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Julia Escudero

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programmation crossroads 2020

Du 8 au 11 septembre 2020, le Crossroads Festival s’offrira une version en ligne à suivre sur son site, ses réseaux sociaux mais également la page Facebook de Popnshot !

Au programme des lives, beaucoup de découvertes, de qualité et de jeunes artistes très très prometteurs. Comme chaque année, le festival a placé la barre très haut et promet son lot de chouchous issus de tous les registres actuels. Pour en profiter pleinement les concerts seront diffusés en ligne tous les soirs à partir de 21 heures.

Difficile de faire le tri parmi cette jolie programmation ? Envie de faire le plein de nouveautés ? De découvertes ? D’écouter une scène indépendante qualitative et ambitieuse ? Pas de soucis, on t’a concocté un jolie playlist sélectionnée par notre rédac’. Hip hop, rock, pop, r’n’b, soul s’y rencontrent. Viens vite l’écouter, promis tu vas adorer !


Ecouter la playlist

La Playlist coup de coeur du Crossroads 2020 starring

Bobine de cuivre – funky cops

Dear deer – disco discord

Johnnie Carwash – forever yours

Lombre – La lumière du noir

MASSTO – WADY

Annabel Lee – Let the kid go

Orange dream – gold drops

Paprika kinski – all you need

Ravage – fake generation

Saudade – rain of stars

Sun – I killed my man

Supamoon – second nature

This will destroy your ears – disabled memory ok

White velvet – maybe if I die

Yudimah – cookie


Thérèse Toxic
crédit : Marilyn Mugot

Elle nous a séduit alors qu’elle remportait le tremplin du Zebrock avec La Vague, la tornade Thérèse est de retour et cette fois-ci en solo. Il faut dire que le confinement a permis à la chanteuse, musicienne, styliste, icône de la bienveillance de se retrouver seule à seule avec elle-même.  De ce face à face sort un projet personnel, abouti et d’une modernité sans fausse note. Avec son aisance vocale, la lumineuse chanteuse entraîne son auditeur dans un tourbillon joliment écrit et parfaitement produit. Ce premier jet laisse présager le meilleur pour la suite. Un premier EP est déjà en préparation et une date de concert parisienne en octobre est également programmée. Thérèse a accepté de répondre à nos nombreuses questions concernant ce nouveau départ. Fascinante, engagée, la musicienne nous raconte son parcours, nous parle de relations toxiques à soi et aux autres, de l’avenir de La Vague mais aussi de la place de la culture dans notre société.

Retenez bien ce nom Thérèse ( T.H.E.R.E.S.E) vous assistez aux premiers pas d’une future grande étoile de la scène française.

Tu te lances en solo. Quel a été ton cheminement pour en arriver là ?

Voilà un peu plus de 3 ans qu’on avait monté La Vague avec John. C’était mon tout premier projet musical après une première vie qui ne me prédestinait pas du tout à la musique (bac S, prépa HEC, école de commerce, marketing dans une maison de luxe, burnout haha…). On a sorti 2 EP (« Serotonin » 2017, « Lemme Be » 2019), fait de super dates, aggloméré pas mal de monde autour du projet, c’était une super expérience ! Au fil du temps, j’ai grandi, en tant que personne. J’ai expérimenté différents métiers avant que celui de styliste me tombe dessus par hasard (ou pas), puis j’ai traversé des questionnements identitaires qui m’ont fait faire des rencontres, puis exposer publiquement ma démarche. A travers tous ces podcasts, tables-rondes etc. mes idées, mes convictions devenaient plus fortes, plus claires. Et j’ai eu envie de les assumer pleinement. De là est venue l’idée de monter un projet musical qui portait ces messages sans compromis. J’ai commencé à y songer en janvier dernier, sans trop me fixer de deadline. Puis le confinement est arrivé, me laissant le temps de me mettre à Ableton… La suite a été extrêmement rapide : Adam Carpels (producteur / beatmaker lillois) s’est proposé de se greffer au projet, ainsi que mes anciens partenaires (label, éditeur, DA, ingé son etc.), pour m’aider à porter cette vision. Quand les planètes s’alignent, il faut laisser les choses se faire !

