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Il est sur le devant de la scène folk américaine depuis plus de vingt ans, compte une dizaine d’albums à son actif et publie aujourd’hui son nouvel opus Salt River. Pour vous donner une idée de son influence, il a récemment coaché Paul Mescal et Josh O’Connor pour un rôle. Sam Amidon, génial artiste en plus d’être une adorable personne, ouverte, passionnée et enthousiaste, a accepté de répondre à nos questions. Avec lui, nous avons parlé de musique folk traditionnelle, son dada – sur laquelle il nous a appris plein de choses – mais aussi de Lou Reed, de Yoko Ono et d’Ornette Coleman, trois artistes qu’il met à l’honneur sur son nouvel album.

Sam Amidon - ©Allyn Quigley
Sam Amidon – ©Allyn Quigley

Pop & Shot : Tu viens de publier Salt River, ton dixième… ou onzième album ?

Sam Amidon : Cela dépend de comment tu comptes. C’est mon huitième album de chansons, mon neuvième si tu inclues mon tout premier album qui était un opus de violon (2001), et mon dixième si tu prends aussi en compte l’album King Speechy, qui est un album fictionnel mais composé de vraie musique, paru uniquement en 100 exemplaires vinyles sans sortie digitale, en 2016.

Pop & Shot : Comment tu te sens par rapport à la sortie de ce nouvel opus ?

Sam Amidon : C’est vraiment très excitant. J’étais d’abord nerveux parce qu’il est assez différent, en terme d’éléments électroniques qui apportent un sentiment nouveau par rapport à mes précédents albums. Mais c’est aussi ça qui me réjouit et je dois dire que je suis très content depuis sa sortie. Les retours du public sont super encourageants.

Pop & Shot : Tu fais de la folk depuis tes débuts. Tes parents étaient Eux-aussi des musiciens folk. C’est un genre musical qui véhicule beaucoup d’idées reçues j’ai l’impression. Selon toi, trimballe t-il son lot de conceptions erronées issues de l’imaginaire commun ?

Sam Amidon : Oui, tout le monde a sa petite idée de ce qu’est la musique folk. Et bien évidemment, elle peut vouloir dire tellement choses. Mes parents jouaient et chantaient des chansons. Je viens du Vermont, qui est situé au nord-est des Etats-Unis, mais les chansons que je chante viennent davantage du sud, issues des différentes traditions des musiciens blancs et noirs du sud. Mais comme je viens de la Nouvelle Angleterre, je suis tout aussi intéressé par les musiques venues d’Irlande, d’Angleterre… C’est un mélange de styles avec lesquels j’ai grandi. Donc personnellement, j’adore la créativité, et l’expérimentation, et l’étrangeté. Sauf que les gens n’imaginent pas la folk musique comme un terreau propice à ce genre de choses.

Pop & Shot : Et tu essaies de donner une nouvelle image de cette musique, de contrer ces préjugés ?

Sam Amidon : Ce n’est pas mon intention première, parce que mon seul soucis est d’être créatif, de travailler avec des musiciens que je trouve inspirants, et de faire de la musique qui m’excite. Mais ce que le public entend, et ce qu’il met donc en exergue, ce sont les connexions qui entourent la folk et la tradition. C’est génial que les gens le soulignent. Or, je ne fais que suivre mon instinct, mes envies et mes inspirations. En ce sens, l’idée d’une nouvelle image de la folk que je véhiculerais provient plus du résultat que de l’intention. Je suis ok avec ça, c’est positif.

Pop & Shot : Ton album est intégralement composé de reprises. Est-ce une spécificité de la folk music, que de s’approprier des morceaux existants ?

Sam Amidon : Pour moi, il y a seulement trois reprises sur cet album : les chansons de Lou Reed, Yoko Ono et Ornette Coleman. Je ne considère pas le reste, à savoir des pures chansons folks, comme des reprises. Parce qu’il n’existe pas de version originale. Et on en vient là au sens majeur de la musique folk justement, qui est l’idée des chansons traditionnelles, provenant de passés mystérieux, et qui se transmettent sans auteur principal. Beaucoup de gens pensent à Bob Dylan quand on leur parle de musique folk, ou Nick Drake par exemple. Et j’adore personnellement ces artistes. Mais je ne considère pas à proprement parler Nick Drake comme de la musique folk, parce que celle-ci ne se résume pas à la guitare acoustique. Elle va de pair avec une tradition, d’anciens mots et d’anciennes mélodies, qui voyagent au fil des générations. Peu importe de comment cela sonne.

