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Julia Escudero

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réalisatrices films horreurLa planète Cannes est dans tous ses états, le film de Julia Ducourneau, « Titane », a gagné la Palme d’Or. Un exploit, disent-ils, une femme qui remporte le précieux trophée, nous voilà si loin de Polanski et son César. Et puis, il faut se le dire, le second film de la réalisatrice est loin d’être un film banal puisqu’elle livre ici un film de genre jusqu’au-boutiste. Un cinéma boudé par l’élite française, très rarement soutenu. Difficile de ne pas penser aux nombreux cinéastes forcés de réaliser leurs métrages à l’étranger pour pouvoir proposer de l’horreur française. Pascal Laugier (à qui on écrivait une lettre d’amour ici)  ne pourra pas dire le contraire lui qui de plus avait écopé du  plus gros avertissement , avec un interdit aux moins de 18 ans, lors de la sortie en salle de Martyrs, ayant pour incidence une perte tragique de possibilité d’audimat, de salles de diffusion et donc de rentabilité. Julien Maury et Alexandre Bustillo avaient eux-même fait les frais de ce mauvais traitement du cinéma d’épouvante lors de la sortie en salle du -moyen mais là n’est pas la question- Au Yeux des Vivants.  Jugé dérangeant, le cinéma d’horreur est souvent passé à la trape. Quelques débordements en salles avaient d’ailleurs été l’excuse idéale pour limiter la diffusion de certaines pellicule. Cela avait d’ailleurs été le cas, avec le -très mauvais mais là n’est pas le sujet- film Annabelle de John R. Leonetti.  Quelques débordements dans une salle et le voilà déprogrammé de nombreux cinéma. Le film d’horreur aurait un public intenable, enfantin peut-être même, qu’il faudrait punir ?

Et ce public au reflet de ceux qui le créent ne seraient-ils que des hommes qui passeraient leurs pellicules à créer des personnages féminins sans grandes personnalités, tout juste bonnes à se faire découper en petites tenues ? Point du tout ! De Laurie Strode (Halloween)à Sidney Prescott (Scream) en passant par les plus actuelles Tree Gelbman (Happy Birthdead) ou l’évidente Ellen Ripley (Alien), les femmes fortes ont souvent le beau rôle dans les films de genre. Le registre s’offre d’ailleurs d’innombrable finesses lorsqu’il se fait analyse social et qu’il tend un miroir sombre de la société qui nous entoure comme Ari Aster a si bien su le faire avec son « Midsommar » . Et ces visages féminins ils ne sont pas seulement devant la caméra, ils se situent aussi derrière. Le genre n’est pas et ne doit pas être enfermé dans des clichés. Que les femmes puissent en faire est une évidence qu’il semble incongrue d’évoquer. Pourtant puisque la chose doit encore être prouvée, voici une sélection d’oeuvres qu’il faut avoir vues, signées par des femmes plurielles et talentueuses. A découvrir, non pas pour le genre de la personne qui les signe, mais pour toutes leurs immenses qualités cinématographiques.

Dark Touch de Marina de Van

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S’il fallait prouver qu’un film d’horreur peut avoir de nombreuses dimensions, Dark Touch mériterait d’être toujours cité en exemple. Le métrage très sombre de Marina de Van s’approprie toute la violence de l’inceste pour le retranscrire avec raffinement et sobriété. D’ailleurs, un sujet aussi lourd ne mérite-il pas une approche toute aussi difficile ? Plan par plan, la talentueuse réalisatrice plonge son spectateur dans le mutisme de Neve, sa jeune héroïne, aussi amochée et sensible qu’une certaine Carrie, des années plus tôt. Le traitement de la bobine, l’effet de froideur et de douleur laissée sur son spectateur sont autant de preuves de son aboutissement total. La française Marina de Van n’en était d’ailleurs pas à son coup d’essai puisqu’elle signait déjà en 2002, le viscérale « Dans ma peau ». Si « Dark Touch » est à l’heure actuelle son dernier film en tant que réalisatrice, il mérite aujourd’hui encore d’être visionné. Sa sensibilité au service d’une horreur jamais gratuite manque cruellement au paysage audiovisuel actuel.

