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Julia Escudero

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Et toi, comment tu fais des découvertes en musique ?Les supports sont variés, du vinyle au streaming, les possibilités infinies. En ce qui concerne la musique, il est impossible de tout découvrir et écouter. Et pourtant la curiosité est présente, l’envie d’en connaitre d’avantage est bien là. La musique se partage comme un cadeau, se vit collectivement. Comment faire pour toujours en découvrir plus ? D’artistes actuels, aux anciennes pépites, de morceaux cachés aux génies oubliés, il fallait une méthode. On a demande à 16 artistes leurs trucs et astuces pour rester curieux et tomber sous le charme de musique qu’ils n’avaient jamais encore entendues. En espérant que leurs conseils vous aidera à faire de très belles découvertes et à toujours les partager.

Et toi, comment tu découvres de nouveaux morceaux ?

 Fontaines D.C, Carlos O’Connell, guitariste

C’est difficile de penser à autre chose qu’au plus évident mais… j’ai tendance à laisser Spotify le faire un peu pour moi. J’ai l’impression que mon algorithme est bien entrainé. Quand je finis une écoute d’album sur Spotify, j’écoute les chansons recommandées qui suivent et j’en fais des playlists. Mais je fais des playlists pour toutes mes humeurs et j’ajoute les nouveaux morceaux là-dessus ensuite. Et une fois que j’ai plus de temps, je creuse un peu plus. Les gens vont plus trop dans les disquaires pour acheter un vinyle sans l’avoir écouté aujourd’hui. En tout cas, moi non. J’adore les disquaires mais je n’y vais jamais sans savoir ce que je vais y acheter. Je le fais avec les livres par contre. On voyage tellement avec les tournées que je vais toujours dans les petites librairies pour demander l’avis du libraire. Je devrais peut-être le faire avec les vinyles.

FONTAINES D.C. / La Route du Rock 2022 / Crédit : Théophile Le Maitre

Sprints, Karla Shubb, chanteuse

Je galère un peu à vrai dire. Quand j’étais petite, j’achetais des magazines, j’écoutais la radio et je découvrais de nouveaux artistes comme ça. Maintenant, même si tu as les plateformes et les algorithmes, il faut quand même que tu fasses le choix d’aller chercher de nouvelles choses. Donc je continue de regarder dans les magazines ou en ligne. Et c’est un peu pour ça qu’on est très influencés pas le rock 90s où c’était plus facile de découvrir des artistes finalement.

Bagarre

Maître Clap : Spotify, Soundcloud

La Bête : Moi les trends Tiktok. C’est des artistes qui vont dans tous les sens mais avec les morceaux identifiés, tu peux aller les chopper et aller plus loin. Ça m’a amener beaucoup de morceaux, des choses inconnues parfois même anciennes.

Mus : Sinon surfer, se laisser porter par les plateformes, surfer sur le net avec Lycos quoi (rires)

Bagarre au Festival Chorus 2023 – Crédit photo : Louis Comar

Tout album a toujours quelque chose à apporter. –  Asha Lorenz

Sorry

Asha Lorenz : J’aime prendre un album que je ne connais pas chez un disquaire. Et même s’il n’est pas si bon, tout album a toujours quelque chose à apporter. Et si tu t’impliques dans le travail de l’artiste, tu y trouveras toujours quelque chose et c’est satisfaisant. Donc impliquez vous à un artiste.

Louis O’Brien : J’en trouve beaucoup dans des films et des séries.

Le groupe Sorry pendant leur concert au Popup
Sorry – Crédit photo : Louis Comar

Vitalic

Il y a beaucoup de musique qui se transmet avec tes amis, il y a aussi les réseaux sociaux. Comme je fais des DJ sets, je dig, je vais acheter des morceaux sur des distributeurs indépendants et puis aussi j’en découvre en festival et en soirées.

Vitalic - Fnac Live - 2022
Vitalic au Fnac Live 2022 – Crédit photo : Louis Comar

Je pense qu’il y a une forme d’écoute passive de la musique qu’encourage les applications. – Alex Bleacher

Real Estate

Alex Bleecher : Je pense que la meilleure façon de faire est de demander à tes amis ce qu’ils écoutent en ce moment. Aussi en tournée avec des groupes j’écoute toujours ce qu’ils écoutent dans le van. J’en trouve aussi beaucoup aussi sur Spotify. Ca semble être une méthode courante de nos jours. Je mets quelque chose que je veux écouter et je laisse le flow se faire. L’algorithme est assez intelligent sur ce sujet. Mais ce qui est triste c’est que souvent je me souviens pas des noms de ces albums ou des morceaux. Mais si quelqu’un me demande tu écoutes quoi en ce moment ? Je me dirai je connais ce titre, je l’ai écouté en boucle la semaine dernière mais je ne me rappelle pas le nom du groupe. Je pourrai mieux m’engager sur ce sujet mais je pense qu’il y a une forme d’écoute passive de la musique qu’encourage les applications. Sinon pour éviter ça il faut acheter des albums. Je continue d’acheter des albums récents ou pas parce que ça crée un lien. C’est la meilleure façon de faire. Je vais chez le disquaire. Je l’ai fait récemment à Londres, prendre un album que je ne connaissais pas du tout et l’acheter. Comme ça je n’oublie pas le nom.