Sur mon nouvel album album, des chansons comme « Golden Willow Tree » ou « Three five » ou « Cusseta » ne sont pas des reprises. Parce qu’une reprise, c’est quand tu chantes une chanson qui appartient à quelqu’un d’autre.

Pop & Shot : Les chansons folk n’appartiennent donc à personne ?

Sam Amidon : Correct. Elles font partie du domaine public. Elles appartiennent à la tradition et proviennent parfois d’une culture. Personne ne possède une chanson folk et c’est ce qui en fait toute la beauté.

Mais dans tous les cas, que ce soit pour les reprises ou pour les traditionnels, je compose de la musique autour, car je suis aussi un compositeur.

Avec les chansons folks, tu peux venir puiser ce que tu veux dedans, et autant que tu veux. Dans le cas de « Three Five », c’est une mélodie et des lyrics empruntés à une chanson folk intitulée « Old Churchyard » mais j’ai changé son titre parce que c’est la toile de fond musicale qui est venue en premier. C’est une composition.

Pop & Shot : Bob Dylan a joué peu de chansons folks à proprement parler donc ?

Sam Amidon : Sur son premier album majoritairement. Puis il a pris une pause avant de publier dans les années 90, soit 30 ans plus tard, deux sublimes albums de chansons folk traditionnelles, qu’il a enregistré à la maison il me semble : Good As I’ve Been to You (1992) et World Gone Wrong (1993). Ce dernier est pour moi son meilleur de folk pure. Il est revenu à la racine de la chanson traditionnelle avant de sortir l’année d’après son classique Time Out of Mind.

Pop & Shot : Et toi, tu trouves toujours la motivation à l’idée de t’emparer de ces chansons traditionnelles ? C’est toujours un défi ?

Sam Amidon : Je trouve de l’inspiration et de la motivation à plein d’endroits différents, qui diffèrent selon chaque album. Pour celui-ci, j’en ai trouvé au travers des sons de synthétiseurs qu’utilise Sam Gendel. Le fait d’être constamment dans la pièce avec Sam [Gendel] & Phil [Melanson] m’a inspiré certaines mélodies à chanter. J’ai aussi beaucoup écouté la musique des années 70/80 comme Weather Report, ou encore de disques du label ACM. Et je suis sans cesse inspiré par les anciennes histoires qui proviennent des chansons de musique folk. Qu’est ce qui se passe quand on mélange tout ça ?

Sam Amidon_Steve Gullick
Sam Amidon – ©Steve Gullick

Pop & Shot : Peux-tu nous parler de Sam Gendel et Philippe Melanson justement, qui sont les deux musiciens qui t’accompagnent sur ce projet ?

Sam Amidon : Bien sûr ! Philippe est un super batteur canadien. Il a un groupe qui s’appelle « Bernice », qui sont des amis à moi. J’ai travaillé avec lui sur plusieurs années mais habituellement, quand je travaille avec lui, il joue avec une batterie acoustique. Sam Gendel est un très bon ami depuis 10 ans, depuis qu’il a débuté sa carrière artistique. Je l’ai vu évoluer jusqu’à devenir cet incroyable musicien. Il a joué du saxophone sur mes deux précédents albums comme invité. Mais sur ce nouvel album, il était question de pénétrer son monde à lui. Lui et Phil ont un duo. Sur cet album, Phil joue majoritairement sur des pads électroniques avec ses doigts, et sur quelques percussions acoustiques aussi. Et Sam joue majoritairement du synthétiseur et du saxophone. On s’est d’abord retrouvés sans plan particulier en tête. On s’est assis dans un salon – pas de studio – avec un ordinateur, et une entrée directe sur les synthétiseurs, sur les guitares et sur les percussions. Et on a fait de la musique pendant quatre jours.

