Author

Julia Escudero

Browsing
Magenta
@ Gabriel Boyer

Le pot de départ de Fauve, au Bataclan est un souvenir indélébile. Surement même l’un des plus beaux souvenirs de concerts tant il était chargé d’émotions et de communion. Il avait fallu dire au revoir au collectif qui savait parler aux maux et avancer. Avec cet espoir un peu fou de les revoir un jour. Et finalement le rêve est devenu réalité grâce à Magenta et un premier single franchement réussi « Assez ». De Fauve, les copains ont gardé l’anonymat, l’équipe, l’esprit, l’analyse de la société mais ont préféré l’électro à la noirceur musicale. Le 9 avril, la bande faisait son retour officiel dans les bacs avec un premier album intitulé « Monogramme ». Un album riche, emprunt d’une détresse de trentenaire, une fable sociale contée sur un ton coloré. C’est dans leur studio parisien que l’équipe a accepté de nous recevoir. Là, ils se sont auto-confinés en cluster. Décontractés, ils s’installent à trois sur le canapé situé au centre de ce lieu cosy qui contient une petite cuisine. Le jeu de l’interview depuis que Magenta a commencé ils ne s’y sont pas beaucoup prêtés « On en a pas fait beaucoup mais c’est peut-être pas plus mal comme ça on reste spontanés. » Le naturel est effectivement de mise puisqu’interviewer le groupe donne toujours cette impression de faire partie du groupe de copains. La frontière artistes, journalistes n’existe pas, la conversation devient vite simplement soutenu et passionnante. Surtout quand il s’agit de parler du nouvel opus : »C’est un patchwork, le résultat de 5 années de recherches. D’essais, de faux départs, d’expérimentations. Il y a des morceaux qui ont 5 ans, d’autres qui ont seulement quelques mois »

On avait envie de faire des boucles. C’est comme de l’hypnose

Faire et défaire a été le mot d’ordre pour créer un album qui leur ressemble. Comme dans leurs textes, les garçons se remettent facilement en question. « Ça peut donner un disque qui peut avoir un côté maladroit par certains aspects, abouti sur d’autres. Il y a eu un vrai processus de fermentation. »  « Monogramme » pourrait avoir utilisé la technique photographique qui consiste à superposer plusieurs images sur un même cliché, puisqu’à mesure de faire et défaire, reste à l’oreille des instantanés d’une histoire sur lesquels se superposent de nouveaux clichés. L’envie de parler du son est d’autant plus important que la troupe voulait au début de Magenta ne laisser place qu’aux instrus et mettre la voix de côté: « On avait envie de faire des boucles. C’est comme de l’hypnose, ça nous faisait de bien. ». De cette initiative reste l’esprit club, clairement repris dans l’intitulé donné par le collectif à son projet, des notes entre la house et la techno. « On a des morceaux down techno avec des BPM plus lents, parfois presque hip hop. »

MAGENTA - Boum Bap (Clip Officiel)

Pour autant les thématiques : l’ennui, la société, les douleurs morales, elles restent : « C’est la continuité de préoccupations intimes et affectives qu’on a toujours eu besoin d’évacuer. » Ce nouvel essai s’inscrit dans le temps qui passe, les préoccupations changent et parleront plus aux trentenaires actuels qu’au public adolescent qui s’était épris de Fauve. « C’est une forme de nostalgie d’une période révolue. Il y a aussi une préoccupation pour le Monde et une entité plus large que nous-même et notre périmètre. » De leur propre aveux, les paroles de cette album sont bien plus sombres que ce qu’ils ont pu faire avant. Voilà qui se ressent sur des titres comme « Boum Bap » et son triste constat du temps qui passe, « Faux » et sa nostalgie à fleur de peau ou encore « Fatigué » constat amère à la limite de la dépression et son sous-titre pourtant toujours optimiste.