Martin : J’ai une réponse un peu similaire. Demander à des amis. J’en ai qui font beaucoup de playlists et les postent. Je ne demande rien, je regarde directement. J’ai fait aussi une tournée solo il y a quelques années et on avait fait une énorme playlist participative. Il y avait tellement de choses que ne connaissais pas dessus. Je peux en trouver aléatoirement sur les plateformes et si ça me plait j’irai me renseigner sur les artistes et m’immerger dans leur univers. C’est amusant de découvrir le catalogue de quelqu’un et avoir l’impression de le posséder. Et acheter de la musique c’est bien. Vous devriez le faire aussi. Ce qu’on possède finalement c’est ce qu’on veut le plus écouter. La gratuité c’est cool mais finalement ce n’est pas ce à quoi on tient le plus.  C’est un engagement même si c’est un bon argument pour le capitalisme (rires).

Alex : Finalement les playlists des plateformes nous font nous demander qui choisit mes goûts en musique ? Moi ou une machine ?

Real Estate - showcase at Agnès B @ Pénélope Bonneau Rouis
Real Estate – showcase at Agnès B @ Pénélope Bonneau Rouis

 En Attendant Ana, Margaux, chanteuse

Je ne vais pas parler au nom des autres. On a tous des modes et des rythmes de consommation de la musique super différents mais je dirais quand même que de tourner, et donc de voir des concerts tous les soirs, c’est le meilleur moyens de découvrir des groupes. Et puis on peut leur acheter du merch, ça reste le moyen le plus direct de les soutenir !

Julia Holter

Souvent c’est grâce à mon mari parce qu’il trouve toujours des nouveautés. Et je n’en trouve pas tellement par moi-même parce que je ne suis pas dans une période de recherche de ma vie. J’y reviendrai, en ce moment je suis trop occupée. Il prend le temps pour moi. Il achète des albums tout le temps. C’est ma réponse honnête. Parfois j’en trouve quand même en lisant, des amis me donnent des conseils, j’écoute aussi la radio. J’ai aussi trouvé quelques nouveautés dans un disquaire au Japon. J’ai hâte de les écouter.

Spotify, même si on trouve extrêmement injuste la façon dont ils rémunèrent les artistes, qui étouffe la musique émergente. – Rebecca Baby

Lulu Van Trapp, Rebecca, chanteuse

Malheureusement pas mal encore a travers Spotify, même si on trouve extrêmement injuste la façon dont ils rémunèrent les artistes, qui étouffe la musique émergente. En vérité, la plateforme est facile et c’est cool pour faire des playlists et écouter des artistes que tu connais déjà, mais pas trop pour digger. On essaie de s’en détacher. On est la génération YouTube, et en vrai ça reste notre plateforme numéro 1 aussi bien pour la découverte que pour les raretés. Juste marre des pubs quoi. Mais ça reste l’endroit d’internet ou tu peux te perdre pendant des heures dans les clips et trouver de vraies sources d’inspiration. Sinon on va voir énormément de concerts, parfois plusieurs fois par semaine. On a la chance d’être résidents au Point Éphémère et du coup on a juste à sortir de notre studio pour aller voir des artistes géni.ales.aux. Il y a des salles dont on aime particulièrement la programmation, la Boule Noire, la Mécanique Ondulatoire, la Maroquinerie, le Trabendo,… le Tony Collectif aussi, qui est la plus petite et la plus stylée et pointue en terme de prog de tout Paris!

Lulu Van Trapp - Olympia - 2022
Lulu Van Trapp à l’Olympia – Crédit photo : Louis Comar

Warhaus

Je ne suis pas tellement un connaisseur de musique. Quand j’écris un album, je fais justement en sorte de ne rien écouter autours pour rester focaliser sur la musique. Je pense donc que mon conseil serait assez classique : utiliser Internet (rires). Je ne suis pas le genre de personne qui va constamment digger, ça vient directement à moi. Je suis inspiré par la musique, mais parfois je suis gêné de pas assez chercher. Pour moi si tu connais trois bons albums de genres différents tu as assez d’informations pour être créatif en musique. Pour moi, il faut au moins connaitre un album de Bob Dylan et un de Nina Simone !

