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Julia Escudero

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Curieux bijoux que ce Décaméron sorti sur Netflix cet été sans grande promotion. Pourtant, cet objet télévisuel hors normes s’ose à mélanger les genres et les époques, situant son intrigue en pleine épidémie de peste en 1348 pour mieux lui offrir un traitement et un ton d’une grande modernité. Au milieu de sujets de lutte des classes, de survies, de sexe comme de sexualité, à travers ses actions barrées et ses drames finement écrits ressortent deux messages : l’amour est un fardeau aux visages pluriels et les histoires contées sont celles qui changent les trajectoires.

Le Décaméron NetflixLe Décaméron de quoi ça parle ?

Située à Florence en 1348, alors que la peste noire frappe fort, la série suivra une poignée de nobles qui sont invités à se retirer avec leurs serviteurs dans une grande villa de la campagne italienne et à attendre la fin de la peste avec des vacances somptueuses. Mais alors que les règles sociales s’amenuisent, ce qui commence comme une aventure sexuelle imbibée de vin dans les collines de la Toscane va se transforme en lutte pour la survie.

Le Décaméron pourquoi c’est bien ?

Le Décaméron LiciscaA l’origine, le Décaméron est un recueil de 100 nouvelles écrites en italien par Boccace entre 1349 et 1353. Du matériel d’origine il restera la peste et l’isolement de nobles dans une demeure pour fuir la maladie. Si le roman se base sur le décalage entre l’insouciance du recul d’un lieu décrit par paradisiaque et l’horreur de la peste noire, la série Netflix n’aura elle aussi de cesse de jouer sur des décalages.

Le premier est d’ailleurs le ton et le langage. Nos nobles et leurs serviteurs, en costume d’époque, retirés dans une villa de rêve alternent constamment entre tournure de phrases en vieil anglais et mot actuels, les « fuck » y allant bon train sans jamais rendre l’un ou l’autre incohérent. Ce jeu rend le tout immédiatement attractif comme le recul évident qui est pris avec la maladie dans les premières minutes. La mort étant autant quelque chose que l’on fuit qu’un sujet relayé au second plan de problématiques bien plus terre à terre ou humaines : gloire, fortune et statut social en tête. D’ailleurs l’humour est immédiatement utilisé comme une arme. Un humour pince sans rire, absurde et souvent à l’anglaise. D’un récit qui pourrait s’adresser à un public averti en quête de nourriture intellectuelle, la série va rapidement prendre le plie de s’adresser au plus large public possible sans jamais pour autant le prendre de haut. En seulement 8 épisodes, la mini série saura par ailleurs changer son discours et la trajectoire de ses personnages, à tel point qu’en fin de course, le souvenir de leur première apparition paraitra bien lointaine. Le Décaméron nous fera ainsi aimer follement ses personnages, se jouant de nos sentiments premiers à leurs égards.

La peste ou le choléra ?  La lutte des classes !

Le Décaméron - Pampinea et Misia
Pampinea et sa servante
Misia

De prime abord, la série semble traiter de lutte des classes. C’est l’un des sujets qui sera le fil rouge des premiers épisodes. Déjà parce que une servante et une noble vont par un concours de circonstance et une belle rébellion échanger leurs places. Lorsque Filomena (Jessica Plumer que vous connaissez grâce à Sex Education mais dont vous découvrirez ici une nouvelle facette) et Licisca (Tanye Reynolds) échangent les rôles, la servante au grand coeur finit par se comporter comme la noble qu’elle jugeait. Trucs et astuces pour séduire et assurer son futur se mêlent à un profond besoin de liberté. La seconde, elle, fera également son chemin de croix, mais sans jamais perdre de vue les traits qui la caractérisent s’affirmant plus en tant que personne une fois les besoins du statut mis de côté.

Sirisco (Tony Hale ) et Stratilia (Leila Farzad à retrouver au casting de l’incroyable série Kaos), privés de leur maître et devant mentir sur le sujet, deviennent eux même les « Scapin » et maîtres de la villa à leur insu, magouillant pour reproduire, malgré les circonstances extérieures, le schéma auquel ils sont habitués. L’idée de ne pas être de simples serviteurs mettra son lot de péripéties avant de leur arriver en tête. Et là encore la série questionnera, lorsqu’un peu de pouvoir vous est donné faites-vous mieux que celui qui l’avait avant vous ?

