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Julia Escudero

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Comme pour beaucoup, il a fallu s’armer de patiente pour retrouver l’astre Cat Power en concert. Reporté pour les raisons que l’on connait, c’est finalement le 29 mai 2022 que la légende posait ses valises à Paris, le temps d’un concert à la Salle Pleyel de Paris pour un show à la grâce et à la pureté rarement égalée. Retour sur ce moment qui a arrêté le temps pour mieux créer sa propre galaxie.

Cat Power
Cat Power – crédits : Mario Sorrenti

Entre soleil et lune

En ce dimanche soir de la fin du mois de mai, le temps est mi-figue, mi-raison. Un vent frais coupe court aux moments de chaleur trop intenses qui ont peuplé  le mois. Pas de quoi empêcher les parisiens de se rendre en terrasse mais suffisamment néanmoins pour avoir envie de se blottir dans une veste chaude. Les couleurs sont ternes et la ville sous les feux d’un week-end prolongé se languit de sa population.  Pour la mélancolique Cat Power, la saison semble donc idéale, entre son immense album « Sun » et les reflets argentés de ce qui est sûrement son opus le plus abouti « Moon Pix ».  A l’intérieur, la salle Pleyel évoque une  forme de labyrinthe, il faut prendre un ascenseur pour accéder aux étages supérieurs, trouver son siège. En avant-scène, une fosse compacte a pris d’assaut les premiers rangs. Dans l’établissement qui affiche pourtant complet, le silence règne en maître absolu. Chacun semble dans l’introspection du moment qu’il s’apprête à vivre. Voilà qui est pertinent, Cat Power prépare une fusée qui conduira tout son public dans les étoiles.

couvrir le ciel

La voilà qui débarque d’ailleurs sur scène avec un léger retard – mais attendait-on autre chose de la dame à la tête aux milles étoiles ?  Les lumières sont tamisées, rouge et bleues. Avant même de rejoindre son micro, la chanteuse laisse la part belle à ses incroyables musiciens. La voir sur scène est d’ailleurs une constante leçon d’humilité, elle n’en occupe le centre qu’occasionnellement, pour profiter de ses micros et parce qu’il le faut – sûrement. Telle une enfant, la belle balance ses bras le long de son corps, ne sachant pas vraiment quelle posture leur donner. Loin des spectacles à gros effets qui  se cachent parfois derrière des artifices, celui-ci est lunaire et sobre. L’humeur de notre hôtesse est semble elle aussi maussade. Toujours est-il qu’elle invite à entrer dans sa bulle. Une bulle faite de ses compositions mais aussi de reprises des morceaux qui la touchent, logique, son dernier opus se nomme « Covers ». Si ces derniers peuplent nos univers et nous habitent, ils revêtent de nouvelles tenues et aspects lorsque la divine musicienne les habite. C’est d’ailleurs avec une reprise des Rolling Stones « ( I can’t get no) Satisfaction » qui perd son esprit rock pour devenir un écho qui prend au tripes qu’elle lance le deuxième titre du concert. Dans sa lune, la chanteuse s’interrompt à mi-morceau  pour demander « Est-ce que quelqu’un peut mettre Lou Doillon sur liste ? J’ai oublié de le faire ».  L’instant paraîtrait sur-réaliste dans n’importe quel autre concert mais pas dans la boite à merveilles de la chanteuse. « Good woman » et « Unhate » se déroulent alors que dans le noir, la sincérité d’une musicienne à fleur de peau est si palpable qu’elle en devient visible. Se plonger dans son univers tient d’un laisser-aller conscient, en cet instant le public est à vif, tout pourrait le toucher, et il est si bon accepter d’être ébranlés.