J’écoute des radio classiques ou en ligne. – Greg Ahee

Protomartyr

Joe Casey : Même si certains ne découvrent pas de nouveautés, il y a tellement de nouveautés en musique que c’est difficile de savoir comment s’y prendre. Je n’ai pas de Spotify and co donc je compte sur mes amis pour me dire ce qui est bien. En tournant aussi dans différents pays on peut demander aux gens s’ils ont des recommandations. Parfois dans d’autres langues.

Greg Ahee : J’ai Spotify et parfois je découvre des choses via cette plateforme mais je trouve toujours ça dégoutant parce que ça se base sur ce que j’aime mais je trouve que c’est trop structuré grosses entreprises. Je me dis que ces immenses boites vole ma data. J’essaie d’éviter ça. Du coup pour éviter ça j’écoute des radio classiques ou en ligne. Les stations locales à Détroit ont pas mal de belles choses. NTS sur internet a de très belles choses.

Fakear

En ce moment c’est Spotify qui me guide. Après c’est Youtube parce que je vais souvent y chercher de la matière et en tombant sur la musique traditionnelle, ça m’oriente vers pas mal de choses. Mon algorithme est vraiment à part maintenant parce que je l’utilise autant pour regarder des vidéos de gamers que pour faire des découvertes. Du coup, il me suggère des choses supers et très diverses. J’ai beaucoup d’heureux accidents, j’utilise aussi beaucoup Spotify : les tracks favoris de certains artistes. Myd par exemple a une super playlist et c’est intéressant de voir ce qu’ils ajoutent. Si je suis un mega fan de Bonobo par exemple, je sais que je vais découvrir de belles choses. Caribou fait ça, et tu peux écouter ce qu’il écoute.  Et c’est plutôt pas mal.

Spotify… chiant. Je préfère demander aux gens qui m’entourent – Lias Saoudi

Lias Saoudi, Fat White Family

J’avais l’habitude de découvrir des choses grâce à Saul. Mon algorithme perso a perdu en qualité depuis qu’il n’est plus dans ma vie [les deux compères ont pris des chemins séparés]. Je ne consacre pas beaucoup de temps à découvrir des nouvelles choses en musique. Spotify… chiant. Je préfère demander aux gens qui m’entourent; avec qui je travaille. Mais je suis en ce moment et depuis longtemps dans une période livre. Quand je veux me relaxer, je lis un livre. Je ne veux rien écouter quand je suis dans cette période là, concentré seulement sur la littérature. Et puis quand je retourne dans mes périodes musicales, je vais réécouter et découvrir de nouvelles choses. Parfois, j’ai l’impression que la musique est responsable de toute ma souffrance donc je préfère m’en éloigner. J’ai l’impression de la détester parfois. Ça n’est pas le cas, mais c’est une impression. C’est un peu comme si tu travaillais dans un restaurant de saucisses, et bien tu n’as pas forcément envie de saucisse au petit déjeuner (rires)

THE FAT WHITE FAMILY CIGALE 2024
©KEVIN GOMBERT

Thérèse

Je découvre des nouveaux sons tout le temps. Mon premier canal, c’est insta, que je digge en masse haha. En fait, j’ai une playlist Spotify qui s’appelle « French Turfu » où je mets mes pépites made in France et que je partage… À force, des artistes se sont passés le mot et me proposent des tracks où viennent me suivre sur insta et je regarde par curiosité… Sinon je suis plein de webzines / pages de magazines / comptes qui ont des sélections super chouettes ! Je demande à ma communauté ce qu’elle écoute, je suis l’actualité des tremplins (Inouïs, Ricard, Zebrock, Francos etc.). Puis of course, à travers ce que mes potes artistes ou non, en France ou à l’inter partagent. Et ils sont d’horizons socio-culturels tellement différents que c’est super riche ! En dehors des réseaux, je checke souvent ce que l’algo Spotify me propose (c’est plus ou moins pertinent). Et sinon, je shazame volontiers au restau, ciné même quand je ne capte pas haha… Je mate les affiches dans la rue, dans les chiottes de bars haha ! Franchement il suffit d’ouvrir les yeux à Paname pour découvrir des nouveaux sons…! Le plus dur c’est de ne pas être frustrée par l’incapacité de tout écouter !

Thérèse
crédit : Pénélope Bonneau Rouis

Jai, Tora

Personnellement j’utilise beaucoup Bandcamp et c’est une bonne façon de faire des découvertes en dehors de la bulle de l’algorithme streaming. Ceci dit, les suggestions d’algorithme et des radios fonctionnent très bien de nos jours et tu peux y trouver une quantité sans fin de musique brillante. J’aime toujours visiter les disquaires quand je suis à l’étranger car ils sont généralement de bons conseils et que tu trouveras des choses très différentes de ce que tu as chez toi. L’uatre chose à faire c’est d’aller en clubs, concerts et festivals. Comme ça en plus de faire des découvertes tu défends la musique live.

