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Julia Escudero

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Protomartyr crédits Trevor Naud

Le 2 juin sortait le très attendu nouvel album de Protomartyr « Formal Growth in the Desert ».  Si le précédent opus était annoncé comme marquant une fin à Protomartyr tel qu’on le connait, ce nouveau jet signe la promesse d’un nouveau départ et flirte sur le fil du rasoir d’émotions exacerbée à coup de post punk viscéral. Entre le désert émotionnel, le vieillissement mais aussi l’envie de dénoncer une politique américaine liberticide, le groupe frappe fort et s’amuse à ajouter des références à Ennio Morricone à ses sonorités. Nous avons rencontré Joey Casey (chant) et Greg Ahee (guitariste). Avec eux nous parlons de westerns spaghettis, d’âge d’or du Hip Hop, de Covid et musique, de politique américaine, de besoin de s’unir, de grosses entreprises, des manifestations pour les retraites en France, du fait de vieillir et de rester curieux en découvertes musicales. Rencontre.

Popnshot : Comment décririez vous ce nouvel album ?

Joe Casey : C’est une bonne question parce que ça me fait me demander comment je le vendrai. On essaie d’être un groupe avec une forme d’immédiateté qui fait que les gens qui ne nous connaissent pas vont adhérer rapidement. Pourtant beaucoup de personnes qui aiment notre musique n’ont pas forcément aimé à la première écoute. Ils nous disent qu’en nous ré-écoutant, en faisant attention aux paroles, ont une forme de déclick. J’aimerai faire quelque chose qui parle immédiatement aux gens mais se révèle au bout de plusieurs écoutes. Je veux qu’on se sente excité à la première écoute mais que plus on l’écoute, plus on en découvre. On a eu ça en tête avec celui-ci. On a ajouté un vibe western country mais qui colle à ce qu’on avait déjà fait.

Greg Ahee : Dans l’esprit d’un film de western. On s’est inspiré d’Enhio Moricone, on a ajouté une touche western spaghetti. Ce que Moricone a fait, c’est qu’il est italien mais qu’il a composé pour des films qui eux ont lieu aux Etats-Unis dans l’histoire des westerns. J’aime ça, prendre quelque chose avec lequel je ne suis pas familier et y mettre ma touche. Quand j’ajoute des éléments c’est ce que j’ai en tête, je n’essaie pas d’imiter parce que je serai mauvais. La dernière fois on avait ajouté du jazz mais dans notre propre interprétation, avec respect. Et c’est pour ça que vous devez écouter l’album (rires)

Popnshot : Pourquoi vous vouliez travailler sur le thème western spaghetti ?

Greg Ahee : C’est arrivé parce qu’après ne pas avoir composé pendant le Covid on m’a demandé de composer pour des courts métrages, je n’avais jamais fait ça avant et je voulais le faire depuis longtemps. j’ai saisi cette opportunité à cause du confinement. Et j’ai voulu élever des scènes avec de la musique. Pour se faire j’ai étudié ce que faisais Moricone, cherché à comprendre sa technique. Une fois que j’ai fini ces enregistrement j’étais enthousiaste à l’idée de travailler sur un nouveau Protomartyr, j’ai voulu mettre la même intensité dans le groupe et coller à la narration de Joe. J’ai voulu élever ce qu’il allait dire. C’était une nouvelle approche rafraîchissante après  albums. Je ne veux pas faire des albums pour en faire, je veux avoir une bonne raison, des choses à dire et je veux que ce soit fun.

une fois sortis de la quarantaine, on s’est dit que les dernier albums étaient les pièce de quelque chose de complet. On s’est senti la liberté de faire un nouveau chapitre, loin de penser aux attentes.

Popnshot : A la sortie du précédent album « Ultimate Success Today », vous disiez qu’il symbolisait la fin dune époque. Vous aviez ça en tête avec ce nouvel opus ?