Dans nos tête il y a un orage

cat power coversOu plutôt, une tornade, déclenchée par un ras-de-marée d’émotions. Solaire, la dame se met sur les côtés de la scène, loin des lumières, elle s’y installe à genoux, chante avec clarté de sa voix cristalline. Côté fosse, corps et têtes  la suivent comme des tourne-sols. Les musiciens font des étincelles alors que les bras comètes de Cat Power se balancent et ondulent « Paris m’a  sauvé la vie. New-York c’est chez moi mais ici c’est vraiment important pour moi. » lance-t-elle avec timidité. Elle reprend « White Mustang » de Lana Del Rey, offre « Metal Heart » ou encore « The Moon », toujours sur la pointe des pieds. La bile noire est de la partie, la mélancolie est vive , elle flirte avec le plaisir des retrouvailles. Pour mieux reprendre l’album « Sun » elle offre un medley bien à elle de « New York New York » de Sinatra sur les notes joviales de « Manhattan », le moment est à couper le souffle tant le rendu est fluide. C’est pourtant après, lorsque la musicienne transcende sa voix dans des hauteurs graves, que les frissons se font sentir. Ils partent du bas de la colonne vertébrale pour mieux heurter les têtes, rappelant que la musique est un voyages et que les notes se font parfois massage pour les cerveaux. Ne vous y trompez pas, Cat Power est un OVNI et lorsqu’elle demande « Pouvez-vous crier ? » en comptant 1, 2, 3, il est aisé de penser que dans l’espace personne ne nous entend crier. Alors on ose suivre le vaisseau mère sans vraiment en avoir conscience.  « He was a friend of mine » qui rencontre « Shiver » permet de planer encore un peu.  Sur « The greatest », son plus gros succès, la foule est en orbite.

Dernier rayon de soleil

La dame n’aime pas l’attention, c’est une évidence. Le show est sa voix, il est ses musiciens. Et puis, voilà qu’elle aussi, aimerait profiter du spectacle. Alors, elle demande aux ingés lumières de bien vouloir éclairer pleinement l’assistance. Elle a besoin d’en découvrir chaque membre et la voilà spectatrice / actrice du moment qu’elle crée. Ce sera son dernier titre prévient elle. « Wild is the wind » et « Rockets » s’allient pour se faire conclusion. Comme toujours sur la pointe des pieds,  Cat Power, se met sur le côté de la scène pour faire la part belle à ses musiciens qu’elle montre du bout des doigts. La foule est maintenant debout, les musiciens eux se laissent entièrement aller. Le moment se fait carrément rock, puissant et vibrant, la batterie tape et résonne dans les corps. Ils sont les stars du show, notre chanteuse en devient un instrument qui se fait discret. Point de rappel, point de chichis, Major Cat a été rappelée par ground control. C’est bien le problème avec les étoiles filantes, elle passent trop vite. Elles n’oublient néanmoins pas de réaliser nos voeux.


Slift – Le rock est mort, un thème récurent depuis des années. Quinze ans plus tôt, la jeunesse arborait des patchs Punk is not dead sur des sacs customisés pour prouver le contraire. En 2022, le combat pourrait être similaire et comme à chaque fois un souffle punk (pop, post, pre) porte un public fan d’un courant alternatif qui reprend une réelle ampleur. Comme bien souvent la vague du renouveau est venue d’Angleterre, la France elle n’est pourtant pas en reste. Les pépites se multiplient, toutes hallucinantes de modernité, de fraîcheur et de sincérité. Ce mardi 3 mai au Trabendo de Paris est d’ailleurs bien là pour prouver ce constat.

You Said Strange : un premier shoot de psyche

You said strange au trabendo
You said strange au trabendo Kevin Gombert©

C’est  You Said Strange qui ouvre le bal avec leur sonorités psychédéliques. Le Trabendo a déjà bien commencé à se remplir. La terrasse pourtant ouverte n’accueille que peu de spectateurs tous baignés dans le jus. Certains s’accrochent à un premier rang sans barrière qui pour quiconque connait un peu la salle évoque autant de souvenirs douloureux que de lives de qualité. La sauce prend particulièrement bien et s’étoffe même en live. Avec un rock qui balaye les années 6O et apporte une touche 90’s au programme, ces originaires de Giverny percutent d’emblée. Leur rock solaire se densifie, s’étoffe alors que le quatuor prend le tout avec beaucoup de sérieux. Pas de temps pour blablater avec le public, seul le son compte. Impossible de détourner les oreilles pendant ce set plus long qu’une première partie traditionnelle qui ne lasse pas. Le groupe peut aussi bien prendre d’assaut les têtes d’affiches grâce à une maturité bien sentie et un set aussi psyché que maîtrisé.

