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mai 2022

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Comme pour beaucoup, il a fallu s’armer de patiente pour retrouver l’astre Cat Power en concert. Reporté pour les raisons que l’on connait, c’est finalement le 29 mai 2022 que la légende posait ses valises à Paris, le temps d’un concert à la Salle Pleyel de Paris pour un show à la grâce et à la pureté rarement égalée. Retour sur ce moment qui a arrêté le temps pour mieux créer sa propre galaxie.

Cat Power
Cat Power – crédits : Mario Sorrenti

Entre soleil et lune

En ce dimanche soir de la fin du mois de mai, le temps est mi-figue, mi-raison. Un vent frais coupe court aux moments de chaleur trop intenses qui ont peuplé  le mois. Pas de quoi empêcher les parisiens de se rendre en terrasse mais suffisamment néanmoins pour avoir envie de se blottir dans une veste chaude. Les couleurs sont ternes et la ville sous les feux d’un week-end prolongé se languit de sa population.  Pour la mélancolique Cat Power, la saison semble donc idéale, entre son immense album « Sun » et les reflets argentés de ce qui est sûrement son opus le plus abouti « Moon Pix ».  A l’intérieur, la salle Pleyel évoque une  forme de labyrinthe, il faut prendre un ascenseur pour accéder aux étages supérieurs, trouver son siège. En avant-scène, une fosse compacte a pris d’assaut les premiers rangs. Dans l’établissement qui affiche pourtant complet, le silence règne en maître absolu. Chacun semble dans l’introspection du moment qu’il s’apprête à vivre. Voilà qui est pertinent, Cat Power prépare une fusée qui conduira tout son public dans les étoiles.

couvrir le ciel

La voilà qui débarque d’ailleurs sur scène avec un léger retard – mais attendait-on autre chose de la dame à la tête aux milles étoiles ?  Les lumières sont tamisées, rouge et bleues. Avant même de rejoindre son micro, la chanteuse laisse la part belle à ses incroyables musiciens. La voir sur scène est d’ailleurs une constante leçon d’humilité, elle n’en occupe le centre qu’occasionnellement, pour profiter de ses micros et parce qu’il le faut – sûrement. Telle une enfant, la belle balance ses bras le long de son corps, ne sachant pas vraiment quelle posture leur donner. Loin des spectacles à gros effets qui  se cachent parfois derrière des artifices, celui-ci est lunaire et sobre. L’humeur de notre hôtesse est semble elle aussi maussade. Toujours est-il qu’elle invite à entrer dans sa bulle. Une bulle faite de ses compositions mais aussi de reprises des morceaux qui la touchent, logique, son dernier opus se nomme « Covers ». Si ces derniers peuplent nos univers et nous habitent, ils revêtent de nouvelles tenues et aspects lorsque la divine musicienne les habite. C’est d’ailleurs avec une reprise des Rolling Stones « ( I can’t get no) Satisfaction » qui perd son esprit rock pour devenir un écho qui prend au tripes qu’elle lance le deuxième titre du concert. Dans sa lune, la chanteuse s’interrompt à mi-morceau  pour demander « Est-ce que quelqu’un peut mettre Lou Doillon sur liste ? J’ai oublié de le faire ».  L’instant paraîtrait sur-réaliste dans n’importe quel autre concert mais pas dans la boite à merveilles de la chanteuse. « Good woman » et « Unhate » se déroulent alors que dans le noir, la sincérité d’une musicienne à fleur de peau est si palpable qu’elle en devient visible. Se plonger dans son univers tient d’un laisser-aller conscient, en cet instant le public est à vif, tout pourrait le toucher, et il est si bon accepter d’être ébranlés.