Joe Casey : C’est marrant avant le Covid, je faisais la promotion de cet album et je disais qu’il clôturait un chapitre. Je le disais parce qu’il y avait des morceaux qui étaient une forme d’au revoir. Et puis la pandémie est arrivée et nous ne savions pas si nous pourrions repartir en tournée un jour, si être dans un groupe avait un intérêt financier ou créatif, donc je me suis senti vraiment stupide. ça aurait pu être notre dernier album. Et puis une fois sortis de la quarantaine, on s’est dit que les dernier albums étaient les pièce de quelque chose de complet. On s’est senti la liberté de faire un nouveau chapitre, loin de penser aux attentes. On a redéfini ce qu’était être un groupe, on a pu se dire que peu importe ce qu’on allait créer, on serait libres. D’une certaine façon c’était un retour à zéro.

Protomartyr crédit Trevor Naud
Protomartyr crédit Trevor Naud
Popnshot : En parlant de liberté, vous disiez dans une interview que le hip hop était plus libre que le rock puisqu’il y a plus de demandes et donc plus d’attente sur les sorties Hip Hop. Vous le pensez encore aujourd’hui alors que le Hip Hop est à son âge d’or et que le rock revient mais doucement ?

Joe Casey : Oui puisque le Hip Hop est le mouvement dominent aujourd’hui et il le mérite. Mais j’ai le sentiment que du coup, le rock peut plus facilement s’offrir la liberté de rechercher et expérimenter ses sonorités. Les gens qui attendent le retour du rock attendent des choses identiques à ce que faisait Led Zeppelin ou d’autres groupes retros. Mais aujourd’hui on a la liberté de faire ce que l’on veut sans se préoccuper des attentes.

Popnshot : Une chose très importante dans la musique pour vous ce sont les paroles. Sur « Formal Growth In The Desert » quand vous parlez de désert, vous voulez dire désert émotionnel c’est ça ?

Joe Casey : J’ai toujours utilisé le désert comme une métaphore facile pour décrire mon état émotionnel : l’isolation. Dès le premier album et la premier morceau j’ai parlé du désert. Avant de faire l’album, avec ma fiancée nous sommes allés dans le désert de l’Arizona. Ces grandes pierres, c’est magnifique mais on s’y sent aussi minuscules. On se sent comme une poussière dans ce qui date de plusieurs milliers d’années. J’ai imaginé ce qui s’est passé pendant le Covid. Même dans le désert des choses poussent, il y a de la vie. C’est devenu une métaphore simple pour l’album qui était en train de pousser.

Popnshot : Et puis il y a la pluie en conclusion de l’album …

Joe Casey : Je suis content que ça colle parfaitement. Les émotions et les notes explosent au même moment dans une forme Technicolor où il y a de la pluie, où les choses poussent. C’est semi intentionnel. Ce n’était pas prévu. Mais ça fonctionne. Parfois les paroles s’opposent à la musique et là au contraire elles vont parfaitement ensemble.

aujourd’hui en Amérique, les choses vont trop loin. Il a beaucoup de monde qui ne peux pas se payer une maison, les syndicats revendiquent l’augmentation des salaires minimums et on ne leur donne pas.

Popnshot : Les paroles sont écrites en premier ?

Joe Casey : Non le groupe vient me trouver avec des morceaux et j’ajoute les paroles. Et je ne voudrai pas que ce soit dans le sens inverse. Peut-être un jour ce sera amusant de faire l’inverse. J’essaie de répondre aux mélodies qui me sont proposées, je me demande ce que ça me fait ressentir. Je ne pense pas à des mots précis, je pense aux émotions qui en ressortent.

Greg Ahee : Sur le dernier album on avait plus ou moins fini d’enregistrer la musique et on a enregistré le chant à la fin. Cette fois-ci on a tout fait en même temps. On était en studio pendant deux semaines. De ce fait il a fini par mettre du chant sur des morceaux qui n’étaient pas complètement terminés. Il y avait juste de la basse, de la batterie et une base de guitare. Grâce à ça, il y a eu plus d’allers-retours entre nous. J’ai pu travailler sur ce qu’il amenait dans les chansons. Enjoliver et élever l’histoire qu’il amenait.