SLIFT : pilule de bonheur et grosses basses

Il est 21 heures 10 lorsque SLIFT prend d’assaut le Trabendo. Dehors, il fait encore jour. La terrasse permet de capter les dernier rayons de soleil en sirotant une bière. Preuve de la qualité de la formation, les excellents We Hate You Please Die sont de la partie avec deux de ses membres dissimulés dans le public. Le début ne laisse en rien présager de la fin. D’ailleurs les premières minutes du concert s’ouvrent sur un moment d’électro à l’intensité poignante. Avec un jeu d’écran en noir et blanc qui voit tourner une sphère de plus en plus rapidement, le titre s’accélère pour atteindre la puissance narrative d’un certain « Stress » de Justice en fin de course. Il n’en faut pas plus, la salle est chauffée à bloc. Les premiers rangs se tassent, les cris accueillent nos trois musiciens.  D’emblée, toujours aidés par leur écran, les compères envoient un rock à la violence sauvage qui flirte avec le metal. Les enceintes hurlent et crachent, le moment est épais, l’atmosphère lourde. Désireux d’exploiter leur dernière galette parue en janvier 2022 « Levitation Session », la troupe enchaine ses titres. Ce sera d’ailleurs le maître mot de la soirée alors que 6 morceaux sur 8 seront ainsi interprétés. En live, les musiciens se donnent pleinement, sans trop gesticuler, ils étirent leurs compositions, font la part belle aux guitares et au synthé.

Le concert se déroule en chapitres, moins bourin, le second se fait plus psyché. Garage, à la pointe de ce qui se fait de mieux en matière de rock, le groupe est l’étendard d’une scène indé française qui a tout pour rayonner à l’internationale et marquer les esprits. Avec l’ampleur qu’on lui connait, le Trabendo devient un club londonien, un lieu de découvertes et d’émerveillements, plus encore, un lieu où le lâcher prise est maître. A la batterie, Canek envoie ses coups avec précision. Alors que les rythmiques s’envolent, le musicien garde un stoïcisme  percutant. Loin d’être une démonstration physique aux allures de grand sportif, il préfère la précision tout en prenant le temps de contempler le public. Chaque titre se déploie et vient entraîner dans sa folle danse jusqu’au spectateur le plus réticent de l’assistance. Les musiciens jouent entre eux, pour eux avant tout. Derrière ses cheveux longs, Rémi à la basse et à la voix garde son regard fixé sur ses amis. Son plaisir est palpable, entier, non feint. Une certaine timidité à regarder la foule suinte de sa prestation, seul Jean (guitare, synthé, voix) capte son attention. C’est ce qui ressort d’ailleurs globalement de ce concert. Les trois ne communiquent que peu avec le public et il faudra attendre que le set soit presque terminé pour qu’un vague « merci » soit adressé à l’audience. S’il est de coutume plaisant de voir un groupe qui communique plus volontiers avec le public, toute l’énergie est donnée dans la composition instrumentale. Sur la terrasse un spectateur s’extasie, « C’est vraiment un bon concert, ça fait du bien après le COVID ». Un constat qui semble partagé par une assistance à la dominante masculine qui pogote à chaque fois que les guitares s’aventurent dans de sombres contrées.

Un public sous extas

L’acidité des titres fait ensuite place à un Doom metal criant. En cours de théâtre, autrefois, on enseignait aux étudiants un jeu de confiance. Le principe, fermer les yeux et se laisser tomber sur un autre étudiant, lâcher prise en étant persuadé d’être rattrapé. Alors que les slams sont nombreux et que tour à tour des membres du public se jetent dans la foule, il est aisé de penser à ça. Comme la notion d’une masse, vibrant en commun, invite à une confiance telle que tout danger parait abstrait. Quelques ratés sont là, une chaussure se place dans un visage, le slam étayé par un peu d’air guitare s’arrête plus vite que prévu. Mais comme lors d’un plongeons dans une piscine, nos rockeurs en redemandent encore et encore. « Si vous êtes trop serrés ici, c’est que les meilleurs places au fond sont disponibles » indique un panneau. Là haut, alors que la salle est bien pleine, on hoche la tête avec détermination. Sans se regarder pourtant, les membres du public vibrent à la même fréquence et parlent la même langue. Il reste un titre et le public est en effervescence. Des cheveux bleus naviguent au dessus de la foule, les premiers rangs collés les uns aux autres vibrent en choeur. Un dernier merci et le groupe quitte la salle. Là au milieu de foule, reste l’image qui pourra le mieux définir ce moment vécu. Deux converse qui applaudissent portées dans les airs.

