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Le 26 mars 2021, le groupe de pop français L’impératrice a dévoilé « Tako Tsubo« , son deuxième album. Alors qu’ils effectuent un marathon de prestations lives décoiffantes à travers toute la France, Flore Benguigui et Charles de Boisseguin se sont entretenus avec Pop & Shot

Quelques heures avant leur concert au Printemps de Bourges 2021, au coeur du bruyant espace interview du festival, les deux compères se livrent avec beaucoup de franchise sur leur nouvel album, le marché de la musique et leurs engagements.

Flore et Charles du groupe L'Impératice
Flore et Charles de L’Impératice

marquer encore le coup en montrant qu’on arrive à exister

Le 26 mars dernier vous avez sorti « Tako Tsubo », est-ce que vous pouvez nous en parler, comment vous le décrivez ?

 

Charles : Déjà c’est notre deuxième album, c’est toujours le plus difficile à sortir je trouve. Parce que le premier c’était assez spontané, on voulait explorer le format chanson. Avec le deuxième, l’idée c’était de créer vraiment une rupture par rapport à ce qu’on a fait avant. Une rupture à la fois dans le fond, dans le message, dans les textes, parce que « Matahari » était un disque très « hors sol » qui jouait beaucoup sur la sonorité des mots, les images, l’univers un petit peu flou mais poétique, etc. Maintenant, l’idée c’est d’être un peu plus utile, plus conscient dans la façon dont on  parle de certaines choses. Rupture aussi dans la composition, l’arrangement, le style de morceaux. Il y a beaucoup de « breaks », avec des changements de direction dans les morceaux, c’était une envie de se diversifier et d’illustrer le propos du titre « Tako Tsubo ». C’est un album qui a beaucoup plus de concept que « Matahari ». C’est aussi un album sur lequel on a décidé d’assumer beaucoup plus nos influences, là où on était très franco-français, assez pop française sur l’album précédent, là on explore beaucoup plus le hip-hop, la soul, le funk, le jazz, les couleurs harmoniques ont changé, tout a un peu changé, même la production.

 

Flore : Je rajouterai aussi une rupture dans la production, l’enregistrement de l’album. « Mathari » c’est un album qui avait été enregistré live, alors que « Tako Tsubo » c’est un album qui n’a pas du tout été enregistré en live et qui en plus a été extrêmement retravaillé par Charles pendant le premier confinement. On avait tout enregistré avant, sauf « Submarine » qui a été enregistré pendant le confinement. C’est donc une autre approche, on est allé beaucoup plus dans les détails, on s’est penché sur les moindres petits détails dans l’album.

 

Charles : On a essayé d’aller beaucoup plus loin dans le process, on a essayé de faire attention à tout, parce qu’on a eu le temps de le faire.

 

Flore : Alors que d’habitude on n’a jamais le temps !

 

Charles : Je dirais aussi que c’est un album hors format par rapport à ce qui se fait maintenant. C’est toujours une fierté, on n’essaye pas d’être différents, je pense qu’on l’est de base par nos influences, en étant un groupe. L’idée, c’est de marquer encore le coup en montrant qu’on arrive à exister en sortant des sentiers battus, c’est ce qui rend le groupe pérenne. (Ndrl : Cela va bientôt faire 10 ans que le groupe existe)

les gens ne veulent pas se mouiller à signer un groupe

Justement, dans « L’équilibriste » vous dites « J’aurai voulu être un rappeur, ou musicien d’ordinateur » « Un disque d’or en moins d’une heure ». Est-ce que vous trouvez ça plus facile de faire comme tout le monde ? Le « succès facile »

 

Flore : C’est très ironique, je me moque dans ce morceau.  L’idée ce n’est pas de tirer dans les pieds de nos confrères. Non seulement nous sommes un groupe, mais en plus on est signé en indé chez Microqlima et c’est génial. Je pense que pour rien au monde on changerait notre modèle et on n’a pas envie d’être des rappeurs. Mais c’est que l’on ne vit pas la même chose que des types qui sortent des productions comme ça, qui sont signés en major. Nous, on a beaucoup plus d’étapes à passer, on fait beaucoup plus les choses nous-même, un peu avec des bouts de ficelle parfois, c’est beaucoup de travail. Le fait d’être un groupe c’est de plus en plus rare, parce que ça coute beaucoup plus cher. Donc les gens ne veulent pas se mouiller à signer un groupe alors qu’ils peuvent signer un chanteur ou rappeur solo qui leur coutera beaucoup moins cher.

