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Interview

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Un mot : essentiel, a beaucoup occupé l’espace médiatique et politique depuis le début de la crise du Coronavirus. On nous a parlé de courses essentielles, mais aussi de déplacements essentiels. On nous a parlé de réduire nos activités à l’essentiel. On nous a demandé et contraint à suivre ce principe, ce mot aveuglément. Et à en juger par les réseaux sociaux, ce qu’il fallait faire a fait débat. Il faut dire que l’essentiel peut prendre autant de formes qu’il existe d’individus. Qu’est-ce que l’essentiel pour chacun de nous ? Qu’est-ce qui est essentiel pour un artiste ? Pour le Monde ? Voilà des questions qui ont intrigué l’équipe de Popnshot, désireuse de mieux comprendre ce mot, aujourd’hui supposé régir nos vies. De nombreux artistes ont accepté de nous aider à y voir plus clair. Pistes de réflexion, idées, interviews, playlists et répertoires d’œuvres à connaître sont au rendez-vous grâce à 20 artistes qui nous ont donné leur définition de ce mot. Spoiler alerte : l’essentiel à l’humain pourrait ne pas être un paquet de pâtes et une connexion internet.

Thérèse Sayarath – La Vague

Thérèse, électron libre et agité. La rencontre colorée et insaisissable entre la pluie et le beau temps. Artiste (moitié du groupe La Vague), styliste, modèle et militante, cette poupée-tigre tire en direction du ciel avec un gun pailleté à détentes multiples. Avec la foudroyante conviction d’avoir le droit de vivre mille vies en une.

Pour toi en tant que personne qu’est ce qui est essentiel ?

Top 4 : la liberté (la mienne et celle des autres), l’amour (envers moi-même et envers les autres), le beau (la vision que je construis de ce concept), l’universalité. En vrac et pour le plaisir d’étayer : mes proches, bien manger (bon et sain avec beaucoup de fromage quand même), chanter, réfléchir et aiguiser mon esprit critique, toucher de la peau, Ernestine (mon ours en peluche), échanger des idées, parler (avec des gens ou seule), me taire, une paire de sneakers confortable, 7h30 de sommeil par nuit sur un bon matelas avec un oreiller à mémoire de forme, 2L d’eau par jour, voir plein de couleurs, rencontrer des gens et voyager dans leur tête, mon téléphone et une bonne connexion internet (la fibre de préférence), faire l’amour, écouter de la musique, observer, travailler (ouais…), un stylo et une feuille pour écrire ou dessiner, de l’huile d’olive, ma crème de jour, danser, émouvoir, être émue, titiller mes 5 sens, rire, pleurer, apprendre, ressentir, me sentir grandir.

 Et artistiquement, en tant que musicienne qu’est-ce qui t’est essentiel ?

Du vécu, de l’envie, du temps, de l’exploration, un corps en forme et un public.

A ton avis qu’est-ce qui est essentiel à la société ?

La volonté d’en construire une et l’illusion de pouvoir le faire.

Qu’est ce qui sera essentiel au Monde post crise du Covid-19 ?

Du recul (sur nos peurs et nos envies, les médias, les actions du gouvernement), de l’organisation, de la patience, de la solidarité et beaucoup d’amour.

Enfin ta playlist essentielle en 5 titres.

Le mood essentiel de maintenant, ce soir, c’est ça (je dis ça parce que c’est trop dur ta question là) :

Radiohead – All I need / Schumann – Winterzeit II. / Adam Carpels – Sabana / Shygirl – Uckers / M.I.A. – Borders


Seyes

Marine Thibault et Charlotte Savary se sont rencontrées en 2007 au sein du groupe Wax Tailor avec qui elles
ont, pendant plusieurs années, parcouru le monde pour plus de 500 concerts dans plus de 40 pays.
Un soir d’été, avec la mer pour toile de fond, Marine s’est mise au piano et Charlotte s’est assise à côté d’elle. Ensemble, spontanément, elles ont improvisé leurs premières mélodies. SEYES était né.

Pour toi, en tant que personne, qu’est-ce qui est essentiel ?

De vivre sa vie comme on l’entend, tout en essayant de faire du bien autour de soi.

Et artistiquement, en tant musicien / artiste, qu’est-ce qui t’est essentiel ?

La sincérité des émotions.

A ton avis, qu’est-ce ce qui est essentiel à la société ?

De voir plus loin que les mandats électoraux, tout en respectant l’individu, la planète, toute chose vivante et sensible.

Qu’est-ce qui sera essentiel au Monde post crise du Covid-19 ?

Ne pas, sous prétexte économique, prendre plus de retard sur les défis liés au réchauffement climatique, amorcer un changement dans nos modes de vie afin de vivre plus simplement, tout en développant les liens de proximité.

Enfin, ta playlist essentielle en 5 titres

The Arcade Fire : Wake up / Joni Mitchel : River / Leonard Cohen : Perfect Day / James Blake : Retrograde / Ravel : Pavane pour une infante défunte


Giemsi (dessinateur de presse)

Giemsi Pieta
illustration de Giemsi Pieta pour sa réponse à l’essentiel

En 2002, Giemsi passe sa thèse en chimie, ce qui nous donne une petite idée de ce que devient la recherche française.
Dès 2003, il s’essaye lamentablement au Journalisme scientifique et se lance pitoyablement dans l’illustration de
presse (Bakchich, La Mèche, La Revue, Radio France, France 3, Psikopat, L’Huma Dimanche, L’Écho des Savanes,
Zélium…). Il macule également les pages de Spirou avec ses bédés animalières parfois douteuses ou encore de Mon Quotidien et de L’Actu, lus par des millions d’enfants qui ne se doutent encore de rien…

Pour toi en tant que personne qu’est ce qui est essentiel ?

Manger 5 fruits et légumes par jour ainsi que boire une demi bouteille de vin rouge. Mais aussi, tout tourner à la dérision.

Et artistiquement,  qu’est-ce qui t’est essentiel ?

Ne jamais se prendre au sérieux, chercher, expérimenter, se remettre en question mais surtout prendre du plaisir qui doit être le liant de toute la démarche. Ce qui ne m’empêchera jamais de TOUJOURS me torturer l’esprit.

A ton avis qu’est-ce qui est essentiel à la société ?

L’esprit critique, la dérision, la remise en question des dogmatismes, la solidarité, le respect du vivant… et le rêve.
Je précise que l’esprit critique n’empêche ni le rêve ni la création. Bref, tout ce qui nous fait essentiellement et globalement défaut dans notre société psychotique.

Qu’est ce qui sera essentiel au Monde post crise du Covid-19 ?

Qu’est-ce qui « serait » essentiel : un changement radical de l’homéostasie des relations entre l’Homme et lui-même, entre l’Homme et la nature, ce qui somme toute, revient exactement au même. Qu’est-ce qui « sera » essentiel : malheureusement, les mêmes choses qu’avant, car rien ne changera vraiment.

Enfin tes 5 ouvrages essentiels.

Fortune de France (l’intégrale bien sûr) de Robert Merle /  Le Seigneur des anneaux de Tolkien / Idées Noires de Franquin / L’intégrale d’Astérix et Obélix / Je laisse une place vacante pour tous les autres ouvrages qui m’ont fait rêver et que je ne peux injustement citer ici, ainsi que ceux qui viendront.

 


La Pietà

 

Outsider, brutale, fatale, voilà ce que l’on dit de La Pietà. Une poétesse moderne qui parle aux tripes et aux cœurs, avec la rage du punk et la poésie du slam.  La Pietà est brute mais jamais brusque, enragée mais toujours sensible, volcanique et parfois gracile. Pour toi en tant que personne qu’est ce qui est essentiel ?

L’Amour

Et artistiquement, en tant que musicienne qu’est-ce qui t’est essentiel ?

L’Amour 🙂

A ton avis qu’est-ce qui est essentiel à la société ?

L’Amour 🙂 🙂

Qu’est ce qui sera essentiel au Monde post crise du Covid-19 ?

L’Amour 🙂 🙂 🙂 🙂

C’st pas pour paresser que je réponds tout ça, c’est parce que c’est vraiment tout ce qui me parait essentiel, à tous les niveaux…

Enfin ta playlist essentielle en 5 titres.

Edith Piaf – L’Hymne à L’Amour / Hole – Violet / Brel – La chanson des vieux amants /Renaud – Mistral Gagnant /PJ Harvey – Down by the water


I’LL WRITE MY OWN

Salut je suis IWMO, j’écris des pop songs depuis mes 15 ans. À la sortie de mon premier album Jungle Boogie en 2016, les Inrocks ont dit de moi que j’étais une sorte de « Mac DeMarco de contrebande, encore plus couillon et cool que l’original ». Mon deuxième album dont voici le premier extrait va bientôt sortir, je travaille actuellement à la fabrication de clips pour le défendre.

Pour toi en tant que personne qu’est-ce qui est essentiel ? 

Bizarrement, malgré la catastrophe, et après la sidération des débuts, je crois que je suis assez content de cette situation, car elle prône une certaine forme de « vie simple ». C’était un peu le sujet de mon premier album, Jungle Boogie, le « mal des villes ». On observe quelque part une forme de retour à l’état de nature, alors je dirais que c’est ça l’« essentiel » ! C’est incroyable de respirer un air beaucoup plus pur à Paris (qui a enregistré son air le plus pur en 40 ans !), qu’il y ait beaucoup moins de bruit et du coup d’entendre les oiseaux chanter… D’ailleurs j’ai posté plein de vidéos sur mon Insta d’animaux qui reprenaient leur droit de cité, dans la cité. Ça me fait penser au texte que j’avais écrit pour teaser mon premier album qui résonne avec la situation actuelle que tu peux lire aussi sur mon Insta. Alors, ça me plaît pas mal ! Quelque part, c’est un rêve qui se réalise, un rêve teinté de cauchemar…

 Et artistiquement, en tant que musicien qu’est-ce qui t’es essentiel ?

C’est difficile, parce que pour faire du I’ll Write My Own, j’ai besoin de beaucoup de matériel : mes boîtes à rythmes, mes guitares, mes synthés, mes périphériques audio… Et après je vais tout mixer dans un studio analogique ! Si la civilisation moderne disparaît, je ne peux plus produire mes morceaux. Je travaille tout « à l’ancienne », je n’utilise pas de samples. Mon ordi me sert uniquement comme un multipiste. D’ailleurs, je ne saurais pas du tout faire de la musique in the box comme certains. Rien ne vaut un séquenceur old school de boîte à rythmes ! Mais j’essaie toujours de faire tenir mes titres autour d’une structure mélodique très simple et jouable partout. Je reviens souvent à ma guitare. Alors pour répondre à ta question, l’essentiel pour moi ce sont les chansons. Une bonne chanson s’emporte partout, je ne pourrais pas vivre sans écrire de chansons.

A ton avis qu’est-ce qui est essentiel à la société ? 

Ça dépend, aujourd’hui, la société, telle qu’elle a été conçue, a besoin du capitalisme pour exister. Ça me rappelle mes cours d’éco : « les besoins sont illimités »… Ça veut donc dire des échanges économiques, de la pollution, des gens qui voyagent etc. Mais selon moi, on pourrait très bien imaginer un capitalisme « sain », le bon sens en fait. Imaginons un monde où il y aurait des arbres à la place des routes dans les villes ? Un air respirable ? Des vélos sur le périf . Ça serait chouette quand même. Le pire c’est qu’on vivrait mieux. Il y aurait moins de cancers… J’ai l’impression qu’on est la première génération d’êtres humains qui abandonne l’idée de futur. En tant qu’enfant des années 1980, si tu m’avais dit que la nostalgie allait être le summum de la hype dans les années 2000, alors qu’on s’imaginait qu’il y aurait des voitures volantes… J’ai d’ailleurs écrit une chanson sur mon nouvel album qui parle de ça, du fait qu’on ait arrêté de rêver, et qui dit « Imagine a jungle in the middle of the streets ». Pour la première fois de son histoire l’être humain refuse de vivre mieux, c’est un non-sens, Platon, Voltaire et cie se retournent dans leurs tombes. Pourquoi le XXe siècle serait-il mieux que le XXIe ? Ma chanson dit aussi : « It’s the 21st century, it’s about time, we got on it ». 

Qu’est-ce qui sera essentiel au monde post-crise du Covid-19 ? 

Hélas, pour ma part, je ne crois pas du tout au monde « post Covid-19 », à une prise de conscience générale. Dès qu’on appuiera sur le bouton start ça sera reparti comme en quarante, même en pire, à la mesure de la frustration engendrée. Le problème, c’est qu’on a besoin de voir les effets de quelque chose avant de réagir, et pour le réchauffement climatique, quand on en verra vraiment les effets, ça sera trop tard. Les « gens » vont-ils se remettre en question ? Est-ce qu’ils vont d’un coup se rendre compte de leur propre mortalité alors qu’ils se croient invincibles depuis au moins un demi-siècle ? Je n’en sais rien. Ça me fait penser à Tous les hommes sont mortels de Simone de Beauvoir… Mais tu me demandes de rêver c’est ça ? Alors, si je devais avoir un vœu pieux ça serait le suivant : que les gens se remettent enfin à remettre la musique (et l’art en général) à sa juste place (devant Netflix), comme ce qu’elle doit être vraiment, un outil pour réveiller les consciences, ce n’est pas juste un ticket de cinéma. 1984, c’est fini ! 

