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Julia Escudero

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playlist automne 2023Buck Meek : « Haunted Mountain » – balade dans les montagnes miraculeuses

Le brillant guitariste de Big Thief, Buck Meek a aussi une carrière solo. Son nouvel album est bien plus country que la folk rock à laquelle il nous a habitué, quoique le dernier né du groupe d’Adrianne Lenker, « Born for loving you » a lui aussi sa vibe emprunte d’une Amérique solaire. Ce « Haunted Mountain » est en réalité une promenade à travers les chemins lumineux de l’amour. Un concentré de joie, loin des brouillards rocailleux auxquels l’oreille est habituée. Jeune marié, profitant d’une nature sauvage qui l’inspire et lui rappelle sa place dans le monde, Buck Meek nous prend par la main avec bienveillance pour promettre des temps apaisés. L’amour certes, mais sous toutes ses formes de la plus platonique, à celle de la maternité jusqu’à l’évidence amoureuse, tout passe en revu. La cadence promet un périple au cours duquel il fait bon vivre. Pour illustrer son propos, le chanteur choisit de faire une référence musicale à son pays, l’Amérique et reconstitue au mieux cette culture toujours aussi neuve empreinte de son Texas natal. C’est pourtant dans les montagnes portugaises que la majeure partie de la galette se voit écrite. Facile d’accès, il n’en oublie pas d’emprunter aux plus grands, Neil Young en tête de liste, pour se livrer. Si les paroles sont légères les mélodies le sont tout autant et respirent l’apaisement d’un feu de camp (« celui de « Dragon new warm mountain I believe in you » peut-être ?). Refrains entêtants la disputent à couplets rodés, le tout porté par le voix unique de Buck Meek qui sonne comme celle d’un ami qui vous veut du bien. Idéal pour commencer cette rentrée sur les meilleurs sentiers.

The National : « Laugh Track » – sourire sous son plaid

C’est la surprise ! The National avait déjà sorti un album cette année et les voilà déjà de retour ce 18 septembre avec un nouvel opus « Laugh Track ». Le successeur de « First two pages of Frankenstein » s’inscrit dans une ambiance bien plus post punk et se révèle dans une forme de noirceur à fleur de peau. Il faut tout de même reconnaitre à The National sa capacité à créer des morceaux évidents à l’oreille comme faisant partie d’un paysage dans lequel on aime cocooner. C’est notamment vrai en ce qui concerne le plus grand titre de cet opus, »Weird Goodbyes » qui s’offre une atmosphère aussi apaisante qu’enivrante. Il faut dire qu’on y retrouve en featuring l’immense Bon Iver. L’alliance des deux ne pouvait que créer un titre intemporel dont la mélodie frapperait juste et fort. Ce n’est pas le seul invité à prendre sa part de galette sur ce nouveau bijou. Au cours de titres hantés et puissants, on retrouve la voix famillière de Phoebe Bridgers sur le titre éponyme, « Laugh Track » donc. L’occasion de se payer quelques jolies notes avec l’une des artistes les plus en vogue du moment. Mais c’est aussi à travers des titres comme « Dreaming » que The National rappelle la puissance lyrique dont ils sont capables. La voix grave comme un étendard, il entend bien entraîner son auditeur dans une valse captivante dans laquelle il est aisé de se laisser entraîner. Album doudou des premiers soirs d’automne, il vous fera apprécier pleinement les feuilles qui tombent, les plaids et le thé bien chaud, qui l’accompagnent parfaitement.