En solo, il n’y a pas l’étape douloureuse de la confrontation dès la genèse.

 Comment composes-tu seule ?  As-tu l’impression de juger ton travail plus sévèrement en solo ?

Je démarre mes chansons seule, oui. Avec un texte, une mélodie et une prod plus ou moins aboutie selon les morceaux. Ensuite je passe le relais à Adam qui selon sa vision de la pertinence de la maquette, geeke sur les sons pour un rendu plus complet et propose aussi sa touche (harmonique, de structure, d’arrangements) que j’accepte ou non selon qu’elle entre dans la DA globale que j’ai envie de mettre dans le projet. Jusqu’à présent, j’ai vraiment le sentiment que son travail prolonge et complète le mien. A sa partie s’ajoute celle de mix et de complément de prod d’Alexandre Zuliani qui vient renforcer encore le propos.

Étrangement, je n’ai pas l’impression de juger mon travail plus sévèrement en « solo »… C’est presque plus léger comme processus. En fait, j’ai une idée, puis je la matérialise. Il n’y a pas l’étape douloureuse de la confrontation dès la genèse. Je peux aller au bout de ce que j’imagine. En revanche, il est important pour moi de travailler avec d’autres personnes pour enrichir le propos, ou parfois le simplifier quand je suis trop bavarde. Travailler en équipe permet de prendre du recul plus vite et d’être plus efficace au final. Puis c’est motivant de bosser en famille, c’est un peu comme ça que j’ai toujours fantasmé le métier ! Aussi, je pense que j’aurais du mal à « finir » les morceaux toute seule, pour des raisons techniques évidentes, mais également parce qu’au moment d’appuyer sur le bouton, psychologiquement c’est plus facile d’avoir plusieurs mains que d’être seule.

 Le titre s’appelle T.O.X.I.C., dans sa description tu parles de relations toxiques, même avec soi-même.  Souffres-tu de ce rapport à toi ? Tes rapports avec toi-même s’améliorent-ils en travaillant sur ce projet solo ?

Oui, évidemment 🙂 Mais de moins en moins, heureusement ! J’ai eu une éducation et une histoire qui m’ont rendue très dure avec moi-même. L’illusion de l’existence de la perfection imposée par mon père et par la société m’a rendue un peu tarée je pense. Et j’observe qu’on est très nombreux.ses dans ce cas ! Ce projet solo me pousse à assumer pleinement mes choix, mes convictions, mes décisions, mes erreurs. Quand tu portes l’image d’un projet seule (même si encore une fois je ne suis pas vraiment seule dans les faits, sur les plans créatif, opérationnel et financier), tu ne peux accuser personne d’autre que toi sur la tournure que prennent les choses. C’est une façon de me responsabiliser dans l’échec et dans la réussite vis-à-vis de moi-même et du public. Ça me fait plus peur, mais ça me rend plus forte je crois.

 De quelles autres relations toxiques as-tu souffert et comment se défait-on selon toi de ce type d’engrenage ?

Il y en a eu quelques unes : parents, amis, partenaires, collègues… Mais avec le recul, je me suis rendue compte que je n’avais pas réellement croisé dans ma vie de psychopathe qui me voulait délibérément du mal. En vrai, nos relations sont les miroirs de notre relation à nous-mêmes. La toxicité apparaît quand on est dans l’incapacité de fixer ses limites. Faire des compromis est essentiel pour bâtir une relation humaine, mais quand elle se fait à sens unique, de façon perverse ou simplement de façon non consciente, alors ce n’est pas un compromis.

Je crois que pour se défaire de ce type d’engrenage, il faut apprendre à se connaître, dans son entièreté. Et à partir de là, déterminer ce qui nous correspond ou non (situation, environnement, type de relation etc.) et délimiter son périmètre de liberté qui va nous permettre d’évoluer sainement avec soi et avec l’autre.

