pas aussi bien que le postulat – adopter 2 gosses qui foutent la trouille – pouvait le laisser penser. Pas bête la mama ! Bien consciente que les enfants ne sont pas juste creepy mais deux petits monstres, elle d’ailleurs essaie de faire entendre à son mari que quand même, ils ont des attitudes qui peuvent mettre mal à l’aise, voire quand ils forcent à réciter le bénédicité à table peut aller jusqu’à créer un blanc. Mais rien ne semble pouvoir troubler la quiétude de l’époux un peu comme le père dans « Annabelle » qui vraiment n’en a rien à cirer de la poupée diabolique qui hante la maison. Bien sûr, tout ça contribue à créer une atmosphère qui se veut malaisante à coup d’enfants qui n’ont aucune conscience du bien et du mal et confondent allègrement les deux. Sauf que, les scènes supposées aider à monter en tensions basculent vite dans le déjà vu et peinent à être la critique qu’elles imaginent de ce que la religion peut offrir de pire aux esprits sensibles. Et même l’enfance supposée innocente bafouée ne fonctionne pas, on est loin de « The Children ». C’est, en dehors de ses lenteurs, le plus gros défaut du film. Il n’arrive pas à bien exprimer son postulat et transforment les petits dévots en rejetons flippants d’une banalité éprouvée. Pas plus intéressants que la petite fille d' »Esther » finalement qui, il est temps qu’on se le dise était un mauvais film adressé à un public mainstream. Le film, disponible sur Netflix, dure en plus 1 heures 59 ! C’est très long quand le tour du sujet a été fait dans le premier temps de l’histoire.

Firestarter : ni feu ni flamme

firestarter
Je vais tout brûleerrr si vous touchez à Stephen King

De quoi ça parle ?

Depuis plus de dix ans, Andy et Vicky sont constamment entre deux déménagements pour échapper à une agence fédérale obscure qui cherche à capturer leur fille Charlie. En effet, celle-ci dispose d’une faculté extraordinaire de pyrokinésie dont l’agence aimerait se servir pour créer une arme de destruction massive… Andy a appris à sa fille à maîtriser sa colère ou sa douleur qui déclenchent son pouvoir. Mais Charlie a désormais 11 ans et elle a de plus en plus de mal à maîtriser ses émotions – et donc le déclenchement du feu. Lorsque l’agence découvre le lieu où elle et ses parents séjournent, un mystérieux agent est envoyé en mission pour traquer la famille et s’emparer de Charlie. Mais la jeune fille ne compte pas se laisser faire…

Qu’est-ce qui ne va pas ?

C’est vrai depuis des années, la littérature de Stephen King continue de fasciner et de permettre à nombre de cinéastes en mal d’inspiration de venir re re re ( re re re re re) adapter l’une des ses œuvres pour en proposer une nouvelle lecture (et se faire des sous surtout). Sur les centaines d’adaptations des romans du Roi de l’horreur, seules quelques rares exceptions viennent à cocher la case du convenable, encore plus rares sont celles à être carrément bien.  Ici c’est une nouvelle adaptation du roman « Charlie » (publié en 1980) qui est faite et autant dire qu’elle tombe dans la catégorie du carrément mauvais. Le problème majeur de la plupart des adaptations de Stephen King est que les cinéastes ont tendance à ne pas comprendre le sujet des romans de l’écrivain : les monstres et autres démons sont en réalité un élément secondaire de ses histoire, le vrai méchant, le vrai problème, ce sont les hommes et comment ils réagissent quand on les pousse. C’est le cas pour « Dôme » (ce qui dégénère c’est que le shériff établi une dictature et se met à tuer les habitants du village) par exemple mais aussi des « Tommyknockers » ( c’est l’alcoolisme le véritable enjeux), de « Carrie » (parler d’harcèlement scolaire et d’extrémisme religieux pas réellement de télékinésie). En la matière, « Firestarter » de Keith Thomas n’a absolument rien compris ! Ses personnages sont si plats, si inintéressants, qu’on se contrefout qu’ils partent ou non en fumée. La petite Charlie harcelée par une entreprise gouvernementale parait d’ailleurs bien vicieuse sous l’œil de cette caméra. Zach Effron, devenu père de famille pour l’occasion ( je suis si vieille, où Zach le BG ? C’est-il vraiment transformé en Matthew Perry ?) oscille entre l’absence profonde de personnalité et la personnalité pathologique. Parce que hein – spoiler alerte tout ça- qui s’en fout à ce point que sa fille fasse brûler vif un chat et se fout carrément de sa gueule lors des funérailles improvisées de la pauvre bête ? Sûrement la même personne qui n’a pas une seule goutte d’empathie pour sa propre femme. Si tout ça n’était pas suffisant, il faut aussi souligner la très mauvaise gestion du timing du film. On vit 45 minutes de mise en place complètement inutile au cours desquelles une famille se dispute. On est loin de la course effrénée d’un père et une fille, effrayés mais prêt à tout pour survivre, poursuivis par un organisme qui veut en faire des rats de laboratoire comme le décrit le livre. La deuxième partie du métrage balance tout ça et là sans aucun enjeux, sans effets, sans intérêt d’ailleurs avec une vitesse folle et un nombre de manques scénaristiques qui fait passer « Riverdale » (dont le final m’a achevée, ciao, je suis allée jusqu’au bout pour rien)  pour un grand moment de logique. Grosse apogée dans la dernière partie du film qui se veut à la « Stranger Things » mais fait surtout penser que l’équipe est tombée par hasard sur une boite de néons multicolores et a pris le pari de les utiliser à outrance pour « donner du style ». Oui mais lequel ? D’autant plus que le sujet de « Charlie », dépouillé d’empathie tombe finalement dans le banal en 2023. Une entreprise secrète qui poursuit des gens avec des pouvoirs. Mais c’est qu’on avait jamais vu ça nul part ailleurs. Attends si en fait, on l’a vu mille fois et du coup, il faudrait s’approprier l’essence de l’histoire, la relation père / fille pour en tirer un film intéressant. Reste aussi à se dire qu’au lieu d’investir dans les néons, l’équipe aurait pu plutôt payer quelques figurants et acteurs, parce que bon dans l’organisme secret, ils sont quoi 10 membres à comploter (caractéristique des gens de la firme : ils sont méchants). En même temps, comme toujours, il n’y a rien à sauver quand c’est produit par Blumhouse. A part peut-être une BO signée par Carpenter, certes au plus caricaturale de ce qu’il sait faire mais toujours qualitative. « Firestarter », disponible sur Netflix,  sera vite oublié mais rappelle qu’il est temps de foutre la paix à Stephen King.