Popnshot : Vos paroles sont toujours politisées. Cette fois vous parlez du capitalisme. Un parti pris qui correspond toujours au courants punks. Que vouliez-vous faire ressortir ?

Joe Casey : Avec les confinements et le Covid, on a vu que les gens étaient encore en train de mourir quand le gouvernement a dit qu’il fallait quand même aller travailler. C’est ce qu’est le capitalisme. Avant j’essayais d’enrober les choses, de ne pas être trop direct quand je parlais de politique, je me cachais derrière des métaphores, c’est parce que je ne me sentais pas à même de répondre intellectuellement, je peux répondre aux choses émotionnellement. Mais aujourd’hui en Amérique, les choses vont trop loin. Il a beaucoup de monde qui ne peux pas se payer une maison, les syndicats revendiquent l’augmentation des salaires minimums et on ne leur donne pas.  On voit tout ça arriver en direct, on ne peut pas le nier. Même dans l’industrie musicale, on voit arriver une nouvelle forme de travail qui sert moins les artistes et au public mais sert plus les grosses entreprises. Ils ferment les salles indépendantes par exemple, on voit tout ça arriver dans notre petite partie du Monde. Je chante sur ce qui m’affecte.

Les problèmes que l’on rencontre à Détroit sont les mêmes qu’on retrouve en Europe.

Popnshot : Tu parles de ton petit bout du Monde mais ce que tu chantes peut concerner d’autres parties du Monde. Par exemple du parles de violences policières ce qui est un énorme sujet ici en France, d’autant plus récemment suite aux manifestations pour les retraites ….

Joe Casey : C’est l’une des meilleures choses quant au fait de tourner, de pouvoir voir le Monde. Avec notre premier album, on ne pensait pas qu’on aurait cette chance. Les deux premiers albums parlent de Détroit. Eh bien, quand on tourne, on découvre l’universalité de nos problématique. Les problèmes que l’on rencontre à Détroit sont les mêmes qu’on retrouve en Europe. Sur la chanson « We know the rats » on parle de ça aussi. Pourquoi est-ce que tu as cambriolé ma maison ? Parce que tu as besoin d’argent. Et pourquoi ? Parce qu’il n’y ni travail, ni opportunités. Et même si ça parait naïf de le dire, on doit travailler ensemble pour s’occuper de ces problèmes. Et la réponse n’est pas la violence. Quand je me suis fait cambriolé chez moi, la police m’a dit que c’était de ma faute parce que je n’avais pas de flingue pour me défendre. Ils veulent qu’on soit montés les uns contre les autres. Mais en étant réalistes, il faut rester prudents. Les gens au final nous parlent beaucoup, ils nous donnent des réponses simples à des questions qui paraissent complexes. Je ne veux pas être simpliste et dire que si on s’unie tout sera réglé. On ne sait pas tout ce qui se passe en France. Mais on voit qu’ici les gens manifestent de façon plus agressives qu’aux USA et que c’est une bonne chose.

Popnshot : Tu parles aussi de vieillir sur cet album. Un sujet peu abordé. Pourquoi était-ce important pour toi ?

Joe Casey : Quand on a commencé le groupe, je me sentais trop vieux pour être dans un groupe de rock et je l’étais sûrement. Mais maintenant Greg est plus vieux que je ne l’étais quand on a commencé.  Et je me dis Mince j’étais jeune en fait, je suis vieux maintenant (rires). Je déteste cette sentimentalité poussée quand on chante des choses comme « Forever young ».  On chante ce qu’on connait alors pourquoi chanter sur la jeunesse quand on n’est plus jeunes ?  Beaucoup de gens nous ont dit aimer notre musique parce qu’elle parle de résignation ou de notre compréhension du Monde. Notre idée c’est de se dire voilà comment marche le Monde mais on peut trouver du bonheur au milieu.