Slowdive : »Everything is alive », sensibilité mathématique

On ne présente plus Slowdive. Valeur incontestable de la shoegaze et de la dream pop, grand parmi les grands depuis 1989, le groupe adoré fait son retour dans les bacs en 2023. La formation sait prendre son temps. Il aura fallu que 6 années s’écoulent entre leur dernier né « Slowdive » et ce nouveau bijou « Everything is alive ». Ce qui est toujours moins que les douze années qui séparaient les deux opus précédents. Toujours est-il que cette nouvelle galette a fait couler beaucoup d’encre, promis des concerts à guichets fermés en quelques heures seulement et a créé une ébullition de joie au sein des amateurs de scène indé. Avec logique puisque la sauce prend dès les premières secondes de cet album à la pureté rare, aussi aérien et léger qu’infiniment construit. Le groupe maîtrise, il faut le dire parfaitement son jeu. Slowdive, on le sait mais on prend toujours plaisir à le redécouvrir, écrit avec une précision millimétrée. Les notes sonnent avec une effervescence calculée et une retenue magnifiée. Le groupe surprend par sa capacité mathématique à frapper juste qui, pour une fois, ne s’oppose en rien à la grandeur des sentiments qu’il évoque. Trip psyché apaisant, voltiges mélodiques riment, aussi surprenant que cela puisse paraitre, avec retenu. Au cours de ce périple de 8 titres, le groupe pose ses bases. Chaque titre s’élevant magnifiquement. Il faudra porter une attention toute particulière à l’excellent « Prayer Remembered », deuxième joyau de ce magnifique jet. À moins que, et là sera la force d' »Everything is alive », la capacité à créer des intros qui font mouche immédiatement et placent parfaitement chaque titre dans son contexte, ne soit le plus gros point fort d’un objet qui n’a pas un seul temps faible. La mélancolie automnale n’aura jamais été aussi bien écrite.

Half Moon Run : « Salt », le piment de la saison

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Il ne saurait être de beaux moments à l’automne sans compter sur Half Moon Run. Et ça tombe bien, les canadiens étaient de retour en 2023 avec un nouvel opus qui, comme à leur habitude, évoque aussi bien les grands espaces verdoyants qu’une pop indie qui vient toucher à la folk. Invitation permanente à l’évasion, le groupe garde la touche qui lui est propre dans ce « Salt » qui apporte néanmoins une effervescence, un brin plus lumineuse qu’à l’accoutumée. En la matière, un morceau comme « Hotel in Memphis », aux notes énergiques et à la cadence accélérée assume bien plus sa capacité pop que ne le faisait le plus intimiste « Full Circle » pépite du groupe qui lui a valu sa notoriété. Vivons nous une réinvention d’Half Moon Run pour autant ? On lui retrouve ses mimiques traditionnelles : voix aérienne qui s’allie à un clavier tout aussi léger tout comme les couplets très écrits qui ont su faire sa force. La production carrée et propre de cet opus vont d’ailleurs avec ce à quoi le combo nous a habitués. Seulement les rythmiques s’y emballent donnant une lumière ocre à l’ensemble, plus énergique, vibrante et même dansante. Un voyage en musique, au chaud, sans sortir de chez soi.

L – Raphaële Lannadère : « Cheminement », tendresse sinueuse

Le cheminement, selon le dictionnaire c’est l’idée de poursuivre son chemin, d’avancer, d’évoluer. Au cours de ses quinze ans de carrière, L n’a cessé d’évoluer et de se frayer un chemin bien à elle dans cette jungle qu’est la scène musicale actuelle. Cheminement, c’est le nom de son cinquième album.Et il y a quelque chose d’indéniablement de passionné à cet album. Recueil liturgique et élégiaque aux différentes influences de L. Des Beatles à Greta Thunberg en passant par Miriam Makeba, L tisse des cantiques quasi amoureux pour les célébrer. Dans son morceau « Greta », L reprend le discours de Greta Thunberg à l’ONU en 2019 : « How dare you ? » . Il est difficile de passer à côté du morceau unificateur, « Ensemble » en collaboration avec Sandra Nkaké. La voix cristalline de L se mêle à la voix profonde de sa consoeur, et offre de nombreuses dimensions à ce titre inoubliable. Le chemin qu’emprunte la chanteuse s’offre de nombreux détours et ose mélanger les genres, de la chanson et aux inspirations d’ailleurs. Autre particularité de l’album ; la performance live. « L’idée, c’était de voir comment l’art contemporain pouvait trouver sa place sur scène et ce que ça pouvait apporter de sensible et d’onirique à un concert de chansons » confie Anne-Sophie Bérard, sa collaboratrice pour la scénographie. Passer de la représentation à l’exposition en somme.Une chose est sûre, L n’a pas fini de cheminer.