On disait ça dans le morceau pour se moquer, mais au fond on est très bien dans ce qu’on est. Ce qui fait notre force avec L’Impératrice c’est qu’on se sent tous à notre place là où on est et il n’y en a aucun qui a envie de faire sa carrière solo, en tout cas pour l’instant (rires). On est une vraie équipe très soudée, on est vraiment une famille quoi.

ce système ne laisse pas la possibilité à de jeunes artistes de se diversifier

Charles : Je reviens sur cette idée d’ironie. C’est plus une façon de pointer du doigt les tendances et cette façon dont les médias vont essayer de prolonger à chaque fois ces tendances, les nourrir jusqu’à les épuiser. Il ne suffit pas d’une grande culture musicale ou socio-culturelle pour remarquer que tout est cyclique. On pointe du doigt ce système qui ne laisse pas la possibilité à de jeunes artistes de se diversifier, parce que y a un message très clair qui est donné par ces tendances : si tu veux marcher faut rester dans la tendance et pas faire autre chose. Et c’est dommage.

en tant qu’artiste indépendant on devrait boycotter Spotify

Dans une interview, vous disiez que « la manière de consommer de la musique avait beaucoup changé », est ce que cela influe votre manière de faire de la musique ?

 

Flore : Je ne sais pas si ça influe ce que l’on fait, évidement la manière de consommer la musique a changé, les gens n’écoutent pas les albums en entier par exemple. Le streaming fait que les gens écoutent le top 5 d’un artiste, un morceau, un single, mais pas un album dans sa totalité. Alors que nous par exemple on a fait un album concept (« Tako Tsubo ») où tout est lié, tout se répond, donc si on avait composé un album en fonction de comment le public consomme la musique on n’aurait pas fait ça.

 

Charles : On aurait sorti des EP, on aurait sorti des morceaux par deux ou trois tous les deux mois.

Flore : Avec un gros clip à chaque fois ! Nous, on ne compose pas en fonction de ça, sinon on se serait perdu.

soit tu prends le train en marche soit tu te fais rouler dessus.

Charles : Ça me fait penser au patron de Spotify (Ndrl : Daniel Ek) qui a décidé de mieux rémunérer les artistes les plus prolifiques, et il encourage à ça. Il va réorienter les versements en fonction des artistes qui vont sortir le plus de disques par an car c’est ça qui va alimenter et créer de la nouveauté sur la plateforme. En soit c’est dégueulasse comme système et d’ailleurs en tant qu’artiste indépendant on devrait boycotter Spotify pour cette raison-là. On ne le fait parce que c’est bien plus fort que nous. Mais on est dans une tendance où il y a des espèces de gros tracteurs qui avancent et qui te roulent dessus, soit tu prends le train en marche soit tu te fais rouler dessus. On a quand même décidé de sortir un album, ce qui est complètement illogique en 2021 comme format.  Mais traditionnellement, les médias veulent des albums pour pouvoir en parler, le public veut un objet aussi.

Flore : Il y avait vraiment une cohérence entre tous ces morceaux de « Tako Tusbo », ça aurait été absurde d’en sortir qu’une poignée…

Charles : Tu ne vends pas un bouquin par chapitre sur un an par exemple.

Flore : Par exemple on a un amour pour le vinyle, c’est quelque chose qui pousse à écouter les albums en entier.

Charles : Mais il y a une démarche différente. Les gens font la démarche d’acheter un vinyle. Tu sais pourquoi tu y vas, c’est un objet qui prend de la place chez toi, un objet auquel tu donnes une place de choix. Avec Spotify on t’a suggéré un morceau, tu n’y portes pas la même attention. Par exemple, je n’ai pas du tout le même rituel avec un vinyle qu’avec un album digital sur Spotify.

