Author

Megane Chiesi

Browsing

Pop&shot vous parle aujourd’hui d’un grand film, « We Need to Talk about Kevin », qui, malheureusement n’a jamais vraiment fait parlé de lui, à notre plus grand désespoir. AVIS AUX CINÉPHILES, film à voir et à revoir! Poésie visuelle, métaphorique et philosophique. Film qui définit à lui seul, au XXIème siècle, le mot que l’on emploie un peu trop souvent (sans savoir véritablement sa définition): celui de “CINÉMA”! Et oui, le septième art existe encore. Merci!

En 2011 Lynne Ramsay signe un film qui, selon nous, est passé à la trappe: “We need no talk about Kevin”. Le synopsis pourrait en effet ennuyer les spectateurs (“un ado devenant fou”). Cette simple et banale définition serait réduire le long métrage… Il est en effet question de folie, mais surtout de la naissance du mal. A quel point l’absence de mots (et leur impuissance) peuvent engendrer des maux.

“Eva a mis sa vie professionnelle et ses ambitions personnelles entre parenthèses pour donner naissance à Kevin. La communication entre mère et fils s’avère d’emblée très compliquée. A l’aube de ses 16 ans, il commet l’irréparable. Eva s’interroge alors sur sa responsabilité. En se remémorant les étapes de sa vie avant et avec Kevin, elle tente de comprendre ce qu’elle aurait pu ou peut-être dû faire. “

Malgré tout, ce film est beaucoup plus profond qu’il n’y parait. Il ne parle pas, comme tout le monde pourrait le croire, de folie (au premier plan). Il parle d’amour, de malentendus, de maladresse et de silence. C’est également un film qui traite de mots/maux. Quand le langage devient impuissant, seule la caméra peut dire ce que les paroles ne peuvent exprimer. Ne pas dire, mais montrer (autant par le fond que par la forme.)

DU VRAI CINEMA. POURQUOI?

Le film ne nous dit pas les choses, il nous les montre à travers la caméra, les couleurs, le montage (complexe et extrêmement significatif, montage qui crée à lui même tout le suspense du film, par flash-back). We need to talk commence par la fin, par des scènes où l’on voit le personnage principal, la maman de Kevin, dans une situation inacceptable, invivable, intolérable et inexprimable après le “drame” (drame dont nous parle le synopsis, drame que nous ne connaîtrons qu’à la toute fin du film.)

PARLER AVEC LES YEUX

We Need to Talk About Kevin afficheCe que veut montrer la réalisatrice ( sans le dire, mais en le montrant) : la culpabilité, la responsabilité, le fardeau qui pèsent sur la mère de Kevin après le drame: état de léthargie, de survie. Aucun mot, en effet, ne pourrait exprimer sa situation : d’où le silence du film (qui peut rendre, au départ, les spectateurs perplexes). Silence poétique et significatif (nous y reviendrons). Les mots ne peuvent retranscrire la situation de cette femme démunie, perdue, seule, qui n’est même plus humaine, qui survit et a arrêté de vivre.

Comment montrer l’impuissance des mots face à des situations critiques que la vie nous réserve? Tout simplement par des scènes métaphoriques qui expriment avec beauté toute la culpabilité d’une mère qui pense avoir échoué dans l’éducation de son fils. Le sentiment d’être une meurtrière, d’avoir donné naissance à la mort.. Comment la réalisatrice montre cela sans le matérialiser par des mots ? Par des couleurs: le rouge. Le rouge domine dans la plupart des scènes inaugurant le film: lorsqu’elle tombe amoureuse de son futur mari (flash-back). Puis, lorsque, après le drame, elle nettoie la façade de sa maison qui a été taguée à la peinture rouge. Gros plan de ses mains dans son évier, qu’elle essaie de laver, mais dont la peinture rouge semble à tout jamais incrustée. Magnifique métaphore de la cinéaste qui nous décrit d’emblée (uniquement par la vue) ce que ressent le personnage principal: une femme qui a les mains sales, du sang sur les mains. Véritable clin d’œil au Macbeth de Shakespeare. Effectivement le rouge domine dans les premières scènes du film. Rouge qui symbolise simplement le fardeau et la responsabilité qui pèsent sur un être humain qui pense avoir fauté.

L’inexprimable peut donc être exprimer, non pas prononcer ni verbaliser, mais MONTRER. Après tout qu’est-ce qu’est un grand film? Quelle est la définition du septième art? Parler avec les yeux. Et ce film en est l’incarnation.

