Gus Englehorn, ce nom ne vous dit peut-être rien pour l’instant. Et pourtant, voilà qui va changer dès l’écoute de son excellent « The Hornbook » paru le 31 janvier 2025. Chaque année, les promesses sont nombreuses, de nouveaux talents, de pépites à suivre, d’album à écouter… Les promesses ne sont pas toujours tenues. Pourtant, certains sortent pourtant du lot tant leur première écoute vient à faire monter une soif insatiable de la découverte de leur royaume entier. C’est le cas de l’époustouflant « The Hornbook ». L’écoute de son premier titre donne le La d’un album psyché-pop qui pousse ses idées aux confins du rock. Un opus qui ose tout, voit tout en grand et réinvente enfin le genre en lui prêtant des airs de conte pour enfants. On en est fous ! On vous explique pourquoi, vous nous remercierez plus tard !
Gus_Englehorn by Kealan Shilling
The Hornbook : le livre des révélations
Il est arrivé dans mes mails un triste jour de janvier, il faisait froid, je me plaignais que ce début d’année ne m’avait pas encore apporté mon lot de révélations musicales. C’est un peu de ma faute aussi, j’étais passée à côté de Gus Englehorn. Génie nomade aux multiples patries, aujourd’hui basé à Portland, hier au Québec, dans l’Utah, Hawaï ou l’Alaska où il est né, le maître n’en est pas à son coup d’essai. Un premier album en 2020, « Death & transfiguration » donnait le ton d’une oeuvre importante, la suite en 2022 avec « Dungeon Master » continuait d’écrire l’histoire avec une pochette qui n’est pas sans rappeler celle d’un autre génie du rock : Kurt Vile. Un titre comme je le disais, a suffit a me donner l’envie, urgente, brulante, d’écouter l’intégralité de sa discographie. Il y aurait tant à dire de ces deux premiers jets, de cet oeil novateur qui les habite, de ces morceaux pluriels, de cet univers à part. Il faudra pourtant se concentrer, et c’est déjà beaucoup sur « The Hornbook », dernier objet fascinant et ses rythmes qui pulsent le sang pour mieux faire battre les coeurs.
Tout y commence fort bien. Si on oublie la longueur de son titre : « One eyed Jack Pt I & II (The interrogation / the other side), le premier morceau touche à la perfection. On y fait une plongée hypnotisante dans le psyché. Le morceau, à la précision millimétrée, dose savamment les répétitions obsédantes et les parties parlées. L’âme de Madlib y plane, dans son introduction et dans son fond musicale. Un autre génie, du Hip Hop cette fois mais les registres souvent croisés sur notre albums, ne seront jamais une frontière pour notre maître d’orchestre. Le Rubicon est franchi, le retour en arrière est déjà impossible. En un titre, on en veut beaucoup plus. Cette proposition résolument rock est surtout une montée en puissance qui annonce parfaitement la suite.
La loi de The Hornbook
Mais au fait qu’est ce que ce Hornbook au juste ? Il s’agit d’un outil d’enseignement pour enfants datant du 15ème siècle où était gravé l’alphabet, des chiffres et souvent des versets de la Bible. Gus Englehorn l’explique : « « Quand j’écrivais ces chansons, j’avais l’impression de rédiger un livre pour enfants — chaque chanson racontait une petite histoire ». Difficile de le contredire, chaque titre à son univers propre et semble conter sa propre histoire. La sienne personnelle comme celle du rock. On passe des années 50 aux années 90. Du garage au Lo-fi. Des Libertines à Cage the Elephant, au moins pour son entrain et sa capacité tubesque. « Thyme », deuxième titre de l’opus vaut un arrêt sur image et une écoute en boucle. Il y a du Gorillaz dans son génie d’écriture. Sa répétition parfaitement orchestrée, les aléas de sa voix. Elle chuchote pour mieux trouver place dans nos cerveaux. Comme un enfant, on apprend, par coeur, chaque titre. Et on le répètera encore et encore, comme une comptine. The Hornbook dans sa définition, c’est aussi une loi si ancienne qu’elle est encrée dans nos habitudes et donc quasi impossible à changer. Et cet album va doucement se faire loi d’une nouvelle Bible du rock. Un classique, on le disait.
Il était une fois … Gus Englehorn
Gus Englehorn the hornbook
Composé sur l’île de Maui et enregistré à Montréal aux côtés de Marc Lawson, l’album OVNI nous prend par la main pour nous entraîner dans la beauté de ses paysages. L’introduction de « Roderick of the Vale », toute en douceur s’inscrit comme un temps calme pour mieux reprendre notre souffle. Il faut le dire, comme des enfants pendant la récrée nous voilà en train de sauter partout, les joues rosies de joie. Pas étonnant de voir le nom de Daniel Johnston cité dans le communiqué de presse de l’opus. De l’immense génie du lo-fi on retrouve la candeur et l’honnêteté. Vous pensiez avoir repris votre souffle et mieux pouvoir appréhender ce conte obscure ? C’est sans compter sur le très énervé « Metal detector » comble de la modernité et ses rythmiques endiablées. A s’approprier dès son plus jeune âge.
