Longlegs, sorti le 10 juillet sur les écrans français est de ses thrillers à avoir fait couler beaucoup d’encre. Très attendu, le nouveau film d’Oz Perkins promettait le retour des thrillers comme on en fait plus. Une ambiance maîtrisée était alors promise à renfort de promotion autour d’un Nicolas Cage au sommet de sa forme et d’un véritable moment de frissons. Pour une fois, le teasing était même en dessous de la grandeur de l’œuvre. Puisque, tout en connaissant ses classiques, Longlegs s’avère être le joyau attendu par les aficionados de genre, un grand moment de cinéma, que l’on espérait plus. On en parle.
Longlegs, de quoi ça parle ?
L’agent du FBI Lee Harker, une nouvelle recrue talentueuse, est affectée sur le cas irrésolu d’un tueur en série insaisissable. L’enquête, aux frontières de l’occulte, se complexifie encore lorsqu’elle se découvre un lien personnel avec le tueur impitoyable qu’elle doit arrêter avant qu’il ne prenne les vies d’autres familles innocentes.
Longlegs, pourquoi c’est excellent ?
Et s’il était possible de faire mentir tous les adages ? Peut-être êtes-vous familier.es avec cette notion : plus Nicolas Cage a les cheveux longs dans un film, plus ce dernier sera mauvais. L’acteur star a, on le sait, à son actif nombre de navets assumés tout juste bons à payer ses factures. A tel point qu’on en oublierait ses capacités de grandeur et de choix d’excellence scénaristiques. Eh bien, il fallait patienter. Avec ses longs cheveux et ses longues jambes l’acteur se paye l’un des meilleurs films de ces dernières années et l’une de ses performances les plus marquantes, à vous obséder pour les années à venir.
Tout démarrait déjà fort bien. Il suffit de quelques plans à Longlegs pour se mettre dans le bain et s’émerveiller. Un décors glacial, une mise en scène oppressante et une enfant. L’image se fait carrée, vintage comme un vieux téléviseur pour se présenter. Là un intrus, le ton doux et pourtant si menaçant, l’ombre du mal, à peine dévoilée, vue des yeux d’une petite fille. Point de scène de slasher et de massacre. Non, Perkins choisit un dialogue simple dont seule la caméra, la musique et la noirceur du propos viennent nourrir une angoisse indicible. Cette mise en bouche, qui donnerait envie de prendre ses jambes à son cou, marque le coup d’envoi d’un film qui jamais ne commettra d’impairs et saura toujours tenir son spectateur en haleine. Son atout, un film taillé sur le fil du rasoir, une atmosphère obscure et pesante. On pourrait l’écrire en boucle comme une obsession digne du plus grand culte : quelle ambiance !
Gérer ses références sans se prendre les pieds dans le tapis
Libération avant nous parlait du très attendu Longlegs, comparant son succès à celui de Smile. Film d’horreur à l’immense succès qui redonnait aux films de démons une véritable aura. Le journaliste s’interrogeait alors sur ces succès, était-ce lié au simple fait qu’enfin en matière d’horreur le boulot soit fait et non aux immenses qualités des métrages ? La pauvreté du paysage horrifique n’était il pas ce qui embellissait le tableau ? Ce qui est vrai pour Smile est faux pour Longlegs, me permettrai-je de répondre. Le premier en effet avait le mérite de faire peur là où le genre s’embourbait ces dernières années dans une successions de clichés mal écrits et de coutumes usées en boucles. En sa faculté à bien faire le taff, oui Smile valait le détour. S’osant même à avoir enfin des idées et traitant du poids du traumatisme en l’associant à l’horreur. La finesse venait certes à lui manquer mais le propos et sa mise en scène offraient un très bon spectacle. Sans pour autant valoir qu’on lui accorde toutes les éloges qui lui furent faites (une suite en prévision laisse par ailleurs craindre le pire, même l’excellent Conjuring ayant sombré sur l’autel de vouloir y ajouter des suites à la médiocrité risible), le film fonctionnait parfaitement bien. Longlegs n’est point du même sang. Il ne s’agit en rien d’une œuvre qui se contenterait d’écrire convenablement un thriller. Bien au delà, il se construit à la perfection de plan en plan. Et si son sujet semble en partie reprendre aux classiques du genre c’est parce qu’il leur fait référence avec amour. Les inspirations y sont digérées et fines sans pour autant être copiées.
