Le 2 octobre 2021, les rues de Paris sont inondées. La pluie bat son plein et ne semble pas vouloir s’arrêter, lavant tout sur son passage, entraînant avec elle la réalisation glaciale que l’été indien ne nous sauvera pas cette année. Il faut alors à la place, embrasser les possibilités qu’offrent une rentrée synonyme de retour à la vie.
Retour est certainement le mot le plus important dans cette phrase. Parce qu’il évoque l’après Covid et son envie de faire comme avant ? Peut-être. Mais aussi et surtout parce que ces années s’inscrivent dans une tendance générale de retour. L’envie conséquente de faire du neuf avec de l’ancien, de faire revivre un certain passé et de lui apporter son lot de nouveautés. Ce qui se vaut en friperie ou pour l’improbable et pourtant, c’est bien arrivé, retour de Von Dutch, se vaut également en musique. Certaines tendances reviennent, remises au goût du jour, transformées et parfois même sublimées. Si ces années permettent au rap de vivre son nouvel âge d’or, le rock, lui est moins en reste qu’on ne veut bien nous le faire croire. Le post punk déjà annonçait un vent de renouveau sur le milieu. Mais le courant stoner, lui aussi, reprend ses lettres de noblesse face à un public d’irréductibles aficionados. La preuve en est d’ailleurs donné en cette soirée de concert qui porte en son affiche le trio féminin Grandma’s Ashes.
Grandma’s ashes : un retour sur scène très attendu
C’est face à une salle comble et chauffée à bloc que le power trio féminin fait son entrée en scène pour présenter enfin, et après avoir dû essuyer de nombreux reports, son premier EP « The Fates ». Il suffisait d’ailleurs de l’écouter cette galette, pour comprendre à quel point le live démangeait nos trois grâces. Enfin prêtes à en découdre les copines survoltées balancent avec énergie leurs guitares saturées. D’emblée, ce sont les voix qui frappent lorsque les musiciennes entrent en scène. Servies à l’unisson, la justesse qui s’en dégage porte également les titres et leur donnent au delà d’une intention post-punk une véritable force mélodique et progressiste. L’harmonie et la cohésion d’équipe ressortent d’ailleurs tel un appel à la sororité dans cette performance franchement rock.
Un public de fans
Le look empruntant au gothique de nos maîtresses de cérémonie a par ailleurs déteint sur l’assemblée. Collier en forme de lame de rasoir, amples tee-shirts de groupes de rock underground et même du cuir habillent un public où les vingtenaires sont majoritaires. Difficile pourtant, lorsque l’on a fréquenté les salles de concerts des années 2000 et l’apogée du rock alternatif de ne pas sentir une pointe de nostalgie en voyant des doigts se lever régulièrement dans l’assemblée pour créer de petites cornes de Satan propre à un certain esprit rock. Cet esprit pourtant, libre et revendicateur, est aussi celui d’une affirmation de soi au sein d’un groupe qui se reconnait et permet de gagner en confiance en soi tout en perdant en timidité. Ce qui est vrai dans le public l’est aussi sur scène, puisque Eva, Myriam et Edith profitent de l’élan d’un public captivé pour mieux masquer le traque des premières fois sur scène. C’est pourtant cette fraîcheur qui donne encore plus de beauté à cette performance qui semble crier, « On donne tout ». Pour se donner plus de force, le groupe, qui se revendique des Monty Python, n’hésite pas à communiquer régulièrement avec l’assistance, enchaînant les blagues et les explications. Le retour en salle les habite et les titres s’enchaînent frénétiquement. Les pogos sont le partie alors que la Boule Noire semble avoir pris d’assaut uniquement ses premiers rangs. Queen of the Stone Age résonne autant que Led Zeppelin au coeur d’instruments qui virent parfois vers des sonorités plus gothiques. Dans leur noirceur du moins qui ne manque jamais d’être contrebalancées par une esthétique plus mélodiques comme avaient pu le faire les Donnas près de 15 ans plus tôt.
Un dernier saut avant de partir
La jeunesse du groupe fait sa force, parfois aussi, son talon d’Achille puisqu’il parait évident que, comme beaucoup, frustré par le Covid, il a encore eu peu d’occasions de se roder sur les planches. Là où il restera du travail, Grandma’s Ashes compense par une sincérité touchante et une force herculéenne qui les pousse au delà de leurs capacités. Sans jamais se laisser tomber dans l’émotion facile, elles profitent du moment pour remercier leur grand entourage. « Radish Cure » est l’occasion de tisser un long fil invisible entre les convives, maintenant possédé par les notes.
Se lâcher est mot d’ordre alors les copines préviennent qu’elles comptent stage diver pour la toute première fois. L’appréhension se sent encore une fois, écrasée par le besoin de tout vivre dans l’instant et de rendre au rock une certaine fougue. Voilà donc que nos deux front women, qui ont pris soin de demander à plusieurs reprises à l’assistance de bien les retenir, viennent jouer de leurs instruments portées par la foule. Ces derniers prennent par ailleurs une place de maître dans les compositions lives de la formation qui s’offre de nombreux moments d’instru sans chant, sorte de solo en trio où notes et aigus font loi.
Le concert se conclut dans une ambiance survolté et aussi chaude qu’une journée de canicule qui aura su inspirer son nom au groupe. Point question d’en rester là alors qu’elles convient l’assistance à un after bien mérité dans un bar tout proche. Le rock féminin sent lui aussi la bière et ne connait pas de limites. Qu’on se le tienne pour dit.
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