Greg Ahee : Vieillir ce n’est pas si mal. Tant que tu es près à grandir.

Popnshot : Comment ça se traduit en musique ces sentiments ?

Joe Casey : Il y a toujours une forme de tristesse dans la musique que j’aime. Plus tu vieillis, plus il y a de la tristesse. Mais il y a toujours un peu d’espoir. Il doit y avoir un peu de lumière quoi qu’on fasse et qu’on crée.  Essayer d’apporter plus de joie qu’on l’a fait dans le passé c’est grandir pour moi. En dehors de la musique, j’essaie d’être moins un connard, d’accepter plus de choses. J’ai le sentiment que je jugeais beaucoup de choses avant parce qu’étant un gosse, je ne comprenais pas grand chose. Grandir c’est apprendre,  tu acceptes des choses que tu n’étais pas en capacité d’accepter ni de comprendre.

Greg Ahee : Et puis en tant que groupe qui a plus de 10 ans tu veux aussi continuer à te challenger, garder ton niveau. On doit ajouter du pouvoir à notre musique. On ne veut pas devenir un vieux groupe de rock, avoir une guitare plus simple ou des titres moyens.

Joe Casey :On veut que composer reste excitant parce qu’on va jouer ces morceaux encore et encore. On ne veut pas s’ennuyer au deuxième concert.

Greg Ahee : On veut garder l’énergie. J’ai lu un article il y a un mois ou quelque chose comme ça qui disait qu’à partir de 33 ans on ne cherche plus à découvrir des nouveautés en musique. J’ai 36 ans et je ne veux pas devenir comme ça. Et il n’y pas que ce qui vient de sortir, il y a plein de choses anciennes à découvrir. Les gens se contentent de ce qu’ils ont déjà écouté parce que ça les met à l’aise. Du coup je me force à découvrir de nouvelles choses parce que si je m’arrête je ne vois pas l’interêt d’avoir un groupe.

Popnshot : C’est triste d’arrêter d’être curieux en musique, ce serait un peu comme manger le même repas tous les jours …

Joe Casey : C’est aussi, je pense parce que les gens n’ont pas le temps de faire des découvertes parce que la vie est trop intense. Il y a du confort à se dire que ça ne va pas changer, qu’un titre sera toujours le même.  Avec le temps on voit le passé comme un moment où les choses allaient bien.

Greg Ahee : Ca ne s’applique pas au films, les gens en découvrent toujours des nouveaux. Mais on a une connexion différente à la musique, qui nous affecte différemment. De façon plus viscérale. En 2 heures de film, on ne ressent pas qu’un sentiment: les choses changent, c’est un voyage. En musique, le sentiment revient immédiatement. C’est fatiguant de faire des découvertes, mais c’est comme tout dans la vie.

Popnshot : Avec la musique on connait aussi les paroles par coeur, ce qui n’est pas le cas avec un film.

Greg Ahee : C’est un bon point. Et ça se rapproche du fait qu’aujourd’hui un album est moins important qu’une entrée en playlist. Elles sont basées sur les humeurs pas le style. On veut des mixes pour travailler ou chiller. Mais malgré tout on reste un groupe d’albums, c’est la phrase ultime en musique.

Popnshot : C’est amusant parce que j’aime finir mes interviews en demandant comment vous fait pour découvrir de nouvelles choses en musique, quelles sont vos astuces ?

Joe Casey : Même si certains ne découvrent pas de nouveautés, il y a tellement de nouveautés en musique que c’est difficile de savoir comment s’y prendre. Je n’ai pas de Spotify and co donc je compte sur mes amis pour me dire ce qui est bien. En tournant aussi dans différents pays on peut demander aux gens s’ils ont des recommandations. Parfois dans d’autres langues.