Don’t worry darling : si, si I worry

don't worry darling
Chérie, ressers quelques filtres à nos invités

De quoi ça parle ?

La chronique d’une communauté isolée dans le désert californien en plein cœur des années 1950, au sein de laquelle une femme au foyer voit sa vie être chamboulée.

Qu’est ce qui ne va pas ?

Loin d’être un mauvais film et pourtant blindé de qualités, le très attendu « Don’t worry darling » s’avère avoir, en y réfléchissant bien, trahi bon nombre de ses attentes. Commençons par soucis d’honnêteté par énumérer les qualités  du film d’Olivia Wilde. C’est esthétique, c’est bien joué, le sujet est intéressant, part d’une bonne idée. Oui mais et il y a bien un mais, c’est justement le sujet qu’on perd très rapidement de vue. A coup d’effets visuels très dosés qui feraient passer « The Neon Demon » pour un film réalisé sans filtres, le développement de l’intrigue lui, est complètement noyé. On en perd tous les enjeux et les révélations sont amenées grossièrement. A tel point, qu’à la fin toutes les questions les plus logiques restent sur la table. Alors oui, tout n’a pas besoin d’être entièrement expliqué et raconté, oui on peut très bien laisser des zones d’ombres mais il faut tout de même savoir démêler une chute qui constitue finalement le centre de l’histoire. Alors que cette dernière se perd à coups de moments dignes de clip, le sujet lui, va à toute allure. On se demande pourquoi notre héroïne, interprétée par Florence Pugh en est déjà là dans ses réflexions et dans sa façon d’agir. Qui d’ailleurs n’a absolument rien de fin, comme si elle voyait un danger et se disait que le mieux était encore de se jeter dans la gueule du loup. Le plus gros souci tient peut-être au fait qu’on ne s’attache pas aux personnages, ils manquent de développement et leurs actions sombrent vite dans une forme d’incohérence. Alors oui, la fin (précipitée malgré plus de 2 heures de pellicule) vient à expliquer une partie de ce que l’on voit mais certainement pas tout. C’est bien de parler de féminisme , c’est bien de faire de jolis films dont l’intrigue pourrait retourner le cerveau mais encore faut-il prendre le temps de bien gérer son écriture. Les tensions sur le tournage peuvent aussi être à l’origine de ce qui cloche dans le film :  la prise de bec entre Harry Style et Chris Pine (Harry a-t-il craché sur Chris ?), l’éviction de Shia LaBeouf et les brouilles entre la réalisatrice Oliva Wilde et Florence Pugh ont fait couler beaucoup d’encre. A moins que le problème ne vienne du fait qu’il ait préféré sa forme à son fond.


black angels route du rock 2023La Route du Rock pour son édition 2023, se tenait du 17 au 19 août au Fort Saint-Pierre. L’évènement à l’affiche rock et pointue a su, comme chaque année, fédérer un public averti, désireux de vivre en trois jours tous les concerts qu’ils attendent à l’année. Édition plurielle, elle vivait son apogée en terme de fréquentation lors de sa première journée notamment grâce à la présence des très attendus King Gizzard & The Lizard Wizard, qui avaient annulé leur venue l’année précédente. Pour autant, les belles surprises ont peuplé les festivités de Sorry à Squid en passant par The Black Angels mais aussi une véritable proposition urbaine  qui s’est habillement glissée dans une programmation très rock. On vous raconte les concerts qui nous ont marqué.