Lany : « A beautiful Blur » – flou optimiste

Un peu d’optimisme en cette saison ! Si les précédents albums sélectionnés se laissent subjuguer par la mélancolie des arbres ocres, Paul Klein, de son vrai nom, change les codes. Le chanteur qui a conquis le public avec des titres comme « Malibu Nights » ou encore « cowboy in LA » reprend la recette qui a lui valu le succès en remettant au goût du jour le rock alternatif. Le point fort de Lany est sa capacité à créer des refrains entêtants et de garder l’attention de son auditeur grâce à des bridges bien sentis qui se délient en fin de titres. La production, signée Mike Crossey est épurée et permet de plonger pleinement dans ce jet de douceur solaire. Comme si on pouvait y capter les derniers rayons avant que l’hiver ne débarque. Lany ne s’y interdit rien, du rock, de la pop mais aussi des brins d’électros. Et le tout prend incroyablement bien. Tel Harry Styles, le chanteur s’envole vers une pop sensible et à fleur de peau. Pas étonnant donc de le retrouver nommé aux Pollstar Awards 2022 dans la catégorie « Meilleure Tournée Pop », aux côtés de la superstar mais aussi des Jonas Brothers et de BTS. Balades qui pourraient se faire l’illustration de passages cinématographiques s’entremêlent avec des titres plus dansants, conçus pour se magnifier en live. Il sera de passage à Paris le 13 novembre pour tester cette théorie. Et permettre de voir les feuilles tomber comme la meilleure nouvelle de l’année.

Texte : Pénélope Bonneau Rouis & Julia Escudero


Tuerie – Prix Joséphine 2023 – Crédit Photo : Louis Comar

Il est en France une tradition de prix décernés par l’industrie dont la justesse des lauréats semble parfois manquer de cohérences. Des découvertes qui n’en sont pas, des albums oubliés, la pluralité musicale de notre pays effacée. En ce sens le Prix Joséphine fait office d’OVNI dans le paysage. En 2023, il célébrait sa seconde édition. Dans le détail, des journalistes musicaux font un premier tri des albums français qui ont marqué l’année via une liste de candidats. Mais c’est finalement un jury composé d’artistes qui a la lourde tâche de choisir 10 finalistes parmi les 40 albums qui leur sont proposés puis de sélectionner un  ou une seul.e gagnant.e. Une démarche originale qui permet aux artistes valoriser d’autres artistes en ayant pleinement conscience de leur travail et de leur processus créatif. Cette année, Eddy de Pretto était le président de ce jury et particulièrement ravi de pouvoir effectuer ce travail de sélection et de récompense. Autre particularité, il récompense l’album qui marque une année et se base uniquement sur le format album.

C’est le 27 septembre en partenariat avec Fip Radio que le prix Joséphine révélait donc son grand lauréat à la suite des performances lives des 10 finalistes. Il est essentiel de relever la grande qualité de la sélection. La diversité y était de mise, faisant la part belle à des courants musicaux pluriels, des albums divinement écrits et produits mettant en lumière une nouvelle scène en pleine éclosion d’une immense richesse.

And the winner is …

Tuerie & Eddy de Pretto – Prix Joséphine 2023 – Crédit Photo : Louis Comar

C’est Tuerie qui remporte le prix Joséphine 2023 pour son album Papillon Monarque. Une esthétique qui mélange le Hip Hop, le gospel et la soul. Son flow est un véritable vent de fraîcheur, une claque en pleine tête emprunte d’une grande richesse et d’une véritable originalité. La force de ses compositions est certainement ce qui a séduit le jury.

Retrouvez le palmarès du Prix Joséphine 2023

  • ٣ (Trois) – Acid Arab
  • La grande désillusion – Benjamin Epps
  • Le ciel est partout – Blaubird
  • Mádibá – Blick Bassy
  • Prophétie – Eesah Yasuke
  • Dans cent ans – Flavien Berger
  • Moussa – Prince Wally
  • Papillon Monarque – Tuerie
  • Les Royaumes minuscules – Voyou
  • La symphonie des éclairs – Zaho de Sagazan

Samedi 26 août, troisième jour de Rock en Seine 2023 toute en nuance durant lequel la délicatesse d’une Ethel Cain ou bien encore d’un Tamino se seront disputés aux gros sons envoyés par L’Impératrice, Coach Party ou bien encore The Chemical Brothers.

Ce troisième jour de Rock en Seine devait être brulant, fantômes victoriens, sorcières, cheveux de feu et peau diaphane, canines ensanglantées. Oui, ce troisième jour de Rock en Seine avant même de commencer, laissait un goût amer dans la bouche de certains et certaines. En effet, la divine formation anglaise, Florence + The Machine a dû annuler sa venue à la suite de soucis de santé. On souhaite à Florence un prompt rétablissement. Les plus téméraires avaient tout de même revêtu leurs tenues de Sabbat. Robes longues, dentelles, couronnes de fleurs et la mine peut-être un peu moins rayonnante qu’à l’accoutumée. La Reine-mère aurait pu être fière. Partout où elle passe (ou pas, en l’occurrence), elle y sème son lot de paillettes et d’admiration.