MONTAGE

Le montage est exceptionnel (c’est effectivement une des grandes forces du film). C’est le montage qui rythme l’oeuvre: crescendo explosif! Lenteur (volontaire)) puis accélération qui tiennent les spectateurs en haleine. Kevin a commis l’irréparable, nous le savons dès le début du film. Ce n’est néanmoins que dans les dernières minutes que nous découvrons CA. Peu à peu, cependant, tout au long du film, la gravité extrême de son acte est suggérée sans être montrée. Le suspense est à son apogée.

Montage par flash-back qui montre également les relations tumultueuses d’une mère avec son fils.

We Need to Talk About Kevin extrait

LES THÉMATIQUES

Si l’on se concentre sur le fond, il est certain qu’il s’agit d’un film qui mène à la réflexion, qui pose de nombreuses questions sans jamais y répondre concrètement. A nous spectateur de trancher.

Comment naît un monstre? Comment un homme peut-il devenir inhumain ? La réalisatrice ne nous donne pas de réponse (50 % d’acquis 50 % d’inné, peut être, certainement..). Est-ce que Kevin est mauvais dès qu’il naît, est ce que ce mal fait parti de son essence? Ou au contraire le devient-il à cause de son éducation, à cause de ce qu’il a ressenti même inconsciemment étant enfant?

Le mal: essence ou expérience ?

UN SILENCE SIGNIFICATIF

We need to talk n’est pas linéaire. Le film commence par la fin et se concentre sur la mère dans une situation de profond désespoir (l’actrice est merveilleuse.) Après le drame, elle ne parle quasiment plus. Il n’y a, en effet, pas de mots pour exprimer CA. Les mots ne peuvent faire le poids, ils sont tout simplement impuissants. Ce silence est significatif et volontaire de la part de la réalisatrice. Il constitue à lui seul la beauté du film. Il exprime surtout un autre thème essentiel : la non communication entre une mère et son fils. Silence entre les deux personnages qui crée un quiproquo et qui est à l’origine du drame. Le silence que crée la cinéaste n’est autre que le silence qui s’est instauré entre une mère et son fils, une non communication, une incompréhension se transformant en véritable tragédie.

We need to talk est un drame. Mais c’est implicitement un film qui parle d’amour, tout en subtilité et poésie. A quel point l’amour (aimé et être aimé) est vital. Chef d’oeuvre qui montre à quel point nous pouvons commettre l’inacceptable, devenir inhumain quand on se persuade que l’on ne reçoit pas un amour légitime, logique, biologique. Film qui montre que nous devons se sentir aimé par les personnes qui sont censés nous aimer.

FIN

Le silence est pesant. De ce fait, chaque mot exprimé compte, ont un impact, plus de valeur, touche les spectateurs. La mère de Kevin vient le voir en prison et brise enfin le silence, ce silence qui s’est instauré entre eux. En fin de compte, le film traite essentiellement de la non communication, ce silence qui sépare les deux personnages.

La seule question, seule chose qu’elle prononce au parloir « Pourquoi as-tu fait ça”? Et le film se clôt magistralement sur la réponse de Kevin: “je pensais savoir pourquoi, mais maintenant, je n’en suis plus sûr. » Fin très ambiguë. Chacun donnera son interprétation. Mais il semble tout de même que cette réplique à elle seule résume le film: Kevin s’est trompé (seule scène où il pleure). Faire vivre l’enfer à sa mère, commettre l’irréparable.. Pourquoi est-il devenu un monstre? Tout simplement parce qu’il pensait que sa mère ne l’aimait pas. Ironie tragique: après le drame, elle vient tout de même le voir en prison et est toujours là pour lui malgré les horreurs qu’il a commises.

D’un autre côté, le personnage de la mère est bouleversant. Tout au long du film, elle ne montre aucun signe d’affection envers Kevin (avant le drame). Ironie tragique: elle prouve l’amour démesuré qu’elle a pour son fils quand il est trop tard. Le film est d’autant plus bouleversant lorsque l’on comprend que la monstruosité et l’inhumanité ne sont que les conséquences d’un quiproquo, d’un silence, d’un malentendu. Analyse subjective mais ce drame peut être résumé en une seule phrase: une maman qui MONTRE trop tard qu’elle aime démesurément son fils.

 

QUESTIONS QUE L’ON PEUT SE POSER APRES LA LECTURE DE CE FILM:

Qui est fautif en fin de compte ? Kevin ou sa mère qui n’a pas assez montré l’amour qu’elle pouvait lui porter?

Faut-il se « forcer » à avoir un enfant car notre partenaire le souhaite?