St Graal


 

 

Que de choix en ce lundi 27 mai 2024 à Paris ! Le choix cornélien, presque celui de Sophie en somme,  devait être fait entre deux des meilleurs artistes du moment qui se produisaient ce soir dans la capitale. D’un côté Beth Gibbons avec en première partie Bill Ryder Jones, de l’autre, à la Cigale, Fat White Family. Les artistes les plus fous de la scène rock actuelle. C’est donc, et ce n’est pas un spoiler si vous avez lu le titre, vers ces derniers que notre choix s’est porté. En cause, une réputation d’immanquables qui nous faisait trépigner d’envie. Avons-nous eu raison ?  On vous raconte.

THE FAT WHITE FAMILY CIGALE 2024
©KEVIN GOMBERT

le Chapelier fou : Lias au Pays des merveilles

Dès l’entrée, notre bon goût est d’office validé par les bruits de couloirs. La veille, l’incroyable famille se produisait au festival Levitation. La prestation avait fait l’unanimité, d’autant plus que le meneur de notre formation jouait à présent entièrement sobre. Voilà qui laissait songeur. 21 heures sonne enfin, il est l’heure ! La tornade se met en marche, la foule se contracte, on ouvre grand les yeux. La famille est là, un joyeux non anniversaire à vous !

C’est sur « Angel » de Robbie Williams qu’entre le groupe sur scène, le décalage se fait. Quoique Robbie Williams, malgré ses mélodies mielleuses est connu pour son sens de l’humour et son plaisir à montrer des photos de ses fesses. D’ailleurs Lias Saoudi, lui, compte bien en dévoiler plus que Robbie. Vêtu d’un imperméable ouvert, il cache à moitié un collant couleur chair, seul vêtement plus que suggestif et qui moule comme vous vous en doutez, chaque partie de son anatomie ( mais ce soir il n’y aura pas de chute). « John Lennon » ( issu de Forgiveness is yours)  ainsi que « Without Consent » ouvre la partie, alors que le dit imperméable dévoile un peu mieux les parties du chanteur. Et les premières secondes ne laissent aucun doute planer : le concert va être un pur moment de folie. Si la notion semble se répéter au cours des précédentes lignes, c’est parce qu’elle représente le mieux la scène qui se déroule ce soir. Lias aurait été un bien meilleur Joker que ne le furent Heath Ledger et Joaquim Phoenix. Il a, du très célèbre personnage, la théâtralité, mais quelque chose dans sa gestuelle vient redistribuer les cartes. Au lieu d’être passive comme on peut l’être en regardant les célèbres films, la foule devient partie intégrante de l’immense asile de Gotham Ci(ty)gale. Il faut donc moins d’un titre pour que les spectateurs n’entrent dans l’ambiance, moins de deux pour que le chanteur ne s’offre son premier bain de foule face à un membre de la sécu déjà débordé qui court donner du fil à son micro. Au troisième morceau, notre homme s’est déjà roulé sur le sol, a hurlé dans son micro, donné une leçon de chant tout en se déchaînant tant qu’il parait improbable d’avoir encore du souffle. « Polygamy is only for the chief » scande-t-il face à une foule transpirante, de corps entremêlés.

L’heure du thé

La grand messe cathartique se poursuit. Tout comme le cinéma d’horreur peut l’être, les concerts de Fat White Family sont d’immenses exutoires. La foule est particulièrement réceptive d’ailleurs à la thérapie par l’absurde qui lui est proposée. Et cette foule a des visages bien variés. Le rock transcende les générations, nous dirons-nous, et c’est peut-être ce qui est le plus beau à voir ce soir. Les plus âgés, les cheveux gris, vêtus de leurs chemises de bureaux, là dans les premiers rangs, en train de pousser dans les pogos et de slamer à toute allure. Au tout premier rang, téléphone à la main, photographiant chaque instant, la fan a toujours 15 ans. Tout comme celle juste à ses côtés qui les a encore sur ses papiers d’identité. Il n’y a pas d’uniforme quand on fait partie de cette grosse famille. D’ailleurs un homme au balcon, et son sage cardigan, félicite du pouce une performance qu’il qualifie d’excellente, pendant qu’une toute jeune femme, au look gothique elle court dans les escaliers pour se prendre un bain de foule. Une famille inter-générationnelle, rassemblée derrière le tonton fou furieux, qui lui est maintenant en eaux. Pour revenir aux sources, peut-être changer de position dans la famille, le voilà qui adopte en avant-scène une position de fœtus, les bras se tendent vers lui, comme dans les films de zombies. « Touch the leather », « Bullet of dignity », « Visions of Pain » ou encore « Hits hits hits » résonnent très fort. La folie continue alors que deux bémols viennent entacher un moment qui pourtant rappelle que les bons concerts existent encore et qu’on peut prendre un plaisir « fou » en concert. Le premier tient du son qui retient trop l’énergie déployée et peine à se répandre dans la salle, laissant parfois de côté certains membres de l’audience. L’autre tient à la répétition de certains gimmicks, qui donnent à une partie du concert une sensation de redite. Non que l’instant ne soit agréable mais une fois la température du bain déjanté prise, l’énergie déployée pourtant en continue vient moins tabasser le public, qui s’était pris une grosse claque pendant une bonne heure de live. Pour autant la fosse bouillante, elle, se fiche bien de toute objection que pourrait donner un critique musical. La critique est papier mais l’instant lui est torride. Les slams sont légions, et les bières volent dans les airs depuis la première heure. Lias jette les éco cups qui lui sont envoyées d’un air machinal et les instruments eux ne sont que mouvement. D’autant plus la flûte traversière qui épouse parfaitement l’instant, insolite et logique à la fois. Côté public, les slammeurs fous remarqueront peut-être la présence des membres de Lulu Van Trapp, eux aussi auront préféré la Fat White Family à Beth Gibbons.