Route du Rock 2023

Dry Cleaning

Premier jour du festival, premiers émois. Dry Cleaning pose ses valises sur la scène de la Route du Rock pour son ouverture. Le groupe y est venu défendre sa seconde sortie Stumpwork  publiée une année plus tôt. De quoi faire oublier son premier excellent album  Long Legs ? En partie quand on s’intéresse de prêt à une set list qui lui fait la part belle au détriment d’un premier essai qui, à n’en pas mentir manquera aux puristes de la formation. Côté scène, le groupe que l’on compare aisément à Joy Division distille son essence à la Sonic Youth. En pratique, sa chanteuse, Florence Shaw vêtue d’une longue robe dorée ne semble pas à l’aise dans ses premières minutes scéniques. C’est ce que laisse transparaitre un jeu de scène timide, sur la pointe des pieds. Voilà qui n’impacte en rien les qualités musicales qu’on leur prête sans tergiverser. Doit-on pour autant les qualifier de formation de studio ? Oui et non. Le rendu musical est aussi qualitatif que celui de l’album, le son incroyable, le spoken word parfaitement posé, les instruments sonnent magistralement. L’instant est hypnotisant. Normal quand on voit le matériel de base et les qualités de composition démentes dont font preuve les britanniques qui ont depuis su se faire un vrai nom dans le milieu du post punk. Dry Cleaning a en lui ce qui rend la scène indé si grande. Pointu mais accessible, poignant et très écrit. La musicienne gagne en aisance à mesure que le set avance, sort de sa carapace de tortue (mais après tout le titre « Gary Ashby » parle bien d’une tortue) pour mieux se grandir et s’ouvrir à son audience. Le résultat se déguste comme un bon vin, l’ivresse apparaissant au bout de quelques titres pour rester dans les esprits longtemps après la fin du set.

SQUID

Étiqueté comme l’un des groupes les plus excitants du rock indé en ce moment, SQUID remplaçait ce jeudi 17 août sur la scène du Fort le rock stock et houblonné de Viagra Boys. Pari risqué mais qui, étonnamment, n’a pas semblé déplaire à la plupart, au vu de la vigueur des cris et des applaudissements à leur montée sur scène. Comme quoi, SQUID s’est déjà fait un nom. En même temps il faut le dire, leur dernier opus sorti plus tôt dans l’année, O Monolith, est une pépite comme rare il en est, tout comme leur précédent, Bright Green Field, qui s’était miraculeusement hissé en haut des tops albums 2021. Sur scène, comme en studio, leur musique est un vrai labyrinthe de composition. A tel point que nous avons entendu une dame à côté dire à son amie « je n’achèterai pas l’album, ça va n’importe où, ça ne va pas à l’essentiel ». Et nous la comprenons : SQUID manque un peu de concision. Mais les morceaux du dernier album, majoritairement joués, sont si charmants lorsqu’on les connait par cœur qu’ils sont en live d’autant plus jouissifs. Mention spéciale au groupe qui, dans un coup de génie, a repris la chanson Sports des Viagra. Un geste d’une grande classe et humilité, et en même temps un bol d’air frais au cœur de leur set labyrinthique. Merci.

Squid route du rock 2023GILLA BAND

Changement de nom : Girl Band, groupe composé de mecs irlandais uniquement, est récemment devenu Gilla Band.

Leur musique pour autant, n’a pas bougé d’un iota. La preuve en est : leur dernier album, Most Normal, sorti en 2022, est un concentré de rock abrasif, dur, sombre. Il en est même difficile d’en venir à bout, dû en partie à cette manière torturée qu’a le leader de chanter. Bon, le fait est que Gilla Band reste un groupe à suivre depuis leurs débuts en 2015, original, extrême. En live, leur musique prend de l’ampleur, et du relief. La scène des remparts a rarement si bien sonné qu’au travers de ces sonorités hurlantes et déchiquetées. Les plus courageux resteront jusqu’au bout de leur set. Pour notre cas, Shoulderblades nous suffira, leur plus grande chanson. Le palier de 30 minutes a quand même été atteint, nous sommes un peu fiers de notre prestation, après d’innombrables dos d’âne pris à 130.

gilla band route du rock 2023KING GIZZARD & the lizard wizard

Attendus comme les messis depuis leur annulation de l’année dernière, les lézards qu’on ne présente plus clôturaient la soirée du jeudi sur la scène de Fort. Avec trois albums l’année dernière, plutôt impro soul funk vibes, et un complètement métal cette année, les australiens les plus connus du rock de cette génération sont toujours aussi actifs et délirants. Leurs lives sont connus pour être des shots incroyables d’énergie et d’éclate. On y passe un peu partout, naviguant entre leurs multiples albums, sans jamais qu’un set ne soit similaire au précédent. Ce soir-là, nous avons été très chanceux, puisque le groupe n’a pas perdu une seule seconde pour nous en mettre plein la gueule. Comme ouverture : l’ouragan « the Dripping tap », folle chanson de 18 minutes sortie il y a deux ans, où les guitares n’en finissent plus de suer. C’est impressionnant. A quoi bon poursuivre après ? Ça serait mal connaitre le groupe que de penser ça, puisque qu’ils ont toujours plus d’un tour dans leur sac.

La suite du set, qui durera 1h30 en tout, reprendra pour notre plus grand plaisir plusieurs morceaux de leur album Ice, Death, Planets, Lungs, Mushrooms And Lava (2021), peut-être leur meilleur depuis des années, et pas loin d’un top carrière. On passera même par un morceau électro – funk – rap hallucinant (désolé pour les fans ultra, nous ne savons pas lequel était-ce…). Les loustiques sont connus pour être bons partout, et ça n’est définitivement pas un mythe. On pourra seulement leur reprocher de tout placer au même niveau, et de ne pas y trouver véritable construction. La fin du concert sera axé métal, avec l’incroyable « Planet B » (toujours leur plus grand morceau du genre, ça ne change pas).

Anecdote amusante du public durant le live : un mec, probablement déçu de l’annulation de son groupe préféré, était en train de regarder un live filmé de Viagra Boys, le téléphone brandis comme une croix. Chacun ses messies.