Le mal est-il acquis ou inné? N’est-ce pas en fin de compte un sentiment de rejet ou d’abandon?

Naissons-nous mauvais ou le devenons nous ?

Il est clair en tout cas que We need to talk about Kevin traite de thèmes précis: sentiment de rejet, incompréhension, silence, non dits qui peuvent mener à la folie.

Le film ne répond à aucune de ces questions, du moins pas explicitement.. Peut-être tout simplement car certaines interrogations resteront toujours sans réponse. Objectivement, We need to talk est l’incarnation d’un point d’interrogation. Celui qui clôt la question suivante : Comment devient-on un monstre? Film qui mène à la réflexion. Véritable tragédie sur les malentendus, la pudeur et le silence entre deux personnes qui s’aiment mais qui MONTRENT et prouvent leur amour mutuel trop tard. Le film est bien un drame familial. FILM BOULEVERSANT, dont on ne ressort pas indemne, qui marque les esprits et nous amène à la réflexion suivante: quelle est la véritable nature de l’homme?

Il s’agit également et bien évidemment d’un hommage au septième art. Vrai cinéma tout simplement car la réalisatrice réussit à MONTRER, exprimer l’inexprimable, uniquement grâce à sa caméra, car parfois les mots n,’ont plus assez de poids.

We Need to Talk About Kevin - Bande annonce

Après Sundance, The Miseducation of Cameron Post s’offre le Champs-Élysées Film Festival

Lundi 18 Juillet 2018 au Publicis des Champs-Élysées, Sophie Dulac accueille sur scène les très…

Downrange : Interviews de Ryûhei Kitamura (réalisateur) et Joey O’Brian (scénariste) !

Présenté pour la première fois en septembre 2017 au TIFF ( Toronto International Film Festival), Downrange,…

scène du viol de la femme de l'écrivain

Film Culte: décryptage du chef d’œuvre « Orange mécanique »

Film de Stanley KUBRICK Malcolm MAC DOWELL   C’est en 1971 que Kubrick signe un…

Malcolm Mac Dowell as Alex
Film de Stanley KUBRICK Malcolm MAC DOWELL

 

C’est en 1971 que Kubrick signe un de ses films phares: A Clockwork Orange. Le synopsis est simple: au XXIème siècle, où règnent la violence et le sexe, Alex, jeune chef de bande, exerce avec sadisme une terreur aveugle. Après son emprisonnement, des psychiatres l’emploient comme cobaye dans des expériences destinées à juguler la criminalité… Pourquoi tant de bruits pour ce film? Très certainement car le réalisateur ose, dans les années 1970, montrer ce qui est immontrable. Kubrick mène effectivement une grande réflexion sur la violence (mais pas que!) Violence qui peut être insupportable à voir pour les spectateurs. Le génie de Kubrick est tout simplement de rendre ce sadisme acceptable, nous verrons comment et pourquoi. Comment créer un film choc, tout aussi perturbant qu’hilarant?

Décryptage d’un film culte qu’il faut avoir vu. On vous dit pourquoi. Attention Spoilers!

 

Les émotions que Kubrick et Orange Mécanique suscitent chez les spectateurs

 

orange mécanique Alex et sa bande
                        cheers!

 

Nous pouvons être choqués, outrés devant les scènes les plus violentes à la première lecture du film, et rire à n’en plus pouvoir lors de la deuxième lecture. Pourquoi? Tout simplement car Orange Mécanique est l’incandescence d’un genre trop peu apprécié: le burlesque. Comment créer ce mélange d’ultra violence et d’humour? La réponse est simple: faire du grand cinéma. Cet ascenseur émotionnel est rendu possible par le décalage que Kubrick instaure entre la vue et l’ouïe. Les scènes sont choquantes, perturbantes mais la forme qu’utilise le réalisateur pour les traduire est hilarante, légère. Ce qui crée un décalage entre la forme et le contenu.

 

Le début du film n’est qu’une succession de scènes où l’on voit Alex et ses droogies malmener différents personnages. Avant les crises d’ultra violence, la drogue « le moloko plus », sorte de lait dopé qui stimule les pulsions sadiques des quatre personnages. Une fois le breuvage ingurgité, Alex et ses compères s’en donnent à cœur joie (viols, cambriolage, meurtre…)

 

La scène du viol de la jeune dévotchka est, dans le fond, insupportable à voir, comme celle de la femme de l’écrivain (« I’m singing in the rain »), ou de l’agression de l’adoratrice des chats. Cependant, le décor, la musique de fond, la forme rendent les scènes délectables et extrêmement drôles.