Vol au dessus d’un nid de cigale

Les slams sont nombreux dans la foule et les corps volent dans les airs d’une Cigale pleine à craquer et en parfaite ébullition.  La Fat White Family entame quant à elle la fin de son concert survolté. « Whitest Boy on the beach » résonne avant que le set ne se calme radicalement. Lias Saoudi marque un temps de pause pour interpréter à l’acoustique le titre « Borderline ». Un moment bienvenu puisqu’il permet un reset du concert et de repartir de plus belle pour se dire au revoir. « Work » et « Bomb Disneyland » viennent conclure l’instant survolté, et redonner au grain de folie distillé la puissance dont il a besoin. Lorsque les portes s’ouvrent, le public électrifié et transpirant se déverse dans un Paris tiède que la pluie a délaissé un temps. Aurions-nous dû préférer Beth Gibbons finalement ? Impossible à dire tant les deux soirées promettaient d’être inoubliables. Une chose est certaine, ce moment dément ne saurait sortir des esprits. Comme le dit l’habituellement tristement commun proverbe : les folies sont les seules choses qu’on ne regrette jamais. Ce soir donnons lui raison.

THE FAT WHITE FAMILY CIGALE 2024
©KEVIN GOMBERT

 

 

Adrianne Lenker – Trianon 2024 – Crédit photo : Louis Comar

C’est un véritable moment de grâce qu’a offert Adrianne Lenker en ce 2 mai, face à un Trianon de Paris plongé dans un silence religieux. Une expérience intime, puissante et bouleversante portée par la voix inimitable de la chanteuse de Big Thief. Venue défendre son dernier album solo, « Bright Future », elle a touché chaque membre de l’audience sans aucun artifice. Nous avons eu la chance d’y assister, on vous raconte.

Adrianne Lenker : radiographie sentimentale

Il pleut des cordes en ce mois deuxième jour du mois de mai. La grisaille est présente, partout et les esprits se languissent de voir le printemps enfin pointer le bout de son nez. Un espoir vain dans les ténèbres qui ne veulent pas laisser leurs places à la lumière. Heureusement pour les fans d’Adrianne Lenker, l’incroyable prodige sait toujours faire jaillir un rayon de soleil à travers l’halo de douceur qu’est sa musique. Calme oui, mais jamais – ou presque -triste. La voilà qui se présente donc, en solo, guitare à la main et assise dès 20 heures 30 ce soir. A peine entre-t-elle sur scène sur « The Only Place », emprunté au dernier né de Big Thief (Dragon new warm montain I believe in you) que le silence complet envahi la salle. Les yeux rivés sur elle, les esprits focalisés sur l’incroyable beauté qui se dégage des premières notes. Lors de son dernier passage parisien, la chanteuse avait joué deux dates d’affilée avec son groupe, non loin de là, à la Cigale. L’absence de Buck Meek sur le premier show, dont le vol avait était retardé, avait mis la musicienne à mal. Timidité peut-être, peur de devoir jouer pour deux guitares, ne l’avaient pas empêcher de réaliser, comme toujours, des prouesses. Mais il était évident que cette absence venait toucher à son aisance. Serait-ce la même en solo ?  Point du tout. La voilà heureuse d’être là, communiquant volontiers avec son audience et s’osant à quelques mots de français. Chez Adrianne Lenker, tout n’est que grâce et délicatesse. Des cordes de guitare qu’elle gratte doucement à sa façon de s’adresser à l’audience. La proximité se fait sentir, l’impression de dialoguer avec une amie peut-être, d’être seul.e dans la salle au milieu de la foule d’un concert pourtant complet. La bienveillance de Big Thief, sa façon de penser ses projets avec ses ami.es, de faire de son art un tout, une pièce collective, qu’elle soit ou non jouée en solo, participe sûrement au sentiment d’union qui plane ce soir.