Grand Blanc

Changement de programme ce soir avec l’annulation en dernière minute de Billy Nomates, remplacée au pied levée par Grand Blanc qui sont également programmés sur la plage le lendemain matin. Les voilà de retour avec un nouvel album « Halo », bien loin de « Mémoire vive » qui les a fait connaître mais surtout de leurs incroyables premiers EPs sortis en 2014 et 2015.  Ce nouveau jet harmonique a laissé derrière lui toute la crasse industrielle du groupe. En lieu et demeure, ces nouveaux Grand Blanc se sont offert un nouveau look (Camille prend ainsi des airs d’Adrianne Lenker) et surtout un tout nouveau son, bien plus doux et plus triste. Un voyage dans le Danube les a inspiré, évoque Benoit, le chanteur et la poésie qu’ils y ont trouvé. Si le groupe a toujours été sombre, cette fois, il se laisse porter par la voix de sa chanteuse. Tous.tes sur le fil comme happés dans un tourbillon de noirceur, une mélancolie plus brut. C’est du moins ce qui ressort de ce live. Le sentiment que le groupe a posé ses armes, se laissant ensevelir par ses démons et cohabitant avec eux, ici sur scène, les larmes aux bords des yeux. Les anciens morceaux eux aussi ont été passé au filtre, délaissant tout rythme soutenu pour se faire calmes, aériens et aidés par une harpe certes mais empli d’un doux désespoir. Le voyage est éprouvant. Les usines hantées de Metz sont loin derrière, l’ennui inspirant aussi, reste le calme, et celui-ci est éprouvant à recevoir.

Yo La Tengo

Les américains de Yo La Tengo sont la belle surprise de la journée. Les premiers à s’essayer à la scène du Fort en ce jour 2 déjouent les pronostiques en offrant une ouverture très rock à un set qui ne cesse de changer de visage avec cohérence. Sophistiqué le groupe fait la part belle à ses instruments sans jamais tomber dans la démonstration technique et mathématique de celui qui sait jouer de ses instruments. A la place, le groupe fait sonner follement ses guitares qui résonnent et appellent les oreilles. Une fois l’attention obtenue, les règles changent, pop enivrante vient rencontrer country expérimentale comme un trouple aussi surprenant que finalement divinement assorti. Si l’opération est réalisée d’une main de maître c’est aussi parce que la formation a eu le temps de roder son identité et de la tester. Formé en 1984, avec quelques 14 albums sous le coude, le groupe a de quoi se raconter et donner une leçon de capacités musicales et scéniques. Les paysages musicaux défilent en toute sobriété, la grandeur est là mais avec l’humilité qui caractérise les meilleurs. Pris par la main au milieu d’une justesse emprunte d’émotions à l’état pure, le public ne peut qu’adhérer à ce live puissant.

The Black Angels

Menu Best Off pour la Route du Rock qui invite les habitués de Black Angels à prendre possession de la scène du Fort en ce deuxième jour du festival. Moins rempli que le premier soir, l’évènement est aussi plus praticable et permet de mieux tourner autour de la scène pour découvrir pleinement le groupe culte. En 2022, la formation psyché d’Austin publiait Wilderness of Mirrors, son dernier né. C’est pour lui qu’elle est là et presque pour lui seulement. Voilà qui laissera un goût de trop peu pour les puristes, déçus d’une set list qui se concentre trop sur ses nouveautés et ne souhaite pas tracer sa route au milieu des 5 albums qui composent pourtant son paysage. Laissés uniquement sur leur faim ? Oui et non puisque The Black Angels reste une expérience immersive et intense en live. La batterie qui résonne particulièrement et l’univers puissant qui déverse ses titres comme une tempête, sont autant d’atouts pour se laisser prendre par la main et apprécier le voyage. Le groupe reste hypnotisant, sonne juste et envoûte avec la précision de ceux qui sont habitués au live et à la rigueur.

Young Fathers

Ce sont les acolytes de Young Fathers, en fin de soirée ce vendredi  qui marquent le plus les esprits. Il faut néanmoins admettre, par souci d’honnêteté, que le groupe tranche avec une programmation très rock. Leur pop, hip hop, électro, word change le ton et forcément intrigue l’oreille pourtant déjà prise au tourbillon de 7 heures d’écoute intense. Ce postulat posé, le groupe aurait été une véritable claque en n’importe quelles circonstances. Draps posés en arrière scène, show déstructuré, fou, indomptable, le concert ressemble à un numéro à toute allure, mélangeant les registres pour aller bien plus loin que le postulat du simple concert. Messe surdimensionnée aux allures de cultes auxquels on adhèrerait les yeux fermés, la formation écossaise sait mettre en avant ses prêcheurs. L’opération prend en un rien, et la foule, maintenant adepte, suit  aveuglément les demandes des trois meneurs qui la mêne à entrer en trans. La set list déstabilise par la variété musicale qui défile à toute vitesse. Le moment est bouillant et rend la nuit mythique d’autant plus que les choristes qui utilisent tout pour porter leurs voix dont un mégaphone. Un bordel organisé, une folie partagée.

