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HERVE VICTOIRES DE LA MUSIQUE 2021On n’arrête plus la tornade Hervé. Révélé au Printemps de Bourges 2019, la musicien a depuis su fédérer autour de lui un public friand de son univers atypique et sensible. Pendant le confinement de mars, le chanteur dévoilait une vidéo décalée dans laquelle faire des crêpes pouvait devenir un véritable moment de danse et d’art pour le titre « Si bien du mal ». Son premier album « Hyper » sorti en juin a tout pour redorer l’image de la musique francophone en marchant dans les pas d’Angèle, Carla Luciani et surtout d’Eddy de Pretto qu’il cite volontiers. A l’instar de ce dernier, Hervé mise sur le franc-parlé et les morceaux où chanson, french touch, électro et textes se côtoient. Une belle prouesse qui lui vaut d’être nommé aux Victoires de la Musique 2021. Une place bien méritée pour celui qui innove sans cesse tout en faisant de son naturel un atout maître. Rencontre avec un véritable artiste.

L’interview d’Hervé pour les Victoires de la Musique


Pendant le confinement, les compères d’Isaac Delusion ont travaillé à la composition d’un nouvel EP « Make It ». Au programme cinq titres à leur sauce et reconnaissables entre tous entre électo, rock, nouvelle vague … Loïc et Jules, fondateurs du groupe ont profité de cette sortie pour répondre aux questions de Popnshot. On parle création, collaborations, libertés, confinement, concerts, science et E.T.

Isaac delusion
crédit : Paul Rousteau

Comment décririez-vous votre nouvel Ep qui sort le 23 ?

Isaac Delusion :  C’est un EP qu’on fait dans des conditions très particulières, pendant le confinement, alors que l’on devait être en tournée. Il a été fait entièrement à distance, c’est une nouvelle manière de travailler. On n’avait jamais travaillé comme ça. On a eu le temps de faire de la musique et le résultat est tel qu’on l’attendait.

Et travailler comme ça c’était pas trop compliqué ?

Isaac Delusion : C’était pas compliqué, c’était bizarre. On préfère travailler tous les deux en direct, en réel avec des vraies personnes.

Et cette période particulière vous avez voulu la retranscrire dans votre musique ? Ou plutôt mettre de côté ?

Pas vraiment, non. On a mis ça de côté. C’était un sujet que l’on ne voulait pas aborder. C’était une manière de ne pas y penser.

Le fait de pouvoir faire des concerts, sans crainte, juste pour écouter de la musique, pour passer un bon moment, c’est quelque chose d’assez primordiale pour moi.

J’ai lu dans une interview d’Indiemusic que vous trouviez votre premier album trop mainstream, le deuxième trop écrit. Vous êtes très critique sur votre travaille. Est-ce que sur celui-ci vous le remettez déjà en questions ou à l’inverse vous êtes content et fier de votre œuvre ?

Isaac Delusion : La musique c’est un apprentissage infini. On est toujours en train de se chercher, d’évoluer. Un artiste qui n’évolue pas c’est un peu un projet mort. Les mots qu’on mettait sur nos albums, nos « critiques » comme sur le premier et le deuxième, il y avait des choses qu’on n’arrivait pas à cerner, il y avait une dimension incomprise. La musique évolue en permanence, rien n’est figé. Les attentes et les goûts sont en perpétuels mouvements. On a passé un cap, on essaye de ne plus être critique sur notre travail, on essaye de produire des choses, de les sortir. Ce qui est déjà pas mal.
Au-delà de ça, on est très content de ce que l’on a fait, on en est fier. Les critiques qu’on en a faite, c’était  une manière de désavouer les choses qui sont faites, qui sont figées. On aura toujours envie de faire différemment.

Il y a un morceau, » make it« ,  que vous avez fait avec Silly Boy Blue. Vous pouvez me parler de cette rencontre artistique ?