Adrianne Lenker – Trianon 2024 – Crédit photo : Louis Comar

Au creux d’un Song(e)s

Et puis, il faut le dire, la setlist est grandiose. « My angel » tout droit sorti de l’immense album qu’est « Songs » retentit en seconde position. Il ne faut pas attendre longtemps pour entendre « Simulation Swarm »,  extrait du dernier album de Big Thief. Le titre, l’un des meilleurs, était celui qui avait retenu toutes les (mon) attentions lors de la première écoute du long opus. Il est de ces chansons qui deviennent des obsessions et peuplent chaque jour vos humeurs, vos relations, comme l’imagerie la plus précise de vos émotions. Une radiographie sentimentale en somme. Et donc évidemment dans sa version solo, acoustique, il prend encore plus d’ampleur. « I wanna drop my arms and take your arms » dit la chanson et quelques part, le public entièrement désarmé, se laisse porté par les bras d’Adrianne Lenker. Il faut profiter de l’instant, dans son ephémérité à l’heure où le streaming nous permet de tout ré écouter sans limite, cette version, elle, n’existera qu’en cet instant parfait.  La première partie du set se joue entièrement en solo, toujours derrière sa guitare, et habillée d’une lumière blanche. Il faut saluer d’ailleurs l’incroyable travail qui a été fait sur le son ce soir, qui est à proprement parlé parfait. Merci aux ingénieurs pour le soin minutieux qu’ils y ont porté! « Born for Loving you » suit, la lettre d’amour d’Adrianne à sa compagne, dernier single en date de Big Thief, sorti hors album. Et puis à peine quelques titres plus tard, voilà que le plus grand moment de la soirée se fait entendre alors que résonnent les premières notes d' »Ingydar ». L’instant est si beau qu’il amène à se questionner : comment quelques chose d’abstrait comme la musique, qui entre dans la tête via les oreille peut à ce point faire frissonner ? Le titre balaye tout sur son passage, emplit les yeux de larmes. Il entame une concurrence déloyale avec tous les autres moment où l’art croisera votre vie, ce sera un défit de faire mieux.

L’amitié comme un cadeau

L’album « Bright Future » n’a pas été écrit par une seule personne. Evidemment, comme toujours, il est le résultat d’un moment entre ami.es. Il n’avait d’ailleurs pas la vocation de forcément devenir une sortie officielle, mais devant sa réalisation, la chanteuse a décidé de le dévoiler au monde. Alors, il était évident qu’Adrianne Lenker ne pouvait pas se présenter entièrement seule sur scène.  Elle invite donc ses ami.es, dont Nick Hakim qui faisait aussi sa première partie, à l’accompagner au piano et au violon. L’occasion de mettre en lumière son nouvel opus. C’est une belle chose qu’elle aie utiliser le mot « Bright » dans son titre, est-il facile de songer en écoutant « Real House », parce que c’est certainement le mot qui définit le mieux sa musique. « Free Treasure » suit en toute logique et « Zombie Girl » permet de faire un nouveau crochet sur « Song ». Puis Adrianne délaisse temporairement sa guitare pour le piano. Elle y interprète sur la pointe des pieds le bouleversant « Evol » dans un moment de grâce inoubliable. Histoire de sécher les larmes qui ruissellent maintenant, la chanteuse prend la parole et explique que le piano et le violon sont ses instruments favoris, ajoutant que la guitare et la voix, qu’elle pratique depuis si longtemps ne lui semblent même plus être des instruments. Ses cheveux bruns ont repoussé, il tombent sur ses yeux, les repoussant en soufflant dessus sans succès elle s’amuse à dire qu’ils sont comme ses lunettes de soleil. « Not a lot, just forever », issu de « Songs » apporte une nouvelle note de bien-être à l’instant. Son titre colle parfaitement avec un voeu pieux que l’on fait dans un murmure, le concert pourrait seulement durer pour toujours ….Quelques titres plus tard, voilà que l’un des singles de « Bright Future » pointe le bout de son nez « Sadness as a gift ». Toujours beau, jamais triste, sa discographie est peuplé de cette idée de transcender les douleurs pour en tirer de la grandeur. Mais rien ne dure pour toujours, il faudra se dire au revoir sur « Anything ». Il faut se plonger une dernière fois dans cette voix de soie, s’en imprégner pleinement. Le piano et la guitare s’emballent, se font jeu plus que mélodies, un peu comme lorsque les chatons jouent du piano dans les Aristochats. Eh puis, ici c’est Paris, après tout. Les musiciens saluent humblement le foule qui applaudit à s’en rompre le coeur. Un dernier espoir peut-être ? Adrianne Lenker accepte d’offrir un cadeau à son public parisien avant de partir, cette fois pour de bon. Derrière sa guitare, en solo, elle interprète pour la toute première fois en live « Ruined », le titre qui avait dévoilé son dernier jet.  La rupture avec ce moment suspendu, quand les lumières se rallument, est presque violent tant il dénote avec l’euphorie vécue. Le lendemain matin, la capitale profitera d’un rayon de soleil. Adrianne Lenker aura sûrement chassé les nuages, alors que le souvenir de son concert lui se gardera précieusement au creux du coeur, comme lorsque l’on s’éveille d’un merveilleux songe.