 

Kubrick, le Monde, la violence, la musique

 

scène culte de'Orange Mécanique les droogies vs le clochard

 

Tout comme a pu le faire un Heineken avec son « Funny Game », Kubrick signe un film alarmiste et prémonitoire: la violence bientôt ne nous choquera plus lorsque celle-ci apparaitra sous une forme nouvelle.

Ce burlesque que crée Kubrick n’est autre que la vision que le narrateur a sur la société et le monde: la violence n’est qu’un jeu. Dans le film, la musique (joyeuse) est en perpétuelle décalage avec le contenu. C’est cette même musique extatique qui engendre les pulsions et excès de violence d’Alex. « C’était splendeur et splendosité fait de chair. C’était comme un oiseau tissé en fil de paradis. Comme un nectar argenté coulant dans une cabine spatiale, et la pesanteur devenue une simple plaisanterie… Tout en slouchant, je voyais des images exquises… » Personnage névrosé, à la limite de la double personnalité. Et le génie de Kubrick est de montrer cela à travers sa caméra. Pour ce faire le réalisateur utilise les gros plans: un côté sombre et malsain, un côté lumineux et bienveillant. De son côté, MCDowell retranscrit à merveille toute la folie du personnage: politesse, bienséance d’un côté; folie, violence, démence d’un autre . Cette dualité d’Alex est également retranscrite par les dialogues. Anthony Burgess, écrivain dont Kubrick s’inspire pour créer le film, invente un langage, celui des « droogies »(proche du russe) qu’Alex et ses compères emploient quand ils sont dans une crise d’ultra violence.

 

La force d’un récit subjectif

 

les droogies cultes de Kubrick dans Orange Mécanique
les droogies

 

Si « Orange Mécanique » marque de façon indélébile son spectateur c’est aussi et surtout grâce à son point de vue. En effet, nous n’appréhendons les scènes qu’à travers les yeux du narrateur, du personnage principal. Si la violence lors de l’ouverture du film peut être hilarante et excitante, c’est parce que le spectateur voit les événements à travers les yeux d’Alex. Ce procédé permet de montrer des scènes d’une extrême cruauté en les rendant tolérables, il permet également de créer un lien avec le personnage central dont la morale pourrait repousser le spectateur.

De ce fait la caméra nous force à ressentir ce qu’Alex ressent. Voilà pourquoi dans la deuxième partie du film, le cinéaste change de registre. Le burlesque disparaît. Il disparaît tout simplement car Alex a changé, ainsi que sa vision du Monde. La violence ne l’excite plus, elle le répugne.

 

La thématique du pouvoir et de ses conséquences

 

 

Pourquoi Alex finit-il en prison? Tout simplement car il s’est octroyé un pouvoir qui n’était pas légitime. Être le chef a des avantages, mais surtout des inconvénients. A trop malmener ses droogies, il en fait les frais. Ce sont ses propres frères qui se retournent contre lui. Ce thème du pouvoir est présent tout au long du film. L’obtenir est peut-être simple, tout le problème est de le garder. Et c’est sur ce questionnement que nous pouvons faire un parallèle entre pouvoir “individuel”: celui qu’Alex avait, et pouvoir “national”: de quels moyens user pour faire tenir un gouvernement faussement légitime et démocratique? (nous y reviendrons)

 

Satire sociale: prison et religion

 

Une des scènes les plus drôles du film est très certainement l’épisode très théâtral où Alex imite le maton de la prison, personnage hilarant qui n’apparaît que trop peu de fois dans le film, que Kubrick tourne en dérision, laissant les spectateurs sourire en repensant à Full Metal Jacket. Ces scènes sont bien évidemment une magnifique et délectable parodie du système carcéral.

Le film montre à quel point la prison n’a aucun véritable impact sur les détenus. Deux ans plus tard, Alex s’est soit disant converti au christianisme. Mais encore une fois, ce n’est qu’une façade, une manière de jouer son bon rôle: il aime la bible car il fantasme sur la scène de la passion du christ, sa torture. Son obsession, ses fantasmes sexuels sur la violence ne se sont pas envolés. Kubrick profite de ce pied de nez pour critiquer la religion et nous laisser entendre ceci: lire la bible ne fait pas de nous des saints. C’est une entreprise hypocrite de blanchissage simplement.

C’est à ce moment là qu’une scène pourrait à elle seule résumer le film. Lorsque le pasteur de la prison mène une réflexion: « Mettre la bonté dans le cœur de l’homme, est-ce possible? » lui-même est sceptique. Effectivement le bien vient du « dedans », il est le résultat d’un choix, et celui qui ne peut faire ce choix n’est plus un homme.