Sur « Tako Tsubo », je voulais raconter des choses

Vous parlez aussi d’engagement, vous êtes plus engagés sur cet album, est-ce que c’est une sorte de maturité qui vous le permet enfin ? Est-ce que c’est quelque chose que vous vouliez faire avant ? Des idées qui sont venues dans le groupe au fur et à mesure ?

Flore : Non, ce n’était pas quelque chose qu’on voulait faire avant. Justement, avant on était très clair sur le fait qu’on voulait rester en retrait et on voulait faire des chansons qui sonnent. J’ai commencé à écrire en français quand on a fait « Matahari », donc je n’étais pas à l’aise avec l’idée de raconter des choses, je voulais plutôt que ça sonne et que ça groove. Ça allait beaucoup plus avec l’utilisation de ma voix qui était beaucoup plus utilisée comme un instrument à cette époque. Sur « Tako Tsubo », je voulais raconter des choses, c’était un vrai parti pris que les textes aient du sens. C’est le travail avec Fils Cara qui m’a permis ça, il m’a apporté beaucoup lui, qui, en tant que rappeur a l’habitude d’avoir du son et du sens alors que moi je n’avais que du son.

ça brouille les pistes.

Vous parliez du vinyle tout à l’heure. Pour « Tako Tsubo », la pochette a été faite par Ugo Bienvenu. Qu’est-ce qui vous a plu dans cette identité graphique, pourquoi ces trois personnages ?

Charles : Ugo nous avait contacté il y a longtemps à l’occasion du festival d’Angoulême, il avait proposé de nous dessiner pendant qu’on jouait, mais finalement ça ne s’était pas fait. Il n’était pas encore très connu à cette époque, c’est d’ailleurs à ce festival là qu’il a gagné le grand prix pour sa bande dessinée « Préférence Système ». On l’a relancé plus tard parce qu’on voulait échanger avec lui du format de la pochette de l’album, on trouvait que c’était une

Tako-Tsubo_L'impératrice
Tako Tsubo – L’impératrice

bonne manière d’aller voir quelque chose de différent. Ugo a un univers qu’on aime beaucoup, un peu science-fiction, rétro futuriste. Il a donc eu l’idée d’illustrer l’album en représentant les trois Moires. Avec ces personnages de la mythologie grecque, il y a une métaphore du fil de la vie, avec une des Moires qui tisse le fil, une qui le déroule et une qui le coupe. Ugo trouvait ça assez malin d’illustrer l’album comme ça, sachant que « Tako Tsubo » c’est un album de rupture.

 

Flore : Ce que je trouve intéressant c’est que ça brouille les pistes, encore. Déjà qu’on est six, on s’appelle L’Impératrice, les gens ne savent pas si c’est une personne, six personnes, etc. Et là le fait de mettre trois personnes sur la pochette, je trouve ça chouette, ça offre des couches de lecture différentes, ça brouille les pistes.

 

« Tako Tsubo » c’est le syndrome des cœurs brisés, vous parlez aussi de burn-out. Est-ce que c’est quelque chose que vous avez aussi dans la musique, parce y a beaucoup d’artistes qui parlent de burn-out dans la musique, de difficultés.  Est-ce que c’est quelque chose que vous vivez aussi ?

Flore : Évidement que c’est quelque chose que l’on vit, on travaille beaucoup et le fait que l’on fasse beaucoup de choses nous-même ça nous surcharge. Par contre ne n’était pas du tout ça qu’on voulait exprimer dans l’album. Le « Tako Tsubo » c’est vraiment un truc qui touche des gens, mais c’est pas la même chose, c’est plus une émotion trop intense.

 

Merci !