Capture anachronique

Au milieu de ces titres, le plus politisé de tous, « 2019 » dénote avec le ton ambiant. « La lecture de titres de presse dans le morceau est un choix qui s’est imposé. » racontent-il « On a juste lu les suggestions de vidéos sur Internet. Ce qui est intéressant c’est de voir comment sont mis sur le même plan des choses très graves et des sujets triviaux. » Cette track se forme alors sur la superposition de titres d’articles vidéo d’un grand médias suggérés l’un à la suite de l’autre. Ils s’enchainent sans filtres rappelant l’omniprésence médiatique actuelle qui ne connait plus de filtres. « On a fait aucun travail de sélection de ces titres, c’est ça qui était cool parce que ça montrait l’absurdité du propos. » Retrouver les titres « hommage aux victimes du Bataclan » juste avant un sujet sur le fait qu’avoir des grosses fesses en 2019 soit tendance parait en effet complètement surréaliste, le tout servi sur un ton grave et porté par un riff épuré.  » Tu te retrouves sur un site d’infos d’un média en continue et tu te rends compte que la suggestion de vidéos est consternante. il y a un nivèlement de ton cerveau par le bas où la quantité prime plutôt que de voir quelque chose de constructif pour toi. » et d’ajouter : « ‘2019’, ça montre aussi ce que le monde était et qu’il n’est plus. Si on faisait le même travail en 2020, ce ne serait pas du tout les mêmes titres. »

Le club des inséparables 

Si les paroles de ce titre peuvent s’inscrire dans une certaine forme d’anachronisme, c’est également le cas d’autres morceaux de l’album. Le club notamment, mot fort dans l’univers de Magenta, le fait de se retrouver pour boire des verres. Ces moments font clairement partie de leurs compositions. « Si on enlevait tous les morceaux qui parlent de clubs, il n’y aurait plus rien sur le disque. » s’amusent-ils « On a une vraie tendance à picoler, à fumer des clopes, à aller dans des bars et s’assommer tous les soirs. Par habitude, par sociabilité, peut-être à cause d’un fond d’alcoolisme latent. On raconte nos vies. Si on schématise on alterne entre le bureau et la bouteille. Avant la Covid, je veux dire. On parle de ça parce que ça a été 5 années de nos vies, enfermés dans une chambre, Boulevard Magenta, tous les jours ensemble à faire du son et le soir à boire des pintes. » Une besoin de s’abrutir, de se vider la tête est l’écho d’un besoin de se couper des machines, des questionnements et puis du monde. « C’est le morceau ‘Tom Tom Club’ qui pourrait le mieux résumer l’album. » Finalement ces textes traitent aussi du besoin de s’entourer et d’être présents pour les autres. « On estime dans ce projet avoir une vie étrange. On est à la fois libre et en même on est tellement obsessionnels et investis dans notre projet qu’on ne coupe jamais. On dort, on pense, on mange, on chie Magenta. »

Le projet Magenta, il vient d’un long cheminement. Les allers et venus l’on changé et transformé. Avant ce retour le collectif avait le temps de deux titre pris le nom d’Autrans. Un nom aujourd’hui oublié et qui pourtant fait partie de cette histoire : »Cela fait partie du faire et défaire dont on parlait. Austrans c’était la version beta de Magenta. Quand on l’a sorti, très vite on s’est rendu compte que ça ne correspondait plus à là où on voulait aller. Cette sortie nous avait fait respirer pendant ces 5 années de travail, on a pu avoir des retours, refaire de l’image. » Ces morceaux pourraient bien revoir le jour via Magenta même si pour l’heure, ils sont devenus quasiment introuvables sur la toile. « On a déjà un début de track listing de l’album 2, le 3 en filaire aussi et ces tracks c’est possible qu’on les reprenne. » Accoucher de ces titres et cette nouvelle esthétique avait été un pari pour le groupe qui confie y avoir passé près de deux ans. « Tu travailles dans ton coin et tu sors tes titres que quand tu en es vraiment fier et que tu penses que tu ne peux pas mieux faire mais c’est dangereux parce qu’il y a toujours un mieux. » Un sentiment qu’ils partagent sur Autrans alors que cette équipe de perfectionnistes pensent avoir sorti ces tracks trop tôt « J’ai ré-écouté récemment, il y a un truc mais j’ai été moins agréablement surpris que je ne pensais l’être. Mais c’est ce croquis qui nous a permis de savoir ce qu’on voulait faire : quelque chose de plus électro mais aussi plus pop. »