 

Et c’est là où nous atteignons la réelle problématique du film: un totalitarisme futuriste, une société qui baigne dans la violence (et qui l’a créée), une société qui ne laisse pas le choix, qui met les opposants politiques en prison mais qui lave le cerveau des criminels et les rend libres. Pourquoi Alex, grand psychopathe (fruit de la société qui l’a crée) a la « chance » de pouvoir tester ce fameux protocole ? Tout simplement car il ne nuit pas au gouvernement et qu’il n’y a plus de place dans les prisons. Comment donc le « soigner »? Faire de lui une orange mécanique. Anagramme? Organe mécanique. A clockwork orange: une pure machine, une pure machine orange, tel l’habit d’un prisonnier. Le conditionner à haïr la violence. Et là est tout le génie de Kubrick: avant l’essor de la science fiction, le réalisateur nous parle de robots. Car c’est exactement ce que devient Alex, un robot conditionné par la société. Le personnage change: de bourreau il devient victime, le burlesque disparaît. Alex développe une aversion pour la 9ème symphonie, symphonie qui alors stimulait sa violence sexuelle et meurtrière. Alex, comme le dit le pasteur, cesse d’être un criminel mais il cesse en même temps de faire un choix moral. L’existentialisme sartrien est presque palpable: nos choix définissent nos actes et ce que nous sommes. C’est cela qui nous rend homme. Privé de son libre arbitre, Alex n’est plus qu’un automate.

 

scène du viol de la femme de l'écrivain

 

Vaut-il mieux être un homme violent qu’un robot consentant…?

 

La dernière partie du film est exceptionnelle car le réalisateur boucle la boucle, telle une horloge “clockwork”. Toutes les victimes d’Alex se retournent contre lui: le clochard, ses anciens amis (l’un devenu policier donc au service du gouvernement), l’écrivain (opposant politique). Les scènes de violence, à la fin du film, ne sont plus comiques, ni burlesques car cette fois-ci c’est Alex qui les subit. La caméra de Kubrick reste donc inchangée: ce que nous montre le cinéaste est toujours la vision qu’Alex a sur le monde. Conditionné par le protocole de la prison, toute violence devient pour lui insupportable.

Jusqu’à son final: séquestré par l’écrivain, Alex tente de se suicider. La presse fait un scandale et critique les expérimentations du gouvernement. Ce dernier décide alors d’effacer la procédure, de faire redevenir le personnage central tel qu’il était. Sa renaissance est palpable: Kubrick réemploie les même effets du début: langage, lumière… Alex redevient ce qu’il était, un homme.

 

Un chef d’œuvre intégral

 

Le film est un chef d’œuvre tant par le fond que par la forme. Ce n’est pas un chef d’œuvre car c’est « un Kubrick ». C’est un chef d’œuvre car le réalisateur tente de nous montrer que tous les systèmes (religion, justice, politique) que l’on pouvait penser « légitimes » peuvent surpasser leurs droits, abuser de leur pouvoir, brider nos libertés, nous conditionner sans que nous en ayons la moindre idée. La théâtralité du film (la scène du viol de la dévotchka se fait sur une scène de théâtre) n’est que l’allégorie de l’hypocrisie que constitue toute institution acceptée et défendue par l’opinion publique. Alex Delarge n’est pas un héros (aucun des personnages de Kubrick ne l’est). Il est simplement l’incarnation d’une société (qui a été, qui est, qui sera?). L’ironie et l’humour résident dans la morale même du film (morale intemporelle et universelle): une société qui essaie de corriger ce qu’elle a elle-même a crée. La fin est sans équivoque. Le ministre propose un marché à Alex: il lui rend sa liberté si celui-ci accepte d’étouffer l’affaire. Et qui se retrouve en prison? L’écrivain-opposant politique. Ce que dénonce magistralement Kubrick en 1971 : un nouveau totalitarisme, psychologique, moderne, subtil, pervers et malheureusement accepté par tous.

 

 

Plus de reviews de films cultes? Tu peux lire notre chronique  de « Rocky » ici   et de « Blade Runner » là.

 

 

Grave: chronique d’un film choc garantie sans jeu de mots foireux

Ici, on aime le cinéma de genre, d’ailleurs on aime le cinéma tout court et…

Film culte #1 : Rocky (1976) . « Yo Adrian ! I did it ».

Il y a 40 ans sortait le film porté à bout de bras par un…