Ce que je défends, c’est l’acception de soi dans sa globalité : au niveau corporel, émotionnel et intellectuel.

 Tu prônes le body positive, l’acceptation de soi. Tout cela résulte d’ un grand travail sur toi-même. Peux-tu  nous parler de ton parcours personnel pour en arriver là et donner des conseils à celles. Ceux qui souffrent de leurs complexes ?

La notion de « body positive » seule m’a toujours posé problème. Car elle ramène à l’acceptation de soi uniquement au niveau physique. Or, ce que je défends, c’est l’acception de soi dans sa globalité : au niveau corporel, émotionnel et intellectuel. En effet, j’ai compris ces dernières années que pour combattre mes complexes physiques – si c’est de ça dont on parle – j’ai dû en parallèle bosser sur mon cœur et ma tête aussi. Car ces 3 piliers sont, à mon sens, interdépendants et forment un tout.

Je pourrais en parler des heures tant la recherche de cet équilibre est un sujet qui me passionne. C’est mieux développé sur ma chaîne YouTube, mais en gros, mon conseil c’est : creusez à l’intérieur de vous-mêmes pour vous connaître honnêtement, le bon comme le mauvais, et acceptez-vous, chérissez tout. Faites le bilan de ce que vous aimez chez vous, de ce que vous avez envie d’améliorer pour vous sentir mieux. Et bossez dessus. Testez des choses qui vont vous aider à vous développer (psy, sophro, sport, ostéo, astro…). Questionnez vos croyances, définissez vos propres concepts (« qu’est-ce l’amour, le travail, le bonheur etc. pour moi et comment j’atteins mon idéal ? »), trompez-vous, recommencez… Se libérer, c’est accepter cette fluidité.

Thérèse solo
crédits : Marilyn Mugot

 Ton titre est d’une grande modernité. On connaissait avec La Vague ta capacité à osciller entre les registres, à casser les barrières. Quelles ont été tes inspirations pour ce nouveau projet ?

Merci ! Que ce soit dans La Vague ou dans ce nouveau projet Thérèse, il s’agit toujours de mélanges. De fluidité, justement. On retrouve de façon assez logique dans ce projet des consonances avec La Vague, mais disons que le côté rock qu’apportait John a disparu au profit de mes influences plus hiphop et bass music UK qu’Adam arrive très bien à traduire. Le tout restant dans un format pop-électro, car, à l’image de ma position « politique », j’ai cette volonté de faire de la musique qui rassemble. Les influences asiatiques sont toujours là, plus feutrées. M.I.A reste une référence évidemment. Dope Saint Jude, Tommy Genesis, Billie Eilish, Die Antwoord, Skip and Die, Lexie Liu, Nicolas Jaar sont aussi des figures dont vous trouverez des échos dans les tracks à venir !

La Vague prendra fin lorsqu’on pourra organiser un concert pour vous dire au revoir !

Avec ce passage en solo, qu’en est-il de La Vague ?

La Vague est actuellement en vacances hahaha. Le projet prendra fin lorsqu’on pourra organiser un concert pour vous dire au revoir ! On va pas vous laisser comme ça après 3 ans d’aventure tous ensemble !

Un Ep se prépare, que peux-tu nous en dire ?

Qu’il sera magnifique. J’espère fort qu’il trouvera son public 🙂

 Le 10 octobre,  tu retrouves la scène au Hasard Ludique. Comment se prépare un concert dans les circonstances actuelles ? Quelles sont tes attentes et tes craintes ?