Enfin ta playlist essentielle en 5 titres. 

Tout Salad Days de Mac deMarco / Human Sadness  de The Voidz /  Robot rock de Daft Punk /  Goodbye Soleil de Phoenix /  Oh Yoko/Imagine John Lennon (je n’arrive pas à choisir)


Laura Naval – Hoax Paradise

Laura Naval, chanteuse du quatuor parisien Hoax Paradise, groupe au service d’un rock direct et sans compromis actuellement en préparation de leur prochain EP, qui succédera à « Well, Nobody’s Perfect ». Elle est aussi la co-fondatrice et directrice artistique du média des cultures émergentes KAO et de l’agence KAO Agency.

Pour toi en tant que personne qu’est ce qui est essentiel ?

Toi, c’est toi, c’est les autres, les échanges, les partages, j’ai une véritable dépendance à l’autre, être seule m’angoisse beaucoup. Pour moi le lien et le partage avec autrui c’est ça l’essentiel.

Et artistiquement, en tant que musicien.ne qu’est-ce qui t’es essentiel ?

La scène, je dirais même plus,  c’est cette énergie magique qui voyage entre tous les gens pendant un concert, les musiciens, toute ton équipe et surtout le public. Je fais partie d’un groupe, j’ai fais de la musique toute seule pendant cette période de confinement, mais je tourne vite en rond, mes acolytes de toujours me manquent beaucoup. On est en train de préparer notre prochain EP, c’est un peu frustrant, mais cela nous permet de vous préparer un truc vraiment mortel pour ce second EP.

A ton avis qu’est-ce qui est essentiel à la société ?

C’est une bonne question, je pense qu’il faut vraiment revenir à ça, les choses essentielles de la vie. C’est assez compliqué comme question car en temps que française, en bonne santé, sans trop de problèmes majeurs, parfois je me rends compte que je peux faire fi de pas mal de choses qui ne sont pas si essentielles avec du recul (genre le Mcdo de la cuite du samedi soir). Peut-être que l’essentiel serait d’être juste à l’écoute de l’autre, ça pourrait être plus enrichissant que de regarder ses propres envies dans son petit nombril ou de se taper un Golden Menu. Si j’ai le droit à un truc en plus je dirais bien évidemment la culture, une société sans culture est une société perdue. Donc être à l’écoute et la culture. Peut-être même le combo : être à l’écoute de la Culture.

Qu’est ce qui sera essentiel au Monde post crise du Covid-19 ?

Ne pas oublier ! Ne pas refaire les mêmes erreurs. J’espère que les gens vont comprendre que les choses peuvent aller très vite, on le voit avec ce virus, le 12 Mars je buvais des coups en terrasse avec une copine, 7 jours plus tard le monde s’écroule. Je pense qu’on va retourner progressivement à un monde “comme avant” mais il ne faut rien oublier et n’oublier personne.

Enfin ta playlist essentielle en 5 titres.

5 !!! Mais c’est trop dur.

The cinematic Orchestra – Build Home / The Velvet underground – Venus in fur / Jefferson Airplanes – Somebody to love /  Curtis Mayfield – Move on up /  Serge Gainsbourg – La chanson de Prevert


Alexandr

ALEXANDR c’est l’étendard d’un trio débarqué en 2016 sur la scène parisienne, mais dont l’essence est, à coup sûr, extraite d’un coin du nord de l’Angleterre, situé quelque part à l’aube des années 90. Un mix de racines britanniques, françaises et d’années fastes passées dans les salles de concerts et les bars de l’est parisien, ALEXANDR c’est surtout une certaine conception de la pop, entièrement consacrée à l’hédonisme.  Après un premier EP « You Won’t Get Another Chance », sorti fin 2016, produit dans le sous-sol d’un pavillon de banlieue parisienne et pourtant « aussi excitant qu’un apéritif dînatoire à l’Hacienda » (sunburnsout.com), le groupe a sorti son second EP « Surrender », amplement salué par la critique, le 25 octobre 2019.

Pour toi, en tant que personne, qu’est-ce qui est essentiel ?

Nick : La famille, les copains, l’amour tout ça… et le weekend !
Nicolas : En dehors des besoins primaires, on va dire l’amour et la culture.
Stephen : Love.

Et artistiquement, en tant musiciens , qu’est-ce qui vous est essentiel ?

Nick : Avoir une âme de poète ^^
Nicolas : Composer, créer, c’est le premier truc que j’ai voulu faire.
Stephen : Les mélodies.

A ton avis, qu’est-ce ce qui est essentiel à la société ?

Nick : Le progrès.
Nicolas : La confiance, sinon tout s’écroule.
Stephen : L’humilité.

Qu’est-ce qui sera essentiel au Monde post crise du Covid-19 ?

Nick : L’humilité.
Nicolas : Un p***** de vaccin !
Stephen : La prudence.

 Enfin, ta playlist essentielle en 5 titres

Nick, Nicolas, Stephen :

The Beatles “Getting Better / Oasis “Supersonic” / The Stone Roses “Fool’s Gold” / New Order “True Faith” / Depeche Mode “Shake The Disease“.


ANIMALI

Pour toi en tant que personne qu’est ce qui est essentiel ?

Puisque tu parles du confinement, je dirais que le sens du mot « essentiel » m’est apparu en deux temps : d’abord on se dit que l’essentiel c’est la base de la pyramide de Maslow. On se nourrit, on effectue des tâches « essentielles » comme se laver, s’occuper de son chez soi, se cultiver… C’est marrant un temps, et puis assez vite on se rend compte que ça ne suffit pas. On a besoin du contact avec les autres, les amis, la famille, pour certains le travail. L’essentiel, c’est au moins tout ça.

Et artistiquement, en tant que musicien qu’est-ce qui t’est essentiel ?

À rattacher avec la question précédente : c’est l’aspect social de la musique. On aime se voir et parler de musique, de matos, de live, d’enregistrement… tout seul dans son coin on a tendance à penser à d’autres choses. Le côté obsessionnel de la musique est quelque chose qui s’entretient, peut se perdre, revenir. La musique est toujours présente, même quand on est confiné. On en entend, on en écoute, on en joue, on en a dans la tête. Là, on a très envie de la partager à nouveau.

A ton avis qu’est-ce qui est essentiel à la société ?

Ça dépend des gens, et c’est ce qui les divise. Pour nous les masses, c’est globalement de maintenir notre confort matériel coûte que coûte, parce que nous n’avons pas idée (ou alors des idées très noires) de ce que serait un monde sans consommation de masse. Pour la bourgeoisie ou l’élite dirigeante – appelle ça comme tu voudras – c’est sa position dominante sur le corps social qui est essentielle.

Qu’est ce qui sera essentiel au Monde post crise du Covid-19 ?

Beaucoup de gens se sont aperçus que la santé et, plus généralement, le service public, étaient des choses qu’ils qualifient volontiers d’ « essentielles ». Protéger notre environnement. Bref, la liste est longue, et malgré la litanie des « appels » lancés tous azimuts par notre presse de référence, on peut se demander si la volonté politique – celle des masses – sera au rendez-vous pour imposer de tels changements, contre les forces au pouvoir.

Enfin ta playlist essentielle en 5 titres.

Donovan – Father and son / Radiohead – Knives out / Bon Iver – Perth / PJ Harvey – The community of hope / Broken social scene – Lover’s spit


AL-QASAR

Réponses de Thomas Attar Bellier ( leader et producteur d’AL-Qasar)

Pour toi en tant que personne qu’est ce qui est essentiel ?

Le Larousse nous dit que ce qui est essentiel, c’est ce qui est indispensable pour que quelque chose existe. Inversement, quelque chose d’essentiel pour moi en tant que personne serait ainsi une chose sans laquelle je ne peux exister, en tout cas en tant que la personne que je suis aujourd’hui. Donc : un semblant de démocratie, des proches (avec un sens de l’humour un peu mal tourné), un lieu sûr et confortable (et décoré avec goût), un gros système son, du bon vin rouge.

Et artistiquement, en tant que musicien qu’est-ce qui t’est essentiel ?

Le fait de toujours découvrir des choses nouvelles, d’aller creuser des nouveaux sons, des instruments, des arrangements, des idées… et en parallèle le fait de toujours créer du neuf, en repoussant mes limites personnelles mais aussi celles d’un style ou d’une scène musicale. J’ai besoin d’être toujours en mouvement, artistiquement, sans quoi j’arrête d’être moi-même, pour revenir à la définition d’essentiel.

A ton avis qu’est-ce qui est essentiel à la société ?

Les sociétés occidentales cesseraient d’exister (en tant que ce qu’elles sont aujourd’hui) sans un certain degré de “démocratie perçue” (qu’elle soit réelle ou pas) et quelques ennemis invisibles définis par des organes de propagande du pouvoir en place.

Qu’est ce qui sera essentiel au Monde post crise du Covid-19 ?

Je serai étonné si une redéfinition de ce qui était essentiel intervenait. A aujourd’hui, je ne vois aucun indice qui me permette de penser qu’on ne reviendrait pas au même train-train ethnocentré et éco-destructeur.

 Enfin ta playlist essentielle en 5 titres.

Voilà la playlist “sans laquelle je ne pourrais exister” :
The Devil’s Anvil – Besaha / The Desert Sessions (ft. PJ Harvey) – Crawl Home / Elias Rahbani – Dance of Maria / Los Mirlos – La Muchachita Del Oriente / BabaZula – Hopçe

DANTEC

Dantec (trippé) pourrait être né au milieu des années 90, quelque part dans la banlieue de Bristol, au Royaume Uni… Il pourrait avoir fui la répression et s’être réfugié en France. Il pourrait avoir eu une vie pleine de camions, de chiens et de sound-systems. Il pourrait avoir « posé des sons » sous des autoroutes, au bord de centrales nucléaires, ou dans des caves parisiennes.

Pour toi en tant que personne qu’est ce qui est essentiel ?

A mon avis, le mot « essentiel » doit être lu comme « ce qui fait sens ». On parle beaucoup, particulièrement en France, de liberté, de grands principes, de beaux discours… Mais je pense que l’homme, et en tout cas c’est mon cas, a besoin, plus que tout, de sens pour vivre : Donner un sens à sa présence sur cette Terre, comprendre pourquoi le monde est comme il est, etc. Sans sens, on ne fait que survivre, passer entre les gouttes tant que possible. On tire sur la corde, on s’use, on devient fou. Pour être plus terre-à-terre, je pense qu’on peut très bien vivre sa vie dans un dénuement matériel quasi total, tant qu’on comprend le pourquoi de ce dénuement. A l’inverse, ceux qui cherchent à compenser leur vide intérieur par du matériel remplissent un trou sans fond…

Et artistiquement, qu’est-ce qui t’est essentiel ?

Pour moi c’est très simple, une œuvre qui n’ait pas de sens n’est pas « artistique » ! C’est un produit, à but commercial, politique, promotionnel ou autre, mais ce n’est pas une création artistique. Je ne peux donc pas vraiment dire précisément ce qui m’est indispensable musicalement car, à bien y réfléchir, je crois qu’il n’y a quasiment rien d’indispensable. Étant musicien « électronique » on pourrait penser qu’il y a beaucoup d’aspects techniques qui me sont essentiels, mais sincèrement, je ne pense pas. Tant qu’une idée veut dire quelque chose (et même si des fois je ne suis pas certain moi-même du sens à donner à certaines créations!) je pense que l’essentiel y est. D’ailleurs je cultive un certain minimalisme musical car j’aime garder aussi brut que possible le premier jet, la première intention, le concept tel qu’il m’est venu au départ.

A ton avis, qu’est-ce qui est essentiel à la société ?

Encore une fois je pense que sans « sens » une société ne peut pas tenir debout. On parle parfois de valeurs, d’idéaux. Je préfère le mot « sens » qui est à mon avis moins abstrait : Le sens, c’est la direction dans laquelle une société va, c’est donc le point à l’horizon que nous avons choisi de regarder tous ensemble. Aujourd’hui tout est budgété, chiffré, ce qui veut dire que plus rien n’est essentiel, puisqu’il peut être remplacé par de l’argent. Donc finalement que plus rien n’a de sens. Il y a une blague qui sort souvent dès qu’on se met à regretter que « c’était mieux avant ma bonne dame ! ». C’est un trait d’humour pour soulager un peu la soupape mais ça ne durera qu’un temps car oui, « tout est devenu flou », plus personne ne comprend rien à rien ni surtout au pourquoi du comment, en bref plus rien n’a de sens. Mais la nuit n’est jamais aussi noire que juste avant l’aube…

Qu’est ce qui sera essentiel au monde post crise du Covid-19 ?