Dans nos tête il y a un orage

cat power coversOu plutôt, une tornade, déclenchée par un ras-de-marée d’émotions. Solaire, la dame se met sur les côtés de la scène, loin des lumières, elle s’y installe à genoux, chante avec clarté de sa voix cristalline. Côté fosse, corps et têtes  la suivent comme des tourne-sols. Les musiciens font des étincelles alors que les bras comètes de Cat Power se balancent et ondulent « Paris m’a  sauvé la vie. New-York c’est chez moi mais ici c’est vraiment important pour moi. » lance-t-elle avec timidité. Elle reprend « White Mustang » de Lana Del Rey, offre « Metal Heart » ou encore « The Moon », toujours sur la pointe des pieds. La bile noire est de la partie, la mélancolie est vive , elle flirte avec le plaisir des retrouvailles. Pour mieux reprendre l’album « Sun » elle offre un medley bien à elle de « New York New York » de Sinatra sur les notes joviales de « Manhattan », le moment est à couper le souffle tant le rendu est fluide. C’est pourtant après, lorsque la musicienne transcende sa voix dans des hauteurs graves, que les frissons se font sentir. Ils partent du bas de la colonne vertébrale pour mieux heurter les têtes, rappelant que la musique est un voyages et que les notes se font parfois massage pour les cerveaux. Ne vous y trompez pas, Cat Power est un OVNI et lorsqu’elle demande « Pouvez-vous crier ? » en comptant 1, 2, 3, il est aisé de penser que dans l’espace personne ne nous entend crier. Alors on ose suivre le vaisseau mère sans vraiment en avoir conscience.  « He was a friend of mine » qui rencontre « Shiver » permet de planer encore un peu.  Sur « The greatest », son plus gros succès, la foule est en orbite.

Dernier rayon de soleil

La dame n’aime pas l’attention, c’est une évidence. Le show est sa voix, il est ses musiciens. Et puis, voilà qu’elle aussi, aimerait profiter du spectacle. Alors, elle demande aux ingés lumières de bien vouloir éclairer pleinement l’assistance. Elle a besoin d’en découvrir chaque membre et la voilà spectatrice / actrice du moment qu’elle crée. Ce sera son dernier titre prévient elle. « Wild is the wind » et « Rockets » s’allient pour se faire conclusion. Comme toujours sur la pointe des pieds,  Cat Power, se met sur le côté de la scène pour faire la part belle à ses musiciens qu’elle montre du bout des doigts. La foule est maintenant debout, les musiciens eux se laissent entièrement aller. Le moment se fait carrément rock, puissant et vibrant, la batterie tape et résonne dans les corps. Ils sont les stars du show, notre chanteuse en devient un instrument qui se fait discret. Point de rappel, point de chichis, Major Cat a été rappelée par ground control. C’est bien le problème avec les étoiles filantes, elle passent trop vite. Elles n’oublient néanmoins pas de réaliser nos voeux.


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Le 5 mai 2022, quelques jours après la sortie de leur deuxième album,  Aucun mec ne ressemble à Brad Pitt dans la Drôme, le collectif Astéréotypie est passé au FGO Barbara (Paris 18) pour une release-party explosive. Projet né il y a une dizaine d’années au centre Médico-Éducatif des Hauts-de-Seine, il réunit des musiciens et éducateurs accomplis ainsi que quatre chanteurs atteints du trouble autistique. Entre rock électrique et paroles délirantes, le collectif a transporté un public enthousiaste dans une nouvelle dimension. 

Pour un peu plus de contexte sur le groupe et sur leur dernier album, on vous invite à aller jeter un coup d’oeil à l’article de Léonard Pottier sorti le 3 mai dernier.

Salut, salut, ça va stanislas ?

Il est 21h et quelque quand le groupe monte sur scène. La salle est pleine à craquer. Il y fait d’ailleurs particulièrement chaud, si chaud que cela nous pousse à la consommation. Le bar, situé dans la salle, est une bénédiction, à l’exception près qu’ils ne servent pas de rosé. Mais du blanc fera l’affaire.