J’ai trouvé ça très beau que le programmateur du festival booke le projet avant même qu’un titre ne soit sorti (euh il a entendu toutes les maquettes quand même, je précise hein). Je me dis qu’il y a encore des gens qui font des paris. Ca donne vraiment envie de se défoncer pour honorer cette confiance. D’ailleurs on entre en résidence fin août à Lille (Maison Folie Wazemmes) pour monter le spectacle avec Adam et Théau (ingé son). J’ai super hâte. Je n’ai pas joué depuis tellement longtemps que j’ai n’ai aucune autre attente que me retrouver sur scène haha. J’essaie de me dire que j’ai de la chance de faire ce métier. Qu’une équipe entière y croit au moins autant que moi et me pousse à développer tout ce bordel à un moment où l’industrie n’en mène franchement pas large ! Mes craintes actuelles, c’est qu’on se retape un second confinement et que le concert soit annulé. Pour le reste, j’essaie de faire confiance à la vie. J’ai plein d’amour à donner et plein de place dans mon coeur pour en recevoir ! Ceci étant posé, je vous laisse maître.sse.s de votre décision ! En plus on me dit dans l’oreillette que l’entrée est gratos.

Ce fameux contexte actuel n’a pas été tendre avec la culture.  Elle a été malmenée, délaissée, en souffrance. En tant qu’artiste, selon toi, à quoi sert-elle, la culture ?

On a souvent dit que la culture, c’est ce qui nous différenciait des animaux (remember tes cours de philo de Terminale). Dans la société dans laquelle on vit, j’ai l’impression que la culture est ce qui nous empêche de devenir des robots. C’est ce qui nous permet de ressentir plus, de penser et voir les choses autrement, de questionner la vie, de rassembler physiquement des gens qui ne se seraient jamais croisés ailleurs, ou simplement d’échapper au quotidien souvent aliénant. Je trouve qu’on est à une période cruciale de l’évolution où il est important de se poser la question du type « d’humanité » qu’on souhaite pour le futur.


Découvrez le titre « T.O.X.I.C » de Thérèse

Si Thérèse s’est souvent revendiquée inspirée par M.I.A, elle n’a aujourd’hui plus rien à lui envier. Lui emprunter ses aisances vocales comme sa capacité à réinventer les genres et registres. Ce premier single « T.O.X.I.C » a l’audace des grosses productions américaines, elle en a le professionnalisme, le sens du  rythme mais aussi la capacité tubesque. Pourtant loin de ne reprendre que les codes pop qui font mouche outre-atlantique, et qui avaient leur place sur MTV quand MTV voulait encore dire quelque chose et n’était pas qu’un autocollant sur un tee-shirt tendance, la musicienne innove. Elle tord les codes, s’offre des accents HIP HOP, passe du phrasé au chanté, garde la fougue de ses débuts rock, joue des intonations de sa voix, met en valeur un texte au message aussi fort que joliment lyrique. Le refrain s’invite naturellement dans la partie pour mieux rester en tête. Ce « T.O.X.I.C » vous accompagnera volontiers en quotidien pour aller danser, peupler vos soirées, mais aussi en boucle dans vos oreilles et ce dès le réveil.  Bien plus addictif que toxique, il vous laissera chaos.

Si ce n’est pas déjà le cas, vous pouvez suivre Thérèse sur ses réseaux sociaux. Au programme, débats, féminisme, politique, cuisine, stylisme, musique et surtout beaucoup d’intelligence et d’écoute.

Therese single toxic


 

 

chris garneau
Credit: Chris Garneau & Adam Liam Rose

A la fin de l’éprouvante année 2020, le talentueux Chris Garneau, chanteur à la voix langoureuse sortira son second opus. Si l’attente parait interminable, d’autant que 2020 on a bien compris que c’était vraiment pas la peine de s’attarder dessus, le musicien offre un très joli extrait de cette pépite intitulé « Now On ». Ballade sombre maîtrisée mettant en avant sa voix sensuelle, grave, le titre emprunte à la folk et se sublime grâce à des intonation proches du gospel. Un écho glacial, qui prend aux tripes, une pudeur certaine, une harmonie joliment écrite, piano et voix s’y répondent à la perfection. Le morceau traite d’une relation détruite et s’en fait le magnifique miroir. Il est fascinant de se rappeler à son écoute que la musique peut être une si subtile représentation de sentiments profonds. Elle sait, à pas de velours, les faire parler, résonner dans le  cœur de chacun de ses auditeurs, lui murmurer à l’oreille des mots cathartiques, et apaiser les maux. En tout cela, le compositeur excelle avec une élégance indéniable et ajoute une touche de lumière porteuse d’espoir à son nouveau morceau.  C’est d’ailleurs ainsi qu’il envoie une missive à l’ancien amant qui laisse un vide glacial.