Le culte Ethel Cain

Ethel Cain - Rock en Seine 2023 - crédit : Pénélope Bonneau Rouis
Ethel Cain – Rock en Seine 2023 – crédit : Pénélope Bonneau Rouis

À 15h20, une jeune prêtresse qui installe encore son culte monte sur scène. Ethel Cain. Si son nom ne vous dit rien, rendez vous dans vos églises virtuelles les plus proches (Spotify, Deezer, Apple Music, etc…) et écoutez donc son homélie. Entre hérédité et cannibalisme, Ethel Cain nous entraine dans son univers moite et sombre du Sud des États-Unis. Dès son arrivée sur son scène, ses fidèles hurlent à s’en arracher la gorge, les poumons prêts à éclater (si toutefois c’est possible). « MEEMAW! » -Mamie en États-uniens du Sud- résonne dans le parc de Saint-Cloud. La désignée sourit tout au long de sa performance, ça en est presque déroutant lorsque l’on sait de quoi elle parle… Preacher’s Daughter, son premier album est une véritable prouesse musicale dont on vous parle ici. Après 40 minutes bien trop courtes où elle chante ses morceaux phares (« House in Nebraska », « American Teenager », notamment), Ethel Cain d’un sourire gracieux disparaît de la scène. L’assistance peine à se décrocher de la scène, espérant peut-être apercevoir à nouveau leur idole une dernière fois.

Mélange des genres

L’un des aspects les plus positifs quand on est en festival, c’est d’avoir l’opportunité de se laisser porter vers des territoires vers lesquels on ne serait pas forcément allés d’ordinaire. C’est ce qui s’est passé sur la Grande Scène avec Altın Gün. Même si le public était en nombre, malgré le fait d’être en plein après midi, beaucoup de spectateurs avaient du mal à bien prononcer le nom du groupe et semblaient dubitatifs quand, se renseignant, ils lisaient « rock anatolien ». Pourtant, trêve de préjugés, assez rapidement, le mélange d’électro, de compostion 60’s/ 70’s et de musique traditionnelle en provenance d’Asie Mineure aura totalement fait mouche et conquis le public. Sur un rythme enlevé, particulièrement dansant et donc totalement approprié à une fin d’après midi d’un samedi voué à être festif, Altın Gün aura été une très bonne découverte.

L'Impératrice - Rock en Seine crédit Pénélope Bonnneau Rouis
L’Impératrice – Rock en Seine crédit Pénélope Bonnneau Rouis

Des découvertes mais aussi des classiques. Voilà déjà un an, de leur propre aveux que nous n’avions pas vu L’Impératrice à Paris. Cocktail à paillette sucré, pop langoureuse aux instants disco, la recette venait évidemment à manquer à nos grises régions qui de fait manquaient de chaleur tropicale. C’est donc sur la grande scène que le groupe mené par Flore Benguigui, mais attention tout de même à bien garder en tête que L’Impératrice est un groupe à part entière où chaque membre à son importance,  vient saluer son public. Toujours solaire, le groupe balance ces plus gros succès, qui sont à ce jour nombreux de Peur des filles à Agitations Tropicales. Toujours bavard le groupe enjoint le public à danser de la façon « La plus bizarre qui soit ».  » Proposez moi un mouvement à faire avec les mains! » demande Flore, coeur lumineux sur la poitrine avant de lancer le public à se laisser entièrement aller. Voilà une bonne représentation de ce qu’est L’Impératrice, un espace de liberté où la bienveillance colle à des mélodies lumineuses.