Isaac Delusion : On évolue dans une sphère musicale, où on n’est pas nombreux à Paris et même en France à avoir le même esprit. Ce côté onirique de la musique est quand même assez large et n’a pas vraiment d’équivalent. On a trouvé une identité intéressante et originale. Des artistes qui rentrent dans le cadre de notre musicalité se retrouvent plus dans les pays anglosaxons. Silly Boy Blue on l’avait repérée avant de faire un featuring avec elle. On a le même manager, qui nous a présenté. On a accroché avec elle et on l’a fait chanter sur l’un de nos morceaux. C’était une première pour nous d’avoir quelqu’un d’extérieur. On trouve que cela a porté le morceau dans une dimension différente de ce que l’on a l’habitude de faire. C’est une super expérience que l’on va reproduire par la suite. On adore sa musique.

Isaac Delusion feat. Silly Boy Blue - Make It | A COLORS SHOW

C’est difficile de parler de musique en se détachant de l’actualité. Vous avez une tournée de prévue. Comment l’envisagez vous ? Comment l’appréhendez vous ?

Isaac Delusion : On prend les choses au jour le jour. Des dates ont déjà été annulées, d’autres devraient l’être. On a une chance assez incroyable de tourner en ce moment. On est ravis d’y arriver dans ce contexte. C’est pas facile, avec un public assis. Tout le monde préférerait plus de convivialité. Tout s’est toujours bien passé, et cela ne retire rien au plaisir.

Sur votre album Rust & Gold il y avait le titre  » Voyager ». Si vous pouviez voyager aujourd’hui, où est ce que vous  iriez ? Le voyage vous inspire?

Isaac Delusion : C’est une de nos grosses thématiques. C’est inspirant pour n’importe qui. Si on pouvait voyager où est-ce qu’on irait ? A la mer !
Moi je suis déjà à la mer ahah (Loïc).
Dans un endroit chaud avec la mer, comme Bali ou Le Sri Lanka (Jules)

Vous avez fait un live à la Cité de Sciences et de l’industrie. Il avait la particularité d’être une médiation scientifique. Pour vous comment l’art et la science peuvent-ils cohabiter ? Et comment c’était de jouer là-bas ?

Isaac Delusion : (Loïc)Pour ma part c’est un endroit où j’ai grandi. Ma mère m’emmenait souvent à la Cité des Sciences découvrir pleins de choses, faire des expériences. C’est rempli de souvenirs. Le fait de faire un concert là-bas je l’ai pris un peu comme une consécration.
(Jules) Je suis d’accord avec toi, j’ai les mêmes souvenirs d’enfance et c’était très cool de bosser là-bas.
Concernant le lien entre les sciences et la musique, on est dans une époque où les sciences impactent beaucoup la musique, on est dans un monde digital, où il se passe beaucoup de choses. Il y a plein de nouveaux instruments de musique qui sortent tous les jours, qu’on avait jamais vu avant. Il y a des nouvelles méthodes de travail, presque révolutionnaires, où tout est possible de faire même dans des tout petits objets. Il se passe quelque chose de très intéressant dans la musique. On fait une musique assez synthétique, on est très friands de ces nouvelles technologies qui sortent et qui changent la donne, la manière de faire de la musique et qui font évoluer cet art.

Isaac Delusion
crédit Paul Rousteau

Si on pouvait envoyer un morceau à une forme de vie extraterrestre, lequel choisiriez-vous pour vous présenter ?

On choisirait « Midnight Sun ». C’est notre premier morceau composé ensemble. Cela a été un succès immédiat. Il a marqué le début de l’aventure pour nous. C’est un morceau très simple, minimaliste, très dénudé, qui va vraiment à l’essentiel. L’essence du projet se trouve dans ce morceau. C’est vraiment ce morceau là qu’on enverrait à E.T..