De quoi ça parle ?

En Irlande, dans une maison isolée à la campagne les objets et les meubles tuent les habitants en se jetant sur eux. Seule une enfant survit, alors que la police refuse de tenir compte de son témoignage.

Mister Babadook de Jennifer Kent

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Et si la maternité n’était pas un long fleuve tranquille ? La difficulté d’élever un enfant seule pour une femme est une vérité souvent tut. Après tout n’est-ce point tout bonnement son rôle ? Là encore, la thématique est d’une certaine violence pour qui la subit.  C’est cette peur canalisée, cette difficulté à s’entendre avec son enfant qui sert ici de sous-titre à l’oeuvre. Pour personnifier les appréhensions de son héroïne et son immense colère, Jennifer Kent crée un monstre issu d’un livre d’enfants : « Mister Babadook ». Outre le drame psychologique qui emplit brillamment ce métrage fascinant, la réalisatrice sait créer son horreur. Les jump scares fonctionnent parfaitement, les codes du genre sont présents sans être clichés, la tension monte de bout en bout à mesure que le message se dévoile. Une réussite.

De quoi ça parle ?

Amelia, veuve, élève seule son fils de six ans Samuel sujet à des terreurs nocturnes. Mais un jour arrive chez eux, sans aucune raison, un livre de contes appelé Mister Babadook. Samuel, son fils, est certain que le Babadook hante ses rêves et cauchemars tandis qu’Amelia se sent harcelée par une présence maléfique. Un soir, alors qu’elle lit à son fils ce fameux livre, le cauchemar prend vie et plusieurs événements étranges se produisent. Mister Babadook finit par se montrer, à effrayer Amelia et Samuel avant que celle-ci ne finisse finalement par lui faire peur et qu’il ne se réfugie dans le sous-sol où elle le nourrit.

Jennifer’s Body de Karyn Kusama

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Comédie horrifique par excellence, Jennifer’s Body est aujourd’hui une oeuvre culte dans le paysage horrifique. Certains y verront une critique cachée de l’image du corps féminin, d’autres auront peut-être une pensée émue pour « La Mutante » tandis que la plupart se laisseront porter par le flow barré de ce film qui se déguste comme un bonbon entre scènes gores et ton complètement décalé. Une nouvelle mise en scène du mythe du succube, le démon féminin qui abuse sexuellement des hommes pendant leur sommeil mais cette fois-ci pour mieux les manger…  Avec en tête d’affiche Megan Fox, Amanda Seyfried et Adam Brody, ce film grand public n’en reste pas moins un plaisir coupable à partager entre potes ou à (re)découvrir pour se booster le moral. A noter que, si les films mettant en scène des incubes ou des succubes vous intéressent, il existe un mockbuster de « Paranormal Activity » intitulé « Paranormal Entity » qui joue justement sur les mêmes codes que le célèbre film mais en changeant les caractéristiques de son démon.

De quoi ça parle ?

Lycéenne dans une petite ville américaine, Jennifer est une beauté fatale à qui aucun garçon ne résiste. Cette bombe cache pourtant un petit secret : elle est possédée par un effroyable démon. Mangeuse d’hommes à tous les sens du terme, elle se transforme peu à peu en créature pâle, maladive et meurtrière… Needy, sa discrète amie d’enfance, va désespérément tenter de protéger les jeunes hommes de la ville, à commencer par son petit ami Chip…

