Tag

Lulu Van Trapp

Browsing

Lulu Van Trapp dévoilait le 19 avril son nouvel album « LOVECITY ». Un album qui se laisse aller à une dominante clairement pop sans pour autant perdre son esprit rock. Comme toujours avec l’équipe, qui a décidé de ranger ses costumes pour montrer son vrai visage, les morceaux comme les textes reflètent d’un engagement profond. Pour le féminisme, mais aussi pour l’art, pour l’envie de bousculer les codes et inviter le plus grand nombre à la réflexion. Le groupe qui a l’habitude de se mettre à nu sur scène sait aussi le faire en interview. Avec Rebecca, on parle de pop, du corps féminin, de se réapproprier son corps, du pouvoir de l’amitié, de l’art qui bouscule, d’art populaire, de nudité, de violence mais aussi de Catherine Ringer.

Lulu Van Trapp @ Edouard Richard
Lulu Van Trapp @ Edouard Richard
Pop&Shot : LOVECITY  sortira le 19 avril, comment le décririez-vous en quelques mots ?

Lulu Van Trapp – Rebecca : LOVECITY parle de ce qui nous rattache et nous éloigne de la ville – de notre ville, Paris. Cet album traite de la relation amour-haine qu’on peut avoir à l’encontre de là d’où on vient, de ce qui fait à la fois notre fierté et notre faiblesse. Et de comme cette relation peut se propager jusqu’à l’intérieur de nos corps, nos relations amoureuses et amicales. LOVECITY part d’un constat sombre sur le monde qui nous entoure, et finit sur un espoir lumineux en notre génération et les suivantes, une foi inébranlable en l’amitié.

C’est un album qui parle beaucoup d’amour mais surtout d’amour entre amis comme un remède. L’amitié est-elle un remède aux maux d’amour ?

Lulu Van Trapp – Rebecca : A travers les chansons de cet album mais aussi notre expérience personnelle depuis que nous en avons entamé la création, nous avons réalisé que l’amitié est décidément la plus solide des formes d’amour. L’amitié est libre du capitalisme, elle n’obéit à aucun contrat, à aucune monnaie. C’est le dernier lieu de liberté et c’est là que nous puisons notre force. L’amitié nous a à de nombreuses reprises sauvé.e.s du chagrin d’amour et peut même avoir la force de nous sauver de cette époque dure et solitaire. C’est de ça que parle LOVECITY aussi, cette ville d’amour qu’on imagine, elle brille en nous.

Ce n’est pas toujours facile et harmonieux de se situer à la croisée des contraires, mais l’assumer en fait une force.

La volonté de faire cohabiter punk et pop a toujours fait partie de votre ADN. C’est un titre qui tire sur la pop qui ouvre l’opus : « L’amour et le Bagarre ». Ce sont aussi deux mots qui représentent bien votre groupe. Etait-ce une façon de donner une définition immédiate de l’univers de Lulu Van Trapp ?

Lulu Van Trapp – Rebecca : On peut dire ça oui! Après, la définition se situe plutôt dans ce titre que dans les paroles de la chanson, qui déroule une relation toxique comme on les connaît et les expérimente souvent à nos âges, que l’on a essayé d’écrire sans jugement ni morale. C’est bien dans l’espace où ces deux mots se cognent qu’on peut définir Lulu Van Trapp, en effet. Entre amour et bagarre, punk et pop. Ce n’est pas toujours facile et harmonieux de se situer à la croisée des contraires, mais l’assumer en fait une force.

Ce qu’on montre dans l’amour et la bagarre, c’est l’image même du consentement.

Lulu Van Trapp @ Edouard Richard
Lulu Van Trapp @ Edouard Richard
Son clip avait pour but de transcender la violence. Loin de la violence gratuite, il s’agissait de violence reçue et donnée volontairement. Tourner cette vidéo, était-ce cathartique pour vous ? Comment avez-vous fait pour rompre le schéma classique de la violence que l’on voit beaucoup à l’écran ?