Cette « crise » rend évidente cette perte de sens et l’épidémie n’est que la première étape d’un changement profond qui sera vécue différemment par chacun, selon qu’il y trouve un sens ou non. Je pense qu’on pourra dire qu’on sera vraiment passé au monde d’après lorsque les événements auront un sens pour une majorité de personnes, peu importe que le sens qu’on donne aux choses soit malheureux. Il faut ne jamais avoir vécu un deuil pour croire qu’on peut s’en remettre sans passer par l’étape « malheureux »… Le bonheur n’est pas l’inverse du malheur et pour faire notre deuil nous devrons bien donner un sens à tout ce qu’il se passe, et cela implique d’admettre que la société, particulièrement en France, ne va pas dans le « bon sens », c’est à dire pas dans l’intérêt général.

Ta playlist essentielle en 5 titres :

Cinq titres c’est vraiment l’essentiel de l’essentiel ! Alors dans ce cas :

1- Le mouvement « Lacrimosa » extrait du requiem de Mozart. Je suis bouleversé à chaque fois que j’écoute cette œuvre. C’est pour moi la plus belle composition qui ait jamais été écrite. Je pense que cet homme devait vivre sur une autre dimension, bien loin de cette Terre ! / 2- La « Part One » de l’album Atom Heart Mother de Pink Floyd. Là aussi je suis bouleversé mais à un autre niveau, plus intellectuel, moins spirituel. Cet album a été une telle claque que j’ai passé toute ma vie à m’en inspirer en secret ! / 3- « Demain », la piste 23 de la comédie musicale Les Misérables, écrite par Schönberg et Boublil en 1980, pour cette prod très typée mais superbe, mais surtout pour le symbole : Chaque personnage pleure son malheur individuel et quand on élargit le champ ça donne un choeur magnifique qui chante en canon sa peur du lendemain, car ils savent tous qu’ils se retrouveront face à leur destin, sur les barricades… / 4- Pour rester sur une ambiance de barricades : « Snot » du groupe Snot (album « Get Some »). Quand j’étais jeune je ne connaissais pas le rock, et puis j’ai découvert cet album et plus rien ne fut pareil pour moi… Et 20 ans plus tard ils sont venus jouer dans notre bled de banlieue à l’endroit même où nous écoutions ça avec les copains ! Magique… /5- « You’re a Star » du groupe Aquarian Dream, pour cette folie et ce son incroyable des prods des années 70 et puis parce qu’au bout d’un moment, on n’a plus grand chose d’autre à faire qu’à danser 😉


dweamz

Rêve à cinq têtes où les genres s’entrechoquent comme souvenirs et fantasmes dans un songe, DWEAMZ voyage avec pléthore d’influences dans ses valises et le RnB comme seule boussole

Pour vous, en tant que personnes, qu’est-ce qui est essentiel ?

Ce qui est essentiel en tant que personne est-il définit par ce que nous sommes ? Ou plutôt par le résultat de nos actions ? Il me semble qu’en cette période, outre la bonne santé de nos proches et le maintien de ce qui est le ciment de nos vies, l’essentiel est peut être la capacité d’affronter ce point de bascule de nos certitudes. Pour cela, s’efforcer de garder un cap est une condition nécessaire pour traverser ce changement soudain, et peut être durable, de nos conditions. « Dois-je réfléchir à ma reconversion en agriculture biologique en Ariège ? Ou simplement à l’ouverture du camping de Palavas-les-flots cet été ? »

Et artistiquement, en tant que musicien.ne.s qu’est-ce qui t’es essentiel ?

Artistiquement, il me semble qu’il est nécessaire de créer avec des personnes que l’on estime et qui envisagent la vie de manières assez similaires. Expérimenter les rapports humains au sein d’un petit groupe d’individus, s’efforcer d’en tirer le meilleur tout en faisant attention aux uns et aux autres, me semble un bon début. 

À votre avis, qu’est-ce qui est essentiel à la société ?

Il me semble que, tout comme à l’échelle individuelle, être capable malgré la diversité de trouver l’accomplissement dans un but commun est essentiel. Selon moi la condition sinéquanone est l’égalité entre les personnes faisant groupe. Accès aux soins, à l’éducation, aux mêmes chances, à l’habitat décent, à une justice sereine… Si le groupe s’éloigne de ce socle commun, à quoi sert-il encore de parler de société ?


 Qu’est-ce qui sera essentiel au Monde post crise du Covid-19 ?

C’est étonnant de voir à quel point nous avons collectivement découvert la microbiologie de manière accélérée, et comment notre système déjà vacillant s’enlise vite. Après cette crise, il me semblerait essentiel que l’on apprenne à consommer différemment en privilégiant le local, sans pour autant s’enfermer sur nous-même. Observer des libéraux se questionner sur la nationalisation d’entreprises essentielles m’a d’une certaine manière réjoui. Je me demande ainsi, quel sera mon état d’esprit lorsque j’achèterai des baskets Kalenji (car Français) à 250 euros (car produits en France) ? Ou peut être qu’acheter des nouvelles baskets ne sera plus essentiel ?

 Enfin votre playlist essentielle en 5 titres.

Anne (guitare) : Metronomy « The Bay »  /  J’ai beaucoup hésité avec la version de Clara Luciani que je trouve super aussi mais j’ai opté pour l’original de Metronomy parce que comme dirait Antoine : « Y’a rien à dire ».

Charlène (chant) : Erykah Badu « Penitentiary Philosophy«   / C’est le morceau qui m’a le plus chamboulé dans ma vie. La première fois que j’en ai entendu parler, c’était il y a maintenant 4 ans, lors d’une discussion avec une amie qui me disait qu’elle me conseillait de l’écouter. Et puis, je l’ai écouté une première fois, j’y ai rien compris puis j’ai réessayé et depuis je n’ai pas cessé de l’écouter. Dans ce morceau il se passe tellement de choses tu passes par de la colère puis tu finis par te calmer et tu retournes à de la colère, tu deviens hyper énergique. J’aime les morceaux imprévisibles comme ça où tu comprends pas forcément ce qui se passe à la première écoute. Quand j’écoute du Erykah Badu ou d’autres artistes qui me tiennent à coeur comme Ari Lennox ou encore H.E.R, je suis beaucoup plus sensible au morceau et à l’interprétation vocale de l’artiste qu’aux paroles en elle-même, j’essaie de tout analyser que cela soit les instruments utilisés, l’utilisation du vibrato ou encore les arrangements.

Arnaud (basse) : Ernest Ranglin « Congo Man » / En 1998, Ernest Ranglin reprend ce morceau de The Congos de 1977, accompagné entre autre de Idriss Muhammad et Monty Alexander. J’aime tout dans cette reprise, le son de batterie parfait, la guitare d’Ernest Ranglin qui survole le morceau, et surtout cette basse !

Philippe (claviers) : Broadcast « Message From Home »  / Petite pensée pour Trish Keenan disparue il y a bientôt 10 ans du H1N1.

Antoine (batterie) : Wu-Tang-Clan « C.R.E.A.M. »  / J’ai choisi un morceau dans ma longue liste de morceaux intitulée « franchement y a rien à dire » comme ça j’ai rien à dire. Ce sera donc C.R.E.A.M du Wu Tang parce que franchement…


 ALEXANDRIE

 »une synth pop simple et lumineuse » Alexandrie est le nouveau projet porté par Antoine Passard. Batteur depuis toujours, il explore ici le chant, l’écriture et les claviers. Son 1er. EP LOIN est sorti le 3 Avril sur le label UPTON PARK.

Pour toi en tant que personne qu’est ce qui est essentiel ?

J’ai la bougeotte. Je fais partie de ceux qui ne sont jamais rassasié de périples, de voyages, de virées nocturnes. C’est peut être ça mon essentiel. Et vivre cloîtré 2 mois dans le même espace me l’a bien remis en pleine face !

 Et artistiquement, en tant que musicien qu’est-ce qui t’es essentiel ?

C’est tout con mais j’ai pris l’habitude de faire des concerts très régulièrement depuis plus de dix ans. Se retrouver dans un van et partir sur les routes, c’est ultra bon pour ma santé. Je joue dans plusieurs projets et ça fait pas mal de frères de routes qui me manquent en ce moment. Pour la composition, mon cocon à la maison est mon deuxième essentiel. Là je suis plutôt très bien installé et heureux de pouvoir travailler ainsi.

A ton avis qu’est-ce qui est essentiel à la société ?

Je sais pas si je suis apte à ne pas tomber dans une réponse de comptoir. Mais ce que nous a révéler ce confinement est assez flagrant. On s’est recentré sur des envies et des choses très simples, on a jamais fait autant de gâteaux avec de la vraie farine, on a jamais autant ressenti le besoin de voir nos proches et d’apprendre le nom des arbres. Il parait même que la sécurité et le chômage ne sont plus les premières priorités des français ! Mais que se passe-t-il ?

Qu’est ce qui sera essentiel au Monde post crise du Covid-19 ?

Mettre en pratique ces  »essentiels » qui nous ont explosé à la figure. La crise qu’on traverse nous fait peur. Et cette peur est le merveilleux moyen de faire reculer nos droits. Soyons vigilant comme jamais, faisons des gâteaux et regardons les arbres !

Enfin ta playlist essentielle en 5 titres.

J’ai écouté en boucle pendant le confinement pas mal de choses. Muddy Monk, Tops, The Marias, Malik Djoudi en sont des exemples. Je me suis permis d’ajouter BIGGER, le projet rock dans lequel je fais la batterie. J’ai réalisé la vidéo, c’est donc un marqueur essentiel et incontournable de cette période.


STRUCTURES

Rage, douleurs physiques et emotions fortes composent l’univers nerveusement mélancolique dans lequel nous plongent les 4 membres de Structures. Leur Rough Wave est un véritable mouvement thérapeutique, une course sonique emplie de passion et de fureur offerte dans une transmission brutale sans détours.

Pour toi en tant que personne qu’est ce qui est essentiel ?

Adrien : C’est difficile parce qu’on a tendance aujourd’hui à rendre essentielles tellement de choses qui ne le sont pas. Le confinement est un bon moyen de se rendre compte de ces choses, et ce qui me parait le plus essentiel après tout ce temps, ce sont les relations sociales, que ce soit croisés dans la rue, rencontrés dans un bar, une soirée, ou à travers un public de concert, c’est l’échange humain.

Marvin :  L’amour, la famille, les amis, le Football, tout ce qui m’apporte le bonheur mais aussi parfois d’autres émotions moins cool essentiel au bon équilibre.

Et artistiquement en tant que musicien, qu’est ce qui t’es essentiel ?

Adrien : Artistiquement, l’essentiel c’est la scène, mais c’est un engrenage bien plus gros. L’essentiel c’est d’avoir des choses à dire, à exprimer ou extérioriser et sans cela, la musique paraîtrait sans doute bien plate. 

Marvin : La satisfaction, comme quand t’es content d’avoir accompli quelque chose, un bon concert, une nouvelle compo que tu as hâte de jouer mais énormément la scène, le lieu où tout prend son sens.
L’adrénaline avant un concert c’est vraiment addictif.

 A ton avis qu’est ce qui est essentiel à la société ?

Adrien : Sans vouloir être pessimiste, je crois que l’essentiel à une société réside dans sa solidarité mais surtout dans sa conscience collective, je pense qu’on est devenus bien trop individualistes (et je m’inclus parfois moi-même dans cette case) ce qu’il manque à notre société c’est cet esprit de collectivité, et un fonctionnement qui va avec. Bien sur, ça inclut de repenser énormément de choses, et de remettre en question ses propres manières de vivre, mais finalement c’est pas si compliqué, et je pense que c’est ce vers quoi vont se tourner beaucoup de gens au sortir de cette crise sanitaire. 

Marvin : Des masques et du gel hydroalcoolique, plus de personnels dans les hôpitaux et moins dans les postes de police. Une politique plus juste et moins d’inégalités. Plus de budget dans la culture et moins dans l’armée.

Qu’est ce qui sera essentiel au monde post-Covid 19 ?

Adrien : Je pense que ma réponse précédente ouvre à cette question, il est temps de comprendre à mon avis, que le monde comme on l’a vécu n’est plus possible et plus envisageable de cette manière, qu’il est temps de repenser nos habitudes. 

Marvin : Reprendre une vie normal, de pouvoir mettre les pieds dans les bars et salles de concerts, rejoindre des amis dans des parcs, mentalement ça fera un bien fou a tout le monde.

ta playlist en 5 titres :

Adrien : Cassels – Cool Box / Deeper – The Knife / Robert Hood – Reflector / Guy Blackman – Carlton North /GOLD – Why aren’t you laughing?

Marvin : La Secte du Futur, Le Chaos des esprits / Bryan’s Magic tears, Happy and Tired / Rendez Vous, Order of Baël / Jessica 93, Mental Institution / La compilation Sick Sad World de Raphaël Balzary, qui a réunit pleins de bon groupes pour des covers et aider le secours populaire, allez tchecker ça.