Slift au Trabendo
Slift au Trabendo Kévin Gombert©

Printemps de Bourges - 2022
Printemps de Bourges 2022 – Crédit photo : Louis Comar

Le Printemps de Bourges et de retour ! En ce 19 avril 2022, le festival qui donne le top départ de la saison des festivals ouvre ses portes pour une édition en configuration normale. La ville grouille de cette énergie propre à ce monument de la culture française. Les stands de bijoux, tee-shirts, porte-clés gravés et autres sarouels la disputent à ceux de ripailles, du sandwich raclette aux ramens. Les visages sont nombreux et variés, des jeunes bambins aux joues rosies par l’excitations à ceux qui ont connu les premiers premiers printemps il y a 46 éditions de ça, et leurs joues parfois rosies par quelques breuvages d’adultes. Il faut dire que l’évènement particulier fait vibrer toute une ville comme un coeur qui bat la chamade alimenté d’un oxygène d’une pureté sans limite : la musique.

Une performance éternelle et pas artificielle

Premier soir des festivités oblige : un concert unique se tiendra  sur le festival. Il aura lieu au W, le fameux chapiteau géant installé pour l’occasion. A 20 heures l’assemblée est invitée à y prendre place pour découvrir deux compositions made in France offertes par leurs plus grands patriarches. La salle est emplie de chaises, pas une seule n’est vide. Au contraire, certains sont contraints de se tenir debout, privés de places pour pouvoir profiter du spectacle. « Je ne comprends pas ceux qui sont assis à un concert. » ironise  un suisse qui a fait le déplacement spécialement pour profiter de ce nouveau printemps « Il faut vivre ça debout ».

Gaetan Roussel- Printemps de Bourges - 2022
Gaëtan Roussel au Printemps de Bourges 2022 – Crédit photo : Louis Comar

D’ailleurs dès que l’occasion lui sera donné, il partira se perdre devant la scène, au creux d’une foule d’anonymes heureux. C’est Gaëtan Roussel qui ouvre le bal. Là dans le noir, le grand monsieur passe entre les rangs agitant une lampe torche pour mieux éclairer les festivaliers « Est-ce qu’il y a un public ce soir ? » lance-t-il « Oui » « Parfois je suis un peu sourd, il faut répéter ». Le bonhomme sait gérer son audience, c’est indéniable. L’effet Roussel est immédiat, et il n’a pas besoin d’un titre entier pour déjà embraser le W. L’espace avant scène est empli et imprégné de cette atmosphère bon enfant loin de tous les soucis du quotidien. Le meneur de Louise Attaque délecte l’audience d’une chaleur concentrée. Très vite il reprend les titres emblématiques de la formation qui l’a mené au succès « Ton invitation » et « Léa » se succèdent. Evidemment tout le monde chante en choeur. Les plus réticents à danser se retrouvent pourtant propulsés sur des ressorts devant leurs chaises, hypnotisés par la bienveillance se dégageant de cette scène peuplée de point d’interrogations géants. A scénographie simple, performance généreuse. Le talentueux monsieur Roussel s’appuie, il faut le dire sur une troupe de musiciens rodés qui savent donner de belles couleurs printanières à des titres connus et aimés de tous. Pas besoin d’ailleurs d’être fan de son répertoire pour se laisser emmener aux vent de sa set list. Loin des « Nuits parisiennes » qu’il interprète d’ailleurs volontiers, c’est à une folle nuit berruyère que l’audience est confrontée. Dehors, il fait encore bon, le soleil est parti emplissant derrière lui son air réparateur et ses effluves de printemps.  Il en sera de même pour le concert de Gaëtan Roussel qui laissera ses marques dans les esprits. Cette belle invitation, ponctuée de chaleureux remerciements se conclut sur « Help myself (Nous ne faisons que passer) ». Un passage qu’il aura été si bon traverser.