Quand le concert commence après le visionnage de deux nouveaux clips, c’est Stanislas Carmont qui ouvre le bal. Avec son ton et sa gestuelle théâtrales, il séduit instantanément le public qui l’acclame. Il chante les trois premières chansons du set, dont Colère, sortie en 2017 dans laquelle il énonce les raisons de sa colère : les moqueries, les contraintes, les engueulades pour des choses futiles. Morceau très fort qui reflète avec une certaine justesse les frustrations du quotidien, les moqueries auxquelles les gens considérés différents (ou non) peuvent faire face.

C’est vachement fort ce qu’ils font

Yohann c’est un peu la rockstar du groupe, le plus bavard aussi. Celui qui après chaque performance de ses copains et collègues assurera à eux et à nous, le public, que vraiment « ce qu’il/elle fait c’est hyper émouvant ». Alors, naturellement quand Stanislas après avoir chanté ses trois premières chansons, quitte la scène, Yohann déclare : « Stanislas ce qu’il a fait c’est vraiment à couper le souffle » avant de se mettre à chanter et de nous couper le souffle à son tour. Vêtu d’un superbe tee-shirt à l’effigie de Chuck Norris, il lâche des pas de danse dont Mick Jagger serait jaloux.
Pris par la folie du jeudi soir, il ira même jusqu’à se jeter dans la foule.

La vie réelle est agaçante

Il n’y a qu’une femme dans le groupe, Claire Ottoway, et elle est à l’honneur car c’est elle qui chante la chanson-titre du dernier album, Aucun  mec ne ressemble à Brad Pitt dans la Drôme. Sur fond de rock psychédélique, elle énonce les différentes personnes qui pourraient, éventuellement, ressembler à Brad Pitt, mais qui… comme la chanson l’indique… ne lui ressemblent pas.
Malgré cela, Claire chante également un texte plus sombre, Reine d’un sort, qui pourrait évoquer (pourquoi pas) Lady Macbeth.

Du Vélo à saint-malo, du kayak à saint-briac

Le quatrième chanteur, Aurélien est le plus discret du quatuor, mais cela ne l’empêche pas de danser et de profiter de la lumière des spots et de l’encouragement du public. Car ce qui fut frappant ce soir-là, c’était la bienveillance du public dans une salle comble.

Les musiciens qui les accompagnent sont bons, très bons mêmes puisque l’on compte parmi eux un membre du groupe Moriarty, Arthur B. Gillette à la basse ainsi que des éducateurs et musiciens, Christophe L’huillier dont les converses roses était assorties à sa guitare, Benoit Guivarch aux synthétiseurs et Éric Dubessay à la batterie.

Ce groupe unique en son genre, apporte un vent de fraicheur à la scène musicale française. Chaque membre apporte son individualité et son univers propre pour créer une musique éclectique et syncrétique. L’homme de l’ombre, celui qui écrit la plupart des textes, le quatrième (dans le contexte, neuvième) mousquetaire, Félix Giubergia monte un instant sur scène, sous les clameurs du public.

La soirée, cependant, ne s’arrête pas là, puisqu’un second groupe, Infecticide monta sur scène ensuite pour un set tout droit sorti d’un film de science-fiction de seconde zone.

On quitte la salle en gardant en tête la bienveillance du public et en rejoignant les rues de Paris où on constate qu’ici aussi personne ne ressemble à Brad Pitt.


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Crédits : Autumn de Wilde

Trois ans après la sortie de High as Hope, Florence + The Machine revient ce vendredi 13 mai, avec un album plus sombre et plus fier que jamais, Dance Fever. Cet album, tout aussi introspectif que les précédents, présente Florence Welch comme nous ne l’avions jamais vue. Inspirée de l’épidémie de manie dansante du 16ème siècle, la grande rousse se livre à des danses endiablées avec des anges et des démons dans des champs de narcisses offrant au mythe de Cassandre un hymne encore inégalé. Fierté et audace féminine, désir de création, colère, quoi de mieux pour démarrer l’été ? 

