Bar Italia, voilà un nom qui peut induire en confusion. L’effervescent groupe londonien revient le 19 mai avec l’une des plus belles pépites rock de l’année : « Tracey Denim », un trip sous acide loin de la dolce vita qu’inspire le nom de la formation. Au programme un cocktail raffiné, acide, sombre, calibré, aussi élégant que tranchant qui enivre dès son premier titre. Impossible de ne pas en parler comme l’une des plus belle sorties de l’année 2023.

Bar Italia crédits Simon Mercer
Bar Italia crédits Simon Mercer

Tracey Demin : douceur volcanique

Des notes qui se répètent, puissantes et tranchantes en une boucle qui appelle immédiatement l’oreille, et voilà que « Guard » ouvre le bal de ce troisième opus des plus attendus. C’est sur le label Beggars, qui ne laisse place qu’à l’excellence, que le trio londonien donne le ton de cet opus qui vaut bien de s’ajouter au catalogue de ceux à qui l’on devra bientôt le dernier né d’une autre figure emblématique du punk : Anohni.

Il faut dire que le combo sait jouer sur la corde sensible pour frapper juste. Obsédant comme ses notes répétées en boucles, l’album a la force indé et créative des immenses Sonic Youth auxquelles s’ajoute la mélancolie légère que l’on peut retrouver chez les très modernes Sorry ou Porridge Radio. Il faut dire que ce « Tracey Denim » sait jauger de ces effets pour les rendre hypnotiques. Lorsque les notes de guitares s’emballent, vibrant dans les aigus, comme ça peut être le cas dès le deuxième titre, « Nurse! », le tableau se dessine avec précision. Pas étonnant, que leur concert parisien de la Boule Noire, le 22 mai, se jouait à guichets fermés. Il faut dire que la formation convoque l’âme des 90’s, sa puissance underground et crée une nostalgie indéniable d’un temps où le punk avait un plus fort rayonnement.

Cri intérieur

Il y a une urgence notoire dans les titres de cet opus, comme un cri du cœur. Le bien nommé « Punkt » va en ce sens alors que la voix féminine de Nina Cristante rencontre sa part d’ombres lorsqu’elle se mêle à celle de son homologue masculin. Il est bien question de discussions et d’échanges musicaux au cours des titres à fleur de peau qui composent cette galette. La douceur de la voix tantôt à vif, tantôt en retenu se heurte à la guitare, avide d’en dire plus, oppressante, tourbillonnante. Ce nouveau Bar Italia prend aux tripes tant sa sensibilité frappe fort. Pourtant, le trio également composé de Jezmi Tarik Fehmi et Sam Fenton joue sur des compositions sur le fil du rasoir tendues, aussi précises qu’un funambule, sans jamais basculer ou perdre son objectif de vue.

Peut-être que le morceau « Yes I have eaten so many lemons, yes I am so bitter » résume le mieux l’esprit de la performance. Là où les notes rondes et sucrées portées par une batterie qui se répètent ouvrent le bal, les voix elles confèrent à une acidité calculée. Il y a une forme de lâché prise sous-jacent, celui du meilleur du punk qui se trame ici. Les rythmes s’emballent et se cassent savamment, comme des vagues sur la jetée.

« Horsey Girl Rider » lui se construit sur des échos, une forme de chuchotement apaisant comme une ritournelle. Double, l’opus n’hésite pas à pousser les voix dans leurs retranchements. Il sait sortir de la brume épaisse qu’il crée pour déchirer sa ritournelle, un éclair dans le ciel vient illuminer le titre « Harpee » et sa lancinante montée en puissance. Le refrain entêtant monte dans les tours, le tout s’accélère

Bon baiser des 90’s

La fin des titres arrivent toujours avec brutalité, un point qui coupe net le dialogue. C’est peut-être ce qui tend à prouver que l’album s’écrit comme un joyau post-punk non taillé. Parfois la finalité vient avec ses faux raccords, une phrase, un propos qui toucherait à sa fin sans fioriture. La production est brute, épaisse, puissante.

Il a la ferveur du post-punk mais sait aussi se balader dans les recoins sombres de l’indie rock. Le slacker rock des 90’s y est convoqué, les inspirations trip hop, spoken word s’y croisent. Le tout y vit avec naturel, tout comme la construction d’un jet tiré à quatre épingles dont les 15 morceaux défilent beaucoup trop rapidement. On tient ici l’alliance parfaite de la modernité et du retour à l’ancien. Et pourtant et c’est ce qui caractérise la grandeur de cette album, les mélodies y sont toujours accessibles, douces et poignantes. L’indépendance s’y vit, vidée de son inaccessibilité. Le naturel est là, comme un ami que l’on retrouverait au bar et à qui l’on raconterait ses plus tristes mésaventure. « Tracey Denim » est le reflet d’âmes, celui qui sublime les états d’âme, rend le morose puissant, emprunte une machine à remonter le temps et vide les 90’s de leurs journées fluos pour leur rendre leurs cuirs noirs. Venez vous asseoir au comptoir de Bar Italia, comme avec une excellente bouteille, vous en prendrez bien plus d’un verre.


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