Le titre le plus enfantin de notre coup de coeur est sans nul doute » A song with arms and legs ». Certainement en raison de ce nom qui fait doucement sourire. Pour autant sa texture musicale, envolée joyeuse au milieu d’un périple au cours duquel on ne reprend que rarement son souffle, y est pour beaucoup. D’ailleurs, pas étonnant d’y retrouver une voix d’enfant pour accompagner celle si atypique de notre romancier, envoûtante à souhaits. Père Gus, raconte nous encore une histoire s’il te plait. Le voeux sera exaucé une dernière fois. L’épilogue « One Eyed Jack (Pt III) » vient à merveille répondre au premier bijoux de l’opus. La saga nous raconte l’histoire d’un messie mythique. Clin d’oeil à notre hôte ? La folk s’invite à l’instant, la guitare s’y fait précise, un fond post-punk persiste, tapis dans l’ombre comme le plus beau des dragons. Une dernière révérence et on se dit au revoir. Et ils vécurent heureux et eurent, on l’espère beaucoup d’albums. Ce livre musical aura au moins beaucoup d’écoutes et il peut compter sur nous pour y participer. Des première lueurs du jour aux heures où les carrosses sont depuis longtemps devenus des citrouilles et où les anciens enfants pas si sages voient les musiciens sous les traits de mages légendaires.
Figure essentielle du rock depuis les années 80 avec Sonic Youth, Thurston Moore sort aujourd’hui un nouvel album solo intitulé Flow Critical Lucidity, dans lequel il poursuit son…
« Soft tissue ». C’est le nom du nouvel album de Tindersticks, aussi doux que son titre le laisse entendre. Meilleur que les deux précédents, rivalisant même avec leurs albums cultes des débuts, cet opus marque un retour en grande pompe du groupe, fait de morceaux toujours plus sublimes, et habité par une âme soul entièrement retrouvée. C’est leur premier album composé post-pandémie, et il reflète l’immense plaisir qu’ont eu les membres du groupe de jouer ensemble à nouveau. Et de ces retrouvailles, la magie a opéré…
Pour l’occasion, Stuart Staples, chanteur et leader, nous a accordés de son temps pour répondre à nos questions.
Adorable personnage qui nous fait penser au père castor par son côté grand-père conteur d’histoires, l’homme dont la voix nous berce depuis plus de 30 ans nous attend sur la terrasse du bateau Petit Bain. Un cadre parfait pour s’entretenir avec lui autour du nouvel album, mais aussi autour de l’histoire du groupe et du chemin semé d’embûches qui les a amenés jusque-là.
Stuart Staples – Tindersticks
Pop & Shot : Le groupe a derrière lui plus de 30 ans de carrière. Qu’est-ce qui a changé depuis vos premiers pas et qu’est ce qui vous motive à encore faire des albums aujourd’hui ?
Stuart Staples – Tindersticks : Quand tu dis ça, ça sonne comme une ligne continue, sauf que cette ligne a connu beaucoup d’obstacles et a été brisée. On était de jeunes garçons qui, pendant nos cinq premières années d’existence, vivaient comme on l’entendait, selon nos propres règles. Personne ne se mêlait de quoi que ce soit. Pas de maison de disques. Sur cette période, on a fait nos deux premiers albums avec une liberté totale. Puis la réalité a fini par frapper à notre porte *rires* : maison de disques, budgets et tout ce qui s’en suit, avec le besoin de mener le groupe vers une existence viable, d’en faire notre travail. C’est vraiment difficile quand ta passion devient ta source de revenus. Tu dois prendre des décisions parce que tu dois payer ton loyer.
Pop & Shot : Le Tindersticks d’aujourd’hui n’est plus le même que celui des débuts donc ?
Stuart Staples – Tindersticks : Cette première formation du groupe que je viens d’évoquer a duré pendant dix ans avant de prendre fin. J’ai cru à ce moment-là que le groupe était terminé. Quelques disques solos sont parus puis Neil [Fraser] and David [Boulter], membres du groupe, ont voulu essayer de nouveau. On a alors recommencé à faire de la musique ensemble, accompagnés de Dan McKinna qu’on a rencontré à ce moment-là et qui est avec nous depuis. Il a eu un impact incroyable sur le groupe et sa relancée. Puis on a aussi rencontré Earl Harvin qui est notre batteur depuis 13/14 ans. Ces deux gars sont à l’origine d’une version du groupe totalement différente que celle originale. Les gens pensent qu’étant donné que je suis un des membres fondateurs, j’ai la main sur tout mais ça n’est pas comme ça que fonctionne un groupe. Les groupes sont généralement faits de personnalités musicales qui s’assemblent. Il faut sentir le feeling dans la pièce et si le feeling est là, tu ne peux pas dire : c’est moi seul aux commandes. Le groupe a vécu bien des choses et c’est toujours aussi stimulant.
Pop & Shot : Si le groupe a eu différentes vies, votre manière de chanter reste toujours dans la continuité des débuts selon moi. Cette façon si belle que vous avez de poser la voix en accord avec la musique, est-ce qu’encore aujourd’hui, vous la travaillez en quête d’exploration et de nouveauté ou, au contraire, est-ce que vous avez le sentiment d’avoir déjà atteint votre sommet à ce niveau là ?
Stuart Staples – Tindersticks : J’ai toujours été motivé par l’envie de faire des choses, plutôt que de me dire : hey je suis un chanteur. Quand j’étais jeune, pour faire exister une chanson, je n’avais pas beaucoup : une guitare et une voix. C’est grâce à ça que je pouvais faire naître des chansons mais je ne me voyais pas comme un chanteur. Dans les débuts du groupe, j’étais un peu désinvolte à propos de mon chant. En une prise j’étais là : ok c’est bon. Puis c’est à partir du quatrième album que j’ai commencé à prendre le sujet véritablement en considération. J’ai alors commencé à déceler les faiblesses de mon chant. Sauf que c’est une partie naturelle de moi. Je n’essaie pas d’en faire quelque chose d’autre. C’est juste moi. Et aujourd’hui encore. Tout est très naturel.