Gaetan Roussel- Printemps de Bourges - 2022
Gaëtan Roussel au Printemps de Bourges 2022 – Crédit photo : Louis Comar

Rockeurs de père en fils

Si une tête d’affiche ouvrait les festivités, ce sont deux têtes, hydre indomptable de la chanson française qui lui succèdent en la personne de Dutronc père et Dutronc fils. Avec ses allures de vieux rockeurs aux indécrochables lunettes de soleil, le père, possède la scène de toute sa puissance acquise au court des années. Anciennes vieilles canailles aux côtés de  Johnny Hallyday et Eddy Mitchell, le monsieur a tous les airs du loubard au grand coeur. D’ailleurs sur scène un décors entre studio d’enregistrement et bar domine les festivités. Sur ce dernier, des portraits : ceux d’un père et d’un fils mais aussi justement de Dutronc et Mitchell copains comme cochons. Et ce décors a toute son importance notamment parce qu’il raconte visuellement ce à quoi prétend ce concert : offrir une part d’intimité et sûrement transmettre le flambeau à la plus jeune génération : Thomas. Pas avant néanmoins d’avoir transmis au fiston quelques derniers tour de passe à passe et surtout au public une très belle leçon de live. La voix si particulière du père, encore plus rauque (ou rock) qu’à l’accoutumé met d’ailleurs tout le monde d’accord.

Gaetan Roussel- Printemps de Bourges - 2022
Printemps de Bourges 2022 – Crédit photo : Louis Comar

Parfois debout, parfois accoudés à ce bar créé, les deux hommes aiment à discuter, inviter à leur intimité, avec l’aisance de ceux qui ont eu mainte fois à se dévoiler sur les plateaux de télévision. Les grandes tubes de Dutronc défilent, joués avec facilité face à un public plus que réceptif qui en connait chaque mot. D' »Et moi, et moi, et moi » qui ouvre le concert en passant par « L’opportuniste », « il est cinq heures » ou encore « J’aime les filles » les classiques s’enchainent transmis par deux générations aux nombreuses générations présentes, elles, côté public. Les deux maîtres de la soirées n’hésitent à dédier une chanson à la femme la plus importante pour eux « Sa mère, Fraçoise Hardy ». De quoi resserrer les liens entre artistes et public.  Thomas Dutronc de son côté dévoile ses titres, parfois seul sur scène pour mieux en capter la lumière. Humble pourtant, il n’a de cesse de la porter sur ceux qui l’entourent : ses musiciens. Ne perdant jamais une occasion pour rappeler le talent d’un guitariste, d’une violoncelliste  ou  d’ajouter qu’il marche dans les pas d’un grand homme. Le chanteur officie tant sur la pointe des pieds qu’il semble presque s’excuser parfois de sa présence scénique. C’est pourtant cette alliance forte réfléchissant au futur en évoquant avec grâce un passé musical entré dans l’ADN de toute la planète France qui crée une magie indomptable. Et c’est pour ces mêmes raisons, que le Printemps de Bourges, joyau élégant conjuguant au passé, au présent et futur la scène français, pourra se targuer d’avoir superbement ouvert son édition 2022.


Festival Chorus 2022

Le samedi est arrivé et le soleil avec lui. Certes, les températures sont toujours beaucoup trop basses. Mais comme tous les parisiens ( et habitants du chaleureux département des Hauts-de-Seine), il suffit aux festivaliers de quelques rayons de soleil pour se convaincre que ça y est l’été est enfin dans la place. C’est donc le coeur empli de cette pensée magique que ces derniers se rendent dans l’immense Seine Musicale de Boulogne. La programmation y sera hétéroclite, les festivités nombreuses.

On crie « Bingo »

Festival Chorus 2022
Festival Chorus 2022 – Crédit photo : Louis Comar

Si le public est moins nombreux aujourd’hui, il s’est tout de même déplacé en masse, une occasion de faire la fête en musique ne se perd pas. Il est encore tôt, il faut se mettre dans l’ambiance. Et rien ne rime autant avec bonne ambiance que disco bingo (même si j’en conviens il n’y a pas de o à la fin de ce mot). C’est donc au milieu de la salle, sur la scène du DJ peuplée d’une deux chevaux et d’écrans de télé rétros qu’est organisé ce jeu. En avant scène, une belle bande de danseurs habillés de vêtements pailletés à prédominance dorée. Pour les pies dans la salle, le sommet du bon goût (il n’y a aucun sarcasme ici, il faut toujours dire du bien des paillettes que l’on croise). Des stylos et des grilles sont distribués aux participants alors que le maître de cérémonie, fait comme il se plait à la dire « claquer ses boules ». Les heureux gagnants remporteront des shots de Get 27, des bulles et des paillettes. De quoi revivre la jeunesse dorée de nos grands-parents.