Tindaro, le malade imaginaire, renverra quant à lui une image du népo kid terrible. Auto-centré, mysogine, cherchant une attention constante. Il finira lui aussi par changer de trajectoire, grandissant à l’écran comme pour mieux prouver que même le pire d’entre nous peut s’améliorer sans jamais devenir pour autant parfait. Rédemption y es-tu ?

Le sujet de la religion est lui aussi abordé pour mieux être moqué. La pieuse Neifilie prête à tout pour être sauvée par Dieu est rapidement tournée en ridicule, cherchant Dieu jusqu’au plus absurde des comportements. Pourtant et finalement c’est bien loin de l’amour divin qu’elle trouvera sa rédemption, mais sur un chemin de vie allant à l’encontre de son éducation chez les nones. Un parcours qui lui fera d’abord questionner le péché de chaire. Puis, il lui permettra aussi d’aimer pleinement, sans jamais douter, son mari homosexuel, faisant un pied de nez magnifique au traitement habituel du religieux pour les questions LGBT +.  Mais nous y reviendrons plus tard. De leurs côté, les mercenaires, parlant au nom de Dieu sont dépeint comme les plus cruels des personnages qui, soit disant au nom du Divin, ont des problématiques bien plus terre à terre et propres à l’avarice.

Le Décaméron ou L’amour, fardeau aux nombreux portraits

Le Décaméron Panfilo Neifile
Panfilo et Neifile, l’amour a bien des visages

Mais là où le Décaméron fait fort c’est lorsqu’il parle d’amour. Oubliez l’amour romantique, il n’a qu’une petite place dans l’univers de la villa, elle même personnage à part entière de notre histoire.

Il serait dommage de ne pas d’abord parler du couple Neifile / Panfilo. Leur intrigue et leur histoire est probablement le plus beau traitement de ce que signifie aimer vu sur petit écran. Il leur suffira de quelques scènes en milieu de série pour réchauffer et serrer les coeurs. Lui, le noble malin, aux mille idées pour magouiller leur avenir. Elle, la douce et pieuse qui ne cherche qu’à obéir à Dieu. Le couple marié partage une véritable complicité mais ne partagent pas la couche. Panfilo est un homme homosexuel qui ne peut l’assumer – du moins en est-il persuadé- au grand jour. Lorsque les masques tombent et qu’enfin chacun.e apprend à s’ouvrir entièrement à l’autre, alors la plus belle des amitiés et le plus incroyable des attachements vient à se livrer à l’écran. Et ce jusque dans la toute dernière scène de nos époux qui s’aiment à la folie en son sens le plus noble.

L’amour il peut aussi être toxique. C’est le cas de la relation entre Pampinea, le personnage le plus détestable du show et sa servante Misia. Pampinea,  prête à tout pour être mariée, attachée à sa dot qui aura elle aussi une place à part dans l’histoire, l’argent y est donc personnifié, ne fera que montrer le pire d’elle même en toute action. Mais Misia lui voue une totale dépendance affective. Cette relation tient l’une des places centrales de la série. Son évolution, sa mise en place et les conséquences souvent tragiques pour tous.tes qui en découlent.

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THE DECAMERON. Tanya Reynolds est Licisca et Jessica Plummer est Filomena

L’amour au sein d’une fratrie aussi torturée soit elle, la découverte du premier amour pour Liscisca qui lui servira de rédemption, l’amour d’un lieu, d’une communauté, mais aussi celui d’une mère pour son enfant, l’amitié sincère et celle qui voudrait bien devenir un lien de parenté, tous sont abordés. Mais pour mieux en parler il faudrait tout spoiler, ce que l’on évitera de faire ici.

La dernière fête avant la fin du Monde

Au dessus de l’aventure de nos personnages, le visage de la mort plane sans cesse. Il a pris d’assaut Florence et le Monde, la maladie y règne. Alors, dans un confinement qui n’est pas sans rappeler ce qu’on a pu vivre avec le COVID, on tente de garder le visage de la norme. Ne l’avons nous pas fait aussi à coup d’apéros Skype pour croire en un quotidien plus classique ?