Pop & Shot : Vous composez depuis des années les bandes originales des films de Claire Denis. Qu’est-ce que cette collaboration de longue durée vous a apporté ?
Stuart Staples – Tindersticks : Je ne sais pas si je serais encore là à faire de la musique si ça n’était pas pour Claire. Chaque fois qu’on travaille ensemble, ses idées m’obligent à aller chercher ailleurs, sur un terrain nouveau de notre musique. Une fois que tu es passé par là, que tu es sorti de ta ligne créative pour explorer une nouvelle façon de jouer et de composer, tu en ressors forcément changé. C’est comme une extension du groupe qui le fait évoluer. Notre collaboration repose sur une conversation vivante entre nous deux à chaque fois. C’est SON film à elle et moi, j’essaie de l’aider au mieux à atteindre l’endroit où elle a besoin d’aller, toujours au service de son œuvre. Tant que la conversation est vivante, je suis toujours heureux d’y participer.
Pop & Shot : Et ça change quoi dans votre manière de composer d’écrire des morceaux pour du cinéma ?
Stuart Staples – Tindersticks : Il n’est pas question d’écrire sur notre propre expérience, mais plutôt à partir d’elle. Donc c’est pratiquement semblable, mais c’est à la fois quelque chose de différent. Je réponds à ce que Claire demande, à ses idées visuelles. Ca engage ma personne, mais d’une manière différente. Plus légère. Car parfois, nos propres créations peuvent être un peu lourdes, étant donné qu’elles parlent de nous directement…
Cover de « Soft tissue » (2024) – Tindersticks
Pop & Shot : Ce nouvel album que vous vous apprêtez à sortir est excellent. Je trouve que c’est l’un de vos meilleurs. Vous arrivez à capter mon attention de la première à la dernière note, avec des morceaux hyper prenants, jamais ennuyants…
Stuart Staples – Tindersticks : J’aime que tu dises ça : jamais ennuyants, contrairement à ce que vous pourriez penser ! *rires*
Pop & Shot : Oui pardon, ça ne devait pas sonner comme ça *rires* Pouvez-vous nous parler de la conception de ce nouvel album ? Comment est-il né ?
Stuart Staples – Tindersticks : Premièrement, par la manière dont tu décis ce nouvel album, et je le ressens comme ça aussi, c’est que c’est un moment charnière pour le groupe. C’est un album post-pandémie, qui est marqué par le plaisir de se retrouver suite à un long moment on ne pouvait pas aller au studio tous ensemble. On sortait d’une période où on a été privé de ce temps important : celui de profiter de notre compagnie commune, celui de partager nos idées, celui de jouer… Pour nos retrouvailles, on s’est pas mis en tête de faire un nouvel album. Non. Quand notre tournée en Espagne s’est terminée, on a loué un studio là-bas dans l’idée de passer un week-end ensemble, à discuter, à boire, à jouer. Voyons ce qu’il se passe ! C’était le sentiment : on méritait d’avoir ce temps de nouveau ensemble, sans pression. Ca n’était pas un grand studio couteux. Il était modeste, et il nous a permis de célébrer ses retrouvailles dans la joie et l’inconnu. De là a commencé a naitre des bribes de morceaux : « Always a Stranger », « New World », « The Secret of Breathing ». On est revenus de ce séjour avec les bases de chaque idée, qu’il a fallu plus tard mettre en forme. Mais voilà, le cœur de tout, c’est nous dans ce studio à ce moment précis, poussés par un désirs commun.
Pop & Shot : Vous avez pris plus de plaisir avec cet album qu’avec le précédent (Distractions, 2021) ?
Stuart Staples – Tindersticks : Disons que Distractions a été fait pendant le confinement, donc c’était beaucoup moins fluide et chaleureux. C’était en mode : on se libère un jour pour mettre la batterie sur cette chanson. On avait pas cette atmosphère facile, sereine, et cool qui prédomine sur ce nouvel album. (14:30)
Pop & Shot : Ce nouvel album sonne plus soul que les précédents, avec des cuivres, des violons, et des chœurs féminins, ce qui le fait gagner en intensité et en accroche. D’où vient cette direction artistique ?
Stuart Staples – Tindersticks : Cet aspect fait partie de notre musique depuis très longtemps. Notre album « Simples Pleasures » sorti en 1999 se voulait vraiment être un album de soul. C’est tellement une partie intégrante de nous, de moi en tant que chanteur, d’Earl en tant que batteur, de Dan en tant que bassiste… C’est si naturel pour le groupe que ça n’était pas vraiment une décision en tant que telle. Rien est forcé. On le sent alors on le fait.
Pop & Shot : Et par rapport aux deux précédents albums, qu’est-ce qui différencie ce nouvel opus selon vous ?
Stuart Staples – Tindersticks : « No Treasure But Hope » est un album tellement naturaliste, qui a été fait en réponse à ce qu’il y a eu avant, c’est à dire trois projets très spéciaux dont la bande-originale de « High Life » (Claire Denis, 2017) et un album solo qui m’ont demandé beaucoup de temps et de recherche. J’en avais assez de creuser et d’expérimenter dans mon studio. Je voulais retrouver cette simplicité d’être avec les gars, ma guitare et ma voix. Ce qui a donné un disque très naturaliste. Mais finalement, je n’en suis pas totalement convaincu, car ça n’était pas assez excitant à mon goût. Puis « Distractions » a été en réponse à ça. Les morceaux et les sonorités sont devenus très abstraits. Je dirais que ce nouvel album est un combiné des deux. Il poursuit le solide travail de composition de « No Treasure But Hope », ainsi que l’aspect expérimental de « Distractions ».