Saint Maud de Rose Glass

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Premier long-métrage pour la britannique Rose Glass qui gagne en un seul essai le Grand Prix du jury de Gerardmer. Il faut dire que son Saint Maud s’avère être un récit à fleur de peau pour parler du fanatisme religieux. Là encore la violence répond à la violence et canalise l’horreur comme l’exutoire de pratiques encrées dans la société. La réalisatrice prend le pari de créer une héroïne fragile et influençable dont les pratiques l’enferment dans un isolement malsain aux confins de la folie. Parfois contemplatif, l’oeuvre profite d’une montée en puissance sur son final et d’un traitement intime qui touche au drame. La psychologie de ses personnages, le jeu de ses actrices, la dureté de son propos sont autant de bonnes raisons de découvrir ce métrage hybride et puissant. Restera à prendre son mal en patience puisque, loin d’être exempt de défauts, ce premier essai pourra prendre trop son temps pour parler de sa thématique centrale : une conversion récente qui plonge son personnage principal dans une descente aux enfers. S’il peut s’avérer complexe pour le cinéma d’horreur de s’offrir de véritables sorties sur grand écran, Saint Maud a failli déroger à la règle. Il devait être dévoiler en salles obscures en avril 2020. Mais la pandémie, une fois de plus, a tout détruit sur son passage.

De quoi ça parle ?

Maud, infirmière à domicile, s’installe chez Amanda, une célèbre danseuse fragilisée par la maladie qui la maintient cloîtrée dans son immense maison. Amanda est d’abord intriguée par cette étrange jeune femme très croyante, qui la distrait. Maud, elle, est fascinée par sa patiente. Mais les apparences sont trompeuses. Maud, tourmentée par un terrible secret et par les messages qu’elle pense recevoir directement de Dieu, se persuade qu’elle doit accomplir une mission : sauver l’âme d’Amanda.

The Bad Batch d’Ana Lily Amirpour

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C’est en réalisant les très prisés A Girl Walks Home Alone at Night et sa suite que’Ana Lily Armipour rencontre le succès. Il faut dire que la réalisatrice puise dans son histoire familiale pour créer : ses parents ont fuit l’Iran lors de la révolution iranienne en 1979. Son premier métrage c’est à 12 ans qu’elle le réalise. Son oeuvre phare, se déroule d’ailleurs en Iran et parle de vampires et d’amour. Sans concession, la réalisatrice revient en 2016 avec The Bad Batch disponible sur Netflix. Un métrage barré qui suit une jeune héroïne aux membres amputés par des cannibales dans une société futuriste.  Loin d’être un film anodin, il s’offre un immense casting (Suki Waterhouse, Keanu Reves, Jason Momoa, Jim Carrey …) et une critique aussi acerbe que celle de Romero de la société contemporaine et de ses luttes des classes. Les « mauvaises graines » de cette oeuvre au visuel très fort y sont expulsés et forcés de survivre dans un environnement aussi hostile que déshumanisé. Un parallèle évident pourrait être fait avec les camps de sans papiers qu’ont connu les américains durant le mandat de Donald Trump. Avec une bande son pop, un look d’une modernité pointue, une ironie maitrisée, un romantisme aussi improbable que candide et de la violence omniprésente et calculée , ce Bad Batch est un OVNI inclassable et immanquable.

De quoi ça parle ?

Bannie au milieu d’un désert peuplé d’indésirables, une jeune femme tente de trouver sa place parmi les drogués et les cannibales.

A noter qu’en 2017, nous vous parlions déjà d’horreur au féminin avec XX dont la critique est à lire ici.


 

Hozier : Take me to Church

En 2014, impossible de passer à côté de l’immense single d’Hozier « Take me to church » qui créait en musique une critique acerbe de l’endoctrinement Catholique. Depuis, l’irlandais a prouvé, une nouvelle fois s’il le fallait, son génie incontestable grâce à un deuxième album parfait de bout en bout « Wasteland baby! » qu’il faut absolument écouter (vous me remercierez plus tard). Toujours est-il que si son premier titre a connu un tel succès c’est aussi en raison de son clip d’une puissance et d’une importance rare. Transposant le message de son morceau à la discrimination et la violence dont sont victimes les personnes LGBTQI+ en Russie, le chanteur a immédiatement suscité une forte réaction et s’est offert deux millions de vues en une seule nuit. Réalisé par Brendan Canty, la vidéo aussi choquante soit-elle, met en lumière une réalité d’une laideur absolue dont il est important de parler. C’est d’ailleurs parce qu’il est si juste qu’il est si terrible à regarder. Le temps n’aura pas encore fait son oeuvre puisque la situation reste affreusement contemporaine dans ce pays pas si lointain (et pas seulement ..). Une bonne raison donc, de continuer de faire circuler le message en espérant qu’à force d’ouvrir les yeux, il puisse un jour devenir un souvenir marqué au fer rouge.