Lulu Van Trapp – Rebecca : On a écrit le scénario à quatre mains avec Lucie Bourdeu, qui a aussi réalisé notre clip BRAZIL. On y retrouve les thèmes qui nous obsédaient alors et nous obsèdent encore, que nous continuons à creuser et déconstruire, avec au centre la ré-appropriation de la violence par, et non plus contre, le corps féminin. En effet, dans l’un comme dans l’autre nous montrons des personnages féminins puissants et impénitents, initiatrices de la violence et jamais victimes de celle-ci. Tout au plus sado-masochistes ou carrément psychopathes, mais jamais victimes. De plus, ce qu’on montre dans l’amour et la bagarre, c’est l’image même du consentement. C’est un fight club où une bande de potes se mettent sur la gueule sans conséquences pour extérioriser la violence subie dans la société. Et n’est-ce pas là notre rôle d’artistes ? Nous emparer de l’imagerie de notre époque et en faire un objet qui fait s’interroger, qui en démontre le cynisme? Le point de vue de la caméra nous le montre bien, s’attardant sans cesse non pas sur celle.ui qui donne mais celle.ui qui reçoit le coup (la bagarre) qui est voulu, désiré comme un baiser (l’amour). C’est un clip profondément féministe, au regard féminin et empathique sur une femme dé-chaînée.

Le titre « Geisha » parle de place dans la société en tant que femme. Pourquoi avoir choisi cette figure de dame de compagnie très traditionaliste pour illustrer ce propos ?

Lulu Van Trapp – Rebecca : Encore une fois, pour faire briller la thématique par son contraire. Je ne dirais pas que « Geisha » parle tant de la place de la femme dans la société que d’habiter son propre corps pleinement. Et d’admettre que même le détester, c’est le considérer, donc le posséder. Après, en effet, les femmes vivent plus que quiconque leur place dans la société, à travers, en dépit de, et assignées à leur corps. C’est une chanson qui veut surtout donner de la force. Quelle que soit la façon dont on vit son corps, il prend de l’espace, il existe, on ne peut disparaitre / on ne peut nous faire disparaitre. Il faudrait nous tuer pour cela. Et la deuxième partie du refrain parle bien de ça : qu’on me cache / me torde / je remplis l’espace – peut importe ce que l’on fera subir à nos corps, nous existerons. C’est une chanson pour affirmer son existence, sa légitimité, sa place. Ce qui est drôle, c’est que bien que ce soit une voix féminine qui la chante, la chanson n’est pas genrée. Et pourtant, quand on l’écoute on ne peut qu’assumer que c’est d’une femme dont on parle. Et là se situe le coeur du problème de la perception de la place de la femme dans la société.

C’est la nudité le véritable uniforme qui nous met toustes au même niveau.

Le corps a une place centrale dans l’univers de Lulu Van Trapp. A la Maroquinerie vous aviez par exemple invité des spectateurs.trices à se mettre entièrement nu.e.s sur scène. Comment cette nudité est-elle synonyme d’art et de liberté dans votre univers ?

Lulu Van Trapp – Rebecca : Je trouve que la nudité dénuée de préméditation est ce qui représente le mieux le lâcher prise d’un concert. C’est la métaphore de ce que nous faisons quand nous sommes sur scène, mettre nos sentiments à nu, se donner à l’exercice complexe d’être complètement honnête. A travers la nudité nous sommes tous égaux.égales. Il n’y a plus de symbole de différences de classe, culturelle ou sociale. C’est la nudité le véritable uniforme qui nous met toustes au même niveau. Je pense aussi que la nudité simple, sans forme de strip tease, sans accessoires ni atours, nous permet d’accéder à un regard dénué de sexualisation. C’est une façon de rendre humble face à ce que la nudité représente, de boycotter les regards non-désirés, de se ré-approprier son érotisme à travers un acte très pur et un retour aux sources, à l’état sauvage.

notre volonté est pop au sens populaire du terme

Lulu Van Trapp @ Edouard Richard
Lulu Van Trapp @ Edouard Richard
Cette idée de nudité peut choquer. Le choc dans l’art peut être essentiel pour faire passer des messages. Vous pensez qu’aujourd’hui l’art peut-il encore être bruyant, radical et donc à contre courant des mœurs ?