Pop & Shot : Et pour les trois reprises – les chansons de Lou Reed, Yoko Ono et Ornette Coleman -, comment tu les a sélectionnés ?

Sam Amidon : J’ai été énormément inspiré par tous ces artistes. Et quand je les écoute – parce que l’acte d’écouter est pour un geste créatif en soit – je fais attention aux connexions. Et une des connexions que j’ai repéré depuis un longtemps, c’est celle entre le free-jazz, le jazz d’avant-garde et la vieille musique de montagne Appalaches en Amérique du Nord, là d’où je viens. Ce qui les unit est le caractère hyper brut de ces musiques : le son brut de la voix, le son brut du violon, le son brut d’artistes comme Albert Ayler, Pharoah Sanders, Ornette Coleman… Et j’ai remarqué qu’Ornette Coleman chantait une chanson sur un de ces albums intitulé « Friends and Neighbours ». Une chanson avec des paroles qui avaient des airs de chanson folk. Je me suis dit : il faut que je la chante !

Pop & Shot : Ca ne t’a pas fait peur de reprendre une chanson aussi bruyante et dynamique ?

Sam Amidon : C’est vrai que la version originale est complètement dingue. Ornette Coleman est au violon en plus ! Les paroles et la mélodie m’ont vraiment parlé. Avec Sam et Phil, on voulait célébrer cette idée de « friends and neighbours » [amis et voisins], ce côté social. Sur notre version, on s’est enregistrés deux fois en train de diner, et on a mis ces deux pistes en arrière-plan sonore. C’est l’idée d’une taverne, d’où le nom du morceau suivant d’ailleurs. C’est un hommage au rassemblement, à l’échange.

Pop & Shot : Et pour Lou Reed & Yoko Ono ? Pourquoi ce choix ?

Sam Amidon : J’ai trouvé dans leur lyrics une véritable essence de folk song, quand bien même on imagine généralement ces artistes comme expérimentaux. J’ai adoré cette connexion. Et dans la musique folk, il y a un respect immense pour les anciens. Quand tu apprends une chanson folk traditionnelle, tu vas voir des musiciens plus âgés. Ces trois artistes que j’ai repris, ils sont en quelques sorte les parrains de la musique expérimentale. Ils sont comme le vieil homme sur la montagne.

Pop & Shot : Dès que tu écoutes quelque chose, tu essaies de voir si tu lui trouves une qualité de chanson folk ?

Sam Amidon : J’entends les connexions et j’ai un petit radar dans ma tête qui me dit ce que je pourrais chanter. Le plus important pour moi, c’est de voir ce à quoi je pourrais donner une dimension nouvelle, une émotion différente, un son différent. Je ne joue pas une chanson pour en faire une copie identique, et cela vaut autant pour les reprises que pour les traditionnels.

Par exemple, dans le cas de « Big Sky » de Lou Reed, il la chante de manière très puissante, brutale, punk rock. De sa manière quoi ! Ce qui est génial, j’adore ! Mais derrière, les mots sont si doux. C’est là que je me dis : et si j’en faisais quelque chose de plus triste et mystérieux ?

Pop & Shot : Ce qui est surprenant effectivement avec ta reprise, c’est qu’on ne réalise pas que c’en est une, même quand on connait super bien le morceau. Car « Big Sky » est sur mon album préféré de Lou Reed, et il m’a fallu pourtant cinq écoutes au moins avant de faire le lien ! C’est amusant. Selon toi, est-ce qu’une reprise doit se détacher au maximum de l’original pour devenir quelque chose de presque complètement neuf ?

Sam Amidon : Dans le cas d’une chanson traditionnelle, tu peux faire ce que tu veux, car tu as tous les droits. Mais pour les reprises, c’est une autre histoire. Je change autant que je peux, pour les transformer en ce qui me plait, mais je suis tenu de garder la ligne mélodique etc. Je change les harmonies par exemple mais la mélodie reste la même.