Greg Ahee : J’ai Spotify et parfois je découvre des choses via cette plateforme mais je trouve toujours ça dégoutant  parce que ça se base sur ce que j’aime mais je trouve que c’est trop structuré grosses entreprises. je me dis que ces immenses boites vole ma data.  J’essaie d’éviter ça. Du coup pour éviter ça j’écoute des radio classiques ou en ligne. Les stations locales à Détroit ont pas mal de belles choses. NTS sur internet a de très belles choses


Fin 2020, Lombre dévoilait son EP « La Lumière Noire », une mise en bouche tranchante qui n’était pas sans rappeler les premiers pas de Fauve dans leurs compositions et leur noirceur. De quoi piquer la curiosité et rester alerte quant à ses prochaines sortie.  Le 12 mai 2023, les choses s’emballaient avec la sortie d’un premier album : « Ailleurs ». De Fauve, il garde l’âme, s’en extrait pour créer son univers, plus lumineux qu’à ses débuts et aux nombreuses facettes.

cover-lombre-album-ailleursAilleurs : ici et maintenant

L’ombre aurait-elle quitter la musique du musicien ? Dès le premier titre « Tout le temps », Lombre donne le ton d’un album jusqu’au boutiste qui s’étend sur 12 morceaux. Confession à fleur de peau où l’urgence est maîtresse, le rythme s’intensifie, à la manière dont pourrait le faire le groupe de Théo Cholbi, Süeur. Un jet acide telle une déferlante de riffs se dévoile. On y retrouve en trame la furie de Fauve, planant toujours au-dessus u travail d’un musicien qui sait reconnaître ses inspirations. Côté paroles, l’heure est au bilan. Le besoin de s’exprimer traduit ici par la grande famille de l’urbain s’y fait spoken word presque chanté. Loin du rap classique, le musicien emprunte à ses pairs et mélange les registres. Comme Fakear qui sur son dernier jet s’est inspiré de ses voyages pour puiser ses créations musicales dans le monde entier, Lombre pioche dans les sonorités dites « world music » pour brouiller les pites et créer un album pluriel. C’est d’autant plus criant sur un titre comme « Dors, petit, dors » dont les paroles acerbes se confrontent à un riff joyeux comme une lueur d’espoir qui finit par se refléter dans le propos du musicien. Cette luminosité des premiers instants d’ailleurs s’estompe à mesure de l’écoute. Le beau existe, la lumière aussi certes mais la part d’ombre n’est jamais si loin. Pour paraphraser Morgan Freeman dans « Seven », « Le Monde est un bel endroit, il vaut la peine qu’on se batte pour lui. Je suis d’accord avec la seconde partie ».  Se battre pour le Monde et son monde personnel, c’est ce que fait Lombre titre après titre.

Les paroles vont à toute allure et les rythmiques, elles, apportent la part solaire d’un opus en demi-teinte où la mélancolie et les douleurs la disputent aux refrains entêtants. « Fête » est de ceux dont le ton coloré donne une bribe dansante à un opus complexe. De son côté, « Ailleurs » qui donne son titre à l’album s’écrit comme une confidence. A la façon de « Blizzard », les faiblesses y sont exposées, à fleur de peau. La suite se fait au piano, le flow affolé prend le temps de poser ses maux. Doucement « Désir » appuie sur ses touches blanches et noires, la balade se délie et donne le La d’une seconde partie d’album où la noirceur mélodique l’emporte et qui est bien plus proche des débuts de notre homme. C’est bien un reflet en miroir de ressentis, de vécus, d’émotions que le musicien décrit en musique. Les invitations à danser, dictées par les notes n’évitent en rien l’introspection. « Si la chaleur de la planète nous fait fondre un par un, que restera-t-il de nos cœurs abimés ? Sûrement une tonne de regrets. » s’interroge l’artiste sur « Qu’est ce qu’on a fait ». Une ode à l’écologie, une part à prendre dans ce ici puisque lorsque l’on parle planète Terre, il n’y a plus d’ailleurs.