Lulu Van Trapp – Rebecca : Il est même nécessaire que l’art reste ainsi, c’est le devoir des artistes! Avec Lulu Van Trapp, nous voulons nous inscrire dans le genre musical de la pop. Le rock, le punk, le hip hop, sont des genres qui nous traversent et nous alimentent, mais notre volonté est pop au sens populaire du terme. C’est à travers la pop qu’on veut faire passer des messages qui toucheront un maximum de personnes, qui seront le plus ouverts (sans être policés). Se dire qu’on fait de la pop force à penser son message différemment. Quand on fait du rock , on pense « contre » la société, quand on fait de la pop on pense « avec », et on trouve ça infiniment plus interessant, subversif et dangereux aussi! On regrette qu’il n’y ait pas plus d’artistes qui mêlent engagement et art. Nos paroles ne sont pas toujours directement engagées, mais notre engagement politique irrigue tout ce que l’on fait. Et oui, l’artiste qui cherche à plaire à tout le monde, ne choquer personne et présenter un visage agréable, est pour moi un commerçant d’art.

Le costume a une place centrale dans vos concerts. Pourtant cette fois, vous ne voulez plus jouer de rôles. Comment ça va se matérialiser sur scène ?

Lulu Van Trapp – Rebecca : Je vous rassure, le costume continue et continuera d’avoir une très grande place. Nous avons un tel goût pour ça que c’est impossible de le dissocier de la performance. Mais ce que nous voulons dire par là, c’est que plutôt de continuer d’incarner une multitude de personnages et de muer sans cesse d’identité, nous avons enfin trouvé la nôtre et sommes dans une volonté d’explorer toutes les facettes du même costume, au plus près de ce que nous sommes vraiment.

« Pornbooth » tranche en milieu d’album, déjà avec ses paroles en anglais mais aussi avec ses sonorités disco / dance rétro. Il est aussi le résultat de réflexions intérieures qui surgissent. Quelle est son histoire ?

Lulu Van Trapp- Rebecca : « Pornbooth » s’inspire de ces chansons et duos qu’on pouvait souvent entendre dans la variété française dans les 80’s, avec des couplets en français et de refrains en anglais. On trouvait drôle de surfer sur notre double identité en l’assumant à fond. Et même de métisser la chanson au point d’avoir une instru d’inspiration « française » pour les couplets ou Max chante et plutôt « brit » pour les refrains ou je chante. C’est la seule chanson de l’album qui ne parle pas directement de nos expériences, mais où on s’est amusé.e.s à imaginer une cyber relation entre un mec un peu paumé et pas tout à fait déconstruit – mais sur la voie, on sent qu’il se cherche – et une camgirl de l’autre côté de l’océan. Lui, chante son amour à sens unique, puisqu’il est pour elle perdu dans la marée de clics qu’elle reçoit à la minute.

Elle, chante sa propre désillusion face à son métier qu’elle trouve parfois un peu vide de sens (car non reconnu et non encadré!) mais aussi son empouvoirement d’utiliser fièrement son corps comme gagne pain (plutôt que d’être soumise à lui, ce qui est de toute façon la façon dont la majorité des femmes vivent leur corps – pourquoi  ne pas en tirer de l’argent du coup?), de faire payer les hommes pour pouvoir le regarder et prendre sa revanche sur ce regard dont ils pensent avoir le droit de jouir gratuitement (harcèlement de rue par exemple). Mais aussi sa solitude parfois, de danser seule dans sa chambre pour l’oeil d’une caméra. On a adoré enregistrer cette chanson, car comme tous les duos de l’album, on l’a chantée en même temps avec Max, en se regardant, en dialoguant réellement, en riant, en se plongeant dans les émotions l’un de l’autre. On a vraiment incarné ces personnages le temps d’une chanson.