L’art c’est déjà liberté. Le fait de pouvoir en vivre c’est la liberté absolue

Dernière question, en ce moment on parle beaucoup de liberté, que ce soit d’expression ou de mouvement. Pour vous la liberté en tant qu’artistes, qu’est-ce que c’est ?

Isaac Delusion : On a plusieurs façons d’interpréter la liberté en tant qu’artiste. L’art c’est déjà liberté. Le fait de pouvoir en vivre c’est la liberté absolue. On est « très mal placé » pour expliquer ce que c’est que la liberté vu que notre métier c’est déjà une liberté énorme.
Il y a une part de liberté à prendre concernant les réseaux sociaux. Les artistes contemporains, on attend d’eux qu’ils se dévoilent, qu’ils montrent leurs vies privées, qu’ils expliquent ce qu’ils font. On attend d’eux qu’ils mettent tout le temps du contenu, finalement sans profondeur. La liberté de tout artiste c’est communiquer ce qu’il souhaite communiqué quand il souhaite le communiqué de la manière qu’il le veut. De ne pas se sentir obligé de tout le temps communiquer avec les gens de façon très creuse, comme maintenant devenu la norme.
Pouvoir continuer à vivre en tant qu’artiste et de communiquer que de l’art.

Des projets pour l’avenir ?

Isaac Delusion : Faire le plus de concerts possibles. Sortir de cette période qui complique la vie de tout le monde. Le fait de pouvoir faire des concerts, sans craintes, juste pour écouter de la musique, pour passer un bon moment, c’est quelque chose d’assez primordiale pour moi.


Ralph of London
crédits : Heiko Prigge

Le 13 mars 2020, tout juste avant le confinement, Ralph Of London dévoilait sa seconde galette brit-pop « The Potato Kingdom ». Porté par son talentueux chanteur originaire de  Londres, Ralph donc, le groupe indé y révèle une esthétique aussi populaire que sophistiquée et des paroles incisives oscillant entre romantisme et satyre social. Aidé par une troupe native du Nord de la France ( Diane, François, Léopold et Maxime), le musicien crée une bande son lumineuse d’une main de maître. Le 19 juin, les acolytes dévoieront le clip de leur dernier single :  « Dotty » et y parleront des folies que l’on peut faire par amour. A cette occasion, le groupe a accepté de répondre aux questions de PopnShot. Un échange passionnant  au cours duquel ils abordent tour à tour la brit pop,  les communautés musicales, la pop française, les concerts post-confinement, l’amour, le punk et  Van Gogh

Dans votre biographie, votre musique est décrite comme « do it yourself ». On sait que la charge de travail pour les artistes indépendants est colossale, comment gérez-vous tout ça et jusqu’où est-il possible de tout faire soi-même ?

Ralph : On utilise le mot « DIY » pour décrire l’esthétique de notre musique. Cela signifie que l’on reste fidèles à l’impulsion ou l’idée initiale, aussi bien dans l’enregistrement que dans le mix. Gérer nous-mêmes le côté plus “administratif” du projet sert à protéger et renforcer notre éthique. Pour le moment, c’est le seul modèle que nous avons essayé donc son efficacité se révèle en principe dans notre travail.

Vous êtes inspirés par la pop britannique, qu’est-ce qui vous parle dans ce courant ?

Ralph : Il y a toujours eu une forte veine d’irrévérence dans la musique britannique qui provient du bas de la société. Cette énergie était à un moment donné le domaine privilégié de la culture des jeunes britanniques, et l’est toujours en grande partie, mais maintenant il y a d’autres proliférations de la même énergie qui viennent d’autres générations, c’est peut-être plus intéressant maintenant que ça ne l’a été auparavant.

François : L’Angleterre a musicalement été imprégnée par son melting pot, créant des styles variés et marqués d’influences. Nous pensons davantage à la philosophie d’inspiration et d’initiation de l’Angleterre qu’à une résurgence du mouvement pop.