Pop & Shot : J’ai l’impression que cet album gagne quelque chose en évidence, grâce notamment à la sensation d’un mouvement de progression et d’élévation tout du long, particulièrement marquant. Il y a comme un suspense qui nous maintient en haleine. Le morceau « Always a Stranger » en est la démonstration parfaite. Etait-ce volontaire, d’aller vers ce quelque chose de plus catchy ?
Stuart Staples – Tindersticks : La question du rythme est primordiale. Trouver le rythme, c’est l’enjeu principal.
Pop & Shot : Il y a une chanson intitulée Nancy, est-ce en référence a une personne réelle ?
Stuart Staples – Tindersticks : Non, c’est simplement le prénom d’une femme *rires*
Pop & Shot : La chanson d’ouverture de l’album « New World » me rappelle une autre chanson française qui porte le même titre : « Monde nouveau » de Feu Chatterton. Je ne sais pas si vous en avez déjà entendu parler. Le refrain dit « Un monde nouveau, on en rêvait tous ». Est-ce le cas du vôtre également ? Est-ce qu’on en rêve, de votre new world ?
Stuart Staples – Tindersticks : Les premières lignes de la chanson sont : « Baby I was falling, but the shit that I was falling through ‘Thought it was just the world rising ». [Chérie j’étais en train de tomber mais la merde dans laquelle je tombais était en fait un nouveau monde en élévation]. Ca parle de ne plus être capable de voir le chaos dans lequel on est. Parfois, tu as ton nom dessus. Et tous les gros problèmes de ce monde portent notre nom. On fait partie du problème. On est le problème. Si tu vis dans la tourmente, sentiment que cette chanson reflète, et que partout autour de toi, il y aussi de la tourmente, il faut essayer de comprendre où sont les frontières, d’où ce sentiment de tourmente provient, et si ce n’est pas quelque chose dont tu es toi-même à l’origine.
Pop & Shot : La chanson est accompagnée d’un très joli clip en stop motion, qui s’ouvre par une image d’écroulement. vous pensez que le monde dans lequel on vit est en train de s’effondrer comme dans le clip ?
Stuart Staples – Tindersticks : Avant d’écrire une chanson, je ne me dis jamais : ok cette chanson parlera de ça. Non. C’est les émotions qui me guident. Avant même de penser au clip, c’était important que le morceau et donc l’album commence avec ces perturbations. C’est ce qu’on entend musicalement au tout départ, avec ces gros cuivres. Cette partie symbolise le passé et ensuite, direction le futur. Ces perturbations sont destructrices pour moi. C’est pour ça que les immeubles s’écroulent au début du clip. Ensuite, le petit personnage peut commencer sa journée.
Pop & Shot : vous considérez cet album plutôt sombre ou lumineux ou les deux en même temps ?
Stuart Staples – Tindersticks : Ca change sur le moment selon moi. Si tu me parles de « The Secret of breathing », je vais te dire ok c’est une chanson dure. Vraiment très dure, pour moi. « Falling the Light », par exemple, parle de la lumière qui tombe sur l’eau, et sur les souvenirs. Quelque chose de lumineux donc. Mais c’est aussi autour de la lumière qui disparait. Chaque morceau a sa particularité. « Always a stranger » est une chanson qui en appelle désespérément à la connexion mais lorsque je pense à elle, je ne la vois pas comme une chanson noire particulièrement.
Pop & Shot : L’avant dernier morceau « turned my back », avec ses chœurs féminins, est magnifique et très entrainant. Elle finit presque l’album sur des notes joyeuses. C’est une bonne idée de l’avoir placé. Je n’ai pas de questions particulières *rires*
Stuart Staples – Tindersticks : *rires* merci beaucoup*
Pop & Shot : Concernant la cover de ce nouvel album, c’est une peinture comme beaucoup de vos précédents albums. Elle représente deux personnes qui s’enlacent. Je la trouve très apaisante. Pouvez-vous nous dire son histoire ?
Stuart Staples – Tindersticks : A vrai dire, ce n’est pas une peinture. Elle est faite en feutres, ce tissu artificiel créé à partir de fibres naturelles. On la doit à ma fille qui est une artiste du textile. Elle a crée elle-même chaque couleur que l’on voit dans cette image.
Pop & Shot : Vous lui avez donné une direction ou elle avait carte blanche ?
Stuart Staples – Tindersticks : Pas pour cette image non. Elle a commencé à travailler à partir de cette matière, le feutre, et j’ai beaucoup aimé. Je lui ai commandé trois images qui font partie de l’artwork global de « Soft tissue ». Mais l’image de la cover, c’est une œuvre sur laquelle elle était déjà en train de travailler et je l’ai supplié de pouvoir l’utiliser pour l’album.