Pop & Shot : Est-ce un des pouvoirs de la musique folk, que de faire redescendre la pression, que de nous inviter à respirer ?

Sam Amidon : Il y a deux aspects de la musique folk traditionnelle. Le premier, c’est le côté social, avec folk dance, les réunions à chanter autour d’un feu par exemple. Ca, c’est l’aspect communautaire. De l’autre côté, il y a aussi la musique folk intérieure, qui pourrait être représentée par l’image de quelqu’un en train de marcher dans les bois tout seul, avec le poids de sa solitude, chantant pour lui-même. Ou encore une personne avec son violon en haut d’une montagne, qui n’a vu personne depuis six mois, et qui joue pour se tenir compagnie à lui-même. Ce que tu disais à propos de faire redescendre la pression convient donc bien à cet aspect intérieur de la musique folk.

Pop & Shot : Tu parles souvent de ton attachement aux violons traditionnels irlandais, que l’on sent énormément sur la chanson « tavern » . tu peux nous en dire quelques mots ?

Sam Amidon : Oui ! En Nouvelle-Angleterre d’où je viens, il y a un mélange d’influences françaises, canadiennes, irlandaises, écossaises. J’ai commencé à jouer à partir de l’âge de trois ans mais quand j’en ai eu dix, j’ai réalisé qu’un tiers des morceaux que je préférais étaient d’origines irlandaises. Mais en réalité, la chanson « Tavern » est américaine, influencée par l’Irlande. Elle a cet enracinement américain. C’est une chanson traditionnelle qui est arrivée à nous en quelque sorte par accident. Philippe jouait de la batterie, Sam du clavier, et ça sonnait vachement comme un truc du type Miami Vice. Ca m’a fait rire, je me suis rajouté au violon. C’était presque une blague, ces deux minutes de violon avec ce beat disco. Sam a ensuite ajouté la deuxième partie où il ralentit la cadence et où il joue ce fabuleux solo. Puis à partir de là, la pièce dans son ensemble a commencé à raconter une histoire. Un de mes objectifs pour cet album était de raconter quelque chose. Ca n’est pas simplement une chanson, puis une chanson et encore une autre chanson.

Pop & Shot : Le monde est de plus en plus effrayant. Les informations vont de mal en pis, et ta musique apparait comme une pause bienvenue au milieu de tout ça. Est-ce que tu suis les infos ou tu t’en protèges ?

Sam Amidon : Malheureusement, je les suis. C’est très difficile mais il le faut. Je prête beaucoup d’attention au pouvoir de l’art, à ses différentes périodes et à l’implication politique des artistes. C’est compliqué. Je n’ai jamais vraiment fait de musique politique à proprement parler mais par exemple, une chanson comme « Golden Willow Tree » est engagée. C’est l’histoire d’un capitaine de bateau qui fait un pacte avec un jeune marin en lui promettant une récompense si celui-ci fait en sorte de faire couler un navire ennemi. Le marin respecte le deal mais une fois la première partie du contrat remplie, le capitaine ne le laisse finalement pas remonter sur son bateau. Il y est question de trahison, de lutte des classes. Les chansons folk ont beaucoup de connexions avec ce qu’il se passe dans le monde. On y trouve à l’intérieur de la sagesse.

Pop & Shot : Merci beaucoup

Sam Amidon : Merci à toi !


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Diego Philips

 

Il y a deux ans paraissait sur Pop & Shot une chronique d’un album ici très apprécié : Tides de Diego Philips, que nous réécoutons encore avec attention. Si nous reparlons aujourd’hui de Diego, c’est qu’il vient de dévoiler un nouveau projet il y a quelques semaines de cela : I am Yuki : the Hiroshima Project. Et encore une fois, nous n’avions pas d’autres choix que de vous inciter à l’écouter.

 

 

CONTEXTE ET CONCEPT

La catastrophe d’Hiroshima. Tout le monde connait son histoire. Ce n’est pourtant pas ça qui a freiné Diego Philips dans son envie de réaliser un album concept autour de ce tragique épisode survenu il y a bientôt 80 ans, en 1945. I am Yuki : the Hiroshima Project explore le point de vue d’un enfant brutalement confronté à la destruction soudaine de sa ville natale, et dont la vie paisible se retrouve fauchée par l’horreur.