Ici les fêtes vont bon train, on mange et on boit à plus soif alors que dehors la faim règne. Derrière les sourires, l’ombre d’une mort certaine, peut-être prochaine et le poids du deuil. Misia personnifie la perte et pourtant, celle-ci sera constamment éclipsée pour lui préférer les faux semblants et les faux drames nourrirent par Pampinea.

Le sexe est de la partie, il a de nombreux visage mais son premier n’est autre que celui de Dioneo, médecin beau gosse qui fera fantasmer et douter la villa toute entière. Il est la personnification de la liberté autant que de la tentation. C’est par lui que tout commence mais pas nécessairement que tout finit.

Ce Décaméron prend tous les visages du drame, tous ceux du tragi-comique et sert autant à déverser quantité de message qu’à divertir. Puisque, et c’est aussi là sa force, il tient surtout à mettre le récit en son coeur. C’est le récit qui peuple le livre d’origine et les histoires que se content les nobles pour passer le temps. Ce sont les récits pluriels de nos personnages qui viendront nous chambouler et nous amuser au cours d’une série hors cases. Et c’est le même récit qui conclue notre show. Celui qui rappelle que toutes les histoires sont intemporelles et que qu’importe leur temps et leur lieu, elles parleront à tous.tes pourvu qu’elles soient bien contées.


Emily in Paris a débarqué dans nos vies voilà déjà 4 saisons. Série doudou, plaisir coupable par excellence, le show de Darren Starr avec en vedette Lily Collins séduit en masse. En cause, des intrigues légères qu’il est bon de retrouver, un Paris idéalisé malgré des français ronchons, des acteurs et actrices sublimes, des tenues extravagantes, un humour simple, une absence totale de prise de tête et la certitude que tout ira toujours bien. La série diffusée sur Netflix a pour but de créer un décalage complet entre l’américaine Emily et la France, pluri-représentée, dans laquelle elle souhaite s’intégrer. Si le papa de Sex & the City nous a habitué a des propos franchement novateurs (pour leur époque) et à oser aborder des questions tabous pour une Amérique souvent prude (au mieux), son nouveau concept n’apporte rien en terme de révolution des mœurs. Mais il dit bien quelque chose d’un décalage entre les États-Unis et la France et une vision du monde qui finalement se divise plus qu’on ne le pense. Ce n’est pas parce que c’est léger et cliché qu’il n’y rien d’intéressant à en sortir. D’autant plus aujourd’hui avec une Amérique Trumpiste qui menace de pointer à nouveau le bout de son vilain nez. Petit florilège de thématiques abordées qui ont plus de sens qu’il n’y parait.

emily in paris saison 4
Emily in Paris @ Netflix

Attention l’article contient des spoilers, ne le lis pas si tu n’as pas regardé le partie 1 de la saison 4 !

Emily in le rêve parisien

Camille, son bébé qu’il faut garder

Mettons tout de suite les pieds dans le plat. A la fin de la saison 3, les drames et mélos allaient bon train pour notre plus grand plaisir. Camille, enceinte, devait épouser Gabriel mais annule son mariage en dernière minute en accusant son fiancé et Emily d’avoir des sentiments amoureux l’un pour l’autre. Elle s’enfuit alors, toujours enceinte donc, et disparait sans dire à ses proches où elle se trouve. Et c’est ce bébé qui va d’office opposer deux visions et changer du récit souvent proposé par les séries américaines. L’avortement en France est entré dans la constitution, si son existence pourra toujours être remise en cause, qu’il faudra savoir rester vigilent.e parce qu’on ne sait pas de quoi demain est fait, l’anti-avortement ici, bien qu’existant est plutôt minime. C’est loin d’être le cas Outre-Atlantique. Le puritanisme religieux force à convaincre qu’y avoir recours est un crime. Ça l’est d’ailleurs au Texas où il est interdit. Ce droit fondamentale est également menacé  au Wyoming, dans l’Ohio et au Montana. Et ça se sent dans les séries et films américains qui l’évoquent bien peu quand il s’agit d’un spectacle proposé au grand public. Dans Emily in Paris l’idée que Camille ne souhaite pas garder le bébé suite à sa rupture n’est de prime abord pas évoquée. Evidemment, être une mère célibataire est tout à fait envisageable comme le fait de concevoir un enfant loin du couple traditionnel (hétéronormé et non). Mais l’idée que la vie du personnage soit bouleversée et son envie ou non de maternité doit être mise en scène. Il le sera finalement au cours d’un café pris entre Emily et des amies de Camille lorsque l’une lui lance qu’elle aurait très bien pu y avoir recours, on est en France ici. Au-delà des clichés c’est là la véritable confrontation entre le personnage principal et une Europe dont la liberté n’est pas que celle de l’American dream qui a subit un sérieux coup ces dernières années. Et, il faut l’avouer, cette petite piqure de rappel sans rien enlever à la légèreté de la série est toujours bonne à prendre. Même si le reste est très timide et que pour se débarrasser de l’intrigue d’un bébé qui pourrait contrarier la suite du scénario, à savoir une grossesse qui n’a jamais existé, doit ravir le public américain.