Une lueur d’espoir

Rien dans les compositions de Lombre n’est égoïste. Qu’il s’agisse de paroles qui s’adressent à tous ou de notes généreuses et inspirées. Les rythmiques dosées répondent aux nombreuses instrus : les cordes du Quartuor Debussy sont bien présentes et évoquent l’énergie d’un album de Ben Mazué. Réalisé par Clément Libes (BigFlo et Oli), cet opus habite son auteur et ses auditeurs. La précision des mots, l’importance du propos y sont autant de rêves et déambulations dont on souhaite à tout pris extraire le regret.

« Lueur à l’horizon » conclut l’essai comme une promesse emprunte d’espoir. La lueur y est un mot clé parfaitement traduite à la mélodie. On y retrouve la bouffée d’oxygène des « Hautes Lumières » de Fauve, l’un des plus grands titres du collectif mais aussi , son dernier single. Les mêmes lumières qui projettent Lombre dans les hauteurs de la sphère urbaine française. Elles se reflètent sur les courants pour mieux brouiller les pistes et créer un album à part, hors des frontières des genres, là où les mots priment sur le reste.


 

Moment emblématique du début de l’été, coup d’envoi des festivals et des vacances, le Fnac Live est un incontournable des beaux jours parisiens.

En cause, un festival gratuit et surtout un cadre de rêve puisque chaque année l’évènement prend place sur le parvis de l’Hôtel de ville de Paris. Un très beau décors avec en fond Notre-Dame de Paris pour faire la part belle donc à des artistes de qualité sous le soleil, cet astre qui tarde trop à venir nous réchauffer. L’édition 2023 qui se déroulera du 28 au 30 juin n’échappe pas à la règle et a annoncé ses premiers noms. Le promesse de faire plaisir au plus grand nombre est bien là.

Fnac live 2023Fnac Live 2023 : les premiers noms !

Premier nom annoncé pour cette nouvelle édition : Franz Ferdinand. Après une édition très française en 2022, le festival amène les écossais au cœur de la capitale.  Après 20 ans d’activité la notoriété internationale de la formation menée Alex Kapranos n’est plus à prouver. Au programme de la pop, du rock et des morceaux issus de leur best off « Hits to the head » paru en 2022.

Côté France, Benjamin Biolay sera de la partie. Le musicien reviendra sur « Saint-Clair » son dixième album studio. Pour danser en plein air, l’électro sera bien présent au programme avec en tête de liste un énorme trio Boombass X Étienne de Crécy X DJ Falcon. A cela s’ajoute les beats chill de Polo & Pan.

Le jazz sera à l’honneur avec l’américaine Gabi Hartman qui s’est placé en tête des ventes avec son premier album éponyme sorti cette année. Un périple solaire, dansant qui a déjà tout d’un classique. Enfin Jason Glasser artiste américain  aux multiples facettes installé à Paris viendra jouer « Pelican » son premier opus solo paru en février. Connu pour ses peintures, sculptures et vidéos, il faisait ses premiers pas dans la musique en 1990 dans le groupe Clem Snide.

Le festival dévoilera la suite de sa programmation le 6 juin.


Clément Froissard à La Maroquinerie – Crédit Photo : Louis Comar

Ce 17 avril promettait une nuit inoubliable. En effet, Clément Froissart prenait d’assaut la Maroquinerie de paris pour présenter au public son premier album solo : « Nuits Agitées ». Un opus à la mélancolie solaire, où la douceur prime. C’est d’ailleurs le mot d’ordre d’un concert onirique où précision la dispute avec émotions à fleur de peau.

Le calme après la tempête. L’album « Nuits agitées », premier né de la vie post Concorde de Clément Froissart traite un peu de cela. De la pluralité de nuits blanches mais pas d’idées blanches. Les joies y côtoient les douleurs. Les nuits peuvent être empruntes d’amour, d’amitiés, de folies, de tristesse et s’éterniser sans jamais y rencontrer le sommeil. La mélancolie s’y dessine avec joie et lors de ces heures particulières, les ombres deviennent des amies fidèles. En cette fin de journée, la météo semble s’être mise en accord avec l’opus du chanteur. La journée grise, morne et froide laissait place, alors que la lumière diminuait doucement à une douceur plus agréable. Dans la cours de la Maroquinerie, rouverte après des déboires absolument rocambolesques, le public profite d’un verre en attendant de rejoindre la salle pour accueillir avec bienveillance un concert agité .