 


Aller en festival,  on en  avait perdu l’habitude depuis  plus d’un an et demi. Bien heureusement, cette disette a pris fin cette semaine grâce au Printemps de Bourges. Les organisateurs ont travaillé d’arrache-pied pour prévoir une version « allégée » du mythique évènement : moins de 1000 personnes dans les salles, masques obligatoires sur tout le site et concerts en configuration assise distanciée. Ce ne sont donc pas les meilleures conditions pour profiter d’un concert, mais si c’est pour voir de la musique live, on fera avec.

 

En ce vendredi ensoleillé, c’est sous la tente des (W)inouïs du Printemps de Bourges que l’après-midi commence. Le meilleur des jeunes talents musicaux est là pour faire vibrer les spectateurs confortablement assis à leurs chaises, face à leurs tables… Pirate et son hip hop survolté lancent les hostilités et se donnent à fond tout au long des 30 min qui lui sont accordées. Les textes, en hommage aux banlieues ou sous forme de déclaration d’amour à leur mère prêtent à sourire de temps en temps, mais regorgent de sincérité.

 

 

Après 5 minutes de pause c’est Euteika qui monte sur scène. Dans un registre similaire à son prédécesseur, le jeune homme livre une prestation pleine d’énergie. Est-ce que c’est une mode ou pas, mais il est important de souligner que ces deux premiers Inouïs de la journée sont entrés sur scène cagoulés. Pourquoi ?  On ne sait pas, surement pour donner un style ou bien en hommage au public masqué qui sait ?

 

 

Rien ne ressemble à la vie d’avant dans ce Printemps de Bourges 2021, le site a été largement réduit pour se concentrer en un petit amas de salles proches les unes des autres. Certaines manquent cruellement au décors alors que  les restrictions ont forcé les organisateurs à réinventer et adapter le festival. Pourtant le plaisir de se retrouver, d’écouter enfin de la musique et de se sentir vibrer sous les boom boom incessants des basses est plus fort que tout. Plus fort même que les nombreuses demandes de rester assis. Les concerts debout, ce sera pour le 30 juin, une date si proche qu’on pourrait presque la toucher du doigt. C’est peut-être pour cette raison d’ailleurs que certains artistes osent demander à son public de se lever, de danser devant sa chaise. Il serait aisé de penser, « danser dans le calme » finalement. Sauf que ce calme, plus personne n’en veut et que doucement mais sûrement, le printemps réchauffe les coeurs à mesure que les heures défilent et que les lives gagnent en intensité.

 

À 18h, après une très sympathique entrevue avec L’Impératrice, il est déjà temps de s’enfermer dans l’Auditorium pour le mystérieux concert de S+C+A+R+R. La scénographie du groupe est impressionnante : un énorme totem de projecteurs trône au milieu de la scène, entouré par deux draps blancs servant d’écrans, le tout derrière 3 postes d’instruments habillés avec du matériel informatique.

 

 

L’entrée sur scène du groupe repéré et produit par Dan Levy (The Dø) est aussi surprenante qu’intrigante. Le chanteur arrive en fauteuil roulant, poussé par un autre membre du groupe. Ils sont trois et tournent le dos à l’audience pendant l’entièreté du premier titre. L’ambiance musicale est particulièrement entrainante et le groupe arrive à dégager une aura digne des plus grands. La distance que le trio a réussie à créer ne dure pas bien longtemps. En effet, au début du premier titre, la chute d’un clavier l’oblige à reprendre son morceau, coupant net l’ambiance qu’ils avaient créée.

Dès le deuxième titre, le chanteur se lève de sa chaise roulante pour se mettre face au public. Comme s’il était possédé, il ne s’est pas arrêté une seule fois de danser pendant tout le show.

Ce concert, impressionnant par la musique, la technique et la mise en scène, réussi à mettre tout le monde d’accord.