Run the Jewels : Close your eyes (and count to F**k) Feat. Zack de La Rocha

En 2015, le duo Run the Jewels, composé de El-P et Killer Mike, s’offrait un featuring puissant avec l’immense Zack de la Rocha (Rage Against the Machine). Pas étonnant quand on écoute son titre d’une grande force et qu’on l’additionne à la présence du rockeur engagé de découvrir un clip choc au message fort. Mettant en scène les conflits raciaux aux Etats-Unis mais aussi le mouvement Black lives Matters, le clip traité par son réalisateur comme un film, plonge le spectateur dans une forme de boucle sociale éprouvante . Les portraits des deux personnages : le policier blanc et le jeune homme noir sont composés au minima : ils sont la représentation d’une société qui se perd dans une lutte qui ne fait pas sens. D’ailleurs alors que les deux protagonistes se battent, la raison de cette altercation n’est jamais montrée. Elle semble plutôt se perpétrer et se répéter de jour en jour. La journée débute alors que les deux hommes épuisés semblent reprendre un combat routinier, elle se termine avec la promesse d’une violence qui recommencera au petit matin. « Je ressentais une responsabilité à cet effet. Nous devions exploiter les paroles, l’agression et l’émotion de la pièce, et transposer le tout dans un film qui initierait une conversation productive sur la violence motivée par les conflits raciaux » expliquait d’ailleurs A.G Rojas, son réalisateur. Une vidéo inoubliable qui se fait l’écho juste d’une actualité terrible qui ne semble pas trouver de fin.

 

VIKKEN – Pour une amie

Artiste trans qui a choisi de mettre en avant son identité en montrant des images de sa transition dans son premier clip « C’est OK », Vikken parle avec finesse d’identité. « J’ai juste une question pour vous. Je vois qu’il y a écrit « Madame », vous venez pour une amie ? Parce que ce n’est manifestement pas vous. Je pense que vous n’êtes pas la personne que vous dites être. Êtes-vous Madame ou êtes-vous Monsieur ? » scande-t-il avec force au court d’un titre hallucinant de profondeur et de sophistication. Celui qui a été le coup de coeur du jury des Inouïs du Printemps de Bourges 2021, et c’est bien mérité,  invite de nombreuses figures connues à le rejoindre sur ce clip :  Jeanne Added, November Ultra, Daria Marx (fondatrice entre autres de Gras Politique), Anna Carraud, Claude-Emmanuelle Gajan-Maull... Si en live l’expérience Vikken se vit comme une claque nécessaire, il dévoile ici en images un message fort à surtout mettre entre toutes les mains.

SOKO – Let Me Adore You

Impossible de ne pas tomber fou amoureux de la musique de Soko qui rencontrait le succès en 2007 avec le titre « I’ll kill her ». Dans le clip à fleur de  peau de « Let me adore you » sorti en juillet 2020, la chanteuse lo-fi indie pop se dévoile dans son quotidien. Loin de l’image de chanteuse performeuse, la musicienne a utilisé plusieurs années d’images tournées chez elle, dans sa maison à Los Angeles pour mettre en avant sa famille  homoparentale. On y découvre Soko dans son cocon et son rôle de mère de famille. Jasper Rischen a documenté la vie de cette famille épanouie et heureuse pendant de nombreuses années, non pas dans l’idée d’en faire un clip mais pour créer des souvenirs indélébiles. Soko raconte : « Nous avons décidé de mettre ces images sur le plus intime des morceaux. Les ‘Rainbow families’ ont besoin de plus de représentation, donc c’est un moyen de rappeler aux gens que ça existe une famille gay très heureuse. » Un moment de perfection et de douceur dans lequel il fait bon se plonger.

