sense8

(sans spoils du final)

Sense8. Ces quelques lettres ont fini en quelques années par devenir synonyme d’amour universel, d’acceptation de l’autre, de mise en lumière des différence. Seulement voilà, la série des sœurs Wachowski a dit son dernier aurevoir le 8 juin 2018, laissant à jamais le paysage audiovisuel changé et vide de son absence.

Si Netflix lui a dit non, de manière très abrupte pour une saison 3, c’est uniquement pour des raisons budgétaires. On y revient toujours : l’argent et ce débat philosophique à combien estimez-vous une œuvre d’art? A cela le géant de streaming, qui pourtant nous apporte régulièrement du contenu très qualitatif a répondu pas à 100 millions de dollars la saison, mais à 20 millions pour un épisode final de 2 heures 30.

Sense8- Déjà qu’est ce que c’est?

Evitons le long résumer que tout le monde connait pour se centrer sur l’essentiel: 8 personnes dans le Monde se retrouvent connectés les uns aux autres, ça veut dire qu’ils peuvent se voir, s’entendre, ressentir leurs émotions, se comprendre et prendre leurs capacités sans s’être jamais rencontrés en personne. A travers leurs sentiments et leurs expérience notre groupe très différent s’unie, s’aide, se conseille mais fait aussi face à une menace extérieur, un organisme qui réserve un funeste sort à ce nouveau type d’humains.

Sense8- Pourquoi c’est si bien?

On parle souvent de « tolérer l’autre », comme s’il devait être insupportable parce qu’il n’est pas soit-même et qu’il fallait puiser des ressources d’énergie sans limites pour accepter sa présence. Tolérer les différences, une bien vilaine expression. Le Monde serait d’un ennui mortel si nous étions tous les mêmes, des clones aux mêmes capacités et passions.

Ici il est enfin question d’aimer l’autre. D’embrasser la différence, d’en faire une force, non plus de la tolérer. Les capacités de chacun, de la plus minime à la lus développée y prennent un sens particulier. Tout peut devenir un super talent, le kenyan Capheus, à titre d’exemple, conduit un bus, cette faculté devient un véritable atout pour son équipe. Qui aurait pensé que conduire un bus puisse devenir synonyme de bravoure? Et bien à travers ce personnage rêveur, humain, idéaliste, cette capacité devient un super pouvoir.

Les points sensibles, les peines, les souffrances sont abordés. Nomie profite de discussions avec Lito pour aborder les difficultés rencontrées face à sa transexualité. Pourtant, cette part de son histoire est toujours vécu par les autres sensitifs comme la norme d’un des personnages les plus forts de l’équipe. Aucune question n’est posé sur ce sujet. L’homosexualité de Lito, le célèbre acteur mexicain est vue sous deux spectres: celle d’un public qui ne peut la comprendre dans une monde où la « virilité », celle des personnages qu’il interprète est de vitale importance. Pourtant, elle est aussi perçue par son amie Dani comme un trait sexy et comme une force. Ce même personnage est aussi un reflet du public de série télévisé qui « ship » les personnages des séries. Elle n’y est jamais jugée, elle est au contraire un personnage attachant et  adorable. La fan girl n’est pas pointée du doigts ou moquée comme c’est bien trop souvent fait. Regarde un reportage sur des fans qui attendent l’artiste avant le concert, regarde le traitement réservé aux fans de Johnny le jour de son enterrement. « Quelle grosse rigolade, holala, comme c’est beauf d’être fan! » jugeait une caméra qui jamais n’a pris le recul de comprendre ce que pouvait leur apporter le fait d’avoir une passion.

Le poids de la famille est aussi abordé notamment à travers l’histoire de la coréenne Sun. C’est ce qui la bouleverse et la transperce, l’entraînant dans de nombreuses épreuves, incluant la prison. Celle de de l’Allemand Wolfgang l’emprisonne dans le rôle d’un homme dure en quête de revanche. Celui que son père attendait de lui. C’est pourtant ce même père qu’il combat, pour ne pas être comme lui. Pourtant la famille peut aussi se recréer ailleurs nous dit la série. Il la trouve chez son meilleur ami, son frère Félix. Kala, l’indienne doit elle se marier par tradition et même si l’homme qu’elle épouse est un merveilleux mari, quelles sont ses aspirations à elle en tant que femme, que personne?

L’amour n’y est jamais genré, homo, hétéros, qu’importe, le sexe est un lien qui uni et les orgies prennent de la puissance, de la poésie et de l’émotion au cours de scène complètement dingues et inoubliables.

La perte de l’être aimé est aussi présente, pour Riley qui perd mari et enfant et qui partage sa souffrance à travers le lien des sensitifs. Pourtant rien n’est excluant dans « Sense8 » les personnages non sensitifs ne sont pas en retrait, au contraire, ils sont aussi important que nos huit héros. Amanita, la copine de Noomie à titre d’exemple, se révèle être rapidement une alliée capitale dans la quête de liberté de nos héros.

sense8

Si l’actualité veut mettre la lumière sur la différence entre homme et femme, Sense8 y répond avec humour, Lito expérimente la souffrance des règles de Sun au travers d’une scène épique unissant plus que des slogans comme « balance ton porc ». C’est ça votre différence homme/ femme? Semble-t-elle dire? Et pourquoi ne pourrions-nous pas tous comprendre et ressentir de l’expérience quotidienne la plus simple (les règle) à la plus complexe (la perte d’un enfant, la perte du père de Will? la prison, Ou le rejet parentale de Nomie).