Clément Froissard à La Maroquinerie – Crédit Photo : Louis Comar

Si la salle n’est pas pleine à craquer, elle profite de sa configuration idéale. Le public est bien là mais il est possible de respirer, chanter, danser.  Lorsque Clément Froissart monte sur scène, son look de crooner fait mouche. Vêtu d’un costume ample, les cheveux gominés, il donne le ton dès ses premières notes : la bienveillance sera de mise. Bien souvent, les artistes changent de personnalités à la minute où ils montent sur scène. Ils deviennent un personnage, celui de leurs compositions, une forme d’objet à destination du public. Ici, la chose est différente. A la ville, le chanteur inspire aussi bien confiance que sympathie, s’exprime avec douceur, prend le temps d’écouter. Sur scène, la chose est aussi vraie. Venu aidé de ses amis et anciens coéquipiers de Concorde pour l’accompagner aux instruments, Clément tend l’oreille. Il écoute les mélodies en même temps qu’il les joue et de cette faculté née une harmonie enivrante. La précision musicale profite de la beauté de ceux qui savent jouer et qui aiment leurs instruments. Les synthés apportent leurs touches rétros à des compositions modernes qui s’inscrive dans une nouvelle vague française construite.

Notre maitre de cérémonie se revendique de Brian Eno et lui emprunte sa force créative. Contrairement à Eno en revanche, la noirceur ne sera pas reine de la soirée. Rapidement les racines rock du chanteur se rappellent à lui. Les guitares s’accélèrent, les synthés s’amplifient, la batterie s’énerve, le tout prend de l’ampleur. Le rendu est communicatif et la salle se met à onduler franchement en répondant à la voix et aux instruments. Au premier rang, certains ne manquent pas une syllabe et connaissent les morceaux par coeur. A tel point que Clément Froissart finit même par s’offrir un bain de foule et rejoint ainsi la fosse pour chanter avec elle. La set list elle, se délie et fait la part belle aux nouveaux titres du chanteur. « Aux Larmes » version étendue, « Rendez-vous », « La Vague aux cheveux d’or » se succèdent. « Nuit Agitée » le pendant au singulier du titre de l’album apparait à mi-parcours alors que « Soeur » plus tardif permet au chanteur d’avoir un mot pour sa soeur, présente dans la salle : « Je t’aime » lâche-t-il.

Nostalgie estivale

Il s’adresse d’ailleurs régulièrement à la salle, prend le temps de raconter ses titres comme il se raconte et se dévoile sur son album. Avec fierté il demande également à Leea, sa première partie de le rejoindre sur scène le temps d’un duo « Elle est tellement talentueuse. », ajoute-il.  L’alliance fonctionne parfaitement, tout comme les lumières, particulièrement maitrisées ce soir et dont les teintes ajoutent à la prestation du chanteur et son esthétique estivale. La Maroquinerie est transportée dans une fin de journée chaude et ses nuances douces qui invitent déjà à la nostalgie de l’instant passé.

Même le nuits les plus agitées doivent malheureusement prendre fin. Après un rappel, il est temps de tirer sa révérence et de poursuivre ses déambulations nocturnes dans un Paris en lutte qui quelques heures plus tôt offrait un concert de casseroles à ses fenêtres pour montrer son désaccord contre l’allocution d’Emmanuel Macron. « Je reviendrai avec un plus de morceau et un second album » promet sourire aux lèvres notre homme. Reste à lui espérer quelques insomnies créatrices pour s’exaucer. En attendant, le retour dans le nuit se fera sur l’air de ses titres, le doigt sur repeat pour mieux contrer la mélancolie qui s’installe trop vite une fois un bon moment terminé.

Clément Froissard à La Maroquinerie – Crédit Photo : Louis Comar