Fabrice Lassort (photographe)

Fabrice Lassort photographe

53 ans, artiste photographe, j’ai fais le choix d’apprendre à utiliser mes propres ressources, de développer une personnalité originale  et de la partager. Je sens au plus profond de moi que je suis fais pour ce métier même si ce milieu professionnel est extrêmement difficile. J’ai une grande chance de pouvoir m’exprimer librement et de vivre en respectant mon rythme intellectuel et biologique et je le souhaite à tous. Gaëtan Fauser, auteur Belges dit : « La culture c’est l’expression du vivant » alors vivons vivons !

Pour toi en tant que personne qu’est ce qui est essentiel ? 

Je pense essentiel que chacun trouve sa place et soit respectueux de son prochain. Je suis un artiste mais je n’ai pas plus de valeur que le boulanger ou l’épicier su coin. Il me parait donc important de prendre soin de soi et donc naturellement de l’autre sans oublier notre Mère à tous la Terre. C’est pour moi une quête permanente de l’amour de soi et de son prochain et ceci n’est pas une religion mais une vérité bien ancrée en chacun de nous.

 Et artistiquement, qu’est-ce qui t’est essentiel ?

Ma démarche artistique est axée sur la photographie dans une société où l’image est tellement dominante qu’elle en perd sa puissance, nous sature l’esprit et elle est bien trop souvent mensongère. C’est dans ce constat que mon travail prend son sens. Je pratique une photographie expérimentale en transgressant ses règles usuelles et même historiques en fabriquant mes appareils photographiques, des sténopés, avec des temps d’expositions qui peuvent aller jusqu’à une année. J’efface la présence humaine et je montre l’invisible comme le rayonnement du soleil au fil des mois. Je mets en valeur une notion du temps qui relativise la rapidité du monde dans lequel nous vivons, et sur un plan photographique j’interroge à la fois la nature matérielle de l’image et sa temporalité. Ce sont des points de vues et une façon de réfléchir qui me paraissent essentielles pour replacer la photographie dans le monde de l’art.
Chacun de mes projets est une nouvelle aventure, comme par exemple mon installation photographique sur la façade de l’église Saint-Sulpice à Paris où je suis resté, au quotidien, pendant deux ans avec l’installation de mon atelier dans une crypte pour réaliser 120 images. Même si mes images effacent  la présence humaine, elle reste primordiale pour moi et si je peux participer un peu au développement personnel et original de chacun d’entre-nous alors oui j’aurai atteint quelque chose d’essentiel dans une société qui tend à nous asservir.

A ton avis qu’est-ce qui est essentiel à la société ?

Avec un gouvernement qui se contredit depuis le début de cette pandémie et ne cesse de créer un climat anxiogène  appuyer par les médias officiels, je pense que l’essentiel est de regagner notre propre conscience et notre liberté de penser, aujourd’hui nous avons largement les moyens de pouvoir nous documenter et informer l’autre de ses découvertes, qui de toute façon est libre de garder son propre arbitrage. Je respecte les consignes qui nous ont été imposées et je fais attention aux autres mais pour moi avant tout nous avons à faire à des gouvernements qui ne favorisent que les énergies fossiles et nous démontrent leurs incapacités à gérer une pandémie, nous en avons tous conscience et ça fait peur. Alors combien de temps allons-nous être passif et sourds aux revendications de nos scientifiques qui ne cessent de nous alerter sur nos modes de vies et leurs conséquences ?  L’essentiel, la priorité absolue est l’avenir de notre planète et des êtres qui l’habitent, puisqu’en haut ils sont sourds, il faut que chacun d’entre-nous commencent à agir à son niveau et avec ses moyens.

Qu’est ce qui sera essentiel au Monde post crise du Covid-19 ?

J’ai 53 ans, je constate les changements climatiques et ses conséquences qui s’opèrent autour de moi. Comme je l’ai dit plus haut, à ce jour j’ai perdu ma confiance dans nos gouvernements et nos médias officiels, je cherche donc des réponses à mes questions par d’autres moyens et c’est une vraie jungle qui va des comploteurs aux vrais scientifiques. Mais j’ai la volonté de garder ma confiance en l’avenir même si je mes sens désemparé. J’ai déjà commencé à changer mes modes de consommations et surtout je vais confiance à tous ces jeunes qui ont suivi Greta Thunberg, c’est leur avenir, j’espère que nous serons tous suffisamment intelligents pour ne pas leur laisser une grosse poubelle. En m’informant, j’ai commencé à trouver des modes de pensées qui sont plus en adéquations avec les miennes, comme le site Kaiser avec sa proposition pour un retour sur Terre  la revue We Demain  ou Mouvement UP   le 1 et pour forger mes opinions j’ai écouté Jean-Dominique Michel ou  Philippe Raoult ou ce médecin Rosa Canina au discours criant de vérité, il y en a beaucoup d’autres…

Enfin tes 5 œuvres essentielles.

Elles sont toutes essentielles, elles représentent mon évolution depuis plus de 20 ans où j’ai fais le choix d’être un artiste et de m’exprimer au travers d’elles.
La toute première est Traces Urbaines où j’ai recherché mon identité d’artistes en revisitant les tags et les graffs, qui pour moi représentait une vraie rupture avec les codes académiques avec un courant de pensées et de supports de créations différents, libres des contraintes du marché culturel, ce qui n’est plus tout à fait vrai aujourd’hui.
La seconde est Mécaniques avec le constat de notre société industrielle et de sa consommation en allant visiter les réserves de collectionneurs de voitures.
La troisième est Hors Cadres pour revenir à des métiers plus artisanaux et en contact avec la nature avec les ostréiculteurs du Bassin d’Arcachon.
La quatrième Longue Vue qui revisite les côtes des Antilles avec la présentation des négatifs obtenus à la prise de vue et qui sont synonymes d’ambivalence avec notre histoires de l’esclavage : des images noires.
La cinquième Ainsi Soient-Ailes qui nous montrent l’invisible à nos yeux et nous parle de la notion du temps.

KosmoSuna

Il était une équipée aventureuse qui alliait le chant, les rythmes et les sons. Tout commença à 4 degrés-est (2015 sur Terre) par l’union de deux frères voyageurs de la planète « VenuSnake » : Kosmo virevoltant entre lyrisme et poésie intime, Suna assurant un groove sensiblement puissant. KosmoSuna berce son auditoire à travers un voyage (re)connectant sens présent et émotions passées. Une poésie se dégage de cette compréhension et vision du monde, mêlées d’un idéal de sérénité.mue. Ressenti du moment présent, chez eux la scène ne tolère pas de censure, leur habit, costume faisant partie intégrante de l’univers du projet, en devient une expression forte.

Pour toi en tant que personne qu’est ce qui est essentiel ?

Suna: Pour moi il est essentiel d’être tolérant, respectueux, d’être à l’écoute et d’être ouvert aux
autres, déjà avec ça on s’en sortirait beaucoup mieux!
Kosmo: Pour moi en tant qu’individu l’essentiel et d’avoir le temps d’être avec mes proches, avoir le
temps de penser au rythme du moment présent et de me remettre en question et préserver mon libre
arbitre. Vivre des moments simples comme regarder la mer, cuisiner, méditer, lire, regarder un film,
dessiner… On devrait tou.te.s avoir le temps en dehors de nos vies professionnelles de vibrer avec toutes
ces choses simples qui nous tiennent en vies, ces choses qui nous connectent avec l’enfant qui
sommeille en nous. Tout ça ne devrait pas être dissocié , ces choses simples sont devenues des sources
économiques, élitistes, alors qu’elles devraient rester à la portée de tou.te.s, sinon la société est malade
et en colère. Cette période de confinement nous fait prendre conscience que c’est essentiel pour notre
santé mentale de retrouver ces moments simples car on est tout le temps à 200 à l’heure à courir après
notre vie. C’est aussi à nous en tant qu’individu de dire stop à tout ça et de refuser cette forme de liberté
ou d’immortalité qu’on essaye de nous vendre. Au final on veut tou.te.s vivre pleinement notre
singularité, danser avec le monde, partager avec le reste du monde…voilà l’essentiel. Il est impossible
d’envisager une société aseptisée où le tactile, le contact humain n’existe plus…

Et artistiquement, en tant que musicien qu’est-ce qui t’est essentiel ?

Suna:  En tant qu’artiste pour moi, il est primordial de créer et de faire ce que l’on a profondément
envie d’entreprendre, bien qu’il faut savoir se réinventer et s’adapter, je pense qu’il faut toujours revenir
à l’essentiel et s’écouter, écouter les gens qui t’entourent, savoir se remettre en question.
Kosmo: En temps qu’artiste pour moi l’essentiel se trouve dans la zone grise ou je peux m’épanouir et
exprimer librement ma vision, à travers différents pans artistiques, ne pas me donner de limites,
continuer à expérimenter et être curieux de tout sans but précis. Ne pas avoir peur de tomber, me
confronter et rencontrer d’autres singularités…c’est ce qui m’aide sans cesse à me remettre en question
et m’ouvre des mondes inconnus palpitants. C’est finalement toujours un retour à zéro. L’essentiel est de
toujours avoir l’impression de recommencer, le jour où je penserai que je suis un artiste accompli ce sera
la fin…

A ton avis qu’est-ce qui est essentiel à la société ?

Kosmo:  C’est toujours difficile de parler au nom de tou.te.s, c’est d’ailleurs ce que tu avances dans ton
introduction. Je dirais que mon essentiel à la société serait ce que j’essaye d’appliquer et de préserver de
ma propre personne. Ne pas juger et essayer de comprendre la singularité de « l’autre »,son histoire
personnelle et respecter le chemin de toute personne que tu rencontres sur ta route, le chemin vers sa
propre liberté…toujours mettre de la nuance!
Suna: Malheureusement de nos jours et depuis longtemps, beaucoup de personnes pensent que c’est
le profit et l’individualisme qui est essentiel. Je pense personnellement que l’inverse est essentiel, que la création, le partage et l’unité sont essentiels.

Qu’est ce qui sera essentiel au Monde post crise du Covid-19 ?

Suna:  De retrouver ses proches, de s’aimer et surtout dès que l’on pourra, de se précipiter dans les
salles de concerts/spectacles, musées, salle de cinéma et tout ce qui touche à l’art en général. De revenir
encore plus soudés, avec encore plus de projets, de collaborations, tout cela en mêlant le plus de formes
d’arts possibles. Pour cela il sera essentiel de pouvoir voyager de nouveau, peut être en revoyant notre
manière de le faire.
Kosmo:   A mes yeux, ce qui serait essentiel au monde post crise du Covid-19, comme un ami m’ a dit
un jour: -« Il n’y a pas à être pessimiste ou optimiste cela n’existe pas, ce ne sont que des
probabilités…. ». Et au fond j’en sais rien de ce qui lui serait essentiel au monde… Le monde est
mouvant, changeant en permanence il a toujours été un grand chaos. Je pense qu’on essaye tou.te.s, à
notre échelle, de le rendre moins chaotique mais j’ai foi et espoir car depuis plusieurs années avec
KosmoSuna nous sommes en lien avec des fractales-artistiques « Contre-culture » qui nous confrontent à
de nouvelles manières de vivres et penser…C’est aussi à nous de ne plus donner d’importance à toute
cette grande mascarade ce n’est pas chose simple, le changement ce n’est jamais acquis… mais petit à
petit on arrive à se libérer de l’aliénation, il nous faut retrouver un certain discernement, retrouver notre
sens critique. J’aime à penser qu’on prenne conscience que le Covid-19 n’est qu’une minuscule goutte
d’eau par rapport à ce qui peut nous attendre…si on retourne dans la grande machine démoniaque et
infernale du capitalisme on ira droit dans le mur; destinés à courber l’échine, en maintenant
aveuglément la tête dans le sable telles des autruches…mais tenir pour combien de temps? On meurt,
on étouffe !!!! Ce n’est pas simplement depuis cette catastrophe sanitaire qu’on étouffe, nous avons crié
mais en vain…c’est un fait cette période est difficile mais il ne faut pas que l’on voit la machine politique
comme le grand sauveur, le Papa* qui est venu à notre secours, n’oublions rien ! Le monde est à l’arrêt…
les frontières sont fermées…les inégalités sont toujours là et d’autant plus saillantes. « L’eau ne fait que dormir et elle macère depuis trop longtemps… »
*patriarcat

Votre playlist essentielle en 5 titres.

Suna:
Radiohead – Idioteque
Aphex Twin – Stone in focus
Floating Points – Last Bloom
MorMor – Heaven’s Only Wishful
Joy Divison – Disorder

Kosmo:
Wild Anima – The Mirrors
XIII Amer – Dans le sang
E B U – Falling
Arca – Non Binary
Sudan Archives – Confessions

 


I AM STRAMGRAM

Au fil d’une musique aux vastes inspirations, de la folk éthérée à l’electronica, jouant du texte comme d’un instrument supplémentaire, Vincent Jouffroy affine d’année en année la partition d’ I AM STRAMGRAM. Mélodies puissantes, émotion viscérale exprimée en duo sur scène pour que chaque histoire devienne possible.

Pour toi en tant que personne qu’est ce qui est essentiel ?