 

Quelques minutes après c’est au tour de la tête d’affiche de l’Auditorium de faire son apparition. L’Impératrice vient défendre son nouvel album pendant les 50 min qui lui sont accordées. Les six membres ont plaisir à retrouver la scène et communique cette envie au public qui se lève dès le deuxième titre pour danser. La maitrise technique du groupe impressionne et chaque titre est justement interprété. L’Impératrice dégage une énergie solaire tout au long de sa performance. Le sourire de sa chanteuse aux cheveux bleus, Flore Benguigui, y est sûrement pour quelque chose. A moins que la construction réfléchis de son dernier opus « Tako Tsubo » ne soit la clés du succès. Si les six membres du groupe prennent le temps de penser leur projet comme un objet entier et varié sur album, ils en font autant sur scène. Ainsi chaque titre dévoile un univers bienveillant où même ceux qui ne savent pas danser sont invités à le faire. Danser évidement, pour reprendre l’esprit des publicités pour les boissons alcoolisés, en faisant attention à sa santé et dans le plus grand respect des gestes barrières.

 

 

Il est désormais temps de se diriger vers le palais d’Auron pour voir les têtes d’affiches de la journée. Sur le chemin il est possible d’apercevoir J-Silk interprétant sa new soul devant le public du French Vip, petit espace réservé aux professionnels.

J-Silk-Printemps_de_Bourges-2021
Photo : Louis Comar

 

Au même moment Sébastien Tellier fait vibrer les murs d’un palais d’Auron complet et conquis. L’électro pop de l’artiste français semble ravir la foule en particulier au moment de « La Ritournelle », titre phare du musicien.  Reste néanmoins à regretter que le morceau iconique soit interprété dans sa version la plus instrumental avec un seul passage du célèbre couplet.  La scénographie est très travaillée et donne une esthétique sophistiquée au concert.

 

 

Juste avant le concert de Philippe Katerine, le groupe Belge Annabel Lee se présente au (W)Inouïs pour faire une démonstration de son talent. Cela fait du bien de retrouver une formation rock sur cette scène où le genre n’avait pas été très représenté en début de journée. L’esprit punk de ces amoureux des Distillers et de Nofx transparait dans les riffs pourtant power pop qu’ils distillent. La belle bande de pote sait s’entourer d’une atmosphère bon enfant qui cache un beau travail de composition. Audrey Marot, la pétillante chanteuse de la formation pourrait bien marcher sur les traces de son idole Brody Dale grâce à son débit vocal et son jusqu’au boutisme scénique. La comparaison vocale s’arrête néanmoins là, notre Inouï ayant un timbre plus aérien qui confère à une pop accessible.

 

 

Retour au palais d’Auron pour terminer cette journée aux côtés de l’acteur et chanteur Philippe Katerine. L’entrée sur scène de l’artiste, comme tout le concert, est à son image : décalée. Il passe en revu ses meilleurs tubes et les titres de son nouvel album pour le plus grand plaisir du public. Certains diront que ce show comme toujours barré sera le cachet de vitamine C dont ils avaient besoin pour reprendre des forces après les mois de confinement. Comme toujours avec la star c’est une explosion de bonne humeur, d’exubérance qui lui donnent la fougue nécessaire pour que le kitch devienne de bon goût.

 

 

Ce vendredi du Printemps de Bourges marque le retour des festivals en France. Malgré les restriction, qui, il faut l’espérer seront bientôt un mauvais souvenir, ce sont les retrouvailles qui marquent ce retour en festival.  La présence du soleil malgré l’annonce de pluie diluviennes pourrait d’ailleurs bien être un signe. Et si le temps tournait ? Pour les artistes présents aussi émus que leur public de communier à nouveau, on ne peut que le souhaiter de tout coeur. Le Printemps en été a encore deux belles journées à nous offrir.


Cuarteto Tafi

Et puis il n’y eu plus de concerts.  Aucuns, zéro, nada. A la place, un vide terrifiant et cynique, une absence d’enthousiasme de son, de convivialité. Au début 2021, il n’y avait rien. Les jours passaient, ils n’apportaient qu’un quotidien privé d’une culture pourtant base de nos civilisations, de nos modes de vies. Ces mêmes modes de vies à la fois si proches et si variés dont le monde avaient le secret. Les mêmes donc qui trouvaient leurs reflets dans la musique, celle qu’on appelle musique du Monde ou World music. Celle-là même qui rassemblait le Monde en le réunissant le temps de quelques notes rappelant que nos différences pouvaient nous unir et de fait être la plus grande beauté de notre planète – humaine.