Pas le temps de niaiser pourtant, malgré une défaite par chaos et une incapacité flagrante à aligner les bons chiffres, le talent ne se force pas, il est temps d’aller écouter un peu de musique live. A commencer par celle de Romane sur la Petite Seine, là bas au fond à droite, vers le quai 9 3/4. Avec son timbre soul, la musicienne distille ses titres au fond pop où la voix prédomine. Elle présente son dernier single et empli le lieu de son timbre puissant. Sil faut convenir d’un certain jet soul, il y a un peu d’Alanis Morissette dans certaines de ses compositions. Ce petit quelque chose qui confère à la balade 90’s bien sentie et accrocheuse. Une chose est sûre, dans les premiers rang, une femme chante de bon coeur sur tous les titres et ne manque pas de les filmer chaque instant du concert.

Romane - Chorus - 2022
Romane au festival Chorus 2022 – Crédit photo : Louis Comar

Des déhanchés et des astres

Aujourd’hui, un rayon de soleil a donc réussi à faire son nid au milieu des nuages. C’est pour cette bonne raison qu’il faut absolument se rendre sur le parvis et profiter du show tout aussi chaud (jeu de mot  de qualité supérieure) de David Walters. Ce touche à tout, globe trotteur aux nombreuses vies brouille les pistes en mélangeant les musiques traditionnelles du monde. Sonorités indiennes rencontrent des consonances  cubaines, brésiliennes ou encore africaines. Le mélange prend aux jambes un public en demande qui délaisse les hot dogs pour se déhancher proche de la scène ou plutôt la seine (parce qu’on est dans les Hauts-de- Seine, faut suivre) du parvis.

Festival Chorus 2022
Festival Chorus 2022 – Crédit photo : Louis Comar

Dehors il fait chaud, c’est plaisant (pensée magique toujours) et c’est donc avec quelques engelures provoqués par ce beau temps printanier, qu’il est temps de se rendre sur la Grande Seine pour profiter d’un des shows les plus attendus de la journée : j’ai nommé le retour de Disiz. Vous vous souvenez de lui, le monsieur avait débuté sa carrière en 95 ( ces années là…) et rencontré le succès en 2000 avec un premier titre « Le Poisson rouge ». Il est important de souligner l’immense travail fait aux lumières pour cette performance face à un public nombreux. Parfois bleues et rouges, parfois multicolores, la réalisation est impressionnante. La foule, connaisseuse des classiques du rappeur attend avec impatience de chanter sur ses plus gros succès. Beaucoup pourtant de ses nouveaux morceaux seront passés en revue alors que le mise en scène donne un ton relativement pop à la performance. La grand messe populaire est très bien accueillie malgré quelques ratés quand il s’agit de reprendre les paroles en choeur. De quoi peut-être frustrer notre hôte qui pourtant se donne à coeur de créer un show dynamique. En guise de preuve de bonne volonté et d’amour sincère, l’audience répond volontiers à chaque mouvement que propose le chanteur,  et vas-y que ça lève les bras, danse, chante, le tout hypnotise, comme à chaque fois.

Hydromancie : divination aquatique

La nostalgie est maîtresse, c’est chose connue. Elle touche les années 90, 2000 mais pas que. Voilà donc qu’il faut retrouver les élégants Oracle Sisters sur la scène Riffx. Le trio a connu un certain succès avec la sortie de son premier EP « Paris I ». Aucun cours ne sera aujourd’hui donné par la formation, ils ne se priveront pas pourtant d’inviter l’audience à se prendre une belle leçon de folk dans les oreilles. Groupe pluri-nationales, de Bruxelles à New-York en passant par la Finlande, ses membres multiplient les origines, ils dévoilent avec une jolie retenue une folk qui sent bon les années 70. Deux chanteurs s’affairent de concert et il est aisé de penser aux immenses Simon & Garfunkel (dans cette parenthèse va se glisser une pause conseil : écoutez le « Songbook » de Paul Simon pour rendre votre vie plus belle). Les morceaux ont la simplicité et l’éminence précision tubesque des Beatles, rien que ça. « Ecoutez Simon & Garfunkel en allumant une bougie et vous verrez votre avenir » disait Zooey Deschanel dans « Presque Célèbre », c’est surement pour cette bonne raison que les Oracle Sisters ont cette vocation d’oracles…