young fathers route du rock 2023Sorry

En ce dernier jour de festival, le groupe Sorry a la lourde tâche d’ouvrir les festivités. Il est dommage de les retrouver sur la petite scène  tant la proposition menée par Asha Lorenz et Louis O’Bryen mérite à être vue et à l’étoffe des plus grandes prestations de cette édition. Sous un soleil de plomb, la formation distille son indie rock lancinant et fascine immédiatement. Il faut dire que le matériel qu’est son dernier jet solo, « Anywhere but here » a tout pour faire mouche. Des titres forts, bien dosés, un faux air blasé, une écriture très maitrisé et ici au Fort Saint Pierre un son excellent. les titres les plus forts sont interprétés en début de set dont « Let the Lights on » mais surtout l’excellent « Right Round the Clock » paru sur le premier album du groupe « 925 ». Le morceau qui a piqué les paroles du titre « Mad World » de Tears for Fears en extrait l’âme profondément sombre pour se faire plus répétitif et joue sur des rythmiques qui tapent fort. Surtout la voix d’Asha et sa douceur ajoutée à celle de Louis créent un moment d’osmose parfaite qui conquière les festivaliers. La formation aurait dû faire partie des têtes d’affiches de la journée, on insiste, sorry not sorry.

sorry route du rock 2023Brian Jonestown Massacre

La légende Anthon Newcombe. Sur le site du festival samedi un peu avant 22h15, l’interrogation générale est à savoir si le leader de Brian Jonestown Massacre, groupe mythique des années 90 qui sort encore un album par an actuellement, sera de bonne humeur ou non, puisque réputé pour n’en avoir rien à foutre de rien. Sauf de la musique peut-être. Ce qui est déjà pas mal. De ce côté-là, rien à redire. De longs et lents morceaux, ritournelles psychés aussi puissantes que bourrées d’un sincère et profond magnétisme. On ne sait jamais vraiment lesquels ce sont, de morceaux, bien qu’on reconnaisse quand même du dernier album (génial) ainsi que leur « tube » Anemone, mais ça n’est pas l’important. D’ailleurs, le temps pris par le groupe entre chacun, pour changer d’instruments et accorder les guitares, montre à quel point c’est le son qui importe avant toute chose. Au moins, le look d’Anthon Newcombe, cowboy moderne tout de blanc vêtu, suffit à nous faire patienter, guettant presque la moindre interaction qui pourrait surgir entre lui et le public, ou lui et ses musiciens (ils sont 7 sur scène en tout, dont Joel Gion et son fameux tambourin). Il y a beaucoup de monde devant la scène à ce moment-là, plus qu’à n’importe quel concert de la soirée. Preuve que BJM continue d’attiser les curiosités, et d’être maitre de leur rock unique.

Artbrian-jonestown massacre route du rock 2023Article : Julia Escudero & Léonard Pottier

Vidéo : Théophile le Maitre

Photos : Kévin Gombert


 

Water From Your Eyes était de retour fin mai avec l’un des albums les plus innovants de l’année « Everyone’s crushed ».  Une pépite qui ne pourra pas séduire tout le monde tant sa structure et son parti pris sont loin de ce que l’on a l’habitude d’avoir dans les oreilles. Et pourtant, ce voyage pop expérimental qui touche au rock est une véritable force de frappe indé, inspirée, brillamment écrite et construite. Impossible donc de ne pas profiter du passage à Paris du duo pour parler musique et compositions avec eux. Au delà de la musique et de quelques blagues sur Sting, le groupe en profite pour faire le constat glacé d’une Amérique à la dérive à laquelle tout rêve a été arraché. On parle de livres bannis des écoles, des retraites, de communautés, des droits abolis en Floride, de liberté, de capitalisme et bien sûr de musique. Rencontre.

Water from your Eyes
Water from your Eyes
Popnshot : Parlons un peu de votre nouvel album « Everyone’s crushed », comment le décririez-vous ?

Nate Amos : J’espère excitant.

Rachel Brown : Potentiellement bon, potentiellement pas bon (rires)

Nate Amos : Je dirai qu’il nécessite une écoute active. Ça doit se faire de façon active si on veut bien comprendre ce qui se passe. Il a été conçu comme ça.

Popnshot : Il y a un énorme travail sur la structure, les rythmes s’intensifient, reviennent, c’est même le titre du premier morceau, « Structure »…

Nate Amos : Le premier morceau a été appelé comme ça parce que c’était le titre de notre précédent album. Il y a avait de côtés qui matchaient. Nous avions en tête lors de la création de ce nouvel album que nous ne voulions pas qu’il y aient deux parties comme sur le précédent . Le tout est équilibré mais pas dans un sens aussi strict que notre précédente sortie. Les rythmes titre par titre se sont fait de la manière où ils venaient. On n’a pas eu d’approche particulière. Certaines chansons sont très simples. Le titre éponyme lui est parfois trop compliqué.

La chanson parle du fait que pour aimer comme il faut les gens il faut apprendre à s’aimer.

Popnshot : Le titre éponyme est aussi le plus lumineux et le plus personnel des morceaux sur cet opus. De quoi parle-t-il ?

Nate Amos : C’est le seul morceau sur lequel j’ai beaucoup contribué aux paroles. D’habitude, j’ai surtout une seule phrase de moi. Sur celui là , j’ai écrit le premier couplet. D’ailleurs la démo, c’était la répétition de ce couplet en boucle. Cet album a été écrit en grande partie alors que j’essayais de devenir sobre. L’abus de substances représente une grande partie de ma vie pour un long moment. Ce morceau parle de ça. Être amoureux de personnes de façon romantique et non romantique, qui sont des stimulations dans ce moment. Mais ça peut être aussi douloureux d’aimer. Donc on utilise des substances pour supporter ça. Sans l’aide de ces dernières ça devient vraiment douloureux. L’idée c’est que sans, il faut apprendre à devenir sa propre personne. Dans mon cas, mes tendances auto-destructives ont blessé les gens que j’aime. Et malgré ça, ils m’aiment toujours. La chanson parle du fait que pour aimer comme il faut les gens il faut apprendre à s’aimer. C’est le seul titre de cet album qui est aussi honnête. Les autres morceaux ont parfois des blagues.