Fascination Tamino

À 18h30, le petit chouchou de la rédaction -après tout, ne mérite-t-il pas ce sobriquet?- se hisse sur les hauteurs de la scène Cascade. Du haut de son 1m90, Tamino contemple la foule avec son flegme habituel, le sourcil grave et l’oeil noir. Il semble un peu intimidé pendant quelques secondes et il se ressaisit. Les premières notes de « The Longing » démarrent et le public qui n’avait encore pas fini de hurler, redouble d’effort. Les morceaux s’enchainent avec fluidité et beauté. Tamino prend peu à peu ses aises et se déploie. Possédé par la musique, il embrase presque la scène qui prend des nuances de rouge, puis d’orange. Belle surprise que de voir un artiste gagner en assurance au fil des concerts. Autre surprise du set, deux nouveaux morceaux, que Tamino joue, confiant de son talent, sans vraiment les présenter. Les vrais disciples le suivront, il le sait. Rock en Seine est bien pieux ce soir. La fascination qu’il crée est sans borne, la foule est silencieuse, subjuguée par ce Louis Garrel belge, qui chante, et qui joue pas dans des films et qui ressemble pas tant que ça à Louis Garrel finalement. Après un set époustouflant par sa grâce et sa justesse, Tamino chante son morceau chéri, « Habibi ». La foule l’applaudira longtemps, comme une seule âme, partageant le même amour pour ce jeune artiste qui ne cesse de nous éblouir.

Get the party started !

En début de soirée, alors que le soleil commençait à lentement décliner, la scène de Firestone s’est enflammée grâce à Coach Party. L’énergie donnée par le groupe mixte anglais aura fait se remuer un public bien plus garni qu’à l’accoutumée au son d’un bon vieux rock en provenance de l’île de Wight. Le rock riot girl d’une formation survoltée fait instantanément mouche alors que chaque titre set bon l’essence d’un rock écrit avec précision. Pas besoin de miser sur l’originalité quand on sait penser les morceaux et que chaque note frappe juste. D’autant plus qu’il est bin de mettre en avant dans ce registre qui confère au punk une énergie féminine. Sorte de release party ne disant pas son nom (leur album sort en septembre ), Coach Party aura assurément conquis son public et gagné de nombreux fans avec leur performance d’hier. Ils pourront les redécouvrir en concert à Paris au mois de novembre, avis aux adeptes de rock !

La fin de la soirée se dessine sous le signe de l’électro. Entre noirceur, jeux d’écrans aussi malaisants qu’enivrants et gros riffs qui dépotent, The Chemical Brothers transforment le parc de Saint-Cloud en une discothèque à ciel ouvert réservé au fêtards les plus pointus. Ils pourront finir de danser sur les beats endiablés de Charlotte de Witte.

La journée du samedi aura été intense et plurielle et préparera à embrasser à pleine bouche la dernière journée de festivités et les très attendus The Strokes.

Texte : Pénélope Bonneau Rouis, Alexandre Bertrand, Julia Escudero

Photos : Pénélope Bonneau Rouis


Grian Chatten ANOHNI GABRIELSPas de repos pour l’été 2023. Ce dernier ne se lasse pas de révéler son lot de merveilles et d’albums puissants qui seront, à n’en pas douter, au sommet des meilleures sorties de cette année. Parmi les pépites qui auront mis en musique nos instants ensoleillés, accompagnés nos coups de soleil et donné le ton des moments que l’on attend toute l’année, trois auront été des claques indélébiles qui marqueront les décennies à venir : ceux de Grian Chatten, ANONHO & The Johnsons et de Gabriels. Ils ont en commun de moderniser le passé. Le rétro y devient élégant. La nostalgie comme gage indélébile du futur ? Certainement.