emily-in-paris-camilleSylvie, femme mature au couple libre

Le personnage le plus intéressant d’Emily in Paris, le meilleur, le mieux écrit, c’est évidemment Sylvie (Philippine Leroy-Beaulieu) , la patronne d’Emily. C’est un fait acté, on peut toujours argumenter mais ce serait pour dire des bêtises. Elle représente à elle seule une image de la française accomplie, belle et forte, telle que vue, il va s’en dire, dans le fantasme collectif américain. Mais elle incarne également à elle seule une vision de l’âge très différente de celle de l’Amérique. Déjà parce qu’elle est loin du cliché de la beauté gardée par la chirurgie esthétique mais aussi parce que sa maturité fait d’elle une femme qui s’impose et dont le travail est reconnu. Certes, on pourrait évoquer Le Diable s’habille en Prada comme contre exemple mais on est loin de Sylvie et son couple libre. Pour rappel le personnage de Maryl Streep, lui peinait à maintenir son couple avec la pression de son travail. C’est encore plus vrai que cette saison, Sylvie dénonce le harcèlement sexuel de son ancien collègue à la une du Monde. La différence entre Emily et elle est sans cesse évoquée. Notamment lorsque la question du « grey area » d’Emily est le sujet d’un épisode entier dans la saison 4. Sylvie lui dit même qu’elle ne pensait pas la voir la rejoindre dans cette zone trouble. Trouble pour Emily c’est en réalité avoir eu des rapports sexuels sur le toit de son immeuble avec son compagnon. Un peu hypocrite quand même quand on pense que la même Emily couchait avec le frère – mineur- de son amie quelques saisons plus tôt, mais passons. Si on pense à Sylvie comme à une image enjolivée de la parisienne, elle ne questionne pas moins le rapport au corps de beaucoup d’actrices américaines qui s’infligent bien des traitements chirurgicaux pour garder une jeunesse elle aussi fantasmée. Certes Sylvie est une très belle femme mais sa beauté n’est pas artificielle. Le culte de l’apparence est différent et il s’agit moins du paraitre que de l’être. Et cette manière d’être c’est aussi celle d’une femme qui assume sa sexualité sans jamais qu’elle ne soit remise en cause ou évoquer face à son âge. Et la sexualité, on le sait est l’ultime tabou américain.

emily_in_paris_sylviele couple, les couples

Si l’on se base sur une vision globale et par raccourcis, l’image des français.es c’est aussi celle des couples libres, des couples sortant des cases pré-déterminées. Bien sûr l’idée de sortir du couple hétéronormé il fait son chemin dans de nombreux pays pour qu’on puisse s’en éloigner le plus possible. Mais l’image de vies qui ne rentrent pas dans les normes du traditionnel mariage, bébé, se fait particulièrement voir cette saison. Difficile de ne pas penser à Camille, Sofia et Gabriel. Camille qui retrouve l’amour auprès de Sofia, l’occasion d’offrir à  la série un couple LGBT+ à l’écran et une vie à plusieurs avec un futur bébé au milieu. C’est le traitement de cette intrigue qui joue le plus sur plusieurs tableaux. Celui, intéressant de Gabriel, heureux de devenir père et qui veut le bien de son ex compagne sans lui demander d’être pour autant avec lui. Mais qui va vite s’arrêter à une vision bien plus normée. Alors que les 3 vivent ensemble Gabriel et Emily iront les dénoncer à la gardienne pour mettre un terme à ce ménage à trois, qui, de plus n’en est pas un. Tout finit bien puisque de toute façon Camille trouvera un logement juste en face de chez son ex. Mais scénaristiquement l’aisance d’une famille à part va vite se retrouvée pointée du doigt. On peut quand même se réjouir d’une représentation  queer qui passe par plusieurs personnages et mises à l’image, du défilé de costume-penis -et son occasion de donner un tacle au harcèlement sexuel et abus d’influence – au couple Camille / Sofia ou encore le personnage de Julien (Samuel Arnold). Et aux États-Unis, cette vision là, elle divise. Une partie des USA, majoritairement celle des grandes villes est on ne peut plus progressiste sur le sujet. Mais là encore certains états régressent sur le sujet au nom d’une liberté d’expression qui tient plus de la liberté de discriminer et d’attaquer que d’autres choses. Avec, encore et toujours, le Texas en tête de liste qui tentait en 2022 de faire revenir l’immonde « sodomy law ». Enfin le couple de Mindy permet de questionner la place de la femme, de parler slut shaming et l’héritage parental.