Popnshot : C’est pour ça qu’il donne son nom à l’album ?

Nate Amos : Ça vient du couplet du milieu. Rachel a réarrangé les paroles. C’est de là que vient le titre. Quand on a fini l’enregistrement ça semblait évident que ce serait le titre du morceau puis de l’album. Au début on ne savait pas si ça serait le centre de l’album ou un EP distinct. Et c’est devenu le titre de 4 morceaux au centre de l’opus.

Popnshot : L’album parle aussi de comment la vie peut être sombre et drôle à la fois. C’est important de trouver l’humour dans les situations les plus sombres pour vous ?

Rachel Brown : C’est important de rire dans les ténèbres. C’est important de vraiment faire l’expérience de chaque émotion mais si on se laisse ensevelir par celles qui sont négatives ça limite la joie et les émotions positives. Je pense que si on reste reconnaissant pour ce qui arrive de bien, là naît l’espoir dans les ténèbres. Ça aide de rire des situations les plus terribles. Je ne pense pas que je pourrai comprendre ce qui m’arrive sans pouvoir en rire. Rire me fait me sentir plus fort.e.

Même si Sting aimerait posséder des mots, il ne peut pas.

Popnshot :Vous avez aussi une chanson qui s’appelle « Barley » où vous avez mis un maximum de paroles de Sting sans que ce soit attaquable. C’est très drôle, pourquoi lui ?

Nate Amos : On travaillait sur nos paroles et sans le savoir Rachel a inclus des paroles qui ressemblaient beaucoup à celles de Sting.

Rachel Brown : Se sont les dernières paroles, j’ai écrit « Fields of Gold ». Un ami les a lu et il m’a dit : « Tiens comme la chanson de Sting » et je lui ai demandé : « De quoi tu parles ? » et il m’a fait écouter cette chanson. Ça nous a fait rire.

Nate Amos : On en a parlé parce que Sting est connu pour poursuivre facilement en justice les gens qui reprennent ses morceaux. Alors on s’est dit « Et si on utilisait un maximum des mots qu’il y a dans cette chanson sans la plagier ? ». Comme ça s’il l’écoutait, il entendrait tous ces mots mais il serait super énervé de ne pas pouvoir nous attaquer puisqu’on ne lui a rien volé, ce sont juste des mots. Et même si Sting aimerait posséder des mots, il ne peut pas. Je crois que le maximum de mots mis bout à bout comme dans sa chanson c’est cette fameuse dernière phrase, c’est marrant, c’est la seule que tu as écrit sans le savoir Rachel.

Rachel Brown : Et on a appelé le titre « Barley » (orge en français Ndrl) parce qu’il parle d’orge dans sa chanson. les champs d’or se sont des champs d’orge en fait. Mais on utilise jamais le mot « Barley » dans la chanson. D’ailleurs quand on donne le nom du morceau, les gens ne comprennent pas parce que ça n’a aucun sens. Sans la référence, on ne peut pas comprendre.

La seule liberté que tu as aux USA est celle d’acheter

Popnshot : Vous parlez aussi beaucoup dans l’album du capitalisme comme une opposition à la liberté. Pour vous, pourquoi ces deux notions s’opposent ?

Rachel Brown : Je ne sais pas si elle s’opposent, je pense qu’aux US, le capitalisme fait qu’il est impossible de faire quoi que se soit autre que travailler jusqu’à en crever en gros. Si tu ne nais pas avec de l’argent, tu dois absolument trouver un boulot qui va payer tes dettes que tu as eu en allant à l’école, pour avoir un boulot, pour avoir de l’argent pour payer ça. Je crois qu’aujourd’hui aux Etats-Unis, tu as juste la liberté d’acheter un million de produits différents. Par exemple, il y a tellement de type de céréales. La seule liberté que tu as est d’acheter mais ce que tu peux te permettre ce qui est si peu finalement. Tu ne peux pas acheter du temps parce que tu l’utilises pour bosser. La liberté s’est perdue. Tu as la liberté de peut-être devenir président (rires). Théoriquement ça tu peux faire. Mais dans les faits, c’est théorique, tu es condamné par ton passé. Si tu as pu changer de classe sociale, tu es une exception. Peut-être qu’avant c’était différent. Mais aujourd’hui je ne connais personne qui peut s’offrir une maison même avec un bon boulot.

Nate Amos : Il y a une cinquantaine d’années, tu pouvais peut-être. Le salaire d’un seul homme pouvait alors faire vivre une famille de 5, 6 personnes et envoyer les enfants à la fac. C’est si loin de la réalité de ce que sont les USA aujourd’hui. Maintenant, tu dois travailler si dur pour avoir une vie confortable. Aujourd’hui si tu n’as pas d’avantage de par ta famille ou tes amis ou des connexions, tu ne pourras pas avoir une vie qui était facilement atteignable il y 20, 30 ou même 50 ans.

Rachel Brown :Maintenant les gens doivent décider de s’ils veulent avoir des enfants ou s’ils veulent voyager et prendre des vacances. J’ai une amie qui me disait que le ou la partenaire qu’elle devra trouver devra gagner une certaine somme d’argent pour qu’elle puisse vivre la vie qu’elle imaginait. Avec ça, on se demande si le rêve américain est vivant ou s’il n’est pas un peu mort.