C’est depuis 2018 que Diego Philips travaille sur ce projet, qui sortira donc en tant qu’album quatre ans plus tard, après une période de pandémie peu favorable à la sortie d’une œuvre autour d’un tel sujet. Le choix de ce dernier, et l’envie de créer quelque chose à partir de lui, ne viennent d’ailleurs pas de nulle part, puisque Diego Philips a passé plusieurs mois de sa vie au Japon en 2007 quand il était encore étudiant, et y est revenu plus tard en 2013 durant un séjour où la visite de la ville d’Hiroshima l’a profondément ému et marqué. De cette empreinte laissée en lui, Diego s’en est servi pour raconter les évènements d’une manière originale et intime : par la musique et le récit fictionnel à base de faits réels. Pour ce projet, il est accompagné des musiciens Vincent Cudet à la batterie, Jamie Moggridge à la guitare, Michael Jones à la basse et Madga Skyllback au chant.

« I am Yuki – The Hiroshima Project » de Diego Philips

 

varier les ambiances avec cohérence

Comme son nom l’indique, I am Yuki : the Hiroshima Project, est avant tout l’histoire d’un jeune garçon, Yuki, dans toute son innocence et son allégresse juvénile. En sept morceaux d’une durée totale de 23 minutes environ, l’album dépeint un quotidien prêt à être bouleversé, loin de tout pathos. Ce qui fait la particularité de cette histoire est de connaître son dénouement avant même qu’elle ne débute. En ce sens, le premier morceau prélude fait rôle d’annonciateur à travers une ambiance menaçante qui, dans l’esprit, pourrait rappeler certaines expérimentations du Neil Young de Dead Man. Rien ne peut échapper à ce qui s’apprête à venir. Pourtant, malgré cette fatalité, l’album ne s’impose aucunement un ton sinistre, et débute d’ailleurs sur un morceau plein de vitalité. C’est la présentation à la première personne du petit Yuki. « Come Home Yuki » vous restera très certainement dans la tête pendant de longues semaines tant son air respire la gaieté.

L’album se poursuit en variant merveilleusement bien les humeurs. Tantôt allègre, tantôt rêveur, tantôt bousculant, I am Yuki est une œuvre qui, en l’espace de 23 minutes, fait don de couleurs et d’ambiances tout à fait variées mais non pour autant hétéroclites. L’ensemble est d’une forte cohérence. Les trois derniers morceaux se concentrent sur l’explosion, dans une construction pré / explosion / post. Rien qu’à travers ce triptyque, les variations sont nombreuses. Si la Pt. 2 est celle que l’on attend le plus, car elle est celle qui illustre assez justement l’explosion en tant que telle (« creating the bomb » entend t-on dans le court documentaire sur l’album réalisé par Laura Eb), dans un morceau progressif aux airs de jazz rock se clôturant dans un cataclysme musical et une peur panique palpable, elle n’en constitue pas pour autant le centre inévitable de l’album. C’est-à-dire qu’elle ne prend pas forcément toute l’attention, et que l’œuvre ne cherche pas à en faire un paroxysme forcé. Non, I am Yuki s’attache davantage à autre chose, à l’histoire de ce gamin qui, comme il le dit dans la Pt. 1 de cette fin du monde à deux doigts de survenir : « I have the feeling that it’s gonna be a beautiful day ». Sa bonne humeur, ses interrogations et ses aspirations, voilà ce qui fait la force du projet. Pour preuve, « In my Room », le morceau le plus long de l’album, constitue tout autant un sommet, avec un soin apporté à son final explosif et grandiose. Tout est là, dans la chambre du petit Yuki, dans son intimité prête à être brisée mais qui, tant que l’heure n’est pas arrivée, a le pouvoir de nous transporter vers un ailleurs plein de promesses.