Grian Chatten : Chaos for the Fly

Les tourbillons des tournées, l’épuisement des concerts à répétitions, la folle vie rock’n’roll. Un univers hors des frontières d’existences plus monotone que nous connaissons mais qui est le quotidien tourbillonnant, comme une mouche, des musiciens qui bercent nos oreilles. Comment l’illustrer si ce n’est en utilisant le langage qu’ils maîtrisent le plus ? Celui de la musique. Esseulé de Fontaines D.C, le groupe virtuose qui lui vaut le succès, voilà que son chanteur Grian Chatten s’essaie au solo. Un coup souvent difficile, porté par des pas tangents et beaucoup d’attente du côté des fans. En la matière, notre homme n’a point à rougir face à sa formation. Il signe avec ce premier jet, composé de 9 titres, un coup de génie et l’une, si ce n’est la, plus belle réussite de cette année. Tout commence en douceur. On y laisse le rock énervé, aux coudes à coudes entre le post punk et un amour marqué pour The Smiths, pour mieux se poser vers des contrées lancinantes. L’entrée en matière du talentueux monsieur Chatten, 27 ans, à une poésie affirmée et convoque les éléments. « The Score » donne irrémédiablement le ton. Comptine triste mais puissante, voix magistralement posée, on tombe amoureux.se en un titre. « East Cost Bend » contredira cette mélancolie affirmée en seconde partie de pépite pour la jouer rétro glam et un brin dansant. Rien dans l’album de Grian n’est laissé au hasard, à tel point que l’opus est une tornade de sentiments sur le fil où retenue est synonyme de précision. C’est avant tout la voix, comme celle de Morrissey avant lui, qui porte la noirceur de cet objet rock aux riffs brillamment répété. Quelques chœurs viennent à troubler l’intimité partagé avec notre hôte dès « Last Time Everytime Forever ». Si « Fairlies » semble à ce point être le fruit d’une longue marche qui attise la créativité, ce n’est certainement pas une coïncidence. L’idée de ce projet lui est en effet venu lors d’une promenade en bord de mer sur la plage de son village natale en Irlande. Loin d’ailleurs des sonorités de son groupe d’origine, Chatten se fait crooner sur ses morceaux. Il touche au art pop, tâte aux états d’âme de la folk et bien sûr touche les âme. Sans jamais se pervertir, Chatten sait entièrement se réinventer. Il parlera avec évidence aux fans de Fontaines D.C, plus ceux qui ont été subjugués par « Skinty Fia » que par les plus grands fans de « A Hero’s death ». Encore plus à ceux qui apprécient le vague à l’âme. Tel un Nick Cave et ses débuts donnant dans le dure pour mieux s’éprendre d’une mélancolie affirmée, Chatten évolue vers des sommets sombres et sincères et y prend l’étoffe des plus grands. C’est La Famille Addams et sa citation : « What is normal for the spider is chaos for the fly » qui inspire le titre de cet album. Il garde d’elle, l’amour de la noirceur et sa capacité à marquer au delà des générations. Ce qui est normal pour Grian entraîne, c’est certain un tourbillon sentimental dans lequel il faut se perdre encore et encore.

AnoHni and the johnsons: My Back was a bridge for you to cross

ANOHNI and the Johnsons - Sliver Of Ice

Comme toujours avec ANOHNI, le travail musical est si riche et si puissant qu’il faut un temps premier pour appréhender l’objet album qu’il nous est donné d’écouter. En 2016, l’immense musicienne et artiste publiait « HOPELESSNESS ». Depuis, plus rien, si ce n’est l’attente. Et elle en valait la peine tant ce nouveau jet est une réussite absolue, un pas vers la soul grandiose et ses émotions démultipliées. Pour sa création la musicienne a avant tout pensé à « What’s Going On » de Marvin Gaye. Un façon de faire écho aux mouvements sociaux initiés dans les années 50 et qui font encore sens aujourd’hui. Pour parfaire ce nouveau son, elle s’est entourée à la production de Jimmy Hogarth (Amy Winehouse, Duffy, Tina Turner). Avec lui, elle entreprend un travail très différent de ses six précédents opus. Certains titres sont d’ailleurs sur cette version studio, la toute première fois qu’elle les interprète. De quoi donner à ce jet son ossature à fleur de peau et sa spontanéité. Pourtant rien dans la construction de ce chef d’œuvre n’est laissé au hasard. Le premier titre « It Must Change » profite d’une vibe doucement enivrante, classique instantanée à la luminosité ombragé où l’insouciance est reléguée au rang de mythe. Si le début s’inscrit dans la simplicité, elle est cassée dès « Go Ahead » qui pourrait faire cohabiter l’esprit anarchique du punk avec la popularité soul. C’est strident, Anohni ne se refusera rien, qu’on se le dise. Il faut dire que côté paroles, les choses sont plus douloureuse que la voix enveloppante et bienveillante ne semble laisser entrevoir. D’entrée il est question de système qui s’effondre et de compassion pour l’humanité. Le constat, très juste est donc posé. Un grand album est-il lié à une cohérence de bout en bout sans faux pas ou à de grands titres qui se détachent des autres ? Si la question peut être posée, notre chanteuse déjoue les pronostiques et coche les deux cases. « Silver of Ice » est évidemment de ceux qui marquent immédiatement les esprits. La puissance narrative, répétitive et solaire de « Can’t » entre facilement en tête. Tout cela n’est surement fait que pour préparer là l’immense morceau qui se tient en milieu d’album : « Scapegoat ». Le titre le plus fort de cet opus, certes, de cet été évidemment, de cette année, il va de soit. De par ses changements de rythmes, il marque les cœurs et écrase tout sur son passage avec puissance. C’est une bonne chose d’ailleurs de parler aux cœurs tant les thématiques abordées tour à tour dans cette galette sont importantes. La perte d’un être cher, les inégalités, les religions monothéistes et leur impact sur le Monde, mais aussi le féminisme et l’idée de lier la nature avec notre façon de penser et de structurer nos sociétés. Pas étonnant quand on connait le parcours de cette artiste entière qui choisi de créer là un manifeste de combat, une promesse de ne pas baisser les bras.  Pour l’illustrer, elle choisit le visage de Marsha P. Johnson, activiste défendant les droits de la communauté trans, emblème de la communauté LGBT. Un sujet qui touche particulièrement Anohni, elle-même artiste trans et activiste. Ce « My back was a bridge for you to cross » est un pont à traverser entre le passé, le présent et le futur. Derrière des couche de tristesse, de mélancolie et d’émotions, elle promet l’espoir et de ne pas lâcher prise. Et ce pont à traverser du début à la fin de l’album marquera à jamais ceux qui lui auront tendu une oreille attentive.