En surface, cette chanson parle de ce qui se passe quand on quitte une relation, et de l’introspection qui en découle. Trouver des réponses, la vérité en soi, est une véritable guérison et peut vous rendre libre à nouveau, vous permettre de ne plus avoir peur. Et plus tard reviendra La joie … par rafales, par vagues, peut être – explique Chris Garneau

Originaire de Boston, le musicien oscille entre la pop, la folk et le baroque. Il a enregistré ce nouveau titre dans un studio situé dans une église luthérienne allemande du XIXe siècle situé à Hudson, New York.

Désireux de s’engager le chanteur promet que toutes les recettes du titre écouté sur Bandcamp seront reversées à l’association Black Trans Advocacy Coalition qui lutte contre la discrimination de la communauté transgenre aux Etats-Unis. La question de la santé et de la lutte contre le Covid-19 en aidant les personnes dans le besoin issues de cette communauté a obtenir des kits de protection contre la maladie fait partie des priorités de cette association. Pour tout apprendre sur elle rendez-vous ici.

Pour écouter le  superbe titre Now On et participer à cette action caritative, il suffit de cliquer ici. En plus de te faire plaisir tu auras fait une bonne action. 

 

« Now On » – Chris Garneau

Pense à cliquer sur le lien ci-dessus !


Ralph of London
crédits : Heiko Prigge

Le 13 mars 2020, tout juste avant le confinement, Ralph Of London dévoilait sa seconde galette brit-pop « The Potato Kingdom ». Porté par son talentueux chanteur originaire de  Londres, Ralph donc, le groupe indé y révèle une esthétique aussi populaire que sophistiquée et des paroles incisives oscillant entre romantisme et satyre social. Aidé par une troupe native du Nord de la France ( Diane, François, Léopold et Maxime), le musicien crée une bande son lumineuse d’une main de maître. Le 19 juin, les acolytes dévoieront le clip de leur dernier single :  « Dotty » et y parleront des folies que l’on peut faire par amour. A cette occasion, le groupe a accepté de répondre aux questions de PopnShot. Un échange passionnant  au cours duquel ils abordent tour à tour la brit pop,  les communautés musicales, la pop française, les concerts post-confinement, l’amour, le punk et  Van Gogh

Dans votre biographie, votre musique est décrite comme « do it yourself ». On sait que la charge de travail pour les artistes indépendants est colossale, comment gérez-vous tout ça et jusqu’où est-il possible de tout faire soi-même ?

Ralph : On utilise le mot « DIY » pour décrire l’esthétique de notre musique. Cela signifie que l’on reste fidèles à l’impulsion ou l’idée initiale, aussi bien dans l’enregistrement que dans le mix. Gérer nous-mêmes le côté plus “administratif” du projet sert à protéger et renforcer notre éthique. Pour le moment, c’est le seul modèle que nous avons essayé donc son efficacité se révèle en principe dans notre travail.

Vous êtes inspirés par la pop britannique, qu’est-ce qui vous parle dans ce courant ?

Ralph : Il y a toujours eu une forte veine d’irrévérence dans la musique britannique qui provient du bas de la société. Cette énergie était à un moment donné le domaine privilégié de la culture des jeunes britanniques, et l’est toujours en grande partie, mais maintenant il y a d’autres proliférations de la même énergie qui viennent d’autres générations, c’est peut-être plus intéressant maintenant que ça ne l’a été auparavant.

François : L’Angleterre a musicalement été imprégnée par son melting pot, créant des styles variés et marqués d’influences. Nous pensons davantage à la philosophie d’inspiration et d’initiation de l’Angleterre qu’à une résurgence du mouvement pop.