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Emily in Paris. (L to R) Lily Collins as Emily, Bruno Gouery as Luc, Samuel Arnold as Julien, Philippine Leroy-Beaulieu as Sylvie Grateau in episode 405 of Emily in Paris. Cr. Courtesy of Netflix © 2024

 EMILY IN le PARIS des JO

Le sujet des Jeux Olympiques de Paris n’est pas du tout évoquée dans la série. Néanmoins, on peut faire un rapide  parallèle entre l’image de Paris qui s’est dégagée durant dans la période des jeux et celle de la série. On y voyait dès la cérémonie d’ouverture Lady Gag reprenant Mon truc en plume de Zizi Jeanmaire dans une version cabaret très théâtrale faisant d’office le pont entre Paris et l’entertainement américain. Cette même cérémonie a été censurée sur plusieurs chaînes de télévisions américaines notamment lors du tableau de Philippe Katherine et de sa représentation dénudée. Et évidemment l’Amérique puritaine et très catholique s’est sentie attaquée par la forte représentation queer d’au moins un des tableaux de la cérémonie (celui du défilé de mode évidemment). Emily in Paris et la cérémonie participent l’un comme l’autre à donner une image d’une France magique et des sublimes décors de sa capitale mais aussi à traiter en s’adressant au plus large public possible de sujets actuels. Et de faire de Paris un lieu où tout le monde a le droit de s’affirmer, d’exister. N’en déplaise à certains, l’image du trouple (clin d’œil à Jules et Jim), du presque quad (mais pas vraiment dans la série) sont encrés dans l’imaginaire collectif quand on pense à la  France. Celle d’un pays plus libre que celui qui se revendique de toutes les libertés. Il l’a été et, on espère, saura encore l’être dans les années à venir. D’ici là, Emily pourra bien rester à Paris pour apporter avec légèreté ses messages au Monde entier tout en continuant à prendre toutes les plus mauvaises décisions possibles concernant sa vie romantique et son travail. Et nous, on a hâte de la retrouver pour la seconde moitié de la saison 4 !

Netflix diffusera la deuxième partie d’Emily in Paris à compter du 12 septembre.


Lana Del Rey, il avait suffit de l’évocation de son nom à l’hiver dernier, promise en tête d’affiche de Rock en Seine, pour faire tourner toutes les têtes. Reine d’une vision à part de la pop, la chanteuse iconique avait rempli l’intégralité du festival en un temps records. En seulement quelques clignements d’yeux et nombre d’aventures de vie, le 21 août était enfin arrivé promettant un show qui ne pouvait s’avérer que grandiose. Parfois la réalité dépasse les attentes. Ce sera le cas ce soir-là alors que le spectacle d’une élégance rare oscillait entre ode aux amours difficiles, grand messe puissante et communion peuplée de noeuds et de fleurs. On vous raconte.