Festival Chorus 2022
Festival Chorus 2022 – Crédit photo : Louis Comar

En empruntant les couloirs de la Seine Musicale pour se glisser vers la scène Rodin en extérieur, on croise une performance artistique. Un jeu d’eau aux nombreuses couleurs projetés sur les murs. En pratique, le tout ressemble à une sorte de kaléidscope géant, un brin hypnotisant. Il suffit de s’asseoir en face pour se sentir soudainement serein, détendu (un brin défoncé). Les cercles bougent lentement, l’eau coule, encore un rond, c’est beau parce que ça bouge lentement, et puis c’est si coloré, c’est incroyable de … reprenons le fil de cet article même si tout le monde aurait bien aimé savoir comment cette histoire d’eau allait se terminer.

 

 

Ah les jolies colonies de vacances

Pas de vacances pour les braves mais un petit tour à la Colonie de Vacances. Le nom amusant d’un projet colossale où quatre scène extérieures jouent de concert et se répondent entre notes de guitares et de batterie pour un rendu rock qui swing. Le tout est complexe à l’oreille d’autant que le son y est très fort mais la performance en elle-même, mérite un tonnerre d’applaudissement. Au centre de cette orgie instrumentale, le public danse volontiers et ondule, comme les reflets d’eau colorés qui étaient si beaux.

A l’intérieur, sur la Grande Seine, il est temps d’aller faire coucou à Caballero & Jeanjass loin du vent qui souffle en extérieur. Le rap sombre du duo, assisté d’un DJ prend des couleurs pastels en live. Les punchlines fusent alors que le set a tout pour faire échos à une génération qui adule ses réseaux sociaux. Les deux jouent sur des phrases travaillées pour distiller un rap accessible et surtout dans l’air du temps. La foule est réactive et prend à grandes plâtrées ce qu’elle est venue chercher, des beats qui balancent et l’envie de se déhancher. En ça, le cahier des charges est respecté.

Du rock au rap, il n’y que quelques pas

L’accès aux stands est un peu plus aisé que la veille. L’affaire était encore vraie en début de journée. Il est pourtant difficile de se procurer à manger sans faire une longue queue dès 22 heures. Quelques chanceux attraperont un met rare en festival, on se demande bien pourquoi d’ailleurs : une bonne assiette de saucisses lentilles. Bingo terroir ! Ou pas, puisque l’une des performances les plus chaudes de la soirée  va débuter: celle des très attendus Structures qui en profitent pour présenter leur nouvelle musicienne. Comme toujours le groupe de rockeurs balance avec une énergie survoltée un son qui tape juste et fort. Les musiciens balancent telle une tornade qu’on ne peut stopper un tourbillon aux notes post-punk qui sent bon les voisins d’Outre-Manche. Le tout fait osciller en masse dans l’optique de faire monter de quelques degrés la chaleur caniculaire de la journée et faire sentir la transpiration dans la petite salle. L’ardeur est un brin moins présente que lors de la prestation spectaculaire du groupe au MaMA festival, pour preuve les musiciens ne tomberont cette fois pas le haut. Il faut aussi admettre que les réglages sons ne tabassent pas assez pour rendre parfaitement honneur aux incroyables rockeurs. La voix de son chanteur au timbre aussi sombre que du Joy Division, n’a  pourtant pas à rougir face aux autres membres d’une scène voisine à la Fontaines D.C ou encore Murder Capital en tête de liste. Le tout donne lieu à l’un des temps les plus fort la soirée.

Celle-ci touche presque à sa fin alors que le classique de festival IAM clôt le moment sur la Grande Seine.  C’est sans leur traditionnel banc qu’ils débutent une performance soignée et donnent une belle leçon de Hip Hop à une nouvelle génération qui ne demande qu’à revisiter ses classique. Le flow fait danser, la bande ne lâche rien, enchaîne tubes sur tubes. Le débit est certes toujours impressionnant mais surtout la cohésion d’une équipe de chanteurs qui se connait par coeur et fait sonner ses voix à l’unisson. IAM est une bête de festival, une machine huilée et rodée qui saurait acquérir à sa cause jusqu’au plus réticent des spectateurs.

Il faut maintenant rentrer, demain, il faudra voter avant de retrouver le chemin du festival qui profitera de quelques degrés de plus. Prévoyez vos maillots de bain!