Ce ne serait pas notre ville si on ne voulait pas constamment la fuir mais qu’elle nous manquait aussi à chaque fois qu’on en est loin.

Lulu Van Trapp @ Edouard Richard
Lulu Van Trapp @ Edouard Richard
LOVECITY c’est Paris, votre ville, celle qui vous a porté en tant que groupe. Elle a bien des visages cette capitale, de la ville romantique, à celle détestée, des clichés aux nuits endiablées. C’est quoi le Paris de Lulu Van Trapp ?

Lulu Van Trapp – Rebecca : Grande question! Déjà ce ne serait pas notre ville si on ne voulait pas constamment la fuir mais qu’elle nous manquait aussi à chaque fois qu’on en est loin. En vrai nos sentiments face à cette ville sont plutôt bien résumés dans la chanson city girl. Notre carte de paris à nous va de Saint Ouen à Ménilmontant en passant par Pigalle et SSD. C’est petit mais c’est là qu’on vit, qu’on a grandi et enregistré notre musique, comme un village.

L’album a été masterisé par Mike Bozzi, comment était-ce de travailler avec lui ?

Lulu Van Trapp – Rebecca : Nous n’avons pas été en contact direct avec lui, mais plutôt le réalisateur et producteur de l’album, Azzedine Djelil. Le son qu’il nous a proposé nous a tout de suite plu et intrigué, car il poussait la volonté « pop » de l’album plus loin encore, avec un son à l’américaine, la voix hyper définie qui surplombe une instrumentalisation qui laisse la place aux kicks, aux basses, avec les guitares et les synthés qui explosent parfois, mais sinon un medium assez en retrait. Assez différent de notre premier album, masterisé par (rip) John Davis aux studio Metropolis, qui avait un son « brit » plus agressif et rock. Ici, la place est faite à l’aspect dansant de l’album, tout en préservant son côté vraiment « chansons ».

On a particulièrement aimé le moment où elle a foutu la honte nationale à Macron

Lulu Van Trapp @ Edouard Richard
Lulu Van Trapp @ Edouard Richard
Même si ce n’est pas réellement une influence, vous avez été comparés souvent aux Rita Mitsouko, peut-être par besoin de mettre les artistes dans des cases. Vous disiez que vous respectiez énormément Catherine Ringer. Elle a chanté pour l’entrée dans la constitution du droit à l’avortement. Etait-ce un moment inspirant pour vous ?

Lulu Van Trapp – Rebecca : Oui, même si le gouvernement pour lequel elle a chanté ne nous inspire que du dégoût. On a particulièrement aimé le moment où elle a foutu la honte nationale à Macron en l’ignorant au moment où il essayait de la féliciter, et par là s’approprier son acte d’ailleurs.

Lulu Van Trapp sera en concert à la Machine du Moulin Rouge le 23 mai 2024.

 


We Love Green 2023 : concerts ver(t)s le futur

La résilience. N’est-ce pas un concept qui colle bien aux temps actuels ? Nourris aux…

Lulu Van Trapp - Maroquinerie - 2022

Lulu Van Trapp fait danser les coeurs au Bal de l’Amour (reportage)

Reportée à deux reprises, le 7 avril 2022 avait enfin lieu la release party à…

LULU VAN TRAPP

Lulu Van Trapp – Une pépite pop, rock et baroque à découvrir d’urgence

Lulu Van Trapp … Vous voyez les années 80 ? Vous voyez la fougue d’un…

mama festival 2021
Photo : Louis Comar

Depuis deux ans Pigalle s’était endormie. Ces dernières semaines quelques vibration la faisaient timidement sortir de son sommeil. Et puis un jour, le grand réveil a – enfin- pointé le bout de son nez. Le MaMA festival & convention 2021 était là pour rendre au quartier son incursion dans le monde merveilleux de la musique live. Évènement emblématique du quartier, incontournable pour les professionnels de la musique et les amateurs de programmations pointues, ces trois jours étaient là pour rassembler, rencontrer et profiter de concerts (presque) comme avant. Nous y étions.