Je suis pas un type super gourmand je crois. Les proches, les chats, le chocolat, une cool lumière qui filtre à travers ta fenêtre quand tu bois ton café… Voilà ! Après comme j’aime bien la solitude, le confinement m’a sans doute moins atteint que d’autres ! J’ai mon petit home studio à la maison et le fait de pouvoir bricoler, composer, enregistrer… Ça m’a vachement occupé pendant cette étrange période aussi ! C’était assez essentiel pour moi : me lever le matin pour créer des trucs et faire pour le seul plaisirs de faire ! Il y 90% des choses n’aboutissent à rien mais dans les 10%  restant, y’a peut être des fils à tirer pour faire de jolis titres plus tard… J’ai aussi un peu progresser techniquement, je me baladais de tuto en tuto pour élargir mes compétences, c’était cool !

Et artistiquement, en tant que musicien qu’est-ce qui t’es essentiel ?

Du coup on sépare l’homme de l’artiste, héhé ? Je crois que ma première réponse est applicable ici du coup !
On peut évidement ajouter que les concerts comme chose essentielle… Ça me manque grave et c’est parti pour continuer à manquer un moment malheureusement ! En plus, la question pragmatique de gagner sa vie va se poser sur les mois à venir ! On verra… Bref : faire de la musique avec tout ce que ça implique est essentiel. Que ce soit à geeker dans sa chambre ou à se produire dans salles !

 A ton avis qu’est-ce qui est essentiel à la société ?

Olala… C’est chaud comme question ! Ça serait super gonflé de ma part de prétendre pouvoir y répondre ! Je vais écrire quelques phrases en évitant d’être trop relou’ (mais je vais forcément l’être un peu) ! Ayant forcément une vision pseudo romantico-artistique, je dirai que prendre son temps ne ferait sans doute pas de mal. Est-ce qu’on est vraiment obligé de s’agiter dans tous les sens, tout le temps, pour tous ces trucs dont globalement on se fou ? Ce que je veux dire par là, c’est qu’il suffit parfois de regarder un documentaire sur le big bang pour prendre conscience que quand même, on gesticule vachement pour pas grand chose… On pourrait aussi dire qu’un peu plus d’équité serait aussi essentielle à nos sociétés ! Mais bon, c’est une remarque hyper générique qui sonne creux dit comme ça.  Je ne suis sans doute pas la personne la plus habilité à réparer les inégalités du monde depuis ma piaule à Bègles… On peut déjà faire ce qu’on peut à petite échelle et se dire qu’accorder plus d’importance aux personnes, aux proches, aux chats, au chocolat et à la cool lumière qui filtre à travers nos fenêtres quand on boit notre café ça serait super chouette !

Qu’est ce qui sera essentiel au monde post crise du Covid-19 ?

Les personnes, les proches, les chats, le chocolat et à la cool lumière qui filtre à travers nos fenêtres quand on boit notre café ? Pour de vrai, je ne suis pas un grand optimiste malheureusement ! Je ne pense pas qu’il y aura de grands changements positifs ou quelconque prise de conscience global. Je pense quand même (j’espère un peu) que cette crise rapproche pas mal de personnes de l’essentiel… Faire gaffe aux autres, pas consommer comme des bourrins, prendre du temps pour soit, écouter de cool chansons…

 Enfin ta playlist essentielle en 5 titres.

– Death With Dignity – Sufjan Stevens
– Notes pour trop tard – Orelsan
– Climbing Up The Walls – Radiohead
– Rome – Phoenix
– When The Party’s Over – Billie Eilish

 


Th/s /s Sh/t

A la croisée de multiples styles musicaux dont les trois musiciens sont issus (métal, jazz, electro, math-rock), le projet TH/S /S SH/T est habité par l’audace d’explorer une musique atypique. Cette musique se cristallise dans un mélange à la fois hybride, moderne, et cohérent.

Pour toi en tant que personne qu’est ce qui est essentiel ?

Profitez de la vie au-delà du fait de seulement survivre. Mais sans oublier de profiter autant de grands évènements, que de simples et banales plaisirs du quotidien.

Et artistiquement, en tant que musicien qu’est-ce qui t’es essentiel ?

Avoir accès à tout, que ce soit la musique, les instruments, les expérimentations, et les possibilités. Afin que chaque envie puisse aboutir sur quelque chose, car être musicien, c’est aussi un combat permanent contre la frustration créative.

A ton avis qu’est-ce qui est essentiel à la société ?

Tout simplement le lien social, car c’est la base de nos sociétés. Et puis c’est une source de bien-être, mais également une force pour affronter des difficultés.

Qu’est ce qui sera essentiel au Monde post crise du Covid-19  ?

Saisir l’opportunité de se débarrasser de l’individualisme, de la bêtise, et de l’égoïsme, qui sont encore trop nourris dans ce monde.

Enfin ta playlist essentielle en 5 titres

Esbjorn Svensonn Trio – Goldwrap / The Jesus Lizard – Mailman / Yuzo Koshiro – Final Boss / Xploding plastix – Behind the Eightball / Philipp Glass – Pruit Igoe


JUMO

Il y a six ans Clément Leveau donnait naissance à Jumo un avatar musical avec lequel il affirmait une identité singulière caractérisée par une production sophistiquée des mélodies capiteuses et une atmosphère cinématographique lui permettant de laisser libre cours à sa passion pour l’image.

Pour toi en tant que personne qu’est ce qui est essentiel ?

L’essentiel pour moi, c’est en premier lieu les rapports humains, je le ressens bien au bout de deux mois de confinement, même si je suis assez solitaire notamment pour composer, c’est mon entourage, l’effervescence des rencontres, des moments qu’on passe ensemble qui me permet d’avancer.

Et artistiquement, en tant que musicien qu’est-ce qui t’est essentiel ?

Les dernières choses qu’on ressent mais qu’on ne peut pas altérer. Le vent est un bon exemple, ça me semble très important aujourd’hui, c’est la même chose pour la mer d’ailleurs, et tout ce qui reste de naturellement vierge, personnellement je me suis instinctivement rapprocher de ça, je vis au bord de la mer, et c’est cet endroit qui me permet de me vider l’esprit et donc de composer, créer, c’est un peu la même chose quand je voyage, c’est un état où on est coupé du quotidien, de cette routine qui ne me permet pas vraiment d’écrire. ça a d’ailleurs donné le nom de mon album « Et le vent ? »

A ton avis qu’est-ce qui est essentiel à la société ?

Peut être que si on prenait plus conscience du monde dans lequel on vit il y’aurait beaucoup moins de choses « essentielles » à la société, le problème aujourd’hui c’est qu’on a tous besoin de beaucoup de choses matérielles pour vivre le monde actuel, en tout cas c’est ce qu’on nous fait croire.
Pour moi, l’essentiel c’est le partage, les échanges, la vie en groupe, et encore une fois les rapports humains

Qu’est ce qui sera essentiel au Monde post crise du Covid-19 ?

Je pense qu’il va évidemment falloir se serrer les coudes, donc de la cohésion et surtout de la solidarité, pour ne pas reproduire le même schéma… Et enfin j’espère comme tout le monde qu’on pourra vite accéder à nouveau à la culture, aux concerts, aux salles de cinéma, aux musées etc..

Enfin ta playlist essentielle en 5 titres.

Choir – Awir Léon
Blutch – Vorlen
Lucie Antunes – Iceland
Koudlam – See you all
Battles – The Yabba

 


Hermetic Delight

Un nom qui claque sous la langue puis fond dans la bouche, oscillant entre ardeur post-punk et loopings mélodiques, comme leur musique, plus délicieuse qu’hermétique. Si au cours de la précédente décennie le groupe s’était fait connaître pour des Eps à la robe sombre et pour ses paysages de nuit, leur premier album F.A. Cult fait aussi entrer la lumière et invoque des analogies résolument pop qui les rapproche de Chromatics ou encore Goldfrapp. Avec Charles Rowell (du groupe américain
Crocodiles) à la direction artistique, F.A. Cult transfigure Hermetic Delight et c’est toujours de la magie, de la magie blanche.

Pour toi, en tant que personne, qu’est-ce qui est essentiel ?

Zeynep : Pouvoir rester en contact avec ma famille.
Atef : De toujours conserver ma mémoire d’enfant.
Delphine : Chercher le sacré dans ce qui m’entoure.

Et artistiquement, en tant musicien / artiste, qu’est-ce qui t’est essentiel ?

Zeynep : Être inspirée et avoir envie de transformer mes inspirations en processus de création.
Atef : De toujours rester critique envers soi-même.
Delphine : Être à la fois concentré(e) et distrait(e), un peu comme avec le sexe.

A ton avis, qu’est-ce ce qui est essentiel à la société ?

Zeynep : La capacité à se remettre en question. Rester solidaires.
Atef : De se comprendre.
Delphine : Regarder partout maintenant plutôt que chercher à l’horizon ; demain sera le reflet du moment
présent.

Qu’est-ce qui sera essentiel au Monde post crise du Covid-19 ?

Zeynep : Arrêter de créer les complots faciles sur Twitter.
Atef : Que la solidarité demeure
Delphine : Se détacher du “vide” car “le matin est un compagnon doué d’une belle santé et d’une sauvage
beauté” (Joseph Von Eichendorff).

Enfin, ta playlist essentielle en 5 titres

– Joe Hisaishi “The Path of the Wind”
– The Dandy Warhols “Good Morning”
– Kate Tempest “Europe is Lost”
– Brian Eno “Third Uncle”
– Replikas “Dayan”


JEWLY

Jewly fait partie de ces artistes qui en quelques secondes vous transportent et vous inspirent. Distillant un Rock rebelle puissant aux accents de Blues épicé et justement teinté d’Électro, sa musique est comme une claque qui vous réveille les sens et vous remue les tripes. Dotée d’une énergie fédératrice en live et d’une voix puissante, féroce et charismatique, elle se fait rapidement une place sur la scène rock hexagonale, jalonne la scène internationale  avec plus de 500 concerts déjà à son actif et se produit en 1ère partie d’artistes comme Scorpions, Macy Gray, Ten Years After, Lucky Peterson, The Stranglers, Yannick Noah, Florent Pagny,  …

Pour toi, en tant que personne, qu’est-ce qui est essentiel ?

L’amour de l’autre et la sincérité ; envers soi et envers autrui. Le fait de pouvoir vivre en étant vraiment soi-même, sans se préoccuper de la manière dont on pourrait être perçu. Avoir conscience de qui l’on est, de sa valeur, de sa singularité pour pouvoir se construire avec sa personnalité, ses failles et ses forces.

Et artistiquement, en tant musicien / artiste, qu’est-ce qui t’est essentiel ?

 Je crois que ça se recoupe un peu, être authentique dans son art et donner ce que l’on est à 100%, avec tout son cœur et ses tripes. Rester fidèle à soi-même et être fier de ce qu’on a accompli artistiquement et de ce que l’on propose à son public.

A ton avis, qu’est-ce ce qui est essentiel à la société ?

 Que l’on se préoccupe de l’autre et que l’on s’entraide.

Qu’est-ce qui sera essentiel au Monde post crise du Covid-19 ?

Que l’humain soit au centre des préoccupations et que l’on soit à l’écoute des autres. Que l’on apprenne de ce qu’on vit actuellement, que l’on construise ensemble et surtout, qu’on n’oublie pas ! Ne pas ignorer et ne pas se laisser détruire par le toxique qui peut être partout autour de nous, mais plutôt l’affronter !

 Enfin, ta playlist essentielle en 5 titres

 Jack White – Love Is Blindness (cover) /  Billie Eilish – Bad Guy /  Hozier – Angel Of Small Death & The Codeine Scene / Rage Against The Machine – Killing In the Name  / Alanis Morissette – That I Would Be Good

The Night Chancers Baxter Dury
  The Night Chancers, Baxter Dury

  Depuis le génial Prince of Tears, avant-dernier projet en date du dandy britannique dans lequel il prouvait définitivement son talent, Baxter Dury n’a pas donné beaucoup de nouvelles. C’est aujourd’hui, dans une période difficile mais plus que jamais ouverte à la musique, qu’il fait son retour avec The Night Chancers, un nouvel album toujours aussi envoûtant. Avec la maitrise qu’on lui connaît, le chanteur insuffle à ce nouveau projet une profondeur sans égal dans sa discographie, élevée par une voix toujours aussi charnelle et magnétique.

 A l’occasion de cet évènement important de la carrière déjà bien remplie d’un artiste qui parvient à allier qualité et efficacité, nous avons eu la chance d’interviewer celui qui vous tiendra très certainement compagnie durant votre confinement et sûrement plus. C’est dans un hôtel parisien que Baxter Dury a accepté de répondre à nos questions concernant sa carrière et son nouvel album, bravant sa maladie qui ne lui permit pas d’être au meilleur de sa forme. D’une attitude désinvolte et d’un ton quelque peu nonchalant qui, on le sait, font partie de son identité mais aussi de son image d’artiste, élevés par un accent anglais bien prononcé, le chanteur ne nous a pas facilité la tâche, bien que toujours poli et à l’écoute de nos interrogations. Nous vous laissons découvrir cet entretien qui nous fait extrêmement plaisir de dévoiler :

Tout d’abord, j’ai l’habitude de débuter avec une question assez générale, afin d’en savoir un peu plus sur toi, notamment pour nos lecteurs qui ne te connaissent pas forcément. Je voulais ainsi savoir ce que tu fais de tes journées. Quel est le quotidien de Baxter Dury ?