Pop & Shot : Sur l’album précédent, vous repreniez une chanson de Neil Young : « A man needs a maid ». Je suppose qu’il est l’un de vos guides en terme de composition…
Stuart Staples – Tindersticks : Il fut un temps oui, mais c’était il y a longtemps. J’ai toujours énormément de respect pour lui. Il y a une époque dans les années 90, où, quand je partais en tournée, j’emmenais avec moi une pile de CDs avec mon lecteur walkman – c’était avant les téléphones etc *rires* – et dans cette pile, il y avait forcément un album de Neil Young. Puis est arrivé un moment où j’ai déconnecté avec tout ça, et je me suis « séparé » de beaucoup de monde. Des artistes qui, je le croyais, m’accompagneraient jusqu’à ma mort. Mais j’ai stoppé. Et aujourd’hui, avec du recul, je suis content de l’avoir fait. Je connais tout concernant cette musique mais je ne l’écoute plus. Ca ne veut pas dire que je ne l’aime plus… enfin je veux dire… tout le monde aime Neil Young non ? J’ai juste arrêté parce que je devais aller de l’avant et si je ne l’avais pas fait, je n’aurais pas été capable de vivre des expériences musicales incroyables que j’ai vécu durant les 25 dernières années. Mais quand même, tout le monde a envie de reprendre du Neil Young, ça ne fait jamais de mal.
Pop & Shot : Et vous écoutez quoi en ce moment ?
Stuart Staples – Tindersticks : J’aime beaucoup le dernier album d’André 3000. C’est ce que j’écoute le plus dernièrement.
Bar Italia, voilà un nom qui peut induire en confusion. L’effervescent groupe londonien revient le 19 mai avec l’une des plus belles pépites rock de l’année : « Tracey…
Quand grattent les premières cordes de la guitare fatale qui introduit l’album de Blondhsell, on devine tout de suite qu’avec ce son et cette suite d’accord, cela risque…
Le week-end du 23/24 avril dernier se tenait un peu dans toute la France et ailleurs le Disquaire Day ! L’occasion pour les disquaires indépendants de proposer à leur clientèle tout un tas de vinyles inédits sortis spécialement pour l’évènement. De quoi offrir à ces boutiques indépendantes dont nous avons tant besoin une scène sous projecteurs.
A Montmartre, au point culminant de notre cœur, dans la nouvelle boutique associée à notre média Pop & Shot : The Mixtape, située au 32 rue des Trois Frères, y a logé durant ce week-end l’effervescence musicale. Pour rendre honneur au large choix de vinyles inédits à disposition, entre le sublime album de SON OF que l’on attendait depuis 7 ans, l’étonnant mais implacable EP de Metronomy sorti l’année dernière et le best-of double vinyle d’une Patti Smith toujours plus importante pour l’histoire, The Mixtape a fait appel au duo musical HUNKYZ, deux bons potes d’enfance (Léonard Pottier et Théophile Le Maitre) chargés d’animer les 15 heures de week-end.
Baignés dans la musique comme Obélix dans la marmite, HUNKYZ ont divisé leur immense set comme plusieurs petites sélections d’une heure chacune, toutes faites de morceaux piochés çà et là dans ce qui les anime depuis le début de leur amitié jusqu’à aujourd’hui. Pas de catégories spécifiques qui puissent renseigner sur ce qui allait être joué, mais des thèmes parfois loufoques et abstraits, pour mieux brouiller les pistes et se contraindre dans l’amusement.
PLAYLIST SIX MOTS
Pop & Shot vous dévoile une partie de ces playlists crées pour l’occasion.
Aujourd’hui, c’est la playlist CHRONOLOGIQUE ! Le principe est simple : de 2000 à 2022, chacun des 22 morceaux est tiré d’une année spécifique. Des White Stripes à ASAP Rocky, c’est parti !
Bonne écoute ! Et à bientôt à la boutique The Mixtape (métro Abesses), venez nous rencontrer et farfouiller parmi notre sélection de vinyles ainsi que tout un tas de produits dérivés autour de l’univers musical. Venez également découvrir en ce moment à la boutique l’exposition de notre photographeLouis Comar.
Ce samedi 28 janvier, les suédois de Royal Republic amenaient leurs paillettes et leur rock à l’Olympia pour conclure une tournée européenne de près de deux mois. C’est…
Meilleur festival du monde, jOUR 2. Sans être totalement remis de la première soirée, l’heure de la suite a déjà sonné. Le temps de poster notre premier report…
Nous y voilà enfin. Où que ce soit, tout le monde l’a repéré. Depuis plusieurs semaines, ses affiches sont disposées un peu partout en France. Encore plus à Paris et bien évidemment en Bretagne. Puisque c’est ici que ça se passe. Le festival malouin La Route du Rock, créé il y a un peu plus de 30 ans, était bien décidé à en mettre plein la vue. On les savait déjà exigeants niveau programmation. Cette année dépasse toutes les attentes. Nous avions beau descendre notre regard sur chaque ligne d’artistes de la programmation, une réaction en boucle de notre part se faisait entendre : « mais noooooooon ». Sans forcément convier les intouchables de la sphère rock comme Nick Cave ou Iggy Pop, le festival a comme d’habitude misé sur l’indé, l’éclectisme et la modernité, dans un bon équilibre entre big boss du game actuel (Fontaines DC, Ty Segall, Kevin Morby, Fat White Family, Baxter Dury…), artistes de taille moyenne (Black Country New Road, Beak >, Working Men’s Club…) et artistes émergents prêts à montrer de quel bois ils se chauffent (Geese, Honeyglaze, Yard Act, Porridge Radio, Ditz…). Réunis, ils forment la plus belle programmation de 2022 tout festival confondus. Vous venez avec nous ? On est jeudi et une très grosse soirée nous attend.
Cette première journée au Fort Saint Père, après l’apéro de la veille de KING HANNAH et ALDOUS HARDING à la Nouvelle Vague, une salle de concert de Saint-Malo, promettait directement de décrocher les étoiles. En terme de début fulgurant, même celui de Wet Leg n’atteint pas de tels sommets. Elles font d’ailleurs parties de la programmation du jour, nous y viendrons.