Se parer de jaune, vert et rose 

Pandémie oblige, le pass sanitaire est obligatoire pour rentrer dans les lieux nombreux du festival. Ainsi le marathon dans Pigalle commence chaque jour par la récupération du précieux sésame à l’entrée du Trianon : un petit bracelet aux couleurs du programme de la journée. Ce ne sera pas la seule salle concernée par la très dense programmation du MaMA. Cette année, en plus des bars, du FGO Barbara et des évènements en OFF, huit salles ont été réquisitionnées pour profiter pleinement des festivités. Quelques trois de moins que lors de précédentes éditions. Exit le Bus Palladium et le Carmen, la faute sûrement à imputer à la pandémie et aux jauges réduites. Malgré tout la Boule Noire, la Cigale, le Backstage ou encore la Machine ne dérogent pas à la règle et font partie des lieux qu’il est bon retrouver.

Une journée au MaMA, ce n’est pas uniquement de la musique, c’est aussi une quantité de professionnels, quelques 6589 cette années parmi lesquels labels, programmateurs, tourneurs, bookeurs, RP, etc., venu profiter de cette grand messe conviviale autour de vitrines musicales et de conférences. Il faut aussi compter sur des entrepreneurs venus présenter leur projet sur les stands de ce salon hors normes. D’ailleurs, le féminisme est grandement mis en avant pendant ces trois jours : l’application Safer présente sur le site qui a pour but d’alerter en cas d’agressions en festivals ( une bonne idée après les nombreux scandales connus notamment au Hellfest), les affiches contre le harcèlement réparties sur tous les sites du festival et le projet Lapee récompensé par le MaMA Invent RIFFX qui lui a pour but de créer des urinoirs (roses) pour les femmes en festival .

Une chose est sûre, dans cette partie Convention de l’évènement, il y a du beau monde. Que ce soit la ministre de la Culture Roseline Bachelot et son passage le jeudi ou bien Jean-Michel Jarre, Étienne de Crecy et Ben Barbaud, ils sont nombreux à avoir fait le déplacement.

Il mixait du piano debout.

S’il y a bien une chose que tout le monde vous dira au MaMA, c’est que vous allez marcher. Cette édition ne déroge pas à la règle, c’est un vrai marathon. Comme toute course il y a une ligne de départ, et c’est Laake, à la Cigale qui est chargé de sonner le début des hostilités. L’artiste surprend et impressionne avec son show. Posté devant son piano à queue agrémenté d’un synthé, d’un pad et d’autres appareils pour rajouter des sonorités électroniques, il ne se ménage pas. Debout, il est entouré d’un orchestre et comme un chef il mène ses troupes à la baguette pour livrer une époustouflante prestation qui laisse le public sans voix. L’électro y est soigné, mis en valeur, les sonorités sont variées, les compositions pointues. Laake est de ces claques qu’il fait bon prendre. Il est une prise de dialogue entre les courants et les instruments, polyglotte du langage universel qu’il sublime au grès de ses notes.

La course ne fait que commencer, plus de 121 groupes jouent cette semaine. Le MaMA c’est un festival empli de surprises, mais aussi de quelques déceptions… C’est notamment ce qu’il se passe dans la tête des spectateurs restés bloqués à l’entrée du concert de Thérèse. L’artiste se produit dans le cadre intimiste du théâtre de dix heures, enceinte bien trop petite pour le public venu la voir en nombre. Il faut dire que l’artiste chouchoute des foules est promise à un grand avenir et que son show déplace en masse. Qu’à cela ne tienne, il faudra changer de salle pour ne pas perdre une minute de la soirée.

Des déceptions comme celle-ci il y en a quelques-unes. C’est par exemple aussi le cas avec la sensation Terrier. L’artiste programmé au théâtre des Trois Baudets attire les foules et voit malheureusement bon nombre de ses fans coincés devant les portes la salle. Cela fait partie du MaMA, c’est le jeu.