 

Mais la France pourrait porter plus haut cette notion de communauté musicale.

 

 Londres, que vous évoquez jusque dans votre nom de groupe, a une véritable aura musicale ; on imagine en y pensant un rock indépendant local. Alors que votre chanteur vient de Londres, pensez-vous que la France ou Paris a une telle aura musicale ?

Diane : Je ne dirais pas que Paris en particulier a une aura musicale, mais que la France, internationalement, a apporté sa pierre à l’histoire musicale. La pop française est à différencier de la pop anglaise mais n’est pas incompatible. L’aura française est à mon goût moins punk et plus sophistiquée peut-être. Paris est tout de même, pour les français, le seul moyen de vraiment percer. Comme partout, la capitale centralise les meilleures opportunités, les meilleures salles de concert et peut-être un public plus ouvert à la diversité. Mais le reste de la France offre également sa part de diversité et de belles découvertes.

Ralph : La France a cette aura dans certaines villes dans lesquelles nous avons joué. La seule différence est où ces personnes regardent. À Londres, il y avait avant un sentiment de communauté musicale très fort, communauté au sein de laquelle on trouvait représentation et validation ; je doute fort que cela existe encore. Mais la France pourrait porter plus haut cette notion de communauté musicale. C’est quelque chose que l’on garde en tête lorsque l’on communique sur notre travail, cette notion d’appartenance, de voix commune.

La crise du Coronavirus a particulièrement touché l’industrie de la musique qui en souffre encore énormément. Comment vivez-vous tout ça ?

Diane : Le confinement en France est tombé quelques jours après le lancement de notre album “The Potato Kingdom”, ce qui nous a énormément affecté. Cependant, les concerts annulés et le contexte général étant au questionnement et à la remise en question, nous avons fait de même. On a décidé de se placer en tant qu’observateurs, de composer de nouveaux morceaux et de reprendre la communication sur l’album au bon moment. C’était comme une période de résidence improvisée.

François : Oui, la période de confinement a été plutôt salutaire pour nous dans la mesure où nous venions de lancer l’album, nous étions épuisé et avions besoin de repos. Cela a également marqué une césure avec nos travaux passés, amenant une nouvelle ère pour notre musique.

 

Il n’y a rien de pire qu’un public stérile, immobile trop intellectuel pour répondre physiquement au son.

 

Le rock est vecteur de partage, de pogos et d’énergie, vous pensez que concerts pourraient réellement rimer avec gestes barrières ?

Ralph : Les concerts devraient être rythmés d’une dose d’instabilité et de frénésie. Il n’y a rien de pire qu’un public stérile, immobile trop intellectuel pour répondre physiquement au son.

François : Notre musique est plutôt de la Shit-Pop que du Rock, nos concerts ne sont pas faits pour les pogos (en tout cas pas encore).

Vous citez le génial Elliott Smith parmi vos références, qu’est-ce qui vous parle chez cet artiste ? Sa musique est une véritable catharsis, c’est quelque chose qui existe également pour vous lorsque vous composez ?

Ralph : Elliott Smith a un style de composition qui correspond à sa façon de conjurer et de transporter l’émotion. Il est l’un des oracles du songwriting. Si vous soupçonnez que votre travail manque de quelque chose, vous consultez l’oracle.

Diane : Oui, je pense que dans notre cas, comme dans le cas de beaucoup d’artistes, la composition et l’écriture sont le moyen d’exorciser des émotions internes et personnelles ou alors universelles pour lesquelles nous sommes hôtes pour un certain temps.

François : L’humour en interne au sein du groupe est aussi une catharsis ; un humour à l’image des facettes les plus noires de l’humanité parfois.

Votre dernier single « Dotty » parle de ceux qui sont capables de faire des folies par amour. Quelle est la chose la plus folle que vous ayez faite par amour ?

Ralph : Me déraciner de ma vie londonienne et emménager en France pour continuer la musique.