Baxter Dury : Interviews, interviews, interviews… (rires). Mon emploi du temps varie. Je fais beaucoup de choses. Ça dépend sur quel niveau tu te situes. Tu devrais poser des questions plus spécifiques. Par exemple, en ce moment, je fais la promotion de mon nouvel album et tout ce qui s’en suit. Cela engage évidemment des obligations promotionnelles comme des interviews, faire des photos et toute cette merde… Et cela dans plusieurs pays. En réalité, c’est amusant, à part quand tu as la grippe et que tu dois monter dans l’Eurostar à 5h du matin. Putain. Tu vois ce que je veux dire ?

Tu es occupé par la musique à chaque instant de ta vie ?

Baxter Dury : Non pas du tout, j’ai des pauses parce que tu as besoin de te reposer. Je suis pas ce genre de type bizarre totalement obsédé par la musique qui a constamment besoin de s’exprimer. J’ai de longues périodes comme ça puis j’arrête pendant un moment.

« Sur cet album, les histoires innocentes de ruptures ont fait jaillir des sentiments noirs mais qui, en tant que sujets de chansons, ne sont peut-être pas si sombres qu’on pourrait le penser. »

The Night Chancers est ton sixième album, qu’est ce qui a changé depuis que tu as commencé à faire de la musique ?

Baxter Dury : J’ai fait plus de six albums si tu comptes les collaborations etc. En réalité, j’ai fait beaucoup d’albums, je suis assez bon (rires). Ma vision a évidemment changé depuis les débuts. Je sais pas vraiment comment et je suis pas sûr d’être le meilleur commentateur de mon propre parcours. Mais je suppose que beaucoup de choses ont changé oui.

Ce nouvel album semble s’inscrire dans une évolution de ta part vers quelque chose de plus sombre, plus noir. Tu en as eu conscience lors de son élaboration ?

Baxter Dury : Hum… Plus sombre, je sais pas vraiment. Ça dépend ce que tu considères comme sombre. Lors de mon album précédent, il est vrai que je me trouvais dans un état d’esprit plus obscur. Pour autant, sur cet album, les histoires innocentes de ruptures ont fait jaillir des sentiments noirs mais qui, en tant que sujets de chansons, ne sont peut-être pas si sombres qu’on pourrait le penser.

 Par exemple la pochette de l’album, c’est très certainement la plus sombre parmi toutes celles que tu aies faite.

Baxter Dury : Oui, parce que la photo a été prise dans le métro et que tu ne peux pas faire plus clair que le désert (fait ici référence à la pochette de Prince of Tears). Tu ne peux pas comparer. Sur celui-ci, l’ambiance est plus claustrophobe. Je crois qu’être français (fait ici référence à son interlocuteur) implique une difficulté à choisir les implications narratives d’une histoire parce qu’une partie du langage doit se perdre. Tous mes albums sont équitablement lumineux et sombres à la fois.

The Night Chancers constitue donc la suite logique de ta musique ? Tu le perçois de cette manière ?

Baxter Dury : Je ne l’ai pas particulièrement pensé de manière logique, et ce n’est jamais sorti de cette façon je pense mais c’est l’album que je viens juste de terminer donc logiquement, il doit suivre le parcours de mon évolution.

Dans le clip de « Slumlord », le premier morceau de l’album à avoir été dévoilé, tu te mets en scène comme un débauché, alcoolique et drogué. Dans le mot slumlord, on retrouve d’un côté « slum » et de l’autre « lord », deux mots en contradiction. J’ai l’impression que tu aimes endosser des rôles de pouvoir : lord, prince… en les confrontant à des mots qui ne leur sont jamais associés en temps normal : slum, tears… D’où vient cette idée ?

Baxter Dury : La définition exacte de « slumlord » est une personne propriétaire de logements miteux, et qui exploite les personnes pauvres qui vivent à l’intérieur, en dépensant le moins possible pour l’entretien. Ça n’a rien de classe ni de loyal. C’est quelque chose de négatif.

« Je dois protéger une partie de la vérité. J’utilise des personnages pour éloigner les auditeurs de ma réalité et de mes pensées. C’est une technique de diversion. »

Alors que « Prince of Tears » révélait quelque chose de plus lumineux.

Baxter Dury : Prince of tears est plus fragile.

Tu aimes endosser des rôles ?

Baxter Dury : J’en ai besoin. Je dois protéger une partie de la vérité. J’utilise des personnages pour éloigner les auditeurs de ma réalité et de mes pensées. C’est une technique de diversion.

Comment tu composes tes morceaux ? Seul ou entouré ?

Baxter Dury : Parfois seul, parfois entouré… Je n’ai pas de règles à propos de ça. J’ai une équipe d’écriture. Par exemple, sur la chanson « Miami » du précédent album, c’est un ami à moi qui a écrit cette ligne de basse. Mon rôle est ensuite celui de répondre ensuite à ces propositions. Il y a certaines personnes qui ont une grande influence sur ce que je fais.

J’ai lu dans une interview à l’époque de Prince of Tears que tu plaçais la meilleure chanson en début d’album. C’est le cas ici avec « I’m not your dog » ?

Baxter Dury : J’en avais l’habitude oui, mais je ne l’ai pas fait sur cet album, parce que j’avais déjà en tête toute la construction. Je savais quel serait le début, le milieu, la fin… Je l’avais déjà séquencé avant de terminer les morceaux.

 Dans cette chanson d’ouverture, « I’m not your dog », tu introduis du français avec la phrase « ce n’est pas mon problème, je ne suis pas ton chienne », chanté par une voix féminine qui t’accompagne. D’où t’es venu l’envie de chanter en français ?

Baxter Dury : J’aime le français traduit par google. Il y a une maladresse, un accident de langage produit volontairement. C’est presque irrespectueux mais l’idée n’était pas d’être négatif envers le français. Musicalement, ce n’est pas destiné à être parfait car sinon ce ne serait pas très intéressant. On a proposé à certaines actrices françaises comme Marion Cotillard, Béatrice Dalle de le faire… Une de celles à qui on a demandé nous a dit que si elle le faisait, ça deviendrait trop cliché. Elle nous a conseillé de le laisser dans cette version pour que ça soit plus intéressant. Je crois que c’était une manière de me faire comprendre qu’elle n’aimait pas la chanson.

« Je m’excuse notamment auprès de tout le monde qui a collaboré sur cet album. Pour quelle raison ? Je ne sais pas. Mais je m’excuse. Ce sont des excuses gratuites, sans raisons… »

Dans la dernière chanson de l’album, une femme répète « Baxter loves you ». A qui t’adresses-tu lorsque tu lui fais chanter ça ?

Baxter Dury : A tout le monde. Je m’excuse. Je m’excuse notamment auprès de tout le monde qui a collaboré sur cet album. Pour quelle raison ? Je ne sais pas. Mais je m’excuse. Ce sont des excuses gratuites, sans raisons…

Pourquoi ne pas le chanter toi-même et le dire par l’intermédiaire d’une voix qui n’est pas la tienne ?

Baxter Dury : Ce n’est pas moi qui le dit mais je contrôle les paroles. C’est moi qui les ai écrites. Donc cela revient au même en un sens.

Tu sembles beaucoup influencé par Serge Gainsbourg. A quel point es-tu proche de sa musique ?

Baxter Dury : Un peu oui, mais je ne dirais pas beaucoup. En tout cas moins que ce que les gens pourraient penser. Il m’influence un peu, parfois.

En parlant d’influences, je trouve que « Slumlord » a de nombreuses similarités avec « Let’s Dance » de Bowie. Tu en avais conscience lorsque tu as écrit le morceau ?

Baxter Dury : J’ai réalisé cela à un moment où j’étais déjà bien avancé dans la composition du morceau. Quelques personnes m’ont fait la même remarque. J’ai empiré cet effet miroir en introduisant une rythmique qui sonne comme « Let’s Dance ». Au début de l’écriture de la chanson, je n’avais pas fait ce rapprochement mais lorsque je m’en suis rendu compte, j’ai joué volontairement sur cet effet, en appuyant d’autant plus sur cette ressemblance.

 Il existe cet éternel débat du rock qui veut que l’on choisisse entre les Beatles ou les Stones. Personnellement, j’aimerais un peu modifier la question et te demander si tu es plus Beatles ou Bowie ?

Baxter Dury : Bowie je pense. Non… Enfin je sais pas… Egalité sûrement… Je suis très fier de la musique anglaise. Je suis fier des Beatles, autant que je suis fier de David Bowie. Tu comprends ? Je suis fier. Donc pourquoi devoir choisir un camp ? Je me référence sûrement un peu plus à Bowie parce qu’il est vraiment très sophistiqué. Mais on ne devrait pas créer de compétition.

Tu as fais plusieurs collaborations en parallèle à tes albums solos. Je voulais revenir sur celle récente avec Etienne de Crécy et Delilah Holliday sur l’album B.E.D, un disque que je trouve très bon et extrêmement efficace. Comment tu as rencontré Etienne et Delilah ?

Baxter Dury : J’étais à Paris et il m’a demandé de faire une chanson. Je m’ennuyais un peu parce que ça faisait longtemps que je séjournais ici et nous avons donc fait un album très rapidement.

Est-ce que cet album, B.E.D, t’a donné des idées pour ton nouvel album solo The Night Chancers ? En terme de recherche sonore, de composition…

Baxter Dury : Pas vraiment. Ce sont deux choses séparées qui sont arrivées très rapidement. Il n’y pas eu beaucoup à réfléchir et c’est ce que j’ai apprécié le plus.

Sur I’m not your god, j’ai cru entendre un son de basse similaire à certains sons que l’on peut entendre sur B.E.D

Baxter Dury : C’est juste de la musique électronique tu sais. Ça sort de machines. C’est comme ça que ça marche, et les sons peuvent se ressembler. Je n’y pense pas vraiment quand j’écris les morceaux. Je ne cherche pas à répéter les choses que j’ai produite, c’est le coup d’une fois et ensuite je n’y reviens pas.

Tu ne prévois donc pas de donner suite à cette collaboration avec Etienne de Crecy et Delilah Hollyday ?

Baxter Dury : Non, ça n’arrivera jamais. C’était le temps d’un seul album. Mais je n’y pense pas autant que toi, si tu commences à y penser, ça ruine tout. C’était une musique très simple, inconsciente, qui n’a pas demandé beaucoup d’efforts mais qui au bout du compte a bien fonctionné, justement grâce à ce côté instinctif. Le truc est de ne pas trop y réfléchir, sinon ça ne marche plus.

 Tu penses quand même collaborer avec d’autres artistes à l’avenir ?

Baxter Dury : Maintenant, après tout ça, et en fonction de ce qui se passera par la suite, j’aimerais davantage travailler avec des artistes américains, proches du hip-hop, comme Franck Ocean. Je trouve que la musique afro-américaine est bien plus intéressante que tout le reste.

« Les gens parlent du streaming aujourd’hui, mais avant ils parlaient d’autres choses tout aussi merdiques »

Ta façon de chanter, lente et intense, à la limite du parler parfois, tu l’as beaucoup travaillé ou c’est quelque chose de naturel chez toi ?

Baxter Dury : La plus grosse partie est naturelle, mais tu dois toujours travailler certaines choses. Rien ne vient vraiment simplement, on doit y consacrer du temps.

Tes chansons sont généralement courtes et répétitives. Cela fait partie de ton identité musicale ? Es-tu attiré par d’autres manières de composition ?

Baxter Dury : Oui, cela fait partie de mon identité musicale. Et en terme de composition, je suis maintenant attiré par des choses qui proviennent d’Amérique. Faire quelque chose de différent m’intéresse.

 Qu’est-ce que tu penses de l’industrie musicale aujourd’hui ?

Baxter Dury : ne sais pas vraiment. Je crois que des artistes comme moi seront toujours les mêmes. Je crois que tout va bien en fin de compte. Je n’y pense pas vraiment en réalité. Il ne faut pas trop s’inquiéter. Les gens parlent du streaming aujourd’hui, mais avant ils parlaient d’autres choses tout aussi merdiques. Des choses auxquelles je m’intéresse peu. Du moment que je me porte bien et que je paye mon loyer, je n’ai pas grand-chose à dire.

C’est tout pour moi, merci beaucoup !

Pochette Album Baxter Dury Carla's got a boyfriend

bartleby delicate

Révélation folk de l’année, Bartleby Delicate enivre avec ses compositions harmoniques et sublimes. L’ancien leader du groupe Seed to Tree se produisait en mois d’octobre au Crossroads Festival à Roubaix où nous avons la chance de le découvrir sur scène. Impossible de ne pas purement et simplement tomber amoureux de ses mélodies aux testes littéraires et de sa sincérité scénique. Le luxembourgeois offre comme il l’aime à l’appeler une folk-do-it-yourself comme il aime à l’appeler. Il faut dire que Georges Goerens gère son projet solo de A à Z, de la composition aux clips en passant par l’organisation de ses concerts ou de sa promotion. Interview. Il nous parle de son idole, Daniel Johnston, de ses inspirations littéraire, de ses compositions et du développement de ce projet solo à découvrir d’urgence.