Namoro – Echos

Namoro, nous avions eu la chance de les découvrir au Co alors que les deux musiciennes faisaient un release party semi-confinée pour la sortie de leur très bel album « Cassia Popée ». C’est d’ailleurs le mythe de cette figure imaginaire non binaire, aux trois yeux et aux trois bouches, un souvenir que l’on s’invente pour mieux s’y reconnaitre, que raconte cet album construit et surprenant où trips chamaniques riment avec électro moderne. Avec leurs voix de sirènes, les musiciennes reviennent avec le morceau « Echos » et ses paroles très fortes. Pour habiller ce titre aussi puissant qu’enivrant, Namoro l’illustre avec un clip mettant en avant les marches lesbiennes  à travers des images de manifestations et rassemblements lgbtqi+ du XXeme et XXIeme siècle. Un titre et des images en miroir avec une histoire qui se joue encore aujourd’hui. Avec force et bienveillance, les musiciennes rassemblent et militent : « N’oublions jamais que nous sommes là depuis toujours et qu’on ne laissera personne nous empêcher de quoi que ce soit !  » ajoutent-elles. Aucun besoin d’attendre le mois de juin pour que le message fasse sens.

Skip The Use – The Story Of Gods And Men

L’unité tient à coeur à Skip The Use. Le groupe mené par l’inénarrable Mat Bastard n’a de cesse de véhiculer des messages positifs à travers ses compositions et ses clips. Des messages de luttes sociales nécessaires, avec la force et la détermination du rock, du vrai qui n’a pas froid aux yeux. « The story of gods ans men » n’échappe évidemment pas à cette règle. Sorti en 2014, il est peut-être même la synthèse des thématiques qui tiennent à coeur au groupe. Pour donner de la force à son message, le combo a choisi de reconstituer les tableaux les plus emblématiques de l’histoire, d’Eugène Delacroix à Michel-Ange. Il y met en avant ceux qui parlent de combats et d’engagements et se les réapproprie pour mieux parler d’unité. Les thématiques y sont nombreuses alors que l’espoir prend toujours la dominante de cet appel très clair à l’unité. Les différences peuvent être belle, la violence est une hérésie, rappelle le groupe à juste titre.  Une façon de faire réfléchir ses nombreux fans comme il se plait à l’évoquer, petit pas par petit pas, les choses peuvent toujours évoluer.

Ruby Rose : Break free

C’est en juillet 2014 que sort le très puissant clip de « Break Free » signé Ruby Rose. Mannequin, animatrice, DJ, actrice, elle a depuis beaucoup fait parler d’elle à travers le monde notamment grâce à son rôle dans la série « Orange is the new black » dans laquelle elle jouait en 2015 et 2016. Il est apparemment possible pour une personne d’avoir tous les talents puisque ce morceau s’avère être une prouesse instrumentale entre voix aérienne, mélodie soignée et  montées en puissances raffinées. Pourtant c’est surtout son clip qui saura retenir l’attention. Contextuellement, si 2014 parait proche, beaucoup de choses ont eu le temps d’évoluer et ce pour le mieux. En ces temps pas si reculés, il était encore rare de parler de trans identité, d’expression du genre et de sortie des statuts co. L’idée même pouvait être marginalisée. C’est peut-être l’une des raisons pour lesquelles ce « Break Free » dont la réalisation sensible est tout simplement sublime aurait du être diffusé en boucle absolument partout. Sa thématique puissante touche et ouvre les esprits. Indémodable et  toujours essentiel.

Miley Cyrus -Mother’s Daughter

Tout comme Taylor Swift, Miley Cyrus tient à parler de son engagement féministe. La chanteuse aux milles facettes qui a su, n’en déplaise à certain.es, créer un véritable renouveau d’une pop mainstream, le prouve à nouveau à travers le clip de son titre « Mother’s Daughter ».  Elle y traite du droit de chaque femme à disposer de son propre corps et en profite pour mettre en avant une partie de la diversité féminine. Un droit toujours bafoué à travers le monde et qui est toujours l’occasion de juger et de débattre. Comme toujours, la chanteuse n’hésite pas à utiliser des images fortes et ne fait aucune concession.  A ses côtés on retrouve les mannequins transgenres Aaron Philip et Casil McArthur mais aussi la danseuse Amazon Ashley et même la mère de Miley Cyrus. Un clip puissant qui habille un moment de pop bien sentie et moderne. A ne pas manquer.