Diane : J’ai conduit à droite un énorme SUV dans les Cornouailles sur des petites routes rocailleuses dans la nuit et en hauteur et je me suis retrouvée au bord d’un précipice, une roue dans le vide.

La chose la plus folle que tu peux faire pour l’amour de la musique, c’est te débarrasser de toutes les illusions de sécurité et de confort, de gain matériel et te plonger simplement dans ton travail la tête la première.

Quelle est la chose la plus folle que l’on pourrait faire selon vous par amour de la musique ? Est-il encore possible de choquer et dépasser les limites en musique comme le punk avait pu le faire en son temps ?

Ralph : Je dirais que la musique est un véhicule pour porter l’énergie de l’amour, de la politique ou de la philosophie. Dans le cas de la musique Punk, la musique coïncide avec quelque chose qui bouillonnait déjà à la surface de la société. Le punk était un bon catalyseur pour beaucoup de changements sociaux. Je pense que c’est toujours possible mais le faire ne te permettra pas nécessairement de faire la une des magazines et de la TV. L’industrie musicale est trop intelligente maintenant pour ce type de synthèse cinétique entre idées et sons pour être à la tête d’un mouvement. De nos jours, tout tourne autour des gens qui doivent payer leurs factures. La chose la plus folle que tu peux faire pour l’amour de la musique, c’est te débarrasser de toutes les illusions de sécurité et de confort, de gain matériel et te plonger simplement dans ton travail la tête la première.

François : Travailler dur pour la musique est le meilleur exemple. Le mythe de Sisyphe d’un groupe indépendant. Si nous composions un album par semaine avec pochette et clips, cela serait une belle preuve d’amour mais nous mourrions littéralement de fatigue. Quoi de plus romantique ? La frenzy scénique est ce qu’il reste de plus évocateur, la fureur de jouer, la vraie. Les ersatz du jeu de scène actuellement me font rire ; ce sont des pièces de théâtre calibrées, pré-écrites, rien de plus.

 

Nous rappelons que la pop est populaire.

Votre univers est empreint d’un certain grain de folie, d’ailleurs c’est bien ce qu’évoque un titre comme « The Potato Kingdom », d’où vient-il et que signifie-t-il ?

Ralph : Vraiment ? Nous pensions que toute la folie venait du monde par-delà les murs du Royaume. La plupart des gens ne savent pas avec certitude s’ils sont intramuros ou extramuros.

Diane : Tout est dit dans l’album : “Tout est rien, la vie est une patate”.

François : Nous avions un jour parlé avec Ralph du tableau de Van Gogh “ les Mangeurs de pommes de terre », qui demeure une peinture populiste, portée par un médium réservé à une certaine élite pour représenter le peuple. Je pense que cela représente bien la philosophie du Potato Kingdom avec ses travers et ses joies. Nous rappelons que la pop est populaire.

On traverse une période particulière, alors quel morceau serait selon vous, la bande originale parfaite pour raconter l’année 2020 ? 

Ralph : « Riverman » de Nick Drake. Il y a quelque chose qui hante et qui est incertain dans ce morceau. Comme si la nature conspirait, le morceau nous laisse comme à la merci d’une force inconnue. J’aime la capacité qu’a la musique à désarmer la conscience de l’égo.

Diane : La nature tente de reprendre ses droits avec violence ; les oubliés, les trop longtemps rabaissés se soulèvent. C’est une période excitante dans un sens, qui laisse entrevoir que peut-être le monde pourrait s’embellir. Mais pour ça il faut que chacun prenne ses responsabilités, change sa façon de consommer et de penser le monde, et surtout il faut que personne n’ait la mémoire courte…  Kel Tinawen – Tinariwen “The uprising will be impossible to suppress”

 François : Le choix est difficile. Je dirais « Down of the Iconoclast » de Dead Can Dance qui est un groupe que j’admire ; la chanson sonne comme un Lacrimosa, une Thrène, en la mémoire des victimes. Le recueillement est nécessaire pour apaiser les âmes des défunts.