Un rythme effréné pour des rencontres au sommet.

Entre deux concerts il faut traverser tout Pigalle. Passer de la Cigale à la Machine du Moulin rouge c’est 5 minutes à pieds selon Google Maps. En temps de MaMA c’est au moins 30 minutes. Déjà il faut slalomer entre les gens sur le trottoir,

mama festival 2021
Photo : Louis Comar

mais surtout en profiter pour échanger avec les très nombreux acteurs du milieu présents sur site. Quel plaisir de discuter au détour d’une ruelle avec le très talentueux Œte, auteur charismatique de chansons françaises aux qualités et à la candeur subjuguantes, de rire aux éclats avec Carole Pelé  , musicienne arty aux sonorités urbaines maîtrisées qui mélange les genres et l’expression plastique, de boire un verre avec Coco Bans, la franco-américaine à la pop survoltée ou bien de retrouver  l’inénarrable, engagée et virtuose Thérèse au bar de la cantine après son concert. Ce quartier et ce festival ont une âme et cela passe par ces échanges.

C’est avec beaucoup d’émotion qu’il faut se confronter au terrible dilemme d’enrichir ces moments ou de retourner dans une salle de concerts. Pourquoi choisir quand on peut faire les deux ? Le Backstage by The Mill et Ko Shin Moon tendent leurs bras vers les spectateurs pour les inviter à se retrouver entre amis autour d’une pinte de Guinness. Le duo au sonorités arabisantes et indiennes emporte l’audience vers des contrées lointaines. L’immersion est là. Les instruments traditionnels couplés à des sons électroniques fonctionne particulièrement bien ensemble. Point de surprise tant la modernité musicale s’inscrit dans ce mélange des nations et des sons. Un terrain qu’il est bon de voir exploiter par le duo hypnotisant qui invite autant à la danse qu’au voyage.

Le temps file, il ne faut pas rater la jeune Dirtsa qui se produit juste à côté dans une Machine du Moulin Rouge bien remplie. L’artiste est proche de son public, souriante et n’hésite pas à partager sa vie entre deux titres pleins d’énergie. Véritable machine à remonter le temps, elle propose des compostions à la force d’une certaine Mary J Blidge s’osant parfois à flirter avec les Fugees. Sans plagier ces références, la musicienne apporte avec une énergie bien à elle, une touche de modernité à ces années musicales prolifiques, rappelant aussi que la r’n’b est de retour et qu’il a gagné avec le temps les lettres de noblesses qui ne lui étaient pas accordées lorsqu’il était conjugué au passé.

De l’autre côté, à la Cigale c’est Sopico qui transmet toute son énergie à la foule compacte. La sensation rap de la soirée est bien là et propose un concert fidèle à sa réputation : énergique, joyeux et plein de sincérité. Il faut pourtant noter que face à l’engouement acquis avec son premier essai « Slide », le reste de l’album peine à s’inscrire dans un tel coup de génie, au risque de tomber dans des travers urbains bien connus de tous. Le nouvel âge d’or du rap français lui vaut pourtant une attrait partagé par une foule conquise en demande de cette typologie artistique.

Juste en dessous à la Boule Noire, c’est un tout autre registre. Le Noiseur est bien plus triste que son collègue du dessus, mais n’hésite à faire un peu d’humour noir tout en second degrés pour détendre l’atmosphère de la salle. Le temps fort de ce set chanson pointu s’invite dans ses pointes de second degrés. Une légère ré-interprétation de « Je m’appelle Hélène » ne manque d’ailleurs pas de mettre en joie une salle  comble et réceptive. Ses mélodies et son timbre rauque empruntent d’ailleurs régulièrement au rock pour parfaire une atmosphère mélancolique.

Du très bon et de l’excellent.