Ce printemps est riche en sorties ! Les singles d’artistes confirmés ou de nouveaux venus fleurissent et laissent rêveurs quant auxla sortie d’albums à venir. Sommes-nous à l’aube de l’écoute de ce qui peuplera les tops albums de fin d’année ? Un chose est certaine, l’excellence est de rigueur.

singles 2024Beth Gibbons – Reaching Out

Voix légendaire d’un groupe tout aussi légendaire, Beth Gibbons, meneuse de Portishead, se lance en solo. « Live Outgrown » sera intégralement dévoilé le 17 mai sur l’excellent label qu’est Domino Records. A en juger par ses dates françaises annoncées et immédiatement sold out, l’attente est très grande. Album introspectif, il est le résultat d’une réflexion à mi-parcours lorsque le temps ne permet plus de se projeter dans le futur de la même façon et que le passé vient vous hanter en apportant sa dose de nostalgie. Les adieux ont peuplé la création de cet opus, ceux notamment à l’ancienne Beth Gibbons.  Maternité, mort, anxiété et ménopause viennent s’ajouter aux thématiques portées. Ce parcours, il transpire dans les premiers extraits dévoilés de ce qui se profile comme étant un joyaux. « Reach Out », est le second single à avoir pointé le bout de son nez. Loin de la Trip Hop de Portishead, on découvre des mélodies hantées comme son interprète mais aussi puissantes comme le culte « Glory Box » auquel elle doit sa gloire. Tempo ralenti, voix inimitable au centre des compositions, et émotions à fleur de peau viennent peupler les deux morceaux dévoilés. Le premier, « Floating on a moment », clairement lyrique s’offrait des choeurs doux, en échos du chant  et évoquait des bourrasques de vent venant tout balayer sur leur chemin. L’écriture et la production y atteignaient des sommets de précision. « Reaching Out » démarre plus rapidement que son prédécesseur. Ces instruments donnent la réplique à des rythmiques extrêmement précises.  Mais c’est comme toujours dans ses montées vocales que le titre tire son épingle du jeu et se glisse sous la peau de son auditeur. Le clip profite également d’une version interactive et représente la chanteuse, à différentes étapes de sa vie, en chute libre dans un paysage spatial. A écouter avant de découvrir cet album conçu comme un bilan qui promet déjà d’être l’un des plus importants de l’année.

Goat Girl – Motorway

Les londoniennes de Goat Girl sont de retour ! Elles reviendront le 7 juin avec leur troisième album « Below the Waste », un concentré de synth-pop et ses accents rock à fleur de peau. Pour le présenter, celles à qui l’on doit l’immense « Anxiety Feels » proposent d’écouter « Motorway ».  Comme toujours avec la formation, la douceur est autant de mise que la capacité à jouer des rythmes avec une grande modernité.  Le titre spacieux s’offre une construction hypnotisante, une douce montée et un final inoubliable. Il parle de longs trajets en voiture, sur la banquette arrière, les parents à l’avant et les visages d’anonymes qui défilent. Il faut dire que le mouvement est particulièrement propice à l’écoute. Avec un talent indéniable Lottie Pendlebury et ses acolytes remplissent les esprits d’images très claires, de trajets infinis et de moments de rêveries. De son côté « Below the Waste » comportera 16 titres et invite à redéfinir ce qui n’est plus utile, la place des sous-produits dans une société moderne et ce qu’est la laideur face à l’oppression. Toujours dans sa lignée entre folk, synth pop et noise rock, le trio vise toujours l’excellence tirant le meilleur de tous ces courants pour offrir une proposition enivrante, douce mais joyeuse, entrainante et très joliment construite. Instruments à cordes et à vent additionnels ainsi que des choeurs réalisés par les amis et la famille des musiciennes promettent de s’ajouter aux composition dont la tracklist a été réalisée en Irlande. Si l’attente jusqu’au 7 juin parait interminable, il faut aussi noter que le groupe promet de fêter la sortie de cet album le 8 octobre au Point Ephémère de Paris.