Comme souvent le message prime: celui de l’amour universel qui ne connait pas de frontière, celui de l’empathie. Le messager quant à lui, c’est à dire la trame d’action, n’en souffre pas le moins du Monde: les rebondissements sont nombreux, on y retrouve les ingrédients d’une production américaine qui fonctionne, ses effets de style, ses explosions, combats et méchants pour contenter tout le monde.

La manière dont l’art marque ses spectateurs est également abordé. Capheus et son fanatisme pour Van Damme qui le porte explique également à  Kala pourquoi il préfère avoir la télévision dans on bidonville alors qu’il ne possède rien. Elle le sort du ghetto explique-t-il là où d’autres possessions l’y enfermerait. Lito n’est pas le personnage macho qu’il interprète sur grand écran, pourtant il puise dans ces personnages pour se donner de la force, Hernando, son compagnon est un fan d’art et y puise ses ressources et ce malgré la perte de ses parents, au milieu de tout ça la musique a une place centrale. Tout comme le sexe, elle unie, à travers Riley, la DJ qui passe  le titre « What’s up » sur son I-pod, donnant naissance à l’une des plus belles scène de communion de toute la série. Un principe repris plusieurs fois dans le show, dont lors d’une scène magistrale de l’épisode final (avec un morceau un peu en dessous de celui de For none Blondie mais ce n’est que mon avis).

Si quelques incohérences pourraient être soulignées, notamment, lorsque l’on connait les rues de Paris, ou la langue parlée, elles ne valent en réalité même pas cette phrase, puisqu’à quoi bon chercher la petite bête?

Sense8- Et ce final donc?

Etant encore proche de la date de sa sortie, il serait bon de parler de ce final sans y inclure trop de spoilers. Voilà donc ce qu’il y a à en dire sans rentrer dans le détail de ses histoires. La série se finit et c’est une bien triste nouvelle puisqu’aucune œuvre ne lui arrivera jamais à la cheville en terme de beauté universelle. Elle unit tant qu’il suffit de voir la réaction des fans à l’annonce de son arrêt, une lutte sur les réseaux sociaux, des chants à la gay pride parisienne, des lettres, des messages pas milliers… pour se rendre compte que son impact ne se limite pas au petit écran.

Malgré tout, deux consolations subsistent: la première est que le niveau était tellement élevé qu’il aurait pu être à craindre qu’il ne fasse que baisser au fur et à mesure des épisodes. Si la saison 2 gardait d’immenses qualités, elle perdait pourtant son rythme lent pour mieux se concentrer sur son action et répétait parfois ses traits de génies (scènes de morceaux, d’orgies…). Une saison 3, 4, 12 aurait tout aussi bien pervertir l’âme de ce monument télévisé.

La seconde et peut-être la plus importante étant que la série profite d’un final on ne peut plus réussi. Toutes les questions ne sont pas bouclées mais la grande majorité l’est. Les scènes, la réalisation sont absolument magnifiques et ce film de deux heures trente prend le temps d’aborder beaucoup de points d’intrigues. A la vite vous diriez? Certainement. Beaucoup d’éléments sont donnés, laissant parfois une compréhension un brin brouillon de leurs dénouements. Pourtant, encore une fois, le message est brillamment donné. Les scène d’osmose sont absolument bouleversantes, on y passe du rire aux larmes puis aux larmes de joie. Ce sont ces petits boules au ventre de bienveillance, cette envie d’aller vers l’autre à la fin de chaque épisode qui me manqueront le plus. On a tous besoin de beauté et d’espoir et finalement c’est ce qu’apportait Sense8 à travers nos écrans. Nos petits écrans connectés comme nos sensitifs, qui nous permettaient de regarder avec des yeux différents, des bagages émotionnels différents le même spectacle, nous permettant de nous relier aussi inconsciemment à une aventure humaine plus grande. De celle qu’il faudra ensuite partager dans les rues et les voyages, pour ne plus voir du pays qu’à travers un simple écran.

Un dernier coup de gueule pourtant

La créativité est morte. Elle l’est déjà tellement au cinéma. Les films se suivent et se répètent « Avengers » encore et toujours, la suite de …, le remake, le 20 ans après, le 20 ans plus tôt, les origines que t’avais pas envie de connaître, les airs de déjà vu des films qui marchent. Les filons s’étirent à l’infini. Malgré tout l’intérêt que j’ai trouvé à « 13 reasons why », une saison un, pour suivre la trame du roman lui suffisait. Fallait-il vraiment faire une suite à « The OA » qui révèle sa magie dans un final qui conclut son histoire magnifiquement? ( la foie vous sauvera nous apprend elle, ce n’est pas un spoiler c’est une lecture), faut-il vraiment poursuivre les aventures de « La servante écarlate », cette merveille, sur une saison 3 ou perdra-t-elle de sa violence à force d’y accoutumer le spectateur? On ne sait pas conclure quand l’argent est en jeu. Qu’importe même qu’on y perde l’art, le sens et le message. On ne sait plus créer, inventer, oser.

sense8

Qu’il est dommage dans ce contexte, de dire stop à la série la plus créative, la plus novatrice du moment? Celle qui au vue de la richesse de son final aurait gagné à le développer en une saison et qui aurait sûrement eu quelques leçons supplémentaires à nous donner?

 

Pour parler série on te parle de « The Handmaid’s tale » et on en débat ici. Sinon si t’aimes Netflix, on te conseille « The Fucking end of the World » par là.

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