Au MaMA il y a des concerts, des rencontres mais aussi de belles invitations. En effet, en OFF de nombreux organisateurs prennent d’assaut les bars et lieux alentours pour présenter leurs institutions. Non loin de l’Élysées Montmartre, sur le trajet du bus 85 ce sont les organisateurs des Francofolies qui sont présents. Plus haut dans Pigalle, dans le joli bar du Progrès la maison de disque et distributeur Baco Records prend l’apéritif avec ses partenaires et quelques curieux. Ces moments de partages et d’échanges, si caractéristiques du festival permettent de lancer comme il se doit le deuxième jour des festivités.

La Machine du Moulin Rouge attend ce soir les férus de (très) bonne musique. Le premier artiste à se produire sur cette scène, nouveau nom sur toutes les lèvres, Lulu Van Trapp est la coqueluche du MaMA 2021. Une performance pour FIP au Trianon plus tard et voilà la bande propulsée à la Machine. Sur place les lumières rouges se font échos de sonorités en deux teintes. Rouge (lumières) Rita Mitsouko, à  laquelle s’ajoute la fougue des débuts du groupe le plus sexy que la France ait connu. Mais aussi  bleu, sans candeur mais avec une énergie plus rock lorsque la formation passe à l’anglais. Les 4 musiciens ont une fougue sensuelle en live qui donne à la salle bétonnée une intimité  usuellement propre aux bars clandestins. La faute à une chanteuse à la voix de velours qui s’ose même à un bain de foule en fin de set. Ses puissantes montées lyriques donnent un ton de diva aux accords rythmés d’un groupe qui ose et qui réconcilie avec beauté une France sulfureuse du passé avec une Angleterre à la sagesse relative.

Ce jeudi affiche complet, il est encore plus compliqué que la veille de rentrer dans les salles. La faute à cette programmation éclectique qui séduit. Entre deux devantures criardes aux néons scintillants, se dresse fièrement le théâtre des Trois Baudets. À l’entrée de celui-ci, un petit hall d’accueil où l’ambiance début 20esiècle du bar et son jukebox font office de sasse entre la folie du monde extérieur et la légèreté de la musique de David Numwami. L’artiste instaure dès son entrée sur scène une proximité déconcertante avec le public. Aviez-vous déjà vu un musicien venir serrer la main des spectateurs du premier rang ? Eh bien il l’a fait. Dans un registre aussi urbain que dansant, il transporte la salle assise dans un voyage solaire et plein de vie.

Côté Backstage les gagnants des précédentes éditions des Inouïs font leur show. Parmi eux,  l’époustouflant Vikken, tire une nouvelle fois, comme sur le Printemps de Bourges, son épingle du jeu. Le chanteur sublime l’électro, ré-invente le chanté phrasé. Son set intimiste même dans une salle pleine, touche droit au coeur. Ses textes sont le support de riffs profondes et puissantes alors qu’il distille avec force un message à marteler propre à la tolérance et la bienveillance sur la transidentité. A écouter d’urgence.

La soirée avance et une agitation se fait ressentir dans les rues de Pigalle. Tout le monde semble se diriger au même endroit : dans notre chère Machine du Moulin Rouge. La foule se tasse devant les portes et joue des coudes pour rentrer dans la salle devant le regard patient des agents de sécurité. C’est comme si tout le monde avait besoin de sa dose de post punk. Pour administrer cette dose se sont les si talentueux Structures qui se présentent. Devant une salle débordante, le quatuor livre une prestation patronne. Sueur, crowdsurfing, bières volantes et musique enivrante, l’atmosphère rappelle les sous-sols des pubs londoniens. Structures frappe très fort ce soir et réinvente la notion de tête d’affiche. Pas besoin d’avoir des années de carrière derrière soit pour rassembler et fédérer les foules autour de la musique. Sans glisser un mot entre ses titres, le groupe galvanise une audience plus que captive, en sueur et en joie, exaltée, aussi électrisée que les guitares qu’elle écoute.