Cette diversité créatrice, le festival Au Fil des voix avait à coeur depuis des années de l’apporter à Paris et d’offrir tant aux novices qu’aux amateurs éclairés un coup d’oeil sur le Monde entier, ses instruments atypiques, ses notes, sa joie, sa convivialité, ses luttes communes et diverses. Cette énergie là, elle ne pouvait pas être stoppée ni par un virus ni par des décisions politiques. Cela reviendrait, en temps de crise, à réduire notre perception humaine en un vaisseau qui ne serait que notre salon. Alors, le festival a choisi de se battre avec cette arme que l’on connait malheureusement trop de nos jours : la diffusion de performances lives en streaming et sur écrans. Et puis le 4 février, comme une chance qui croiserait notre route, nous voilà invités à un concert au 360 dans la Goutte d’Or de Paris, là où la diversité vit tout en adoptant les codes de la vie parisienne. Impossible de refuser. L’Argentine sera donc au programme avec le groupe Cuerteto Tafi.

Il serait en un sens bon, avant d’entrer dans le détail de cette performance haute  couleurs où énergie et passion se mélangent, de rappeler qu’un concert et une performance scéniques sont néanmoins deux choses distinctes. Un concert est une grande communion. Un partage entre les différents membres d’un public d’un moment transcendé par la musique. Une performance se passe de public. Bien que peut-on réellement se passer pleinement d’un public pour pratiquer un art vivant ? C’est ce qu’a essayé de faire Cuarteto Tafi, il faut le reconnaître avec succès, en ce jour et sur cette scène face à un public restreint pour mieux le faire vivre dans des salons face à un public semi-confiné.

Une performance transcendante

Voilà donc notre quatuor qui s’élance mené par la jolie et hypnotisante Leonor Harispe  pieds nus et en robe de soirée noire. D’entrée, l’humeur est à la fête. Retrouver une salle de concert est un plaisir qu’on ne boude pas qu’on soit artiste ou public professionnel. Ou même un jeune bébé au deuxième balcon, peut-être lui peu conscient de sa chance. « Est-ce que vous êtes chauds ? » lance la chanteuse devant ses trois musiciens entre guitares, percussions, oud et bezouki. C’est une histoire d’amour entre la France et l’Argentine qu’est venu nous raconter le groupe. Dans cette histoire, la musique se vit avec le corps et le coeur. La danse est un atout, une importance capitale que des chaussures ne sauraient arrêter. Les morceaux s’enchaînent à toute allure alors que les mélodies solaires viennent remplacer les froideurs extérieur. L’opération marche tant que dehors, la froid de février renonce à la journée s’abandonnant à une chaleur printanière, laissant apparaître quelques jolis rayons de soleil. Dedans, les luttes convergent. Les problématiques du Monde se rejoignent nous disions vous en début de papier. Celle des femmes cherchant à s’émanciper par exemple. En Europe elle a pris le nom d’un hashtag, en Argentine d’un regroupement de femmes et d’artistes qui ont réussi à gagner en indépendance, en droit à l’IVG. Cette histoire là nous est aussi contée à corps et à instruments, en argentin dans le texte. Et finalement, il est bon de se rappeler que face à la musique, la barrière de la langue n’existe pas.

Les notes, l’énergie se suffisent à faire passer un message collectif, audible par tous. Comme lors d’un concert et non d’une performance, l’équipe invite un public réel et virtuel à se joindre au mouvement, en se levant, en partageant un temps donné. La chaleur de l’Amérique du sud, ici dans nos beaux bâtiments loin de ces vertes contrées, nous la connaissons, nous l’identifions. Elle se retrouve dans cette performance aux chants traditionnels et vivants. Les douleurs de l’amour nous sont contés et introduits en français pour mieux que les comprendre. Tout comme les failles et les douleurs. Les souffrance, le groupe les transforment en énergie positives qui donnent l’envie d’oublier les masques et les chaussures, de se laisser transcender et de s’oublier au grès de mouvements de danse en espérant avoir la grâce de ceux proposés sur scène. La reprise n’a toujours pas de date, le vide semble vouloir s’éterniser. Il est pourtant bon de se souvenir que le bruit de la musique couvrira toujours tous les maux, et que nous serons là, le Monde entier, au rendez-vous pour vivre à nouveau notre langue commune ensemble. En attendant, nous soutiendrons ses meilleurs interprètes, nos artistes.

