Michael Kiwanuka. Son nom est une évocation du sublime. C’est peut-être avec la série « Big Little Lies » que vous avez d’abord entendu ses morceaux. Du moins l’incroyable « Cold Little Heart » qui constituait son générique. Pourtant le britannique a su se détacher du simple attrait d’un single à série pour se constituer un univers d’une beauté rare et une discographie qui ne lasse jamais. En novembre 2024, il publiait son quatrième opus : « Small chances ». Un bijou, une fois de plus. Le chanteur donnait donc rendez-vous à son public le vendredi 28 février au Zénith de Paris pour le présenter. Nous avons eu la chance d »y assister, on vous amène dans cette soirée aux couleurs ocres.
Michael kiwanuka au pays des rêves
Il faut suivre ses rêves. « Follow your dreams », c’est le septième titre du dernier né de Kiwanuka. Mais aussi aussi le second morceau interprété ce soir au Zénith de Paris. Il aura fallu attendre 21 heures 15 pour voir débarquer sur scène l’incroyable musicien. Et faire la queue, le public du chanteur étant plutôt de l’école dernière minute pour entrer dans la salle. Normal, me direz-vous, point de groupies ce soir, ils et elles sont plutôt des adeptes de la musique et de la musique seulement. Voilà qui tombe bien puisque Kiwanuka est là pour proposer un véritable tour de force de cet art. A ses côtés, de très nombreux musicien.nes et un choeur. Les couleurs chaudes prennent possession du Zénith. Un bâton d’encens fume sur scène, des lampes donnent le sentiment de s’être installé dans un salon cosy. L’hiver s’est arrêté. Il a laissé son blanc manteau aux portes de la salle de concert dès que les premières notes de « The Rest of me » ont commencé à résonner. La voix grave de notre hôte n’invite qu’à la relaxation. Ici tout n’est que luxe, calme et volupté. Le luxe, le vrai se constitue surement d’instants de grâce, de petits moments de perfection, d’un bien-être que rien ne saurait troubler comme c’est le cas en cet instant. Et tant mieux si le tout résonne en chacun.e comme un rêve éveillé, car, nous le disions, ce soir nous allons suivre nos rêves et la figure onirique qu’est Kiwanuka pour se faire.

Régner sur le monde magique des salles de concerts
La musique de Michael Kiwanuka ne saurait souffrir d’aucune interruption. D’ailleurs, le maitre des lieux sera finalement peu loquace. Quelques remerciements chaleureux viendront ponctuer la soirée. Pour autant, la communication n’en est pas amoindrie. Bien au contraire. La musique, le plus beau des langages, constitue la conversation rêvée de cette soirée presque parfaite. La set list défile avec aisance. « Father’s child » est interprété puis l’immense « Black Man in a white world » issu de l’album « love & hate ». L’occasion de rappeler les origines ougandaises du chanteur dont les parents avaient fuit le régime d’Idi Imin Dada. Et si on en profite pour se permettre quelques pensées à résonance actuelle, l’immense talent de notre homme pourrait bien être une bonne claque à la figure de nombre de nos dirigeants se permettant de questionner les vertus de l’immigration à coup de discours nauséabonds. Nul besoin en revanche de devenir un Michael Kiwanuka en puissance pour faire un pied de nez à un discours montant, qu’il faudra toujours combattre. Mais ne nous égarons point et revenons à notre soirée et donc à ce morceau à la résonance si puissante, dans son texte, son interprétation fabuleuse et surtout son choeur dont l’écho n’a de cesse de faire frissonner. Nos parlions plus tôt de soirée – presque – parfaite. Pourquoi ce presque ? Outre l’évidente référence au diner presque parfait, qui pourrait bien coller à une soirée qui mérite un 10/10 en toute seconde ( point besoin d’aller la noter dans les toilettes, revenez !), le presque tient au choix de la salle du Zénith. Bien que ce soir sa disposition lui offre un univers bien plus cosy, la forme de sa fosse, le manque de possibilité de bien se placer, le public peu avare d’un placement en avant scène viennent à enrayer l’atmosphère si relaxante qu’instaure notre musicien. Le lieu est peut-être trop grand pour profiter pleinement de la communion offerte. « Rule the World » (issu de « Love & Hate ») résonne ensuite et le son particulièrement bien géré, donnent à tout l’assistance le besoin de faire Kiwanuka le maître incontesté du Monde.
Notre maison, encore…
Un écran géant en arrière-scène vient ajouter une touche de beauté supplémentaire au moment. On y découvre des visages souriants, de tout âge, de toute origine. Des moments de beautés, de profonde plénitude. Un brin de fumée s’invite aussi à la soirée. Une brume de douceur. Nous sommes chez nous, dans un lieu où seule la bienveillance peut exister. La scène du Zénith est devenu le salon de Michael Kiwanuka. La musique en parcourt chaque recoin, elle vient masser nos cerveaux et nos coeurs. Debout, dans la fosse, le son nous permet de nous installer confortablement, se faisant fauteuil pour l’occasion. « Hero » ampli la salle. Le morceau issu de l’album « Kiwanuka » envahi les esprits. Les musiciens se complètent et forment un tout avec cette voix soul si puissante, leur précision est obsédante. Et puis finalement, comme notre instinct nous l’avait fait deviner, Kiwanuka parle de foyer avec l’un de ses plus grands succès « Home Again ». Hymne empli d’espoir, promesse d’un nouveau jour qui arrivera, de la force que nous retrouverons. Cette promesse vient percuter chaque spectateur ce soir qui chante avec lui. Les doutes s’envolent, si notre héros le dit, un jour on se sentira forts à nouveau. La set list défile à toute allure et le temps d’un premier au revoir pointe trop rapidement le bout de son nez. C’est un nouvel extrait de son dernier album qui vient à conclure ce premier acte : « Stay by my side ».

Des au revoir emprunt d’amour et non de haine
L’amour c’est aussi et surtout ce qui définie le mieux la performance de Kiwanuka. Et pas ce type d’amour forcé de pop star qui passe sa soirée à offrir de longues tirades pour constamment parler d’amour ou dire aimer son public. Non, nous en sommes loin. Loin des clichés, loin du forcing, loin des habitudes, des gimmicks de spectacle. L’amour ce soir, il se distille dans l’air, il apparait naturellement, il prend position parce que ce concert sent la sincérité. Parce que surtout, il sent l’adoration de la musique, de la vivre et la partager. Aussi essentielle que l’air que l’on respire. Et qu’importe si la set-list se répètera dans d’autres villes, demain, après-demain et les jours qui suivent. La sincérité touchante d’un moment parfaitement harmonieux suffisent à le rendre sincère, à en faire un souvenir précieux. « Lowdown » et ses deux parties peuplent les retrouvailles du rappel et « Four long years » viennent le clore non sans que chaque musicien.e n’ait été au préalable présenté.e. Sans trop attendre, un dernier rappel vient sceller nos tristes au revoir. L’immense « Cold Little Heart »résonne enfin, dans une version à l’intro écourtée. Mais dans un format idéal pour le live. Puis enfin, une dernière note d’amour sur « Love & Hate ». L’amour et la haine, le ying et le yang, l’équilibre toujours. Si tout doit être équilibré, alors dehors en quittant le Zénith, le Monde semblera brouillon, stressant, anxiogène pour compenser l’harmonie éprouvée. Heureusement, on gardera la lumière apportée par Kiwanuka dans nos petits coeurs, parfois trop froids.