Les retrouvailles ne font que commencer

Pendant ces trois jours de festival, ce sont 45 nationalités représentées qui se retrouvent sur les espaces conventions et les 10 scènes de l’évènement. Dans la majestueuse salle de la Cigale, November Ultra est là pour présenter ses titres. Armée de sa guitare et de sa voix de velours, l’artiste propose un concert que le public contemple avec intérêt. Celle qui est passée par le tremplin de Rock en Seine ou encore la scène de l’Olympia en première partie de Pomme, n’hésite pas à plaisanter avec l’audience. Elle propose aux spectateurs ayant le permis une chanson correspondant parfaitement à la bande originale d’un film pendant une scène de trajet en voiture. Sauf qu’il faudra la chanter dans sa tête après le concert car le titre n’est pas encore sorti. Tant pis pour les futurs trajets en voiture donc ! Outre les plaisanteries, la chanteuse émeut l’assistance à coup de guitare acoustique soignée et de voix structurée qui n’est pas sans rappeler une certaine Adèle.

À l’autre bout de Pigalle, au Backstage by The Mill, des sonorités hispaniques se font entendre. Ojos sont bien présents pour scander leurs titres. La formation anciennement connue sous le nom d’Holy Two livre une prestation solide quelques semaines après leur concert réussi en première partie de Thérapie Taxi à L’Olympia. Le duo a troqué sa pop pour des sonorités urbaines et des assonances latinos, moins sombres et bien plus dansantes que sur leur dernier projet.

Quelques mètres plus loin, dans la chaleureuse Machine du Moulin Rouge, Roseboy666 et ses invités font trembler le sol de la salle. Avec un DJ armé d’un chapeau en tulipe, le musicien fait le show et révèle des beats urbains accueillis par une foule ultra réceptive. L’occasion d’en profiter pour aller voir ce qu’il se passe à l’étage inférieur, dans la Chaufferie. Entre les machines et les smileys qui regardent le publics, la soirée Rappeuses en liberté bat son plein. Certains profitent de la musique, d’autres jouent à la marelle, le temps est à l’amusement et au partage. Le dispositif qui s’est couplé au MaMA pour cette édition propose un accompagnement de figures féminines du Hip Hop et propage l’esprit engagé de l’évènement.

Pour bien terminer la soirée Lucie Antunes accompagnée du collectif Scale a la lourde de tache de clôturer les concerts de la Cigale. La salle est comble, le public ne s’y trompe pas, c’est le concert à ne pas manquer ce vendredi. La prestation, enfin le show dantesques que présente l’artiste est une réelle expérience visuelle. Lucie Antunes est entourée de bras robotiques soutenant des barres led, le tout piloté en direct depuis la régie. L’effet est bluffant et donne à ce concert une dimension magistrale. Les mélodies et la pluralité des instruments utilisés ajoute à l’effervescence du moment, aussi pointu que calibré.

Aux sons des dernières notes de musiques jouées, une certaines mélancolie s’installe. Cette grande colonie de vacances qu’est le MaMA se termine déjà. Alors les 12 000 personnes présentes repensent à leurs coups de coeurs musicaux de la semaine, ces rencontres inattendues à un coin de rue, tous ces rires émanant du bar de la cantine, les coeurs se font lourds. Deux ans que ce festival n’avait pas eu lieu, ces retrouvailles en fanfares laissent de très beaux souvenirs et plein d’espoir pour la suite.


LULU VAN TRAPP

Lulu Van Trapp – Une pépite pop, rock et baroque à découvrir d’urgence

Lulu Van Trapp … Vous voyez les années 80 ? Vous voyez la fougue d’un…

Thérèse solo

Thérèse : « Ce qui est intéressant c’est quand un combat qui se veut communautaire devient universel. » (Interview)

Le 12 mars 2021, Thérèse fêtera son anniversaire. Le 12 mars un an plus tôt…

mama festival 2018

MaMA Festival 2018: déambullations en musique (Retour sur 3 jours de découvertes que vous devez écouter!)

[list1][/list1] Du 17 au 19 octobre 2018, le MaMa festival investissait les salles du quartier…