Fontaines D.C – Starburster

Ils sont de retour et ils mettent toujours tout le monde d’accord ! De notre rédac à celle toujours pointue de Gonzaï, les choses sont claires : Fontaines D.C est l’un des groupes de rock les plus importants et talentueux de ces dernières années. Chacune de ses sorties d’album tient évidemment office d’évènement et promet des sommets de qualité.  « Romance » prévu pour le 23 août ne devrait pas déroger à la règle. Les rois en offrent enfin un tout premier extrait : « Starburster » au mois d’avril. On s’attend évidemment en le découvrant à de l’excellence et voilà que la barre est mise encore plus haut. Comment peut-on à ce point se renouveler sans jamais perdre de vue son essence ?  Une introduction obsédante, des boucles savamment travaillées, un refrain claustrophobe, haletant où le souffle prend une place centrale (brillante mise en perspective musicale), et puis juste avant son final vient un revirement, temps de pause avant une dernière course.  Il faut dire que le titre s’inspire d’une crise d’angoisse vécue par Grian Chatten dans la gare de St Pancras à Londres.  Addictif , il promet le meilleur pour ce quatrième jet qui officialise également la signature du groupe sur le label XL Recordings. 11 titres nous attendent, compilation d’idées des différents membres du groupe mais aussi inspirés par l’animé Akira. C’est aussi la première collaboration du groupe avec le producteur James Ford ( Arctic Monkeys, Gorillaz, Depeche Mode…) et il est pitché comme étant l’album le plus ambitieux que le groupe ait réalisé jusqu’ici. Tout un programme quand on voit la puissante machine à tubes que peut être Fontaines D.C. L’année 2023 consacrait Grian Chatten en solo alors que son album comptait parmi les meilleures sorties de l’année. Nul doute que 2024 offrira la première place des classements à « Romance ».

Isolation – Creature Lies

Place à de la nouveauté et à des français s’il vous plait ! Pour l’occasion il faudra un peu tricher puisqu’Isolation s’offre ses tous premiers pas en avril 2024 et délivrera le 1er mai son premier EP, « Creature Lies ». Un premier extrait du même nom vient tout juste de se dévoiler pour promettre des compositions viscérales, bouillonnantes et radicales. Isolation, il faut le dire, à toutes les cartes en main pour frapper fort et juste. Aux commandes, on retrouve Raphaël Balzary, ancien des immenses We Hate You Please Die ainsi que Julien, Lounès, Enzo et Cyprien de Cheap Teen. Le savoir-faire rock des deux équipes se complète parfaitement formant un cercle surpuissant pour mieux englober les genres. Le chanteur y apporte une touche qui fait des ravages, jusqu’au boutiste et des parties screamées complètement endiablées. A cela s’ajoutent une introduction et des couplets au rock franchement moderne, élégant et travaillé. Ce premier extrait obsédant joue sur les registres, les empilant et additionnant en quelques 3 minutes. Grand écart à bout de souffle, écrit en fil tendu, montagne russe émotionnel rock, « Creature Lies » réussi le pari d’introduire ses brillants compositeurs comme un groupe qui marquera les esprits de la scène française. En attendant de pouvoir en écouter plus, reste à réserver sa soirée  du 8 mai puisque la formation se produira au Supersonic de Paris. Le résultat sur scène ne peut qu’être un beau moment au vue du parcours de ses fondateurs. Vivement le 1er mai !

Wu-Lu – Daylight Song

Excellence encore, excellence uniquement. Le 17 mai , Wu-Lu le musicien originaire du sud de Londres dévoilera son nouvel EP : « Learning to swim on empty ».  Ce dernier, signé chez Warp Record, s’écrira comme un journal intime. Il y sera question de son enfance à Brixton, de perte, de mort et du sentiment d’être jeté dans le grand bain. Autant de thématiques qui ne font que renforcer l’attente. Pour s’en donner un avant-goût, un premier extrait « Daylight song » a déjà été dévoilé. Différent de l’énergie que l’on découvrait sur son premier album, Wu-Lu y offre un titre au tempo ralenti qui fait la part belle à ses rythmiques, aux boucles très calibrées et dont la composition sait se faire immédiatement obsédante. Ce joyau a l’élégance britannique que l’on peut attendre du compositeur de génie mais y ajoute une atmosphère intimiste à pas de velours. Moins survolté que ces prédécesseurs, plus rock que le génial ‘Times » qui empruntait au Hip Hop, ce « Daylight Song » s’avère être d’une efficacité redoutable et prouve que le musicien sait se renouveler sans jamais perdre de vue ce qui faisait sa force. Le successeur de l’album « LOGGHERHEAD » sorti en 2022 contiendra 7 titres et permettra de redéfinir le son de son compositeur qui a toujours su tirer le meilleur du punk , du trip hop et du grunge les faisant cohabiter dans une interprétation sombre de ce les 90’s avaient de meilleur à offrir. L’odyssée imprévisible qu’était ce premier jet existera-t-elle toujours ? Il y a fort à parier que oui, en lui ajoutant une jouissive touche de modernité à n’en pas douter.