 

La Cafetera Roja en concert à La Boule Noire Paris 2021
Photo : Louis Comar

Le 18 juin, alors que la pluie menace de tomber, Paris vibre pleinement. Le couvre-feu touche à sa fin, les masques tombent dans les rues. Le soleil éclipse pourtant tous les risques annoncés, Pigalle fait le plein en terrasses, on se retrouve dehors. Et puis aussi dedans, en salles de concerts. Il est évident qu’en salles, les règles sont bien différentes de celles promises au reste de la France. Pour les professionnels du spectacle, toujours soumis à de nombreuses contraintes, les enjeux d’une reprise timide sont là. Besoin de rentabilité, envie de (re)vivre des moments forts face à un public en demande. Artistes, organisateurs, fans, tous ne demandent qu’à communier à nouveau en une grand messe musicale.

Une performance sans limites

Et à 21 heures, alors que le soleil tape encore, voilà que la Cafetera Roja prend possession d’une des plus belles salles de la capitale : La Boule Noire. Les consignes sont nombreuses : un siège libre entre les groupes, impossibilité de passer commande au bar, il faudra utiliser une application en ligne et se faire servir, il faut rester masqué, il faut rester assis. Pourtant, retrouver la salle parisienne, c’est toujours comme retrouver sa maison. Une petite maison feutrés aux murs en moquette vieillis et aux dessins érotiques, une maison qui sent la bière et la musique. La voir en configuration assise pourrait provoquer un pincement au coeur si le simple fait de rentrer chez soi n’était pas une telle joie. Et quoi de mieux que de faire place à un groupe comme la Cafetera Roja pour saluer cette vieille amie ?

Le public est présent, familiale, on compte quelques têtes blondes parmi les membres de l’assistance, des connaisseurs aussi. Tous ont en commun une joie fulgurante dans leur regard et l’impression d’être montés sur des ressorts. « Non, c’est fini « semblent dire leurs yeux, « On ne veut plus dormir chez nous ». Le groupe se présente avec à peine quelques minutes de retard, l’attente avait été grande, la réponse en live est à la hauteur. Il suffit d’un morceau pour que la formation balance des riffs maîtrisées et profondément dansants. Guitare, batterie, chant, clavier, contrebasse sont de la partie. Il faut dire que la formation jouit d’un savant mélange pour créer des compositions OVNIS et inclassables. Avec elle, tout est permis, il n’y a aucune frontière. On chante d’ailleurs comme on rap, et le tout en anglais, espagnol, allemand, français… où serait le fun à créer des limites ? Pour mieux brouiller les pistes le groupe refuse les étiquettes de style : trip hop, rock, reggae, chanson, rap, latino tout y passe en un condensé de bonne humeur hallucinant.

Quand la musique sonne, le public reprend ses droits

Le groupe multi-générationnel, mixte, galvanise la foule. Deux morceaux, le voilà qui remercie chaleureusement le public de s’être déplacé. Non pas de ces remerciements écrits qu’on avait l’habitude d’entendre au temps d’avant dans les salles de spectacles pour meubler et faire beau. Non. Mais de ces remerciements sincères portés par un manque réel et un émerveillement d’être enfin là sur scène. Toujours pour mieux brouiller les pistes, le combo échange régulièrement de rôles et d’instruments. Aurélia Campione au chant et à la guitare hypnotise les foules avec

La Cafetera Roja en concert à La Boule Noire Paris 2021
Photo : Louis Comar

énergie. Face à elle Anton Dirnberger (MC, clavier) lui donne parfaitement la réplique. La chaleur monte d’un cran et rester assis devient alors douloureux. A Barcelone, où la Cafetera Roja s’est formé, on a fêté la fin du couvre-feu à minuit en mangeant des raisins comme le veut la tradition du Nouvel An.  Comme si on reprenait enfin à zéro. A Paris, la fête ne peut plus attendre et rien d’aussi officiel ne semble se produire. Alors un à un, doucement, voilà que les convives décident de reprendre l’année à zéro sans vraiment prendre compte de droits qui n’ont pas encore été officialisés. La nature humaine reprend ses droits et voilà que certains se lèvent pour taper dans les mains et danser.