Lana del Rey à Rock en Seine 2024 @ crédit : Louis Comar
Lana del Rey à Rock en Seine 2024 @ crédit : Louis Comar

Born to live

Les feuilles mortes jonchent déjà le sol du parc de Saint-Cloud. Où est passé l’été ? Pourrait-on se demander. Pour tout habitué.e de Rock en Seine l’évènement est synonyme de rentrée. De celles qui promettent les meilleures années. Ce mercredi, alors que le festival a commencé particulièrement tôt et promet 5 belles mais intenses journées, l’air sent ce parfum de renouveau. Il permet de faire un point sur une année écoulée, ses attentes, ses réussites, ses histoires, ses amours, ses ami.es. Et pour coller parfaitement à ce sentiment qui parfois prend l’allure de la nostalgie, souvent celle de l’espoir, il ne pourrait y avoir meilleur alliée que Lana Del Rey. Ses mélodies cinématographiques, leur beauté à couper le souffle qui co-habitent collectivement avec nous depuis depuis 2010 et la sortie de son premier album.

Lana del Rey à Rock en Seine 2024 @ crédit : Louis Comar
Lana del Rey à Rock en Seine 2024 @ crédit : Louis Comar

L’attente a déjà duré des mois mais il faut encore patienter un peu. Un demie heure environ sur la pointe des pieds ou collé.es à la scène. Les rumeurs présageant d’une arrivée en moto, comme à Coachella seront finalement démenties. Le retard immédiatement oublié lorsque Lana Del Rey fait son entrée scénique avec la légèreté d’une ballerine, volant presque dans les airs sur « Body Electric » qu’elle n’avait pas interprété en concert depuis 2018. Ce qui est vrai les premières secondes sera vrai pendant presque deux heures de concert, à chaque geste – méticuleux et gracieux- de la musicienne, les public réagit au centuple. Seulement ses moments d’euphories et les applaudissements viendront troubler le silence instauré sur Saint-Cloud. Chaque oeil, chaque oreille est tournée vers la scène.

Coco Del Rey, un parfum raffiné

Dans sa robe noire Coco Chanel, divine (la robe), la sublime Elizabeth Grant (elle aussi divine) propose un spectacle d’une rare sophistication. Les danseuses qui l’accompagnent tournoient sur un anneau géant telles des gymnastes et font tourner les têtes. De son côté, la musicienne choisit chacun de ses mots, chacun de ses mouvement avec autant de précision que de délicatesse. A elle seule, elle convoque l’image de la femme fatale du cinéma de l’âge d’or Hollywoodien. Sa douceur émeut, sa perfection cinématographique promet de vivre le live comme une photographie. Chaque minute est un instant figé qui pourrait être érigé en peinture. « Without you », « West Coast  » (du génial « Ultraviolence ») et « Doin’ time » défilent et sont suivis de quelques  » I love you so much » susurrés à toutes les oreilles attentives.

Vient le temps de cultissime « Summertime Sadness ». L’air qui s’est rafraîchit, l’été qui doucement s’endort, fait le plus bel écho au morceau. Impossible de ne pas penser aux premières heures de « Born to die », son lancement en 2012, l’effervescence  autour de l’album  mais aussi les critiques. Lana Del Rey était-elle sincère ? C’est une machine montée de toute pièce, elle a changé son style musical… disaient les mauvaises langues. La vérité est que Lana Del Rey, plus qu’un personnage est une oeuvre d’art à part entière. De la beauté de ses boucles qui retombent à l’immense classe de ses morceaux, de l’imagerie qui l’accompagne, à chacune de ses postures. Tout est pensée, calculé comme une performance, une entité plus qu’une simple chanteuse. La femme fatale, sensible et à la perfection d’un autre temps vient se frotter à une modernité indéniable et un grain de folie touchant. Des vidéos viennent accompagner la performance et peuplent le décors végétal qui abrite également en son sein un pianiste de génie.

Marcher sur l’eau

Lana del Rey à Rock en Seine 2024 @ crédit : Louis Comar
Lana del Rey à Rock en Seine 2024 @ crédit : Louis Comar

« Ride » est interprété puis l’immense « Born to die » sur lequel Lana Del Rey laisse le public chanter. Coté chorégraphies, les danseuses assurent la majeure partie du spectacle, la prêtresse de la soirée s’offrira quand même quelques acrobaties sur une barre de pole dance installée là et un moment spectaculaire en position allongée qui lui permet de flotter dans des eaux imagées. La foule en est certaine maintenant, la divinité Lana pourrait bien marcher sur les eaux. Son interprétation de « Chemtrails over the country club » ne faisant que renforcer cette certitude. Attentive à son public, désireuse de lui offrir un environnement sécurisé, elle interrompt son show par deux fois pour signaler à la sécurité des malaises côté public. Le démarrage de « Did you know there’s a tunnel under Ocean Blvd » en sera d’ailleurs retardé. Un morceau qu’elle adore chanter comme elle le dit, faisant la part belle à ses choristes qui excellent. Et on ne saurait dire trop de bien de cette incroyable prouesse qu’est l’album dont est extrait ce titre, son dernier né qui passe de la mélancolie au hip hop avec une grâce qu’elle seule maîtrise. L’indémodable Lana dont la modernité habite chaque titre.  Après un saut pour saluer « Norman Fucking Rockwell », l’icône américaine entonne son  titre le plus connu.