Finalement ce qui nous lie depuis toujours c’est un monogramme

Après tous ces allers-retours, Magenta devrait rester en l’état et promet d’avoir de beaux jours devant lui.  Avec la sortie de « Monogramme », une première galette qui reprend un thème cher au groupe : « Le monogramme c’est un blason, un emblème. On l’utilise parce que c’est un joli mot et on est attachés à ça. Finalement ce qui nous lie depuis toujours c’est un monogramme qui a pris différents visuels. Ce qui nous unie ce n’est pas tant les concerts ou les ventes d’albums mais la notion de clan, de famille. C’est ce qui transcende notre histoire commune. » Une idée qui transcende tous les projets du collectif comme c’était déjà le cas avec « Vieux Frère » partie 1 et 2, les albums de Fauve. Cette même notion qui a agrandi la famille des musiciens et à fédérer avec une force encore intacte 5 ans plus tard les fans du projet initial. Et de conclure « Notre histoire commune elle est plus forte que Fauve, que Magenta et on espère qu’on en aura encore beaucoup d’autres. Il ya  un mouvement et tout ça continue … »


Le 26 mars Carole Pelé dévoile son premier EP tout naturellement intitulé « Premier EP ». Si le hip hop vit on le sait, son nouvel âge d’or, la chanteuse y voit une belle façon de mettre les textes au centre de son oeuvre. Plasticienne, ancienne journaliste reporter d’images, elle ne recule devant rien et manie aussi bien l’écriture lacérée que les riffs bien senties. Dans son oeuvre entière cette musicienne mélange les arts pour mieux créer un objet multiple et hybride. Elle  pourrait être la digne descendante de Fauve du moins pour sa capacité à transmettre des maux actuels en musique. On pense également à Mélodie Lauret qui comme elle ne mâche pas ses mots. Bien loin de multiplier les simples références, Carole Pelé est une artiste entière dont la plume transperce dès les premières écoutes de ses titres. Pour preuve, l’excellent single « Nuit Blanche » qui traite de l’addiction et touche charnellement son auditeur. La chanteuse nous a donné rendez-vous au coeur de Paris. Avec sympathie, douceur et sincérité, elle a accepté de se prêter au jeu du questions/ réponses. On parle d’art, de Fauve, de combats, d’images. Une interview à découvrir et une artiste qui vous fera passer à des nuits blanches à écouter en mode « repeat » ses titres.


Découvrez notre interview de Carole Pelé


Le 12 mars 2021, Thérèse fêtera son anniversaire. Le 12 mars un an plus tôt Emmanuel Macron lui volait la vedette, nous plongeant tous par la même occasion dans une année vécue au rythme des confinements et mesures restrictives. Cette année, la chanteuse compte bien souffler ses bougies en offrant au Monde un très joli cadeau : son premier EP en solo intitulé « Rêvalité ». Au programme, comme toujours des sonorités hybrides, qui défient les genres et les frontières où les langues et les instruments sont multiples. Une petite bombe joliment ficelée qui avait déjà été teasée par le titre coup de poing « T.O.X.I.C » et plus récemment par le morceau très engagé « Chinoise » qui dénonce la racisme anti asiatique, les clichés dont est victime cette communauté tout en offrant une musicalité forte. Un opus qui est à l’image de cette musicienne hors normes, militante, styliste, chanteuse, tourbillon de bienveillance et de riffs pop suaves qui frappent aux portes du hip hip et du rock. Thérèse nous a invité chez elle pour parler de la sortie de cette galette, bébé du confinement de mars 2020. On discute société, politique, engagement, instruments, féminisme, communauté et même dinosaures. Rencontre.

 


Un mot de Thérèse sur « Rêvalité »

« L’écriture de cet EP a commencé durant le premier confinement 2020, sans plan, ni but précis. Il témoigne de ma rencontre avec la couleur réelle du plafond de mon 34m2. De ce rendez-vous si particulier avec un agenda vide. De ce tête à tête tant espéré et redouté, avec moi-même. Une méditation agitée aux contours irréguliers. Parfois doux, parfois saillants. Tantôt flous, souvent clairvoyants. »


serge gainsbourg toute une vie documentaire france 3 2021De Gainsbourg que retenez-vous ? Ses frasques et ses provocations ? Ses compositions ? Son physique atypique et ses conquêtes magnifiques peut-être ? A moins qu’en ne lisant ce nom quelques notes révolutionnaires ne viennent se glisser dans votre oreille.