 

Soin des sonorités

La progression de l’histoire et de l’album tient également en ses variations sonores. Si l’humeur de chaque morceau est relativement différente, c’est aussi qu’un réel soin est apporté aux sonorités et à la place de chaque instrument. La guitare par exemple, peut autant refléter un sentiment d’apaisement sur « In My Room » et « Goodnight Little Boy » qu’une impression de terreur soudaine, comme les cris étouffés d’une population sur qui s’abat le malheur dans « End of the world pt. 2 ». Dans chacun de ses morceaux, qu’elle soit acoustique ou électrique, la guitare dessine une atmosphère bien particulière. Le travail de recherche sonore à ce niveau montre à quel point l’album a été pensé dans son ensemble pour créer un récit musical garni de surprises et d’émotions. Entre la folk d’un Kevin Morby, le rock enjoué des Beatles et le rock plus sombre du Velvet, I am Yuki passe par diverses ambiances sonores. Ambiances qui, sur chaque morceau sinon celui instrumental de l’explosion, sont enrichies par deux très belles voix. D’abord celle de Diego Philips, toujours aussi envoutante et incarnée. Sur « Come Home Yuki » et « In My Room », elle nous transporte directement dans l’histoire avec une justesse de ton agréable. Tendre, assumée, intense quand il faut l’être, sa voix est en plus de cela élevée par un très bon mixage et une production réussie, que l’on doit à James Yates.

La deuxième voix est celle de Magda Skyllback, qui, sur les morceaux « Goodnight Little Boy » et « End of the world, Pt. 3 », introduit quelque chose de plus abstrait, de plus songeur. A travers les ruines du sublime dernier morceau, après la destruction, elle raconte la mort de manière relativement détachée, et invite à ne pas reproduire les mêmes erreurs que par le passé, pour que tous les petits Yuki, promis à une belle journée, où qu’ils soient, puissent la terminer avec paix et sérénité.


 

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cat power big thief Simon and Garfunkel Trois albums cultes
 

Le support numérique a radicalement changé les habitudes de consommation de musique. Fini l’attente d’un album pensé dans son intégralité. Bonjour le zapping, les morceaux écoutés jusqu’au refrain, l’attention perdue en moins de trois minutes et bien sûr les conditions douteuses de rémunérations pour les artistes. Pourtant, fort heureusement, à la montée des, convenons-en, bien pratiques plateformes de streaming, s’oppose un retour en puissance de l’objet vinyle. Outre son esthétisme, son très beau son, il permet de (re)découvrir dans sa totalité un album et de s’y immerger face après face. L’été ayant déjà laissé place à l’automne de cette étrange année 2021 et son timide retour à un Monde où concert est synonyme de contraintes pour ses organisateurs, une sélection de vinyle s’impose. Pour aller avec les couleurs de saison, les feuilles qui tombent et les coeurs lourds qui s’imposent à la fin de la trêve estivale, nostalgie, mélancolie et beauté seront au rendez-vous des trois oeuvres parfaites à (re)découvrir track by track ci-dessous.

Simon & Garfunkel « Bridge over Troubled Water »

Simon & Garfunkel - Bridge Over Troubled Water

Paru en 1970, cette pépite est le tout dernier album studio du duo indémodable Simon &  Garfunkel. En 1971,il remporte à juste titre cinq Grammy Awards dont celui du meilleur album. Il figure également à la 51ème place du classement des 500 plus grands albums de tous les temps établi par Rolling Stones. Si son pédigrée est si impressionnant c’est surtout parce que l’attention du duo a été portée sur la composition de chaque titre. A commencer par celui qui ouvre le bal et donne également son nom à l’album. C’est d’ailleurs Clive Davis, le patron de Columbia records qui choisit de placer ce morceau en ouverture de l’opus. Les temps ne changent pas tant que ça, puisque sa longueur (plus de 5 minutes de perfection) était déjà problématique à l’époque. Si l’on en croit le film « Presque Célèbre » de Cameron Crowe (qui avant sa carrière dans le cinéma était journaliste chez Rollin Stones), écouter Simon & Garfunkel en allumant une bougie permettrait de voir son avenir. Une très belle métaphore qui s’applique au ton folk rock de cet opus. Il faut dire que les titres emblématiques s’y enchaînent avec fluidité. A un premier morceau puissant succède « El Condor Pasa (If i could) », ses riffs aériens et sa structure aux nombreux accents envolés. Mélancolique oui mais pas toujours, la galette s’offre des temps joyeux et solaires (« Cecilia », le dansant  « Keep the Customar Satisfied », « Baby Driver », « Bye Bye Love »). L’apaisement est aussi de la partie alors que les sublimes voix des acolytes transportent leur auditeur au confins de la perfection quelque part entre un nuage planant des années 70 et une bienveillance iconique que l’on retrouve chez ces albums qui deviennent de facto vos meilleurs amis.