 

Mais la France pourrait porter plus haut cette notion de communauté musicale.

 

 Londres, que vous évoquez jusque dans votre nom de groupe, a une véritable aura musicale ; on imagine en y pensant un rock indépendant local. Alors que votre chanteur vient de Londres, pensez-vous que la France ou Paris a une telle aura musicale ?

Diane : Je ne dirais pas que Paris en particulier a une aura musicale, mais que la France, internationalement, a apporté sa pierre à l’histoire musicale. La pop française est à différencier de la pop anglaise mais n’est pas incompatible. L’aura française est à mon goût moins punk et plus sophistiquée peut-être. Paris est tout de même, pour les français, le seul moyen de vraiment percer. Comme partout, la capitale centralise les meilleures opportunités, les meilleures salles de concert et peut-être un public plus ouvert à la diversité. Mais le reste de la France offre également sa part de diversité et de belles découvertes.

Ralph : La France a cette aura dans certaines villes dans lesquelles nous avons joué. La seule différence est où ces personnes regardent. À Londres, il y avait avant un sentiment de communauté musicale très fort, communauté au sein de laquelle on trouvait représentation et validation ; je doute fort que cela existe encore. Mais la France pourrait porter plus haut cette notion de communauté musicale. C’est quelque chose que l’on garde en tête lorsque l’on communique sur notre travail, cette notion d’appartenance, de voix commune.

La crise du Coronavirus a particulièrement touché l’industrie de la musique qui en souffre encore énormément. Comment vivez-vous tout ça ?

Diane : Le confinement en France est tombé quelques jours après le lancement de notre album “The Potato Kingdom”, ce qui nous a énormément affecté. Cependant, les concerts annulés et le contexte général étant au questionnement et à la remise en question, nous avons fait de même. On a décidé de se placer en tant qu’observateurs, de composer de nouveaux morceaux et de reprendre la communication sur l’album au bon moment. C’était comme une période de résidence improvisée.

François : Oui, la période de confinement a été plutôt salutaire pour nous dans la mesure où nous venions de lancer l’album, nous étions épuisé et avions besoin de repos. Cela a également marqué une césure avec nos travaux passés, amenant une nouvelle ère pour notre musique.

 

Il n’y a rien de pire qu’un public stérile, immobile trop intellectuel pour répondre physiquement au son.

 

Le rock est vecteur de partage, de pogos et d’énergie, vous pensez que concerts pourraient réellement rimer avec gestes barrières ?

Ralph : Les concerts devraient être rythmés d’une dose d’instabilité et de frénésie. Il n’y a rien de pire qu’un public stérile, immobile trop intellectuel pour répondre physiquement au son.

François : Notre musique est plutôt de la Shit-Pop que du Rock, nos concerts ne sont pas faits pour les pogos (en tout cas pas encore).

Vous citez le génial Elliott Smith parmi vos références, qu’est-ce qui vous parle chez cet artiste ? Sa musique est une véritable catharsis, c’est quelque chose qui existe également pour vous lorsque vous composez ?

Ralph : Elliott Smith a un style de composition qui correspond à sa façon de conjurer et de transporter l’émotion. Il est l’un des oracles du songwriting. Si vous soupçonnez que votre travail manque de quelque chose, vous consultez l’oracle.

Diane : Oui, je pense que dans notre cas, comme dans le cas de beaucoup d’artistes, la composition et l’écriture sont le moyen d’exorciser des émotions internes et personnelles ou alors universelles pour lesquelles nous sommes hôtes pour un certain temps.

François : L’humour en interne au sein du groupe est aussi une catharsis ; un humour à l’image des facettes les plus noires de l’humanité parfois.

Votre dernier single « Dotty » parle de ceux qui sont capables de faire des folies par amour. Quelle est la chose la plus folle que vous ayez faite par amour ?

Ralph : Me déraciner de ma vie londonienne et emménager en France pour continuer la musique.

