Après un development hell qui l’a vu passer d’une grosse major hollywoodienne à la plate-forme de visionnage Netflix, l’adaptation américaine de Death Note est sortie le 24 août 2017. Pour le meilleur ou pour le pire ?
Death Note, dans sa version US, est disponible sur Netflix depuis quelques jours maintenant. Alors que ce projet, après un anime et plusieurs films au Japon, a fait naître plusieurs inquiétudes et critiques de white washing dès les débuts du projet. Est ce que ce genre de critique est pertinent, dès qu’on parle d’une adaptation étrangère au pays d’origine de l’œuvre ? La question peut être posée, mais il ne s’agira pas d’y répondre dans cet article. Qu’est ce que l’histoire de Death Note ?
Death Note : Adapter c’est trahir…
Enfonçons les portes ouvertes et commençons par les inévitables « On ne peut pas plaire à tout le monde », « On ne peut pas mettre tout le contenu des treize tomes dans un seul film » ou encore « c’est une histoire japonaise, il faut bien l’adapter au public américain ». Oui bien sur mais… Loin du white washing ou de l’américano-compatibilité, la première gêne vient du traitement des personnages. Light Yagami, dans le manga est un lycéen brillant aussi froid que séduisant et calculateur au possible. Light Turner est l’archétype du petit génie-outsider qui fait les devoirs des autres pour une poignée de dollars et qui se fait maltraité par la grosse brute du lycée (ouf on a pas de scène de victime plaquée contre le casier du lycée, mais c’est tout comme…). Là ou la version papier de Light arrivait à une conclusion logique et froide que la société devait être purgée de certains éléments pour qu’elle aille mieux, la version US de Light se base sur les noms de « méchants » donnés par le journal TV et certains forums sur le Web… Misa Amane est un mannequin très populaire et éperdument amoureuse de Light, qu’elle suit dévouement. Mia Sutton est une pom pom girl manipulatrice qui semble s’épanouir à se servir du Death Note. Pourquoi ? On sait pas trop mais elle est prête à tout pour continuer à le faire. L est le meilleur détective du monde. Brillant mais accroc à la caféine et rempli de TOC, il n’hésite pas à faire passer d’éventuelles victimes collatérales dans la case des pertes et profits tant que son objectif est atteint. Sa version cinématographique ressemble plus à un accroc au sucre frénétique et consultant pour une agence gouvernementale US. Ce type de personnages est devenu monnaie courante depuis « Dr House » ou « Mentalist » et au final ne restitue pas du tout l’aspect « bataille de génies » qu’on pouvait retrouver dans le manga. La richesse des personnages n’est donc pas retranscrite et on a affaire avec des personnages ne leur ressemblant en rien. Difficile, du coup, de vraiment plonger dans le film, quand on a déjà lu le manga ou vu l’anime. D’autant plus que les 1h40 sont vite passés, tant les éléments fascinants à traiter, comme le fait que les agissements de Light se fassent sous le pseudonyme de Kira, qui devient une sorte de divinité, ont une influence mondiale, ou bien les dilemmes moraux liés à l’utilisation du Death Note soient expédiés comme des passages obligés. La trame reste classique et les péripéties s’enchaînent très rapidement. Trop rapidement.
Death Note : Mauvaise adaptation mais bon film ?
Quand on connaît le matériel d’origine, le Death Note d’Adam Wingard semble raté. Mais d’un point de vue plus neutre, passe t-on un bon moment en le visionnant ? Oui et non. Et à l’image de ce qui peut être apprécié dans le film, la mise en scène d’Adam Wingard ne donne pas l’impression d’aller jusqu’au bout de ses intentions. Ryuk, le dieu de la mort associé au Death Note de Light est brillamment interprété par Willem Dafoe, qui sait jouer la manipulation et le vice comme personne (quelle bonne idée de casting!) ? Oui, mais il est toujours filmé en contre jour ou dans l’obscurité, comme si la dimension fantastique n’était pas clairement assumé. Les meurtres imputés au Death Note donnent l’objet de réelles « cinématiques de jeu » sur-stylisées et moments presque à part du film ? Oui mais en y réfléchissant bien, il n’y en a que deux dans le film et elles sont expédiées dès le premier quart d’heure. Dans la forme, que les mises à mort soient l’objet de concours de circonstances lorgnant du coté de Destination Finale fait plaisir au fan de genre, mais en comparaison avec l’aspect châtiment divin du manga d’origine, cela fait évidemment se poser des questions ? Le réalisateur Wingard et les scénaristes Parlapanides ( Charley et Vlas) et Slater ont-ils vraiment compris ce qu’ils adaptaient ? C’est parfois à se demander tant ils semblent faire des variations sur le seul synopsis de l’œuvre sans aborder en profondeur (voire pas du tout) les thématiques de Bien contre le Mal, de la peine de mort, de la justice personnelle ou encore la religion. Non , Death Note a été pensé comme un divertissement.
Et en tant que tel, il remplit son office. Le filmage de Wingard est propre et carré. C’est absolument bien cadré, le jeu sur la saturation des couleurs est bien géré et donne d’agréables images à regarder. Le jeu des acteurs reste correct, dans le pire des cas (Nat Wolff pêche par manque de charisme) et est même excellent dans le cas de la prestation de Willem Dafoe. Et puis… Il y a un climax dramatique sur fond de « Take my breath away » et ça ça n’a pas de prix ! L’utilisation de sons très 80’s donnait à un précédent film de Wingard, The Guest, une saveur particulière et très juste. Là, elle ressemble plus à un plaisir coupable et n’apporte pas grand chose. Dernier point noir : l’apparition de Ryuk donne lieu à de véritables cris ridiculement gaguesques de la part de Light, désamorçant totalement l’aspect dramatique de cette scène pourtant capitale dans le cheminement du récit.
Au final, Death Note s’avère être une véritable déception, tant l’adaptation d’une œuvre originale et complexe a accouché d’un divertissement correct sans réel valeur ajoutée ni grands enjeux dramatiques. La fin ouverte peut laisser à penser à une suite en cas de succès. Elle est peut être à souhaiter, car à ce moment, les scénaristes pourraient alors chercher à livrer une histoire plus audacieuse plutôt que mainstream et justice serait rendue à l’œuvre de Tsugumi Oba et Takeshi Obata. En attendant, il faut se contenter de ses yeux pour pleurer à la fois pour ce gâchis et pour le potentiel d’Adam Wingard qui depuis les débuts prometteurs de You’re next et The Guest ne cesse de décevoir et dont on peut commencer à redouter la suite de la carrière…