Lana del Rey à Rock en Seine 2024 @ crédit : Louis Comar
Lana del Rey à Rock en Seine 2024 @ crédit : Louis Comar

Psaumes et jeu vidéos

Il y a deux ans le domaine de Saint-Cloud accueillait un évènement mystique, la messe de Nick Cave. Prêcheur habité qui marchait sur les foules, redéfinissant le live et se hissant parmi les plus beaux moments d’extase dont on puisse avoir souvenir. Ce soir, Lana Del Rey offre un moment tout aussi spirituel, tout aussi puissant. Il est son pendant bienveillant face à un public où noeuds dans les cheveux et fleurs sont légion. L’interprétation de « Video Games » pourrait bien faire écho au « O Children » de Nick Cave. Il a du moins le même pouvoir fédérateur et il est aisé de se surprendre à avoir les larmes aux yeux. Il prend en ses dernières instants des montées lyriques à la beauté subjuguante. Un hologramme de la chanteuse prend son relais le temps d’un dernier titre, celui même qui permet de dire au revoir avant le rappel. C’est finalement sur « It’s just a burning memory » de The Caretaker que ce moment précieux comment un diamant se conclut. Et quel parfait titre pour se dire au revoir alors que le souvenir brûlant de ce concert à la mélancolie sublimée viendra hanter nos jours et nos nuits de l’année à venir que l’on souhaite aussi intense que ces premiers pas vers l’automne.

 

Lana del Rey à Rock en Seine 2024 @ crédit : Louis Comar
Lana del Rey à Rock en Seine 2024 @ crédit : Louis Comar

Rock en Seine se poursuivra jusqu’au 25 août au Domaine de Saint Cloud.


Bob Dylan , l’un des hommes les plus influents de la musique actuelle. Souvent repris, mainte fois imité, pour ce qui est de l’égaler c’est encore autre chose. Parmi tous les wannabe Dylan du Monde, rares sont celles et ceux à avoir su faire vivre l’immense aura du maître au répertoire infini.  Et puis, finalement, comme lorsqu’il s’agissait de prendre ses traits, c’est une femme qui se réussi le mieux à l’exercice. Dans le film  » I was There », six acteurs.trices interprétaient le rôle du chanteur à travers les époques, sublimant ses traits de personnalité : de poète à hors-la-loi. A l’unanimité, la seule femme à s’y essayer, Cate Blanchette, était celle qui incarnait le mieux l’inclassable icône et roi indétrônable de la folk.

idée cadeau noel vinyle Cat Power - Sings Dylan the 1966 Royal Albert Hall concertLe film sortait en 2007, et pour retrouver un aussi bel hommage au maître il faudrait attendre 2023 et une autre Cat sans E cette fois. Cat Power dévoilait au mois de novembre dernier l’album Cat Power Sings Dylan : The 1966Royal Albert Hall Concert. Celle qui est aussi connue  sous le nom de Chan Marshall tient très vite à préciser le contexte de son projet : « Plus que l’œuvre de tout autre auteur-compositeur, les chansons de Dylan m’ont parlé et m’ont inspiré dès lors que j’ai commencé à les écouter à l’âge de cinq ans« . C’est ce qu’elle indique dès le dossier de presse de l’album et ce qui fait tout à fait sens. Lorsque l’on connait la discographie de Cat Power, l’âme de Dylan y plane toujours et le lien de parent spirituel semble évident.  Bien que Cat Power, plus aérienne, souvent plus sombre, joue ses mélodies sur les pointes des pieds cachant son génie derrière une sincérité à fleur de peau et une timidité évidente, elle emprunte à Dylan sa capacité à émouvoir, son éminente pureté folk, la beauté de son paysage musical. Alors, pour lui rendre un vibrant hommage notre musicienne a choisi de reprendre sur un album live son fameux concert au Royal Albert Hall de 1966. Royal Albert Hall vous dites ? Oui et non, si ce temps culte de la musique porte ce nom c’est en réalité à cause d’un bootleg mal étiqueté qui a fait croire à tord à tout le monde que le concert se déroulait dans cette salle au lieu du Manchester Free Tradehall où le concert a en réalité eu lieu. Mais pourquoi ce concert a-t-il une telle aura ?