D’Hopkins à Perkins en passant par Spacey
Oz Perkins est on le sait le fils d’Anthony Perkins, l’interprète de Norman Bates dans le culte Psychose d‘Hitchcock. Avec un tel bagage, difficile pour notre homme de pas connaître ses classiques en matière de thrillers. Sauf qu’à mesure du temps, exception faite de True Detective, le courant avait connu un long moment de disette. Il semblait alors impossible de rendre le tueur en série iconique. Esprit Criminel a peut-être fait du mal qui sait, à force de banaliser le propos au risque de lui faire perdre sa capacité à effrayer. C’est comme quand les mots je t’aime, trop répétés, perdent de leur intensité. Pourtant, notre réalisateur aime les thrillers. Et ça se voit. Cette lettre d’amour, joliment écrite, elle ne fait que prendre en intensité, voilà ce qu’offre une belle plume – ou un bon jeu de caméra.
Tout du long, l’âme d’Hannibal Lecter, du Silence des Agneaux plane sur le métrage. C’est sûrement en raison du classique duo tueur en série / agent des forces de l’ordre jeune et innocente. Maika Monroe (que vous avez vu dans It Follows – mais c’est quoi la métaphore de ce film bordel ?) joue parfaitement bien le rôle de la détective Lee Harker. Entièrement dans son personnage, aussi fragile que mystérieuse, elle a peu à envier à son inspiration évidente Clarice Starling. Et elle fait de plus mentir Stephen King, le maître, qui expliquait qu’il faut profondément aimer les personnages pour que l’horreur fonctionne. Ici l’attachement peut paraitre moins puissant et, pour autant, le fil scénaristique qui se déroule fonctionne entièrement. Tout comme les jump scares, judicieusement dosés. Le scénario est peut-être moins important que dans d’autres œuvre parce que sa mise en images, elle, tient de l’excellence. Et puis Longlegs emprunte aussi bien des traits à ceux de Buffalo Bill, tueur recherché du Silence des Agneaux, au moins dans une scène dans son antre qui n’est pas sans rappeler le thriller culte. Tout comme le fait de s’en prendre aux familles rappellera forcément Dragon Rouge.
L’ombre du grand méchant plane à tout moment sur notre film. Perkins cite volontiers et à raison Seven de David Fincher. Dans ce dernier on ne voit presque jamais le tueur, (Kevin Spacey donc) mais il est pourtant toujours là. Sa scène, à la fin du métrage reste le moment le plus fort du film et celui qui a à jamais marqué les esprits. C’est que le réalisateur souhaite faire de son Longlegs et de Nicolas Cage, une ombre menaçante, qui hantera vos nuits d’insomnies malgré un court passage à l’image. Et le propos fonctionne, tout le temps. Surtout que notre grand méchant s’offre des scènes bluffantes (celle de la voiture notamment), portées par un jeu d’acteur à l’efficacité redoutable.
Enfin et sans trop en dire, alors que le monde semble comme toujours tourner dans tous les sens, les réseaux sociaux s’osant à parler satanisme avec un sérieux moyenâgeux, le film revoit son mythe et le renvoie à sa juste place : sur une pellicule. ( Et donc pas dans les conversations sur X qui nourrissent une paranoïa elle profondément effrayante quant à la capacité de nos congénères à entretenir des légendes urbaines pour les ériger en faits. S’il vous plait, arrêtez de faire ça)
Au cinéma, l’idée du mal absolu qui s’en dégage fait toujours frissonner lorsqu’il est justement utilisé. En le détachant d’une certaine superstition religieuse mais en simple grand méchant, dont les actions ne seraient jamais de « détruire le Monde » mais bien de corrompre et de faire le mal. Longlegs, quant à lui restera un thriller diablement efficace, autant que ce que le cinéma d’Ari Aster a pu offrir, à courir voir sur grand écran, à très grandes enjambées s’il vous plait !
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