 

Steve Hewitt, vous l’avez découvert lorsqu’il était le batteur de Placebo. Depuis, le musicien a pris de l’assurance et a monté en 2010 l’énorme groupe de rock Love Amongst Ruin en s’entourant notamment de Perry Bamonte qui jouait avec The Cure. Devenu chanteur et guitariste, Steve Hewitt excelle et produit un nouveau son résolument rock, transformant la colère en énergie pure. En 2020, le groupe revient avec un troisième album « Detonation Days ». Ce dernier profitera d’un format particulier puisque les morceaux seront dévoilés un par un avant de devenir un opus entier. Rencontre avec un grand nom de la musique qui nous parle de ce nouvel album mais aussi du renouveau de l’industrie musicale, du streaming, des réseaux sociaux, du Brexit et du monde actuel.

(Ndlr : Cette interview a été réalisée avant la crise sanitaire du Coronavirus et le confinement )

 

De nouveaux morceaux arrivent pour Love Amongst Ruin qui sont teasés par un premier titre Seventh Son, que peux-tu nous dire à ce sujet ?

Seventh Son sera le premier morceau à sortir pour présenter le troisième album de Love Amongst Ruin. C’est différent de l’album Lose Your Way parce que c’est beaucoup plus contemporain, c’est une tentative de mettre en avant la musique rock. La manière dont j’ai crée cet album est très différente de mes habitudes. Plutôt que d’écrire de nouveaux morceaux, il s’est agit d’apprécier de nouveaux sons et de nouvelles textures qui ont inspirés les titres. Seventh Son vient de quelque chose d’ancien qui parait pertinent aujourd’hui. C’est un lieu parfois obscure mais aussi un endroit où les gens peuvent se cacher lorsqu’ils veulent se rendre invisibles dans leurs vies et pour le reste du Monde et ce lieu existe.

Pour toi le 7 être symbole de chance comme de malchance, pourquoi avoir choisit ce chiffre ?

A notre époque, le numéro 7 est un chiffre chance qui apporte la fortune et le succès. Mais à l’époque médiévale c’était un chiffre sombre et démoniaque. si tu étais le 7ème fils alors tu étais un paria et damné. Je trouvais intéressant de souligner à quel point la société humaine pouvait changer à travers les siècles.

Tu veux sortir un nouveau titre chaque mois, as-tu déjà écrit tous les morceaux ? Quand et comment sauras-tu que tu as un album entier ?

 L’industrie musicale est en train de changer et j’essaie de m’y adapter. Le changement se situe dans la manière dont la musique est distribuée et écoutée. Je ne pense pas que les gens écoutent encore des albums, parce que trop de morceaux sortent tous les jours et qu’il est impossible pour qui que se soit de rester informé de tout ce qui se passe. Je pense que plutôt que de sortir une chanson pour un album qui disparaitra dans l’obscurité, il vaut mieux faire en sorte que chaque titre soit sa propre entité. Mais j’ai assez de morceaux pour sortir un album, pas d’inquiétudes à ce sujet.

Je prie Dieu que les gens veuillent toujours écouter des albums entiers

Pourquoi l’avoir intitulé « Detonation Days » ?

Et bien, Denotation Days est un titre qui m’inspire bien puisqu’il me permet d’écrire sur ce qui se passe dans le monde en ce moment. Et ce que c’est de vivre dans ce Monde. Et j’ai bien peur que ça ne s’empire avant de pouvoir s’améliorer.

 

Pourquoi évoquer une trilogie quand tu parle de cet opus ?

 Je parle de trilogie puisque s’agira du troisième album de Love Amongst Ruins, rien de plus. Il pourrait être le dernier ou pas, qui sait…

Tu parles beaucoup d’avoir une approche moderne de la consommation de la musique, de streaming notamment. Penses-tu qu’aujourd’hui la création d’un album soit toujours pertinente ? Quelles différences vois-tu entre notre époque et tes débuts dans la musique ?