Gabriels : Angels & Queens

Gabriels - Glory

Dernier album de ce triptyque, sortie moins médiatisée que ses deux comparses ci-dessus, Gabriels s’inscrit avec logique dans cette sélection. On y retrouve des intonations qui ne sont sans évoquer la pépite proposée par ANOHNI, la soul, la profondeur mais le tout est porté par un rayonnement gospel, une palette de couleurs moins sombres donc que celles utilisées par nos deux acolytes. Il faut dire que pour ce qui est de cet héritage musical, Jacob Lusk, le chanteur de la formation a de quoi tenir. Élevé dans une communauté évangéliste de Los Angeles, il y apprend ses bases et crée sa propre choral.  C’est en 2018 qu’il crée Gabriels aux côtés de deux musiciens : Ryan Hope et Ari Balouzian,  après un passage dans American Idol, une vie de choriste pour quelques très grands musiciens (Diana Ross, Beck, St. Vincent)  et surtout un passage à vide dégouté d’une industrie qui tente de contrôler l’image de son corps. Immédiatement le projet fait mouche. Gabriels a l’esthétique de James Brown, l’élégance de Nina Simone, la grandeur effrénée et suave de Barry White. En convoquant les fantômes du blues pour mieux les faire cohabiter avec le jazz mais aussi la pop, le groupe s’attire les éloges d’Elthon John. En 2022, sort enfin le premier album de la formation « Angels & Queens – Part I ». Il faut attendre le mois de juin 2023 pour enfin recevoir l’œuvre dans son entièreté et se laisser porter par sa « pop soul venue du futur » comme le décrit le lead singer. L’album porte parfaitement son nom, le timbre angélique de Jacob Lusk prend vite des tournures royales et se déroule comme un parcours vers la lumière. Il interpelle dès ses premières notes sur « Offering », la retenue y est maîtresse avant d’à pas de velours gagner en intensité et se faire explosif. L’expérience est religieuse et prête à louer les prouesses vocales de son chanteur qui passe avec une aisance déconcertante du grave à l’aigu. La force déployée sur ses treize titres est saisissante, d’autant plus lorsque la retenue explose, monte dans les tours et que la voix porte ses notes avec fierté basculant cette fois entièrement dans les tours du gospel. Gabriels chamboule et retourne tout sur son passage. « Taboo » est l’un des temps les plus forts de cet opus, son énergie et son cri central, obsédants, répétitif tel celui d’un prêcheur que l’on suivrait aveuglément. Cordes et piano, enregistrés sans jamais être modifiés donnent une touche rétro à cet objet qui devient culte en une seule écoute. Les membres de Gabriels sont pluriels, c’est aussi le cas de leur musique. Elle est aussi Flamboyante que mélancolique. La noirceur s’y invite parfois, comme c’est le cas sur « Professional » où les notes se jouent à demi ton et le timbre ne décroche jamais de ses gammes les plus graves.  Le périple s’achève sur « Mama »,  un au revoir lumineux qui promet justement de se retrouver bientôt. Si vous avez la possibilité d’assister à un concert de Gabriels, saisissez pleinement cette occasion. Son passage à We Love Green aura permis à la rédaction de se laisser entièrement bercer par ses ailes d’anges et de voler au creux de ses mélodies. D’ici là, la version studio promet d’embraser vos esprits. Que la lumière soit !