Le festival au Fil des Voix se vit en streaming juste ici du 15 au 28 février.

chorus

La vie repart doucement, timidement, avec de nombreuses craintes et contraintes. Mais elle repart tout de même et offre enfin la possibilité fragile de revoir des artistes en concerts et de faire de belles découvertes.

Les Hauts-de-Seine ne sont pas en reste puisque leur festival de jazz se tient actuellement gratuitement et en extérieur sur le parvis de la Défense du 21 au 27 septembre. La semaine qui suit, on ne perd pas le rythme puisque le Chorus qui devait initialement se tenir fin mars profitera de sa mini-édition.

C’est une version allégée qui aura finalement lieu sur deux jours à la Seine Musicale de Boulogne le 30 septembre et le 1er octobre. Version allégée et particulière d’ailleurs, le premier jour place à la jeunesse, à l’enfance même, avec 4 spectacles qui profiteront de 6 représentations. Tatie Jambon avec Marianne JamesPick’o’Rama du groupe MamootLittle Rock Story de Claude Whipple et Olivier Prou et Echoes de Ladylike Lily peupleront cette journée du mercredi pour rappeler que la musique est primordiale dès le plus jeune âge contrairement à ce que peut laisser penser cette période actuelle. Eveil et bienveillance seront les maîtres mots de ce moment évidemment aménagé pour coller aux contraintes sanitaires en vigueur.

Le jeudi place aux spectateurs de tout âge mais surtout aux belles découvertes et nouveautés. Le prix Chorus fêtera ses dix ans. Si chaque année un lauréat remporte l’édition, cette fois les six groupes en lisse remporteront tous le fameux trophée et l’aide professionnelle de 3000 euros qui l’accompagne. Un geste de solidarité  bienvenu par les temps qui courent mais aussi une belle initiative lorsque l’on voit la qualité des artistes programmés ce soir là qui offriront de plus une performance live au public.

Et les artistes distingués sont…

Fils Cara : entre éléctro, Hip Hop, chanson française et modernité, ce touche à tout publiais en septembre un premier opus « Fiction ».  Porté sur les arts, variés, avec un parlé entre poésie et dialogue brut, le musicien va faire des ravages.

Global Network : Dansant avec son rythme groovie et sa voix maîtrisée, le musicien offre un électro solaire dopé  à la bonne humeur contagieuse.

Nyoko Bokbae: Boys band nouvelle génération qui met à l’affiche un trio atypique et n’hésite pas à questionner le genre, le groupe mélange les genres entre afro beat et r’n’b. Issu du label Boukan Records, le combo promet des titres et des tenues hauts en couleurs.

Taxi Kebab : Psychédélique et obsédant, Inouïs du Printemps de Bourges 2019 dans la catégorie « crossover », Taxi Kebab est une expérience musicale à découvrir d’urgence. Le duo y mélange l’électro analogique avec une guitare rock influencée par le chaâbi et la musique arabe. Un pari audacieux qui paye.

Terrier : Présent dans la liste des Inouïs du Printemps de Bourges 2020, l’OVNI Terrier débarquait avec son premier titre à l’automne 2019. Lui aussi mélange les styles avec virtuose entre poésie, chanson urbaine, rock-slam et post/punk.

We Hate You Please Die : Encore un Inouïs 2019, une édition aux grands crus. Les rockeurs fous de ce groupe à part déchainent les guitares et y ajoutent une touche de pop et de fuzz bienvenue. Déchaînés et vibrants, les musiciens n’ont pas fini de faire parler d’eux.

La soirée est gratuite sur simple réservation ici.