Comment est né ton projet solo Bartleby Delicate?

On m’a proposé un concert solo en première partie du groupe allemand Giant Rooks. Je n’avais plus envie d’interpréter les chansons de mon groupe Seed to Tree tout seul en acoustique et je savais que j’avais encore un tas de chansons qui étaient prêtes mais qui je ne pouvait pas imaginer dans le contexte du groupe. Donc j’ai proposé de faire le concert sous un autre pseudonyme. C’est comme ça que Bartleby Delicate est né.

Comment présenterais-tu ton projet à quelqu’un qui ne le connaît pas?

C’est un projet autobiographique, très personnel, intimiste et expérimental en même temps. Je suis tout le temps à la recherche de nouveaux sons et de nouvelles formes d’expressions. Je fais de la musique folk avec des influences électro et pop, mais il n’y a pas de barrières dans cette recherche, pas de compromis. J’essaie de toujours garder quand-même un fil rouge dans mon travail, en utilisant la même palette d’instruments et en abordant le même type de questions.

Quelles différences vois-tu entre le fait de composer de la musique en solo et dans un groupe? Te sens-tu plus libre artistiquement?

La liberté se développe de façon différente. On manque bien sûr de l’esprit collectif des autres musiciens qui inspirent beaucoup mais en même temps tout seul j’ose plus. Il n’y a aucun jugement dans le processus du songwriting quand je suis tout seul dans une salle de répétition, j’essaie de jouer des instruments que je ne sais pas encore jouer et je peux m’adapter à mon propre rythme. Je pense qu’on ressent cette liberté du processus de composition dans le résultat des chansons.

Comment fais-tu la part entre les deux projets et quelle sensibilité mets-tu dans un projet plutôt que dans un autre?

J’ai commencé la musique avec mon groupe Seed to Tree. Ces expériences vont toujours faire partie de ma façon de voir la musique. Je me consacre un maximum aux deux projets. Mais il y a toujours des phases qui sont plus intenses pour un des deux. Après avoir publié un album avec le groupe cette année, je veux maintenant investir toute mon énergie à la prochaine création de mon projet solo. 

 

Pourquoi ce nom de Bartleby Delicate?

Bartleby est le personnage principal du roman Bartleby the scrivener, une figure importante de la littérature américaine. Je voulais accentuer la qualité littéraire des textes des chansons en choisissant un nom avec une référence à la littérature. Bartleby m’a  particulièrement intéressé parce qu’il montre par sa façon de vivre une alternative à un modèle de vie traditionnel. Ce que je considère aussi d’être le rôle d’un artiste, de poser des questions et de remettre en question la routine et les habitudes de notre vie.

Au Crossroads Festival tu parlais de la mort de Daniel Johnston. Comment ce musicien a-t-il bercé ton univers?

C’est tout simplement la musique la plus touchante et plus honnête que j’ai jamais écoutée. Je l’ai découvert un jour à la radio et ça m’a rappelé que la musique ne doit pas être quelque chose de très complexe. Je vois beaucoup plus l’intérêt de raconter avec la musique les événements dont nous sommes proches et qu’on a du mal à les exprimer. Je pense que la musique sait dire des choses quand on manque de vocabulaire pour l’exprimer.

Pourquoi penses-tu que l’émotion soit si forte lors du décès d’un musicien que l’on idolâtre? Comment une personne que nous ne connaissons pas peut-elle, selon toi, à travers sa musique prendre autant de place dans nos vies?

C’était une des premières fois que j’ai ressenti une sorte de tristesse par rapport à la mort de quelqu’un que je ne connaissais pas personnellement. D’habitude, le décès d’une personne célèbre ne me touche pas plus que la mort de quelqu’un d’autre. Pour le musicien Daniel Johnston, je pense que j’avais l’impression qu’il m’a appris beaucoup de choses sans se rencontrer, il a laissé une trace en moi et ça me faisait bizarre que quelqu’un qui m’était tellement proche, ou bien l’idée de cette personne, ne soit plus là. C’est une étrange sorte de tristesse, parce qu’on ne sait même pas ce qui nous manque. 

Tu as reçu des commentaires homophobes sous une de tes vidéo, ce qui a donné naissance au titre «  A Little less home », peux-tu me parler de cette expérience?

C’est important pour moi que tout le monde ait la possibilité d’être comme il est. C’est une évidence qu’en tant qu’artiste il faut parfois utiliser sa plateforme pour dire non à des commentaires discriminatoires. 

 

Tu définies Bartleby Delicate comme un projet folk Do It Yourself, peux-tu clarifier ce terme? Les jeunes artistes sont souvent obligés de gérer toute la complexité de l’univers professionnel musical en endossant différentes casquettes de celle d’artiste à celle d’attaché de presse ou de tourneur. Es-tu confronté à cette problématique? Comment apprend-t-on à tout faire soit même?

C’est vrai, je fais la plupart du travail moi-même. J’ai beaucoup appris au cours des années grâce à cette approche. Le travail à côté de la musique est fatiguant mais ce sont ces expériences aussi qui influencent la musique. Je pense qu’il y a un rapport: en faisant beaucoup seul au début, tout le travail administratif, organiser des shows, faire de la promo, transporter son matériel soi-même, grâce à cette expérience, on reste humble en tant que musicien. Cette humilité est reflétée dans une musique folk honnête qui ne veut pas être une chanson pop surproduite.

 

Tu as su te créer un univers scénique composé d’un décors lumineux, pourquoi ce choix?

J’ai compris que ma musique a besoin d’une atmosphère particulière pour pouvoir développer son énergie. Le décors de lumières crée une ambiance qui aide à s’ouvrir à la musique, c’est devenu une partie essentielle du spectacle.

Tes textes sont littéraires et s’inspirent notamment de l’écrivain Herman Melville. Comment les écris-tu?

J’essaie de lire beaucoup et de trouver du temps pour écrire. Parfois ce n’est pas facile de trouver le bon moment parce qu’il y a tellement de choses à organiser autour de la musique. C’est pour ça que j’aime beaucoup écrire mes textes dans le train. C’est un moment calme, j’ai souvent un carnet avec moi et là je trouve le temps d’écrire et relire des textes.

 

Comment composes-tu tes morceaux? Parle nous de la réalisation de ton EP.

Ça a beaucoup changé au fil des années. Avec mon EP, j’avais composé la base, c’est à dire la ligne de guitare et le texte. Je suis allé en studio et avec le producteur nous avons bricolé autour de mes idées pour finir les chansons. Maintenant je fais une grande préproduction moi-même pour donner un maximum d’idées. Il me faut quand même du temps dans le studio pour vraiment finir les choses ensemble et surtout avoir une autre opinion que la mienne. 

 

Peux-tu nous parler du clip de « Beyond good and evil » et des différents éléments que tu mets en scène dans la vidéo (escargots, plantes, encre, costumes…)?

La vidéo a été créée par une bonne amie à moi, Nina Bodry. On avait discuté du texte et elle avait l’idée de créer une installation d’art surréelle. J’ai bien aimé l’idée car la chanson parle d’une recherche d’identité, de la question où se placer dans le monde. Les différentes parties de la pièce sont des allusions métaphoriques à des passages du texte de la chanson.

Tu as remporté le prix du meilleur artiste émergeant en 2018, comment cela t’a-t-il aidé?

Déjà j’ai reçu un peu d’argent, ce qui aide toujours pour réaliser des projets. Mais surtout ça fait du bien de recevoir une reconnaissance de mon travail. Le prix m’a donné une nouvelle énergie et ça m’aide aussi en terme de visibilité médiatique. Ça m’a aidé sur de nombreux niveaux.

 

Quelle place occupe la folk selon toi dans le paysage musical actuel?

C’est un genre de musique où on utilise souvent la même recette pour composer une chanson. On a souvent l’impression qu’on l’a déjà entendu. Je pense que c’est pour ça que ce genre n’est plus tellement populaire parce que ça nous surprend pas. Il faut oser à repenser les frontières de ce genre de musique et trouver de nouveaux mélanges de genre. Si on réussi à combiner la sensibilité de la musique folk avec des éléments surprenants, je suis sûr que c’est une musique qui peut toucher beaucoup de gens. 

 

Quelles sont tes actualités?

Je suis en train de préparer un nouveau EP. Un premier single va probablement déjà sortir en début 2020 et après je vais repartir en studio pour finir l’EP. Je n’ai pas encore un timing concret mais je dirai que je vais sortir l’album à l’automne 2020 et partir en tournée à ce moment-là. 

 

 

A l’occasion de leur venue dans la capitale pour leur troisième concert parisien au Nouveau Casino (après La Boule Noire et Rock en Seine), nous avons rencontré les jeunes Irlandais de The Murder Capital (ou du moins deux d’entre eux : Gabriel Paschal Blake, bassiste, et Cathal Roper, un des deux guitaristes). Leur premier album, When I Have Fears, magnifique cadeau de fin d’été, avait retenu notre attention de par son impeccable maîtrise d’un style déjà propre à eux-mêmes, s’inscrivant dans la lignée du post-punk. En pleine conquête de nouveaux adeptes, le groupe compte bien faire résonner leur musique à travers le monde. Passionnés, revendicateurs, amoureux du rock, The Murder Capital n’en a pas fini de nous impressionner. La rencontre s’est passée dans leur hôtel, sur une petite terrasse des plus charmantes. Fatigués mais déterminés, les deux hommes nous ont fait l’honneur de répondre avec joie et gentillesse à nos questions. Ils nous ont parlés de la situation en Irlande, de la psyché humaine et de l’importante cohésion de leur groupe.

 

 

On a du vous poser cette question de nombreuses fois : pourquoi avoir choisi ce nom de groupe « The Murder Capital » ?

          Cathal : Quand on y pense, c’est en quelque sorte une réflexion sur les problèmes sociaux et politiques que l’on connaît à Dublin, comme le fait que la ville n’offre pas un service de santé fonctionnel. En Irlande et à Dublin, le taux de suicide n’arrête pas de grimper. C’est venu de là, de notre volonté de revendication. En prenant un nom dramatique, on pensait avoir un impact fort.

         Gabriel : La violence environnante, les meurtres au couteau, les choses comme ça, comparés aux autres endroits dans le monde, en Irlande c’est très présent. Notre pays n’est peut-être pas la capitale du crime mais au vu de l’investissement du gouvernement sur ces questions, c’est très préoccupant. Toutes les personnes à qui on parle ont déjà perdu un proche s’étant suicidé, ou ayant connu la mort à cause du mauvais système de santé. Tout le monde a connu, au moins une fois dans sa vie, des problèmes de santé mentale, comme la dépression. C’est vos amis qui vous sortent de la galère. Nous avons de la chance d’en avoir et de pouvoir discuter avec eux de choses comme ça, mais certains ne s’en sortent jamais. C’est de là que notre nom est venu, au vu de la situation critique en Irlande.

 

Concernant le système de santé défaillant en Irlande, y a-t-il une prise de conscience de la part des habitants vis-à-vis de cela, entraînant des luttes et des revendications fortes ou il y a un silence général autour de cette question ?

        Cathal : La plupart ont conscience du problème. Il y a des manifestations et des parades qui sont organisées pour lutter contre cela, ce qui est plutôt positif, mais on ne voit pas de changement de la part du gouvernement, avec des décisions concrètes. C’est compliqué de négocier. Cette prise de conscience des Irlandais est obligée de se confronter à l’indifférence du gouvernement.

        Gabriel : Oui, ils ne font rien…

        Cathal : Cela donne l’impression qu’il n’y a aucun d’efforts de fait de la part du pouvoir. Tu peux toujours essayer de lutter mais aucun moyen est bon.

        Gabriel : L’opinion des gens en général est en train de changer lentement. En parlant aux anciennes générations de ma famille, je remarque qu’ils voient aujourd’hui les choses différemment grâce aux plus jeunes générations qui font en sorte que tout le monde ouvre les yeux. Mais comme Cathal l’a dit, je crois que même si l’envie et le besoin de changement sont bien présents, rien ne bouge encore réellement. L’Irlande reste pour le moment inchangée. Mais je crois qu’un jour on y arrivera. Si je n’y croyais pas, il n’y aurait pas d’espoir.

 

En France, il y a des articles concernant les problèmes de dépression liés au monde de la musique, car c’est un milieu peu stable, les artistes peuvent en souffrir. Est-ce que c’est quelque chose que vous ressentez aussi, ou que vous avez pu remarquer chez d’autres ?

Gabriel : Je crois que Billie Eilish l’a très bien expliqué dans l’une de ses interviews quand elle dit que tous les musiciens sont tristes. La majorité des personnes qui font de la musique se sont probablement lancés dedans au départ afin de comprendre leurs émotions et se comprendre soi-même. Je pense que par la suite, si vous continuez dans cette voie, cette question est toujours aussi centrale. Le fait d’être souvent loin de chez soi, de vivre en tant que musiciens dans des environnements non naturels, comme par exemple dans un van avec neuf personnes, et de se trouver à longueur de journées en compagnie de la même bande, aussi incroyable que cela puisse être, et je me rends compte du merveilleux cadeau qu’est celui d’être ici à Paris aujourd’hui, ça peut rapidement vous peser. Si vous avez besoin d’une collection de personnes qui sont souvent tristes, les musiciens en font partie.