Popnshot : De l’étranger, il parait assez mort…

Rachel Brown : Ouai, il est vraiment mort (rires). Même les libertés individuelles, celles pour les femmes ont été enlevées. Une partie des états aux USA sont régis par des gouvernements fascistes.

Dans certains lieux, les gens sont très heureux d’avoir réussi en réaction à faire bannir la Bible pour vulgarité et violence.

Popnshot : D’ici ça fait peur de voir à quelle vitesse de nombreux états ont changé et basculé dans des lois visant à réduire les droits de certaines communautés.

Rachel Brown : Oui, en Floride, si ton gosse est trans ils peuvent t’envoyer en prison, et placer l’enfant. Ils ont banni énormément de livres. Il y a 4 à 5000 livres qui ont été jugés inappropriés pour les enfants. Et pourtant certains étaient assez banales. Si j’étais un.e conservateur.tric un peu fou, il y aurait des sujets que j’imagine je ne voudrai pas voir aborder dans les livres mais là certains ouvrages sont complètement lambda.

Nate Amos : C’est un gros sujet maintenant de s’opposer ça. Dans certains lieux, les gens sont très heureux d’avoir réussi en réaction à faire bannir la Bible pour vulgarité et violence. Parce que quand on utilise les matrices qu’ils utilisent pour faire bannir les ouvrages, quand on voit leurs critères, la Bible est horriblement offensive.

Rachel Brown : Je me sens si mal pour tous ceux qui habitent en Floride en ce moment. Je lisais un article sur un mec à Indianapolis qui passait devant la maison de quelqu’un et il y avait le chien de la famille dans la cours mais il n’avait pas de laisse. Le chien s’est approché de lui et il a tiré sur le chien dans sa tête, devant ses enfants. Et il n’a pas été poursuivi parce que le chien n’avait pas de laisse et il n’y avait personne autour donc ce n’est pas illégal.

Water from your Eyes
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Popnshot : La communauté artistique aux États-Unis, notamment dans la musique, elle réagit comment à tout ça ?

Rachel Brown : Il y a pas mal d’artistes qui créent par exemple des shows de Drag queens dans des états du type Tennessee ou Floride. Disney, qui n’est pas un artiste je sais, mais qui d’habitude ne fait rien, s’exprime là clairement contre le gouverneur de Floride parce que c’est là que Disney Land se trouve.

Nate Amos : Tu sais que ça ne va vraiment pas si Disney s’implique (rires).

Rachel Brown : On fait des compilations pour lever des sommes pour le droit à l’avortement. Il y a un groupe qui s’est formé à Atlanta pour lever des fonds pour les activistes et les contestataires. Mais il y a beaucoup d’arrestations. A Atlanta ils ont arrêté le groupe qui s’occupe des donations. Je pense que la musique est importante et que les gens font ce qu’il faut pour apporter des informations sur le sujet mais je pense que les choses ont été trop loin pour simplement faire ça. Il faut des actions directes, financières ou matérielles parce que même si on dit des choses, le gouvernement se fout de ce qui est dit. Et puis certains musiciens supportent les actions du gouvernement. Il y a un musicien qui a juste posté « Joyeuse pride » et des gens lui ont dit qu’ils n’écouteraient plus jamais sa musique. Genre il y a tellement d’artistes qui respectent mes valeurs. Le musicien a répondu « Cool, je ne veux pas de gens comme toi qui écouteraient ma musique. »

Je me doute que tous les pays ont leurs soucis mais les États-Unis sont en train de devenir un empire qui s’écroule.

Popnshot : Le fait de quitter le pays et de tourner en Europe ça te donne une autre perspective de ce qui se passe dans ton pays ?

Rachel Brown: Je n’étais jamais sorti.e des États-Unis avant l’an dernier. Mais je me suis rendue compte que les droits anti avortement, les massacres de masse dans les école ne se passent pas ici. Je me doute que tous les pays ont leurs soucis mais les États-Unis sont en train de devenir un empire qui s’écroule. Malgré toute la propagande qu’ils font sur le fait d’être un grand, merveilleux et magnifique pays, ça se voit.

Nate Amos : La façade s’effondre. Pas le pays mais la façade qui révèle la vérité. Le rêve américain s’effondre.

Rachel Brown : L’idée de pouvoir prendre sa retraite aux USA aussi. C’est incroyable de voir les protestations qu’il y a eu ici. C’est génial d’avoir fait ça parce que honnêtement quand je parle à mes amis, je ne pense pas que notre génération pourra prendre sa retraite. Je ne pensais pas que la sécurité, les avantages sociaux, les assurances maladie ce qui a été mis en place pour aider les gens à avoir une meilleure vie, sera toujours là quand on sera à l’âge de la retraite. Du coup aujourd’hui, on voit des communautés très actives pour aider les autres personnes de leur communauté. C’est sûrement lié au Covid quand le gouvernement USA a laissé tout le monde face à la mort. Le Minnesota est un bon exemple de ce qui peut être fait avec un vrai soutien aux communautés mais il faut dire que cet état a un gouvernement de gauche.

Water from your Eyes
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Merci à Water From Your Eyes et Beggars pour cette interview.

Le groupe sera de passage le 10 novembre dans le cadre du Pitchfork Festival au Supersonic Records.