Diane : J’ai conduit à droite un énorme SUV dans les Cornouailles sur des petites routes rocailleuses dans la nuit et en hauteur et je me suis retrouvée au bord d’un précipice, une roue dans le vide.

La chose la plus folle que tu peux faire pour l’amour de la musique, c’est te débarrasser de toutes les illusions de sécurité et de confort, de gain matériel et te plonger simplement dans ton travail la tête la première.

Quelle est la chose la plus folle que l’on pourrait faire selon vous par amour de la musique ? Est-il encore possible de choquer et dépasser les limites en musique comme le punk avait pu le faire en son temps ?

Ralph : Je dirais que la musique est un véhicule pour porter l’énergie de l’amour, de la politique ou de la philosophie. Dans le cas de la musique Punk, la musique coïncide avec quelque chose qui bouillonnait déjà à la surface de la société. Le punk était un bon catalyseur pour beaucoup de changements sociaux. Je pense que c’est toujours possible mais le faire ne te permettra pas nécessairement de faire la une des magazines et de la TV. L’industrie musicale est trop intelligente maintenant pour ce type de synthèse cinétique entre idées et sons pour être à la tête d’un mouvement. De nos jours, tout tourne autour des gens qui doivent payer leurs factures. La chose la plus folle que tu peux faire pour l’amour de la musique, c’est te débarrasser de toutes les illusions de sécurité et de confort, de gain matériel et te plonger simplement dans ton travail la tête la première.

François : Travailler dur pour la musique est le meilleur exemple. Le mythe de Sisyphe d’un groupe indépendant. Si nous composions un album par semaine avec pochette et clips, cela serait une belle preuve d’amour mais nous mourrions littéralement de fatigue. Quoi de plus romantique ? La frenzy scénique est ce qu’il reste de plus évocateur, la fureur de jouer, la vraie. Les ersatz du jeu de scène actuellement me font rire ; ce sont des pièces de théâtre calibrées, pré-écrites, rien de plus.

 

Nous rappelons que la pop est populaire.

Votre univers est empreint d’un certain grain de folie, d’ailleurs c’est bien ce qu’évoque un titre comme « The Potato Kingdom », d’où vient-il et que signifie-t-il ?

Ralph : Vraiment ? Nous pensions que toute la folie venait du monde par-delà les murs du Royaume. La plupart des gens ne savent pas avec certitude s’ils sont intramuros ou extramuros.

Diane : Tout est dit dans l’album : “Tout est rien, la vie est une patate”.

François : Nous avions un jour parlé avec Ralph du tableau de Van Gogh “ les Mangeurs de pommes de terre », qui demeure une peinture populiste, portée par un médium réservé à une certaine élite pour représenter le peuple. Je pense que cela représente bien la philosophie du Potato Kingdom avec ses travers et ses joies. Nous rappelons que la pop est populaire.

On traverse une période particulière, alors quel morceau serait selon vous, la bande originale parfaite pour raconter l’année 2020 ? 

Ralph : « Riverman » de Nick Drake. Il y a quelque chose qui hante et qui est incertain dans ce morceau. Comme si la nature conspirait, le morceau nous laisse comme à la merci d’une force inconnue. J’aime la capacité qu’a la musique à désarmer la conscience de l’égo.

Diane : La nature tente de reprendre ses droits avec violence ; les oubliés, les trop longtemps rabaissés se soulèvent. C’est une période excitante dans un sens, qui laisse entrevoir que peut-être le monde pourrait s’embellir. Mais pour ça il faut que chacun prenne ses responsabilités, change sa façon de consommer et de penser le monde, et surtout il faut que personne n’ait la mémoire courte…  Kel Tinawen – Tinariwen “The uprising will be impossible to suppress”

 François : Le choix est difficile. Je dirais « Down of the Iconoclast » de Dead Can Dance qui est un groupe que j’admire ; la chanson sonne comme un Lacrimosa, une Thrène, en la mémoire des victimes. Le recueillement est nécessaire pour apaiser les âmes des défunts.