Je crois que le vinyle est un véritable levier et que si l’album est bon alors il restera toujours une oeuvre d’art. Je prie Dieu que les gens veuillent toujours écouter des albums entiers. La différence c’est que quand j’ai commencé on découvrait la chanson à la radio ou la télé et puis on allait chez le disquaire acheter l’album et ça représentait beaucoup plus alors que maintenant c’est plus simple. Tu écoute un titre et puis tu as juste à cliquer. J’imagine que le processus émotionnel pour trouver une chanson s’est un peu perdu.

Tu expliquais récemment que pour toi il est de plus en plus difficile de catégoriser les genres musicaux. Penses-tu que tout ce qui était faisable dans la musique rock classique est maintenant fait et qu’afin de créer de la nouveauté , il faut mélanger les styles musicaux ?

 Je pense qu’on a vraiment atteint un point où tout ce qui pouvait se faire dans la musique a été fait et ça devient plus difficile d’être original. Ceci dit le mélange des soit-disant genres permet de créer de la nouveauté. Ca date depuis un bon moment maintenant, depuis les début du hip hop. La même chose se produit dans le rock. Il n’y a qu’un certain nombre de notes que tu peux jouer et un certain nombre de façon d’incorporer et de les mélanger les genres pour déguiser ce que tu joues. Mais aujourd’hui les genres n’existent plus, il n’y a plus qu’une grande zone grise dans laquelle tout se confond et se mélange. Tout ce qu’on écoute aujourd’hui utilise des éléments passés qui ont fonctionné.

On a juste besoin d’un nouvel act rock, que la nouvelle génération sorte les guitares et la batterie et joue du rock.

En France c’est le hip hop qui est en tête des charts, une idée de comment le rock pourrait lui voler la vedette ?

Haha, impossible pour moi de répondre, si je le savais, j’ouvrirai un énorme label en France. Je ne pense pas que le rock ait déjà été leader du marché en France, c’est culturel. Les USA et la Grande-Bretagne se sont toujours définis par le rock classique, là où la France est plutôt dans l’âge moderne porté par des crooners traditionnels et des chanteurs du hit parade, il y a également une grande scène électro très forte de nos jours. On a juste besoin d’un nouvel acte rock, que la nouvelle génération sorte les guitares et la batterie et joue du rock.

 

 

Le premier album de Love Amongst Ruin parlait de souffrance et de colère.  Le second, plus abouti, avait plus de confiance en lui. A quoi peut-on s’attendre pour ce troisième act ?

Ce troisième album est en train de prendre forme mais c’est aussi le moment d’observer le monde et ce qu’il s’y passe. Je ne veux pas faire de la politique pour autant, il s’agit plus de parler d’où j’en suis dans ma vie en ce moment.

Love Amongst Ruin est un nom de groupe très fort, dans quel état d’esprit étais-tu lors de sa création ? Te sens-tu maintenant plus à l’aise derrière un micro et une guitare que derrière une batterie ?

J’ai crée ce groupe par nécessité d’exprimer mes idées. Je n’aurai jamais pensé de la vie devenir un chanteur. J’ai toujours écrit et composé donc c’était assez naturel pour moi. Mais m’habituer à chanter dans un groupe ça a été beaucoup de travail ne serait-ce que pour me convaincre que j’en étais capable. Je suis maintenant plus à l’aise avec le fait de chanter et de jouer de la guitare mais je serai toujours heureux de jouer de la batterie. 

Les musiciens se succèdent à tes côtés sur ce projet. Est-ce facile de garder une identité de groupe malgré ça ? 