Cathal : La vie peut être difficile. Je ne crois pas que l’on soit tristes mais il faut comprendre que cela fait partie du métier.

Gabriel : Les musiciens sont probablement capables de mieux identifier leurs émotions, et peuvent dire distinctement ce qu’ils ressentent comparé à certains qui ne font pas attention à ce genre de choses.

 

Je pense qu’on peut maintenant parler de votre album…

         Les deux : Oui ! (rires)

 

 

Combien de temps vous a-t-il fallu pour le préparer ?

Cathal : Environ un an. On a commencé à l’écrire en avril 2018 et l’album a fini d’être enregistré et mixé en mai 2019. Au tout départ, on cherchait une direction, un son, une véritable identité, cela nous a pris un an. Et puis c’est devenu rapidement assez dingue.

 

Oui, vous vous êtes fait connaître sur Youtube avec une session live de « More Is Less », qui a eu un certain écho.

Cathal : Oui, ça a explosé à ce moment-là. L’été 2018, on a ensuite écrit « For Everything », « Feeling Fades », « On Twisted Ground » jusqu’en septembre environ. En novembre/décembre est apparu « Green and Blue ». Puis le reste de l’album a été écrit en janvier/février 2019 jusqu’à l’enregistrement des morceaux en mars/avril. Tout s’est bien assemblé. En janvier, on était stressés, ne sachant pas comment l’album final allait rendre. On a écrit tellement de chansons. Parfois je retourne sur mon ordinateur et j’écoute les morceaux que nous n’avons pas intégré à l’album. On avait beaucoup d’idées différentes, dont parmi elles quelques trucs dingues, mais qu’il fallait accepter de mettre de côté pour le bien du projet.

 

Et le titre de ce premier album « When I Have Fears », est une référence à un poème de John Keat. Vous lisez beaucoup ?

            Gabriel : Je suis un très mauvais lecteur. Pendant longtemps, je n’avais lu que huit livres, mais c’était avant de joindre The Murder Capital. Tous les membres du groupe sont intéressés par la littérature. J’adore le travail de certains écrivains irlandais, comme James Joyce et Samuel Beckett.

Cathal : Chacun a ses préférences dans le groupe. Personnellement, je lis plus de philosophie que de poésie.

Gabriel : C’est intéressant parce qu’on est différents. On a tous certains auteurs auxquels nous sommes attachés, ce qui équivaut pour la musique également. Ce sont ces différents goûts prononcés qui rendent notre musique spéciale.

 

Vous écrivez les morceaux tous ensemble ?

            Les deux : Oui

 

Ce n’est pas trop difficile parfois ?

            Les deux : Oui oui oui, ça l’est ! (rires)

Cathal : Ça fait partie du processus. Certains groupes n’écrivent pas ensemble, mais je sais que je ne pourrais pas le faire. Les chansons sont parfois longues à être composées pour cela d’ailleurs. Mais le résultat donne quelque chose de plus travaillé et cohésif. Tout est pensé, rien est jeté, ou alors on jette ce qui ne nous plaît pas tous ensemble.

Gabriel : On se sent tous concernés. Chacun veut en faire autant qu’un autre. L’idée qu’une personne dirige à lui seul le processus de création ne fait pas de sens pour nous. Il y a parfois des désaccords, mais ça ne peut qu’être bénéfique. Une partie de toi peut être convaincu qu’une chanson a besoin de tel élément, puis quelqu’un d’autre arrive et change ce que tu avais fait, cela peut-être énervant pendant un moment mais tu te rends finalement compte que ce changement est en réalité la plus belle chose qui puisse arriver pour la chanson, et que tu n’aurais pas pu atteindre ce niveau à toi tout seul. Essayer de se comprendre et de communiquer au maximum t’aide à atteindre un stade supérieur. Ce n’est pas facile et ça prend plus de temps mais le résultat final est bien plus appréciable et excitant.

 

Il y a un côté très organisé dans votre manière de composer. Tout semble venir au moment adéquat, avec beaucoup de montées en puissance réfléchies et élaborées. C’est essentiel pour vous que votre musique soit parfaitement organisée ?

            Gabriel : Du fait que nous soyons cinq à écrire les morceaux, tous les détails d’une chanson ont été réfléchis. A la fin, cela donne en effet l’impression que chaque moment a été discuté au préalable, et longuement débattu. Mais par exemple, dans « Feeling Fades », la fin semble incontrôlable, et c’est aussi notre but que de faire ressentir à l’auditeur du chaos et de la destruction à travers notre musique.

 

J’ai comme l’impression d’ailleurs que toutes vos chansons s’enchaînent parfaitement et se répondent entre elles. Il y a une colonne vertébrale très solide sur ce projet, que le travail en groupe a probablement favorisé.

            Gabriel : Je suis très content que tu ressentes cela car c’est de cette manière que le projet a été pensé. Ce projet était la plus importante des choses pour nous tous et nous a demandés beaucoup d’efforts. Ce thème de la peur et de l’angoisse qui donne titre à notre album a très vite permis de faire le tri entre ce qu’on a gardé et ce qu’on a mis de côté. A la fin, nous écrivions, non pas vraiment pour l’album, mais davantage en fonction de ce que l’album demandait.

 

C’était pour vous évident l’ordre des chansons ? Que l’album commence par « For Eeverything », un impressionnant départ en tambour qui, je le pense, se trouve être une parfaite définition de vous et de votre musique, en quelque sorte votre chef-d’œuvre, pour se clôturer avec « Love Love Love » qui introduit une note d’espoir après des émotions noires et angoissantes lié à tout le reste de l’album.

Gabriel : Merci pour « For Everything ». Et oui, l’ordre des morceaux a été étudié. Nous n’avons rien fait au hasard.

 

C’était important de terminer avec cette touche d’amour ?

Cathal : Je crois que la douleur provient aussi de l’amour. Quand on parle de douleur, on parle de l’amour des gens disparus, c’est important de se rappeler de cela. « Love Love Love » est donc la suite logique des autres morceaux.

Gabriel : En tant que personnes, nous ne sommes pas tout le temps énervés et remontés contre le monde mais nous ne sommes pas non plus tout le temps vulnérables et fragiles. Avoir un album qui reflétait ce mélange de sentiments et d’émotions était important. On n’est jamais une seule chose à la fois.

 

Il y a en effet un vrai mélange entre des chansons relativement puissantes, agressives et des chansons beaucoup plus douces, comme « On Twisted Ground » ou « How The Streets Adore Me Now ». Ce mélange était essentiel au projet ?

            Cathal : Oui, on dit souvent que l’album est très cinématique. Il devait refléter plusieurs niveaux d’émotions différents.

Gabriel : En tant qu’humains, nous apprécions les histoires, et c’est un peu l’idée de ce projet. Comme si nous avions voulu écrire une pièce ou un livre. Une œuvre doit te faire passer par différentes émotions. Par exemple, après un épisode dramatique, tu as besoin d’un moment de soulagement. Une histoire complète permet de créer un impact. L’album a été composé à partir d’une telle motivation.

 

Il y a des artistes qui font cela à proprement parler, en racontant une seule et même histoire sur tout le long de l’album, comme Lou Reed avec « Berlin » par exemple.

            Cathal : Oh oui, c’est brillant.

 

Eventuellement pour le prochain album ?

            Gabriel : Peut-être, qui sait !

Cathal : Je crois que beaucoup d’albums se rapprochent de cette conception, et notre album en fait partie. Je crois même que l’on peut le désigner comme un « concept album », car nous avions le titre du projet avant même de commencer à composer et toute l’écriture s’est faite autour de ce titre, un peu dans le même esprit que « Wish You Were Here » de Pink Floyd, qui a des tonalités très sombres à côté de moments lumineux.

 

Et qui vous influence le plus dans le monde de la musique ?

Gabriel : Les artistes que nous apprécions le plus n’affectent pas tellement la musique que nous faisons. Mais ceux qui m’inspirent en ce moment sont The War on Drugs et The Blaze. Ces artistes sont ceux qui me donnent envie de faire de l’art, mais ne sont pas forcément représentatifs de l’art que je veux créer, et que nous créons avec The Murder Capital.

Cathal : J’aime beaucoup Björk, Scott Walker… En ce moment, j’écoute plutôt John Cage. J’aime bien m’aventurer dans les univers de ces personnes-là.

 

J’ai lu que vous étiez influencés par des artistes comme Nick Cave ou Joy Division. Est-ce le cas ? Vous les écoutez beaucoup ?

Cathal : Oui évidemment, Nick Cave est un excellent compositeur, c’est indéniable.

Gabriel : Je crois que c’est là où il peut y avoir confusion. Je veux dire, évidemment que l’on adore Joy Division, mais il ne faut pas croire que l’on veut être Joy Division. On ne veut être personne d’autre que The Murder Capital.

 

Evidemment, vous aimez écoutez mais votre objectif n’est pas de faire pareil…

Gabriel : Exactement, et cela s’applique à tous les artistes que nous avons pu apprécions.

 

Votre pochette d’album est très forte visuellement, elle est une bonne porte d’entrée à l’album. Pouvez-vous nous dire ce que cette photo symbolise ?

Cathal : Cette photo symbolise la notion de cohésion et de communauté face à un évènement chaotique.

Gabriel : Elle représente en réalité des réfugiés piégés dans une tempête de sable durant les années 90 en Jordanie. Nous n’avons jamais vécu ou expérimenté une telle situation traumatique, mais ce qu’elle représente pour nous est le sens de l’humanité, avec la possibilité et l’espoir de s’en sortir grâce à l’entraide, et de survivre aux malheurs du temps et de la vie. Même si c’est un moment de chaos, j’y perçois de la paix. Les figures sont blotties l’une contre l’autre dans un moment de soutien. J’aime l’idée que « When I Have Fears » soit un endroit où l’on puisse aller afin de contempler toutes les émotions que l’on ressent quand on a peur.

 

J’ai lu que vous vouliez parler de la psyché humaine dans l’album. Comment la décririez-vous ? Qu’est-elle pour vous ?

            Cathal : C’est en quelque sorte la garantie de ce qu’un humain va expérimenter dans sa vie. Tout le monde est rattaché à cela. C’est l’expérience humaine, par exemple aimer quelqu’un et perdre quelqu’un. Presque tout le monde est passé ou va un jour passer par là. C’est à ce genre de connections auxquelles l’on a pensé en écrivant l’album.

Gabriel : L’album est une réflexion de la manière dont on a pour l’instant expérimenté nos propres vies en tant que jeunes garçons irlandais d’une vingtaine d’années. Mais ce qui ressort de cela est, je crois, des expériences que la plupart connaissent, même si on ne peut pas parler pour d’autres personnes que nous-mêmes.

 

Vos clips sont très organiques, et montrent des âmes torturées. Par exemple « Green and Blue » et « More Is Less ». Qui les ont réalisés ?

            Gabriel : En ce qui concerne « Green and Blue », ce sont deux jeunes étudiants londoniens : Tom Gullan et Ethan Barret. Ce sont deux gars du même âge que nous et qui ont une vision de l’art proche de la nôtre. Nous étions très honorés de les rencontrer.

Cathal : Oui, ce sont des personnes très intéressantes. Ils nous ont sortis de notre univers, ce qui fut positif.

Gabriel : Quand on a bossé avec eux, on voyait que rien d’autre n’était plus important que le clip au moment où on était en train de le créer. C’était magnifique à voir car on procède exactement pareil quand on fait de la musique. Pour ce qui est de « More Is Less », Sam Taylor l’a réalisé. C’est le plus récent de nos clips et il nous a fait sortir d’un certain confort que l’on avait sur les anciennes vidéos. C’était très intéressant aussi.

 

Vous aimez poser des images visuelles sur votre musique ?

            Cathal : Oui même quand on écrit, on aime décrire les choses. On est très axés sur le visuel. Je crois que si on était davantage familiers au matériel vidéo, on aurait beaucoup aimé créer nous-mêmes certains clips.

Gabriel : L’une des choses les plus excitantes que j’ai ressenti en faisant parti de Murder Capital, c’est de développer nos propres compétences liées au jeu d’acteur et à la maitrise de la caméra. On a tous commencé la musique par passion d’enfance mais on était aussi complètement amoureux de cinéma et on avait jamais vraiment eu l’occasion d’apprendre comment les techniques liées à ce que nous voulions montrer. C’est la raison pour laquelle travailler avec des réalisateurs est si excitante, cela nous permet aussi d’apprendre.

 

Merci les gars, c’est tout pous nous !

            Les deux : Merci !

 

Vous pourrez retrouver le groupe au Café de la danse en février prochain. En attendant, leur album « When I Have Fears » est disponible partout, alors n’hésitez pas à aller y jeter un coup d’oreille.