Le site du Fort Saint Père est comme toujours divisé en deux scènes : la scène du Fort et celle un peu plus petite des Remparts. Les deux se font face et les concerts s’enchaînent à cinq minutes d’intervalle, de quoi assister à l’ensemble sans manquer une note. Bon point.
La Route du rock 2022 / Crédit : Théophile Le Maitre
Embarquez pour la route des remparts
Commençons avec la scène des remparts. Imaginez-vous être dans une 2CV et emprunter des petites routes de campagne. Le départ est paisible, vous profitez du paysage avec COLA. C’est eux qui ouvre le bal à 18h30. Le groupe est formé par deux ex-membres de Ought, groupe montréalais de post punk. Un troisième homme est à la batterie : Evan Cartwright de U.S Girls. Leur premier album est sorti cette année et fait entendre un rock léger et efficace. Pas de fioritures : des riffs de guitare simples, modestes et apaisés, qui n’avoisine jamais pour autant le niais. Non, leur rock est ferme et assuré, inspiré des Strokes. COLA reflète l’humilité, avec son chanteur qui n’en fait pas des caisses, tout en sachant tenir l’attention de son public. Pari réussi pour l’ouverture. La route continue.
COLA / La Route du Rock 2022 / Crédit : Théophile Le Maitre
COLA / La Route du Rock 2022 / Crédit : Théophile Le Maitre
COLA / La Route du Rock 2022 / Crédit : Théophile Le Maitre
Votre trajet est soudainement secoué par une insertion sur une grande route, où le traffic est plus dense. Il est 20h10 et GEESE fait son apparition sur la scène des remparts. New-York est leur ville. Sur scène, ils viennent braquer le festival à six. Ce sont nos chouchous. Leur premier album Projector fait partie de nos albums préférés de 2021, tant il parvient à faire intervenir avec brio un aspect pop au sein d’une musique purement rock. Les dix morceaux de Projector sont dix petits joyaux que l’on écoute en boucle. Les voir prendre vie devant nous nous faisait jubiler d’excitation. Et quel résultat ! GEESE est mené par un chanteur qui n’a pas encore les attributs et le charisme d’une rock star. Comme Grian Chatten à ses débuts, il est un peu maladroit, même si son sourire est bien plus marqué. Quand il ne chante pas, il bouge son corps assez peu naturellement. Mais c’est ce qui fait qu’on le fixe du regard. Il n’a que la vingtaine. Tous ont à peu près le même âge dans le groupe. Quand vient le morceau « Disco », alias le meilleur morceau de l’année passée, on se rappelle à quel point ils sont talentueux. En terme de composition, « Disco » est monstrueux. Celui-ci sonne comme une massue, jusqu’à faire tomber la cymbale du batteur en plein live. Dans sa version studio, il dure près de 7 minutes. Sur scène, relativement le même temps. Et au fur et à mesure que le morceau nous tape, on s’imagine déjà les voir dans quelques années sur la grande scène du Fort. En attendant, on profite de leur présence, et des nouveaux morceaux interprétés, en espérant qu’un nouvel album sorte très prochainement.
GEESE / La Route du Rock 2022 / Crédit : Théophile Le Maitre
GEESE / La Route du Rock 2022 / Crédit : Théophile Le Maitre
GEESE / La Route du Rock 2022 / Crédit : Théophile Le Maitre
Le traffic sur la route se régularise. Vous avancez maintenant de manière fluide. C’est le moment où YARD ACT investit la scène des remparts. Il est 22h. Grande surprise du festival, le groupe britannique nous livre un des meilleurs shows de la soirée. Ils ont seulement un album à leur compteur mais sont déjà accueillis avec entrain. L’attitude barrée du chanteur réveille la foule : « ca va la Route du roooock » s’amuse t-il à dire avec son accent british. Leur pop/rock endiablée sonne terriblement bien, mieux qu’au Trabendo où nous les avions vus il y a quelques mois. Il faut dire que les morceaux sont au rendez-vous. En un album, YARD ACT est parvenu à définir une véritable identité sonore, de quoi assurer très belle performance de scène. Entre la force indéniable de leur single « The Overload » et la singularité assumée de morceaux comme « Rich » et « Land of the Blind », ils s’imposent déjà comme un des groupes importants de leur génération.
YARD ACT / La Route du Rock 2022 / Crédit : Théophile Le Maitre
YARD ACT / La Route du Rock 2022 / Crédit : Théophile Le Maitre
Minuit. La nuit est complètement tombée là où vous êtes. Vous arrivez bientôt à destination. Vous avez quitté la grande route pour reprendre des chemins sinueux qui n’apparaissent même pas sur votre GPS. C’est l’heure pour CHARLOTTE ADIGÉRY ET BOLIS PUPUL d’entrer sur la scène. Nuit illuminée par une musique puissante, à la fois techno, électro et pop. Les deux belges qui ont sorti un album cette année savent tenir le public en haleine. Leur jeu de scène est affiné, les interactions nombreuses. C’est une belle clôture pour la scène des remparts qui coupe ses amplis pour aujourd’hui. Vous êtes arrivés à destination. Mais la route n’est pas fini. Vous changez simplement de véhicule pour pouvoir emprunter l’autoroute.
Embarquez pour l’autoroute du fort
Oh. Etrangement, le jour est revenu. Comme un bond dans le temps, il semble maintenant être de nouveau 19h20. Vous ne vous souciez pas de cet effet temporel, il faut continuer de rouler.