Love Amongst Ruin  c’est essentiellement moi., peu importe qui joue avec moi même si quelques musiciens jouent régulièrement à mes côtés aujourd’hui. J’ai travaillé avec Donald Ross Skinner sur tous les albums, on écrit ensemble, on joue ensemble sur les enregistrements donc ça ne change qu’en live quand des musiciens nous rejoignent. Ce qui peut vraiment changer les choses se sont les producteurs qui décident de nous co-produirent.  C’est toujours bon d’avoir un troisième ou un quatrième avis. C’est facile de retenir l’identité d’un groupe puisque ce sera le même frontman, ça ne changera pas et ce quelque soit le groupe.

 

 

Que peux-tu nous dire de « Dream », le prochain extrait à sortir ?

Dream devrait être le second titre à être dévoilé même si pour l’instant ce n’est pas figé. Cette chanson parle d’un artiste qui a atteint un point dans sa vie où il se demande si ce qu’il fait est bon et souffre d’un manque de directives. C’est globalement un manque d’estime de soit lié à la crise de la quarantaine. Il passe alors ses journées à avoir trop peur de faire quelque chose à ce sujet. 

Quand les gens vont en concert pour regarder leurs écrans de portables, là je me demande ce que c’est que cette merde ??!!

Comme beaucoup de musiciens tu utilises énormément les réseaux sociaux. Penses-tu qu’ils sont de bons outils pour le développement des artistes ? 

Les technologies modernes sont une bonne chose, il n’y a rien de mauvais dans le progrès et ça aide les musiciens à diffuser leur musique.  Ce que signifie être un musicien a entièrement changé de nos jours et ça n’est pas un problème. Mais quand les gens vont en concert pour regarder leurs écrans de portables, là je me demande ce que c’est que cette merde ???!! Ils passent à côté de l’intérêt du concert. Mais au final les réseaux sociaux restent une bonne chose pour les musiciens.

Le Brexit est passé et les artistes anglais devront maintenant repasser par la case visa pour leurs tournées européennes.  Comment vis-tu cette actualité en tant que musicien ?

Pour moi, le Brexit a été une perte de temps totale. j’ai voté pour rester dans l’Europe donc maintenant je dois faire avec la décision de quelqu’un d’autre. C’est une véritable emmerde et un bouleversement au-delà de l’imaginable. Je ne veux pas plus en parler puisque c’est une véritable connerie. 

je pense que le rock peut être la réponse aux problèmes de ce monde. 

Alors que ce monde tend à se renfermer sur lui-même, que les extrêmes montent, que les fake news circulent, penses-tu que la musique, ce language universel peut être une réponse. Le rock et sa révolution ressemblent-ils à une solution ?

Je ne suis pas certain que le monde soit devenu plus disparate  que jamais, tout le monde a son opinion, même les politiques n’arrivent pas à se mettre d’accord dans leurs partis respectifs. C’est à cause de tout ça que la musique a de plus en plus de mal à unir les gens.  C’est pourtant elle qui a toujours eu le pouvoir de les bouger et de leur faire ressentir quelque chose et je pense, mais je ne suis pas sûr que le rock puisse être la réponse aux problèmes de ce monde. 

 

Après avoir tourné avec Placebo, tu tournes avec LYS et Love Amongst Ruin, qu’est-ce qui a changé sur scène pour toi ?

La grande différence lorsque l’on vient me voir sur scène maintenant est que je joue avec plus de monde, c’est important d’essayer de nouvelles choses et d’agrandir son expérience en tant que musicien. C’est important de rester pertinent dans la musique et d’embrasser le futur, c’est même vital. Il faut continuer d’aimer ce qu’on fait et d’aimer se renouveler, c’est ce que je fais depuis 30 ans et je vais continuer à le faire. J’aime rencontrer de nouvelles personnes dans la musique qui viennent de différents styles. C’est fabuleux.

On peut s’attendre à une tournée française ?

J’espère pouvoir tourner en novembre avec le groupe donc continuez à nous suivre.