Serge Gainsbourg, génie de la chanson française, compositeur émérite derrière quelques uns des plus grands succès de France Gall, Françoise Hardy ou encore Juliette Gréco, a laissé une trace indélébile dans la chanson française. Le 2 mars, la France et le Monde pleureront les 30 ans du  décès de l’icône. Pour rendre hommage à l’Homme à le tête de chou France 3 lui consacrera le 26 février 2021 dès 21H05  une soirée spéciale à travers un documentaire émouvant. Un moment qui sera suivi par le spectacle musical « Les Serge ». Ce sont Stéphane Benhamou et Sylvain Bergère qui signent la réalisation de ce moment de télévision poignant et à fleur de peau narré par Romain Duris lui-même et qui voit pour la première fois Charlotte Gainsbourg se livrer sur son père. Pour raconter l’homme insaisissable, la belle Jane Birkin, sa plus célèbre épouse accepte de se confier ne laissant rien de côté, oubliant la pudeur pour mieux raconter l’homme sensuel qu’elle a tant aimé.

L’écume d’une vie

Celui qui fut pousser par Boris Vian à se tourner vers une carrière de musicien se dévoile de son enfance durant la seconde guerre mondiale et les souffrances d’un jeune juif lorsque l’antisémitisme faisait rage jusqu’au moment où le succès l’ayant changé, il vivait comme il aime à le dire le personnage qu’il avait su se créer pour sortir de son immense timidité. C’est à travers le prisme de ses amours et de sa luxure qu’il est aussi raconté. Brigitte Bardot, Jane Birkin, ses poly-amours et Bambou, toutes ont impacté la carrière de Lucien Ginsburg de son véritable nom. De la peinture au cinéma en passant par le film « Slogan » qui a vu naître sa relation avec Birkin, sans oublier ses écrits et ses révolutions inspirées par l’Angleterre, le punk et le raggae, rien n’est mis de côté. Impossible de ne pas en apprendre sur l’homme qu’on croit pourtant tant connaître et sur l’univers artistique de la ville qui l’a vu naître et mourir : Paris. Ses premiers pas sur scène dans le cabaret de spectacles mettant en scène des travestis : le Madame Arthur aujourd’hui couplé au Divan du Monde (un passage incontournable de la nuit parisienne qui manque clairement au souffle de la capitale européenne en ces temps troublés) sont mis en images comme ses célèbres frasques : le billet de 500 francs brûlé et « Lemon incest » sur lequel revient volontiers Charlotte Gainsbourg avec bienveillance. Ses premiers pas avec le « Poinçonneur des Lilas » l’un de ses plus beaux titres sont décrits alors que naît l’artiste au détriment de l’homme. Sa paternité y est contée avec douceur mais aussi son envie de surprendre et d’innover notamment en osant réinterpréter « La Marseillaise » façon reggae avec « Aux armes et cætera » alors que le France alors largement raciste était aussi choquée que la jeunesse ne l’adulait.

Pour le raconter se joignent à Jane et Charlotte, Andrew Birkin (le frère de Jane Birkin), Françoise Hardy et Thomas Dutronc. De quoi comme l’explique la note d’intention permettre de découvrir « Serge Gainsbourg comme on ne l’avait jamais vu jusqu’alors : débarrassé de ses masques, de son cynisme, de Gainsbarre, son mauvais génie, pour laisser découvrir un homme drôle, sensible, généreux et perpétuellement créatif. » Et ainsi de rejoindre Charlotte Gainsbourg qui se plait à parler de son père à travers la « pudeur d’un homme si original qui vivait avec une grande mélancolie ».  C’est de l’homme, loin des caricatures et du personnage qu’il est ici question.  Apprendre à le connaître derrière les portes fermées, avec douceur et bienveillance, avec respect et en toute intimité, voilà donc le pari fou que se sont lancés les deux réalisateurs de ce documentaire essentiel d’1 heure 45. Une soirée à ne pas manquer entre musique et émotions pour mieux connaître l’homme aux multiples visages.

Gainsbourg toute une vie : diffusé le 26 février 2021 à 21.05 suivi du spectacle musical « Les Serge » sur France 3.