Du 20 au 27 juin le cinéma américain et français, passé comme présent se dévoile sur les Champs-Elysées. Projections, tables rondes, masterclass, rooftop, Le Champs Elysées Film Festival fait la part belle à l’indépendance cinématographique du court au long métrage. Qu’avons nous retenu de cette édition ? Retour sur nos coups de cœur.champs elysées film festival 2023Mutt – Vuk Lungulov-Klotz

Mutt c’est l’histoire d’une journée dans la vie de Feña, jeune homme trans installé à New-York. Successivement au cours de ces 24h, il croise son ex qu’il n’avait pas vu depuis sa transition, sa sœur de 13 ans qui fuit les violences physiques et morales de sa mère et son père, venu recoller les morceaux avec son fils. Chacune de ces rencontres est fortuite et plonge Feña dans ses souvenirs et un passé qu’il tente à la fois d’oublier et de reconstituer. Ce film pose un regard frais et tendre sur la transidentité, tout en soulignant l’ignorance de certaines personnes à l’égard de la communauté trans. Que ce soit à la banque où Feña est qualifié de « madame » par la banquière ou la fameuse question du « t’as quoi entre les jambes? » (on pose pas cette question, s’il vous plait, merci), Feña fait face à la maladresse et aux micro-agressions auxquelles font face les personnes trans chaque jour. Mutt sort le 9 août prochain en salles.

Mutt-filmSometimes I think About Dying – Rachel Lambert

Dans Sometimes I Think About Dying, Fran mène une existence silencieuse, sans excitation et solitaire. Employée de bureau dans une petite ville côtière des États-Unis, elle rêve de liberté. Seulement, la liberté pour elle, c’est de s’imaginer morte. La pensée l’obsède et l’enferme dans un silence qui ne fait qu’amplifier le bruit des autres, omniprésent et envahissant. Fran n’est pourtant pas suicidaire, juste curieuse de voir ce que ça fait de mourir.  La palette de couleur beige, grise et brune souligne l’impression d’une existence vécue à la troisième personne, distancée de sa propre identité. Cependant, l’arrivée de Robert dans son bureau va perturber sa routine.

ROTTING IN THE SUN – sebastian silva

Délire cynique à base de kétamine, de disparition et de bites, le nouveau long-métrage de Sebastian Silva a de quoi dérouter. Le caméra épaule vive suit Sebastian, artiste junkie, et sa femme de ménage, Senora Vero. Après un court séjour sur la plage nudiste de Ziccatella, réputée pour les rencontres gay, Sebastian disparaît. Jordan, l’influenceur superficiel et super chiant rencontré sur là-bas part alors à sa recherche. Plein de nihilisme, d’humour tout noir et de volonté de rire de la merde qu’est l’homme, Rotting in the sun, laisse quelquefois son rythme moisir pour un résultat finalement plaisant, énergivore et caustique.

courts métrages français: invisibles de mathieu salmon et l’acteur de hugo david et raphael quenard

Sur cinq courts métrages présentés, nous en avons retenu deux : ceux donnés dans le titre (suivez un peu). Invisibles est un film de genre qui s’ancre d’abord dans le réalisme social du monde du travail pour ensuite mieux se faire trucider par des créatures invisibles. Les dialogues ne sont pas parfaits et le jeu de certains comédiens rappelle la mort de Cotillard dans The Dark Knight. Mais, la tension horrifique est brillamment entretenue jusqu’à la dernière image. Et mention spéciale aux effets spéciaux de grande qualité. Dans un tout autre genre, L’acteur, est un mockumentary hilarant suivant le tournage du (vrai) film Chien de la casse. Le faux acteur principal, imbu de lui-même et de son art, blablate un charabia absurde sur ses méthodes de jeu. Raphael Quenard, dans le rôle principal, livre une performance dévouée et désopilante et sert ce mockumentary aux codes très bien maitrisés. Puis il n’y a pas que l’humour, c’est aussi une réflexion décalée sur l’importance de comprendre ou non une oeuvre d’art, enfin on croit, on est pas sûrs d’avoir compris…

Dans les moyens métrages, mention particulière à Mimi de Douarnenez, mis en scène par Sébastien Betbede. Misant sur la carte de l’absurde pour donner un tempo comique faisant souvent mouche, les pérégrinations de cette jeune ouvreuse de cinéma prennent une tournure touchante dans sa scène finale, la thématique sous jacente du deuil avec lequel il faut apprendre prenant tout son sens d’une façon délicate.

Le livre des solutions de michel gondry

le livre des solutionsParmi les avants-premières phares du festival, Le livre des solutions est probablement la plus attendue. Premier long-métrage du réalisateur français depuis 20XX, la projection a de quoi ravir les fans du réalisateur d’Eternal Sunshine of the Spotless Mind et Be Kind, Rewind. Au programme: Pierre Niney qui incarne un réalisateur fantasque prêt à TOUT pour finir son film, un livre pleins de solutions pour mener ses projets à bout, une équipe de tournage (Blanche Gardin est monteuse) qui n’en peut plus, et beaucoup d’humour et de poésie. Ce film, c’est une autobiographie à 95% qui retrace un moment unique de la carrière du grand cinéaste qu’est Gondry aujourd’hui. Plein de surprises, de douceur et de fantaisie, le Livre des Solutions est un poème touchant, sans fioriture et particulièrement drôle: cela fait bien longtemps que nous n’avions pas entendu une salle rire autant. Sortie prévue en septembre 2023.

Texte : Pénélope Bonneau Rouis, Adrien Comar, Alexandre Bertrand, Julia Escudero