Big Thief  – « U.F.O.F »

Big Thief - UFOF

Trois notes à pas de velours et une voix envolée, voilà qui ouvre l’intime objet musical non identifié « U.F.O.F » chef d’oeuvre iconique du groupe américain Big Thief.  Cette prise de « Contact » plonge immédiatement l’auditeur dans un bain de bienveillance folk où tout n’est que beauté et volupté. La voix cristalline s’installe dans l’oreille, berce, virevolte. Il n’en faut pas plus pour tomber follement amoureux de la formation menée par la talentueuse Adrianne Lenker. Fondé à Brooklyn, le groupe sortait en 2016 son tout premier opus « Masterpiece ». Et si l’objet portait bien son titre, l’exigence y étant indubitablement au rendez-vous, ce troisième jet s’avère être en réalité le chef d’oeuvre ultime d’une formation qui y touche les étoiles.  Il faut attendre le deuxième titre pour découvrir le morceau « U.F.O.F » qui donne son nom à l’album. Ce single, le premier dévoilé en février 2019, allie la grâce d’une ritournelle poétique à un refrain si joliment travaillé qu’il promet de devenir un allié de force pour regarder la pluie tomber emballé dans un plaid. Chant des sirènes envoûtant qui appelle autant à l’aventure qu’à l’introspection, il précède l’immense et un brin plus entraînant « Cattails » qui fera également l’objet d’une sortie single en mai de la même année.  Sa folk aérienne y a la force des immense Moriarty, à moins que le timbre dream pop de sa chanteuse ne fasse mentir la comparaison. La légèreté et la douceur  font suite sur cette face A poétique où il est bon de se délecter de chaque note. Berceuse fabuleuse et compagnon d’aventure cosmique, il n’est pas étonnant de retrouver cet album parmi les nommés au titre de meilleur album de musique alternative au Grammy Awards 2020. La face B révèle aussi son lot de surprises à commencer par l’enivrant « Century », son refrain répétitif aux notes maîtrisées et sa beauté proche de celle de l’aurore. Il faudra tout écouter et tendre l’oreille sur « Terminal Paradise » avant de conclure sur « Magic dealer » qui embrume les yeux et les têtes comme un calumet fumé un soir de grisaille. Quand vous en aurez finit avec l’écoute, et sûrement répété sa lecture remettant inlassablement le bras sur le tout premier morceau de cette galette, il sera temps de se précipiter sur les sites de reventes de places.  Big Thief s’offre en effet une tournée française au mois de février 2021. 

Cat Power « Moon Pix »