L’insertion sur l’autoroute est douce, aucune voiture ne bloque le passage. BLACK COUNTRY, NEW ROAD ouvre la scène du Fort. Depuis quelques mois, juste après la sortie de leur excellent deuxième album, ils sont un peu orphelins, comme perdus. Le chanteur les a quittés pour épargner sa santé mentale. Comment continuer ? Faire comme si de rien n’était. Ne rien changer. Sauf que tout change malheureusement. Aucun ancien morceau n’est interprété. Seulement des nouvelles pièces, toujours plus lyriques et orchestrales. Soit. Au niveau du chant, celui-ci est partagé en trois, avec une insistance sur les voix féminines. On est quand même très loin du charisme vocal de l’ex-chanteur. La tension redescend fortement, lui qui maintenait en haleine chacun des morceaux. Jouer seulement de la nouveauté est un risque puisque l’on perd la sensation de retrouver des êtres chers. En deux albums, le groupe était tout de même parvenu à fabriquer de sublimes tableaux musicaux. Compétitifs sur le premier, plus raffinés sur le second. Mais voilà qu’en continuant sous ce nom, même si l’esprit sonore perdure, on trahit quelque peu son public. A six sur scène, ils ont des airs de premiers de la classe qui jouent pour le bal de promo. Tout est un peu trop propre, finement exécuté. Les morceaux ont du mal à retenir notre attention comme ils le devraient. BLACK COUNTRY NEW ROAD n’est plus vraiment. Nous resterons quand même intrigués par le prochain album studio, qui pourrait quand même nous surprendre.
BLACK COUNTRY NEW ROAD / La Route du Rock 2022 / Crédit : Théophile Le Maitre
BLACK COUNTRY NEW ROAD / La Route du Rock 2022 / Crédit : Théophile Le Maitre
BLACK COUNTRY NEW ROAD / La Route du Rock 2022 / Crédit : Théophile Le Maitre
Près de 45 minutes que vous roulez, il fait encore jour. La limitation est de 110. Eh oui, vous êtes en Bretagne. Le trafic est fluide. Vous vous sentez apaisé, libre, comme allongé sur une chaise longue. Gare tout de même à ne pas se sentir partir vers quelques songes lyriques. Pas de panique, WET LEG est là pour vous réveiller. Une heure leur est consacrée sur la scène du Fort, alors même qu’elles n’ont qu’un seul album. C’est dire leur ascension fulgurante. En un titre devenu déjà mythique, « Chaise Longue », les deux britanniques ont réalisé un coup de maitresses : s’imposer comme un groupe très convoité des festivals d’été. La foule se compresse, c’est le premier concert qui rameute beaucoup de monde. Elles commencent par « Being in Love », le premier morceau de l’album. Elles joueront ce dernier en entier, ni plus ni moins. Il est drôle de remarquer à quel point chaque chanson est à elle seule un petit tube pop rock. Le point culminant arrive évidemment à la toute fin, où « Chaise Longue » retentit comme l’évidence absolue. Tout le monde la connait. Simplement dommage qu’elles ne l’étirent pas, surtout que le concert n’aura finalement duré que 45 minutes au lieu d’une heure. C’est le type de morceau avec lequel on peut jouer sur l’engouement, faire des pauses, reprendre… Non, la version est, avec regret, un peu trop conforme à l’album. Sur le visage et l’attitude des deux musiciennes, on remarque la chaleur et la satisfaction de jouer ici. Leur cohésion est belle à voir. Niveau sonore, ça reste néanmoins un peu sage, sans envolées. Il leur faut probablement un peu de temps encore, de quoi rattraper certaines étapes que l’engouement autour de leur single leur a permis de griller. Mais en un sens, c’est aussi c’est ce qui est magique, voir la propulsion soudaine d’un groupe qui a peut-être encore un peu de mal à être pleinement à la hauteur de leur succès, mais qui, au-delà de ça, profite pleinement de leur talent à délivrer des tubes de l’été qui mettent plus ou moins tout le monde d’accord. Leur concert est disponible en replay sur Arte Concert.