Un album frénétique et horrifique

Féminité, sexualité, maternité, sobriété et mythologie grecque, tels sont les grands thèmes du cinquième album studio du groupe originaire du sud de Londres. Florence + The Machine, pour beaucoup, c’est sa chanteuse, Florence Welch. Un peu comme Debbie Harry et Blondie à l’époque, sauf que, cette fois, l’idole n’est pas blonde, mais rousse.

Dance Fever est le résultat d’une épidémie et d’une pandémie. L’une survenue au 16ème siècle, appelée manie dansante, sorte de psychose collective, où hommes, femmes et enfants se mettaient à danser de manière incontrôlable jusqu’à épuisement et sans réelle explication. Et l’autre, moins connue, survenue au 21ème siècle, le coronavirus. Durant le confinement, la chanteuse s’est retrouvée seule face à elle-même, se sentant punie d’avoir, peu de temps avant, songer à faire une pause dans sa carrière. Maintenant que cette pause lui était imposée, elle n’en voulut plus et tenta d’expier ses frustrations en créant Dance Fever, l’un des meilleurs albums du groupe à ce jour.

De nombreux films d’horreur ont inspiré et hantent cet album. Parmi eux, on retrouve Suspiria, The Witch, Dracula de Coppola ou encore Midsommar. La liste complète est disponible sur son compte instagram.

C’est King qui ouvre ce bal enfiévré. Le single sorti en février dernier est accompagné d’un clip réalisé par la photographe et réalisatrice Autumn de Wilde (Emma, 2020) avec qui le groupe avait déjà collaboré pour l’album précédent sur le clip Big God. Elle est la directrice artistique pour cet album. Dans une actualité aussi macabre, il est important de souligner que toutes les vidéos ont été tournées en Ukraine en novembre dernier avec une troupe de danseur/ses originaires de Kiyv. À l’heure de la rédaction, quatre clips sont sortis : King, Heaven is Here, My Love et Free. 

King est une ouverture puissante qui annonce Florence forte de sa féminité : le titre tourne autour de cette pression et ce dilemme subis par les artistes féminines de choisir entre fonder une famille et se consacrer pleinement à leur carrière. Ainsi, Florence entonne des paroles qui ajouteront sans aucun doute bientôt au mystique du groupe : I am no mother, I am no bride, I am King. 

La deuxième chanson et dernier single en date, Free fait écho à la chanson Hunger sur l’album High as Hope, et représente pourtant une nouvelle direction pour le groupe qui a expérimenté avec des tonalités plus lo-fi. On retrouve dans le clip, Bill Nighy (Love Actually, About Time) jouant le rôle quasi sur-mesure de l’anxiété de Florence + The Machine. 

Un retour aux sources malgré l’évolution

Car ce qui est frappant avec cet album, c’est sa composition. Si par bien des aspects il ressemble à une combinaison parfaite des précédents albums, la sauvagerie de Lungs, la grandiloquence de Ceremonials, l’introspection quasi exorcisante de How Big, How Blue, How Beautiful et la sobriété (dans les deux sens du terme) de High As Hope, on découvre une Florence nouvelle, encore plus fière avec de nouvelles approches et directions. Notamment avec trois chansons très courtes et très fantasmagoriques qui pourraient faire davantage penser à des interludes : Heaven is Here, Restraint, Prayer Factory. 

Choreomania, la troisième chanson de l’album, dont l’instrumental maniaque et fébrile en souligne parfaitement l’esprit, évoque également dans l’intro, un condensé de Lungs et de High as Hope avec la harpe, les légers applaudissements et cette première phrase qui nous gifle dès la première écoute : And I’m freaking out in the middle of the street with the complete conviction of someone who’s never had anything actually really bad happen to them but I’m committed now to the feeling. 

Sorcières, sorcières

À l’écoute de cet album, force est de constater la féminité affolante et frémissante qui en émane (Dream Girl Evil). À travers une vulnérabilité et une force dont Circé serait jalouse, Florence s’ouvre et se confie sans gêne, sur ses angoisses, sa peur de ne plus pouvoir monter sur scène à cause du Covid, et sur une certaine nostalgie (Back in Town). Elle exprime tout cela à travers des chansons comme Cassandra, Girls against God dont les progressions presque théâtrales sont comme une invitation à la danse énoncée dans le titre. 