cat power Moonshiner

Difficile de cataloguer l’iconoclaste Cat Power et ses compositions oscillant entre punk, folk et blues. Pourtant, si un mot devait effleurer la qualité de son univers, il faudrait mettre en avant son immense sensibilité. Et ce n’est pas « Moon Pix » paru en 1998 qui fera mentir l’adage. Ses sonorités profondes et mélancoliques y touchent à l’expérimentale et ce dès son exposition sur « American Flag ».  Repérée par Steve Shelley de Sonic Youth dans les années 90 alors qu’elle débarquait à New-York de son Atlanta natale, la musicienne a su s’imposer comme une figure culte, dont les qualités musicales ne peuvent être remises en doute.  De tous ces opus, « Moon Pix », le quatrième est l’un des plus encensés par la critique. Il faut dire que son prédécesseur, un brin plus grunge, lui avait déjà valu les félicitations du milieu estimant qu’elle y avait gagné en assurance. Cette fois-ci composé alors qu’elle vivait seule à la ferme et à la suite d’un état hypnagogique (état de sommeil conscient qui intervient au début de l’endormissement), il s’avère être un voyage hypnotisant, sensoriel et aussi léger qu’un murmure dans la nuit. Les titres s’y jouent avec douceur et s’y enchaînent avec aisance, quasi indissociables les uns des autres. Enregistré à Melbourne en 11 jours par la chanteuse, il est, si l’on en croit le magazine Rolling Stone, le meilleur enregistrée par la musicienne. Les notes aériennes de « Metal Heart » concluent la première face comme un secret partagé. Celui de l’écho d’une période musicale, d’une histoire aussi intime qu’universelle.  Il faudra pourtant attendre la face B pour  se plonger dans le titre « Cross Bones Style », premier single dévoilé de cette pépite qui touche à la perfection. Il pourrait être aisé en 2021, de penser un album comme une succession de singles et d’y imaginer passer aisément d’un registre à un autre. Ici, il n’en est point question tant le tout est construit comme une succession harmonieuse à l’atmosphère glaçante. « Moonshiner » se détache du lot, faisant la part belle à ses instruments sous forme de ritournelle planante et à la voix inimitable de Cat Power qui maîtrise autant ses envolées lyriques que ses chuchotements cassés. Difficile de ne pas se laisser porter, des papillons plein le ventre et des frissons parcourant  chaque millimètre de votre peau par cet objet entier que seul le format vinyle saura sublimer. Un must have pour habiller votre collection automne-hiver 2021 et prendre le temps de faire une pause au milieu de la vie qui reprend à toute allure.


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bartleby delicateBartleby Delicate, nous avions eu la chance de le découvrir au Crossroads Festival de Roubaix. Son univers intimiste, émouvant, sensible et joliment écrit y a forcément été synonyme de coup de coeur. A travers ses titres, le musiciens convoque l’âme de Daniel Johnston, la beauté d’Eliott Smith, la capacité à écrire des morceaux pop folk de José Gonzàlez. Et comme tous ses brillantes compositeurs, il apporte son âme à ses mélodies aériennes. Impossible de ne pas tomber fou amoureux.se de titres comme « Sibling » ou « A Little Less Home ».

Puisque 2021 s’avère être une nouvelle ère chaotique, il fallait bien au milieu de tout ça apporter du sens et de la beauté. Et par chance, le 14 mai 2021, le musicien sera de retour avec un nouvel EP puissant « Deadly Sadly Whatever ». Arpège, folk, instruments électroniques, claviers et folk y sont conviés par le luxembourgeois.  Conscient de sa génération, il revendique par ses textes son investissement dans les problématique des millenials. Il s’interroge sur son statut d’homme blanc cis-genre, prend-il la place et le temps de parole d’autres communautés qui en ont besoin ? Le chanteur de Seed to Tree prend souvent le pari de l’introspection, parfois de l’humour pour promulguer un message positif et emprunt de paix.

Le voilà de retour avec le monument « Plastic Flowers » et son lot d’images apaisantes, édulcorées pleines de soleil, de moments de vie, de musique, de mer et de fleurs évidement. Comme à son habitude, le titre démarre avec douceur et des notes sucrées et apaisantes. La voix s’invite posée, elle prend le temps de détacher les mot, de faire résonner les notes. Le refrain arrive comme une vague qui ravage tout sur son passage et masse les esprit. Bartleby Delicate sait créer un cocon où douceur et beauté sont mots d’ordre.  Partez en ballade avec lui, la route sera belle. On ne peut que promettre monts et merveilles pour ce nouvel EP. La perfection sera même au rendez-vous sur le tire sur « Sleeping Song », le single qui suivra « Plastic Flowers ». Soyez au rendez-vous.

Le musicien a choisi PopnShot pour dévoiler en avant-première le clip de « Plastic Flowers ». Folk, paix et fleurs.

 

Découvrez en avant-première le clip de « Plastic Flowers » de Bartleby Delicate

 


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