De l’album au live, une reprise minutieuse

En 1966, chaque chose doit rester à sa place. Bob Dylan, adoré des fans de folk, est alors en tournée entre l’Europe et l’Australie. Il joue et sillonne les routes avec le groupe The Hawk, plus tard connu sous le nom de The Band. Au milieu de son set Dylan, comme il en a l’habitude sur cette tournée, change de registre passant à l’électrique avec l’aide de The Hawk. Voilà les tonalités folk qui se font rock. Dans l’assistance, un puriste se sent trahi. C’est seulement de la folk qu’il souhaite écouter. Il crie donc :  « Judas! » outré et pensant parler au nom de tous.tes. Dylan lui répond comme seul lui sait le faire : « Je te crois pas, tu es un menteur » puis d’ajouter en direction du groupe « Jouez ça putain de fort » avant de lancer « Like a Rolling Stone ».

bob_dylan-like_a_rolling_stoneDans une optique de coller à l’histoire d’origine, Cat Power, qui se produisait aux Folies Bergère de Paris les 15 et 16 juillet (suite à un report) a pris le partie de diviser sa performance en deux actes qui se succèdent spontanément. Le premier, particulièrement calme permet à la chanteuse d’entrer dans sa performance. Comme toujours, avec Cat Power, la rencontre avec le public se fait sur la pointe des pieds. Intimidée, perchée sur de hauts talons, tapie comme toujours dans l’ombre, elle s’essaie à une performance basée sur la voix. Quelques mouvements ponctuent le moment, toujours avec les bras.  Des mains qui se lèvent comme lorsque, focalisé sur son timbre, on en vient à se demander, quoi faire de nos dix doigts qui cohabitent si mal avec nous. Le temps est suspendu. Du bout des lèvres, si doux qu’il semble impensable pour le public de respirer trop fort. Le bruyant Dylan trouve ici une nouvelle âme, presque issue d’un rêve. D’un coup et sans prévenir, le set devient électrique, des musiciens s’ajoutent à la formation. Cat Power est maintenant pieds nus, plus assurée et le concert prend une toute autre âme. Pas au point non plus de pogoter en toute liberté, mais l’atmosphère change considérablement face à un public, loin de celui de 1966 qui ne se sent pas trahi, mais au contraire, apprécie particulièrement ce jeu en deux teintes jusqu’à son dernier acte sur « Like a Rolling Stone ».

Singin’ on Heaven’s door

C’est cette fois-ci et sans détour, au Royal Albert Hall que Cat Power enregistre son album. Nous sommes le 5 novembre 2022 mais nous pourrions bien être n’importe quel autre jour, n’importe quelle autre année.

La musique de Dylan est, on le sait, intemporelle. Son interprétation entre douceur  et son ton espiègles, parfois goguenard, en ont fait l’un des plus grands musiciens de la scène actuelle, un mythe, indétrônable.

Cat Power, ça se sent immédiatement, aime profondément l’œuvre de Dylan. Mais elle sait aussi la comprendre, la respecter. Elle signe titre après titre la meilleure cover faite à l’artiste, voir même la meilleure cover jamais réalisée. Et le chose se vérifie en deux points : le premier est la capacité à s’approprier une œuvre en en tirant l’essence même pour la faire vivre sans jamais la trahir. Le second tient au fait de re-créer une œuvre sans se contenter de la copier mais en lui apportant des nuances. Voilà un exercice complexe auquel se prête volontiers Cat Power, tantôt lune, tantôt soleil comme elle sait l’être dans les titres de ses albums et dans ses compositions. La folk s’y habille de jour et de nuit, de Dylan et de Power en une complémentarité redoutable.

Pour aller plus loin on vous raconte l’histoire du titre culte « Like a Rolling Stone » de Bob Dylan, juste ici.