La Cafetera Roja en concert à La Boule Noire Paris 2021
Photo : Louis Comar

La présence surprise du rappeur  Hame Rek le temps d’un morceau endiablé, ne fait qu’accentuer le phénomène. Impossible d’arrêter une foule qui danse et qui vibre. Chaque morceau est synonyme de retrouvailles, la folie est contagieuse, elle se transmet à toute allure. La tension monte, Fiti Rodriguez (Chant/Basse/Chœurs) en profite pour lancer quelques mots sur ce moment émouvant, le manque qui l’avait précédé et la fête gagne du terrain. La température ne redescendra pas d’un cran et ce jusqu’à la fin de ce moment rayonnant. La foule, continuera à célébrer la vie et la musique debout, en chantant à l’unisson dans toutes les langues qu’on lui propose et ce jusqu’à la toute dernière seconde de cette performance qui accompagne la sortie du dernier album en date de La Cafetera Roja : « Muzaik ». Encore électrisé, le public doit quitter la salle avec les oreilles qui vibrent et qui sonnent, comme au temps d’avant. Ou peut-être encore bien plus fortement. Après tout, maintenant qu’on sait tout ce qu’on peut perdre, tout n’aura-t-il pas à jamais meilleur goût?


THEE DIAN
Crédit photo : GIL ANSELMI

THEE DIAN, c’est avant tout le rencontre d’une voix. Puissante, profonde, enivrante et inoubliable. La chanteuse offre au compte goutte les brides de son univers en se dévoilant titre par titre comme autant de petits cadeaux à déballer les oreilles grandes ouvertes. Si la promesse d’un album et d’une rencontre en live planent au-dessus de nos têtes, chaque extrait mérite de prendre le temps de le déguster et de s’en imprégner. Avec un flow aussi dansant que mélancolique, la belle tape juste et s’offre une palette moderne loin d’être privée de références .

Il faut dire que la musique coule dans ses veines depuis son plus jeune âge. Elle apprend le piano à trois ans alors que sa mère, choriste d’Alpha Blondy et Manu Dibango et que son père, chanteur de Carlos Santana lui donnent le goût des partitions et des notes savantes. Entre Dakar et Paris, THEE DIAN crée un Monde où les étiquettes n’ont pas leur place et où la liberté est mot d’ordre.

Paper Angel : le clip de la renaissance 

A seulement 20 ans, après avoir dévoilé en décembre son premier titre solo « Insanity » sur le label Spin Desire, THEE DIAN livre ici un clip à fleur de peau. Elle y évoque le fait de tuer symboliquement son deadname. Le morceau « Paper Angel » est à prendre comme un témoignage universel. La chanteuse y évoque la puissance du voyage de sa transition, la patiente dont il a fallu faire preuve mais aussi la force qu’elle en a tiré. Artiste LGBTQ+  engagée, elle crée un halo lumineux, symbolique du fait d’être enfin elle-même, libérée du poids d’une identité subie.

Ce besoin de s’échapper des cases et de voir au-delà se fait tout autant sentir dans sa musique où le rap côtoie l’électro, flirte avec le r’n’b sans jamais se cantonner dans un registre unique, repoussant frontières et attentes. Ce « Paper Angel » s’avère être un périple où bienveillance et lumière règnent en maître et où la maîtrise instrumentale est un outil savamment utilisé pour inviter l’auditeur à la découverte d’un Monde nouveau. Un Monde où chacun peut s’exprimer, créer, être lui-même, affranchi de jugements et de prisons. Un Monde où art et musique sont leaders en somme.