Malgré certains thèmes angoissants, on observe un optimisme frappant nouveau pour le groupe, comme sur Daffodil où la première chose que l’on entend est une inspiration vive, comme si Florence était pressée de revivre après cette pandémie : I couldn’t help it, yes, I let it get in / The helpless optimism of spring. Sur des chansons comme The Bomb, où l’héroïne préraphaélite des temps modernes s’adresse directement à son inspiration qui la dévore, on ressent cependant cette sensibilité qui lui est propre.  

L’album se conclut sur une chanson émouvante et nostalgique, Morning Elvis dans laquelle Florence revient sur son passé dissolu qui l’a fait passer à côté de certaines opportunités, comme de voir Graceland à Memphis. Mais bon, comme elle dit, le King aurait compris. 

Avec ce cinquième opus, Florence + The Machine confirme sa place parmi les plus grands groupes de cette dernière décennie. L’album hantant et hanté, sorti symboliquement un vendredi 13, offre  autant aux fans de la première heure qu’aux novices, une expérience quasi-religieuse de 47 minutes. Que ce vendredi 13 leur soit bénéfique. Pour vivre l’expérience en live et voir la grande dame aux cheveux de feu tournoyer dans l’une de ces fameuses robes en voile, il vous faudra attendre le 14 novembre prochain à l’Accor Arena.  


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Slift – Le rock est mort, un thème récurent depuis des années. Quinze ans plus tôt, la jeunesse arborait des patchs Punk is not dead sur des sacs customisés pour prouver le contraire. En 2022, le combat pourrait être similaire et comme à chaque fois un souffle punk (pop, post, pre) porte un public fan d’un courant alternatif qui reprend une réelle ampleur. Comme bien souvent la vague du renouveau est venue d’Angleterre, la France elle n’est pourtant pas en reste. Les pépites se multiplient, toutes hallucinantes de modernité, de fraîcheur et de sincérité. Ce mardi 3 mai au Trabendo de Paris est d’ailleurs bien là pour prouver ce constat.

You Said Strange : un premier shoot de psyche

You said strange au trabendo
You said strange au trabendo Kevin Gombert©

C’est  You Said Strange qui ouvre le bal avec leur sonorités psychédéliques. Le Trabendo a déjà bien commencé à se remplir. La terrasse pourtant ouverte n’accueille que peu de spectateurs tous baignés dans le jus. Certains s’accrochent à un premier rang sans barrière qui pour quiconque connait un peu la salle évoque autant de souvenirs douloureux que de lives de qualité. La sauce prend particulièrement bien et s’étoffe même en live. Avec un rock qui balaye les années 6O et apporte une touche 90’s au programme, ces originaires de Giverny percutent d’emblée. Leur rock solaire se densifie, s’étoffe alors que le quatuor prend le tout avec beaucoup de sérieux. Pas de temps pour blablater avec le public, seul le son compte. Impossible de détourner les oreilles pendant ce set plus long qu’une première partie traditionnelle qui ne lasse pas. Le groupe peut aussi bien prendre d’assaut les têtes d’affiches grâce à une maturité bien sentie et un set aussi psyché que maîtrisé.