WET LEG / La Route du Rock 2022 / Crédit : Théophile Le Maitre
WET LEG / La Route du Rock 2022 / Crédit : Théophile Le Maitre
WET LEG / La Route du Rock 2022 / Crédit : Théophile Le Maitre
WET LEG / La Route du Rock 2022 / Crédit : Théophile Le Maitre
La nuit est pleinement retombée. Des voitures surgissent de nulle part sur l’autoroute. Elles semblent accélérer, comme si la limitation était soudainement passée à 150. Fort bien. Vous suivez le mouvement. Malgré la densité, aucune perturbations. Tout le monde file. Il est 22h55 quand le groupe le plus côté de la sphère rock indé fait son apparition sur la scène du Fort. Il y a 3 ans, ils jouaient au même endroit, mais bien plus tôt, à 19h. A l’époque, ils n’avaient qu’un album. On les découvrait tout juste. Depuis quelques mois, ils en comptent trois. Leur nouveau s’appelle « Skinty Fia » et grâce à celui-ci, ils sont déjà entrés au Panthéon du rock moderne. On le sent dans l’air, que FONTAINES D.C. est le groupe le plus attendu de la soirée. La foule est compacte, quitte Yard Act avant la fin pour venir se placer. Les corps se serrent. C’est l’heure convoitée, celle de Baxter Dury demain et de Ty Segall samedi. Trop tôt pour que la foule commence à partir et trop tard pour qu’elle ne soit pas déjà échauffée. FONTAINES a intérêt à foutre le feu. C’est ce que tout le monde se dit secrètement. Et ça ne manque pas. Leur concert est sans nul doute le point culminant et le meilleur de la soirée. Leur aura est telle qu’ils dégagent quelque chose de grand et de mystique dès leur entrée sur scène. Ils débutent avec le premier morceau du dernier album, longue tirade musicale aux airs religieux, qui monte, monte, monte jusqu’à n’en plus finir. On le sent tout de suite, que le son est monstrueux, bien meilleur qu’à l’Olympia de Paris quelques mois auparavant. Grian Chatten, le chanteur, est de plus en plus hypnotique et à l’aise dans son rôle de leader désinvolte. Il captive. Il a certainement gagné en présence, lui qui ne bougeait pas d’un fil il y a 3 ans, même si nous étions déjà tombés amoureux de son attitude à l’époque. C’est aujourd’hui une vraie rock star, sûr de lui et conscient de ce qu’il renvoie. Comme s’il affrontait constamment son micro en duel, qu’il n’hésite jamais à malmener, Grian Chatten fait preuve d’un charisme irréfutable. A côté de lui, les membres du groupe sont relativement stoïques. Leurs instruments suffisent, puisque la guitare sonne terriblement, comme du fil de fer. Les riffs affutés surgissent avec fermeté, comme celui de « Big Shot », ou de « Sha Sha Sha ». Le concert est un best-of de leur carrière. En 1h15, ils ont à peu près tout joué. Que des morceaux mastodontes : ils attaquent notamment très vite avec « Hurricane Laughter » placé en troisième. Puis s’ensuit un déferlement : « Televised Mind », « I Don’t Belong », « Nabokov », « Too Real », « A Hero’s Death », « Jackie Down the Line »… Mais combien de chansons cultes ont-ils donc ? La fin nous achève définitivement avec l’enchainement magique de « Boys in the Better Land » et « I Love You ». Oui, Fontaines DC est devenu immense. Face à eux, force est de reconnaitre leur grandeur. Au fond de tous les festivaliers présents sur le site, l’envie d’être Grian Chatten a, à un moment, ne serait-ce qu’une seconde, trouvé naissance.
FONTAINES D.C. / La Route du Rock 2022 / Crédit : Théophile Le Maitre
FONTAINES D.C. / La Route du Rock 2022 / Crédit : Théophile Le Maitre
FONTAINES D.C. / La Route du Rock 2022 / Crédit : Théophile Le Maitre
FONTAINES D.C. / La Route du Rock 2022 / Crédit : Théophile Le Maitre
FONTAINES D.C. / La Route du Rock 2022 / Crédit : Théophile Le Maitre
FONTAINES D.C. / La Route du Rock 2022 / Crédit : Théophile Le Maitre
Comment continuer à rouler à cette vitesse encore ? Vous reste-t-il assez de carburant ? L’autoroute semble interminable, vous semblez l’avoir traversé de long en large. Pourtant, il vous reste un bout de chemin à parcourir. La masse de voiture a faibli. La vitesse descend à 130. Mais vous êtes encore dans la course, à vous enfoncer dans un noir toujours plus lointain. Il est 1h du matin, et pour vous donner toujours plus de pêche, voilà que WORKING MEN’S CLUB entre sur la scène du Fort. C’est surtout le projet d’un gars, Sydney Minsky-Sargeant, jeune, aux traits quelque peu similaires à ceux de Grian Chatten. Il est accompagné par des musiciens mais c’est sur lui que l’attention se fige. Son air nonchalant prend beaucoup de place. Il bouge comme un insecte. La musique jaillit à un niveau sonore inégalé durant la soirée, avec des sonorités électro/rave bien grasses à l’ampleur méritée. C’est fort, et bon, même très bon. Mieux qu’en studio. Plus charnel, plus direct, plus carré. Un nouvel album vient de paraitre le mois dernier. Il gagne là toute son intensité. Il y a quelque chose de frénétique, d’hypnotisant dans cette performance. On se retrouve vite happés par l’intensité. Quand il prend sa guitare, c’est le clou du spectacle, comme un décollage dans l’espace. Elle ne sonne pas comme une guitare, il la déforme pour coller à sa musique toujours située entre le kitch et l’esprit rock.
WORKING MEN’S CLUB / La Route du Rock 2022 / Crédit : Théophile Le Maitre
WORKING MEN’S CLUB / La Route du Rock 2022 / Crédit : Théophile Le Maitre
WORKING MEN’S CLUB / La Route du Rock 2022 / Crédit : Théophile Le Maitre
WORKING MEN’S CLUB / La Route du Rock 2022 / Crédit : Théophile Le Maitre
WORKING MEN’S CLUB / La Route du Rock 2022 / Crédit : Théophile Le Maitre
WORKING MEN’S CLUB / La Route du Rock 2022 / Crédit : Théophile Le Maitre
Votre voiture finit par perdre le contrôle. L’autoroute du rock était finalement trop dangereuse. Pas de panique néanmoins, vous êtes sain et saufs et serez encore là demain pour une deuxième journée au Fort de Saint Père, qui, sur le papier, ne promet pas d’être meilleure que la première mais qui, si les astres s’alignent bien (déjà mal parti avec la pluie), a de quoi nous réserver son lot de surprises.
La Route du Rock 2022 / Crédit : Théophile Le Maitre
Les Francos de Montréal ont un seul mot d’ordre : prouver la pluralité et la richesse de la scène francophone de par le Monde. Pour ça, Laurent Saulnier,…