SLIFT : pilule de bonheur et grosses basses

Il est 21 heures 10 lorsque SLIFT prend d’assaut le Trabendo. Dehors, il fait encore jour. La terrasse permet de capter les dernier rayons de soleil en sirotant une bière. Preuve de la qualité de la formation, les excellents We Hate You Please Die sont de la partie avec deux de ses membres dissimulés dans le public. Le début ne laisse en rien présager de la fin. D’ailleurs les premières minutes du concert s’ouvrent sur un moment d’électro à l’intensité poignante. Avec un jeu d’écran en noir et blanc qui voit tourner une sphère de plus en plus rapidement, le titre s’accélère pour atteindre la puissance narrative d’un certain « Stress » de Justice en fin de course. Il n’en faut pas plus, la salle est chauffée à bloc. Les premiers rangs se tassent, les cris accueillent nos trois musiciens.  D’emblée, toujours aidés par leur écran, les compères envoient un rock à la violence sauvage qui flirte avec le metal. Les enceintes hurlent et crachent, le moment est épais, l’atmosphère lourde. Désireux d’exploiter leur dernière galette parue en janvier 2022 « Levitation Session », la troupe enchaine ses titres. Ce sera d’ailleurs le maître mot de la soirée alors que 6 morceaux sur 8 seront ainsi interprétés. En live, les musiciens se donnent pleinement, sans trop gesticuler, ils étirent leurs compositions, font la part belle aux guitares et au synthé.

Le concert se déroule en chapitres, moins bourin, le second se fait plus psyché. Garage, à la pointe de ce qui se fait de mieux en matière de rock, le groupe est l’étendard d’une scène indé française qui a tout pour rayonner à l’internationale et marquer les esprits. Avec l’ampleur qu’on lui connait, le Trabendo devient un club londonien, un lieu de découvertes et d’émerveillements, plus encore, un lieu où le lâcher prise est maître. A la batterie, Canek envoie ses coups avec précision. Alors que les rythmiques s’envolent, le musicien garde un stoïcisme  percutant. Loin d’être une démonstration physique aux allures de grand sportif, il préfère la précision tout en prenant le temps de contempler le public. Chaque titre se déploie et vient entraîner dans sa folle danse jusqu’au spectateur le plus réticent de l’assistance. Les musiciens jouent entre eux, pour eux avant tout. Derrière ses cheveux longs, Rémi à la basse et à la voix garde son regard fixé sur ses amis. Son plaisir est palpable, entier, non feint. Une certaine timidité à regarder la foule suinte de sa prestation, seul Jean (guitare, synthé, voix) capte son attention. C’est ce qui ressort d’ailleurs globalement de ce concert. Les trois ne communiquent que peu avec le public et il faudra attendre que le set soit presque terminé pour qu’un vague « merci » soit adressé à l’audience. S’il est de coutume plaisant de voir un groupe qui communique plus volontiers avec le public, toute l’énergie est donnée dans la composition instrumentale. Sur la terrasse un spectateur s’extasie, « C’est vraiment un bon concert, ça fait du bien après le COVID ». Un constat qui semble partagé par une assistance à la dominante masculine qui pogote à chaque fois que les guitares s’aventurent dans de sombres contrées.

Un public sous extas

L’acidité des titres fait ensuite place à un Doom metal criant. En cours de théâtre, autrefois, on enseignait aux étudiants un jeu de confiance. Le principe, fermer les yeux et se laisser tomber sur un autre étudiant, lâcher prise en étant persuadé d’être rattrapé. Alors que les slams sont nombreux et que tour à tour des membres du public se jetent dans la foule, il est aisé de penser à ça. Comme la notion d’une masse, vibrant en commun, invite à une confiance telle que tout danger parait abstrait. Quelques ratés sont là, une chaussure se place dans un visage, le slam étayé par un peu d’air guitare s’arrête plus vite que prévu. Mais comme lors d’un plongeons dans une piscine, nos rockeurs en redemandent encore et encore. « Si vous êtes trop serrés ici, c’est que les meilleurs places au fond sont disponibles » indique un panneau. Là haut, alors que la salle est bien pleine, on hoche la tête avec détermination. Sans se regarder pourtant, les membres du public vibrent à la même fréquence et parlent la même langue. Il reste un titre et le public est en effervescence. Des cheveux bleus naviguent au dessus de la foule, les premiers rangs collés les uns aux autres vibrent en choeur. Un dernier merci et le groupe quitte la salle. Là au milieu de foule, reste l’image qui pourra le mieux définir ce moment vécu. Deux converse qui applaudissent portées dans les airs.

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Slift au Trabendo Kévin Gombert©

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