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Julia Escudero

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Le soleil brille dans le ciel francilien. Après des semaines de grisaille et de temps hivernal, la clémence semble être enfin de rigueur ce week-end. Et ça tombe bien, puisque ce 3 septembre 2021 voit de nombreux festivals ouvrir leurs portes. Parmi eux, le champêtre Essonne en Scène à Chamarande. Evénement familiale au décors somptueux s’il en est, il promet trois jours de festivités comme au bon vieux temps d’avant. Pour ceux qui n’habitent pas dans le coin, le long trajet promet un dépaysement à la hauteur de ce moment hors du temps, à déguster comme un weekend loin de la grande ville. Pour cadre, l’évènement a pris possession d’un château et de son immense parc. La scène lui fait face alors que food trucks et bars l’encadrent.

Sur les pelouses, les familles s’installent en position assise. Le décors pourrait bien rappeler un tableau impressionniste et ses déjeuners sur l’herbe. Il est 18 heures quand la musique envahi les âmes. La programmation soignée ne décevra pas et fera plaisir à une assemblée plurielle.

Et c’est parti !

 

Carole-Pele_Essonne-en-Scene_2021
Photo : Louis Comar

Carole Pelé à la lourde tâche d’ouvrir les festivités. La belle est venue conquérir les coeurs des foules et distiller ses maux avec force et énergie. Vêtue d’une combinaison blanche, assistée d’un musicien, elle happe immédiatement l’attention. « Essonne en Scène j’ai rien à raconter » lance-t-elle en guise d’amuse-bouche avant de lancer son titre du même nom. Son flow fluide et la justesse de son timbre promettent un moment entre intimité et danse. Se canalisant sur l’avant-scène, la musicienne propose un show travaillé et pointu et des mélodies d’une modernité juste. Elle tape fort et vrai et se dévoile. D’angoisses face à elle-même aux amours déchus, la gravité de cette introspection musicale à la belle fibre artistique se fait plurielle lorsqu’elle devient festive. Comme Fauve avant elle, la chanteuse joue de notes sombres et d’un ton grave pour évoquer des peines universelles tout en parlant aux coeurs. Elle en profite pour faire un hommage à sa mère en lui dédicaçant un morceau qui contient des enregistrements de la voix de cette dernière.  Voir Carole Pelé sur scène évoque un instant privilégié, de ceux à vivre lorsque l’on assiste aux premiers pas d’une future grande de la musique. Comme pour un grand cru, la musicienne ne pourra que gagner avec le temps et les capacités à pousser ce projet esthétique en son apogée. « Nuit Blanche » conclut la performance avec beauté, la foule commence à s’électriser, la soirée sera belle et la nuit claire.

Le soleil est encore là et il serait regrettable de ne pas profiter des pelouses. Qu’à cela ne tienne pour mieux décoller plus tard, il faut reprendre des forces. Alors que certains, malins, commencent leurs repas ou en profitent pour boire quelques verres, Før débarque sur scène. Le duo homme femme, dévoile ses compositions pop rock entre guitare acoustique et violoncelle. Les voix aériennes se mélangent et n’ont pas à rougir face à une scène britannique pourtant avare de  ce type de composition. Les notes perchées s’envolent haut alors que le groupe assis invite avec poésie à l’introspection. Ce sera le dernier temps calme de la soirée.

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Photo : Louis Comar

Danser le nouveau Monde

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Photo : Louis Comar

La foule est prête, elle veut danser maintenant. Et ça tombe bien puisque la pop française de Videoclub s’invite maintenant à l’évènement. Sur scène, le trio inspire une sympathie immédiate. Les traits juvéniles de sa chanteuse ne trompent pas : les titres précis offrent une modernité bien construite. Avec ses accents 80’s, les compères ne sont pas sans rappeler Les Pirouette. La voix elle, déclinée en chant des sirène est aussi pointue que bienveillante. Avec Video Club, la fête promet d’être belle. Quelques classiques sont revisité, pimpés entre candeur et fraîcheur. La foule oscille sur « Un autre monde » de Telephone.  Elle ne s’assoira plus. Sauf peut-être si on lui demande de s’accroupir pour mieux bondir dans les airs. Volontaire, elle réagit à chaque mot de la maîtresse de cérémonie, qui la remercie chaleureusement de faire « revivre la culture et la musique en live ». Le moment pourrait sembler être la norme d’un été vibrant. Il n’en était plus rien depuis des mois. Difficile donc, de ne pas sourire franchement et voyant ces scènes d’euphorie partagées. Elle se prolongent d’ailleurs sur le titre « Euphories » que beaucoup reprennent en choeur. Il y a du Thérapie Taxi dans la formule de Videoclub et ce n’est pas le titre « Amour Plastique » qui fera mentir ce constat. Sa chanteuse, Adèle aujourd’hui seule face au départ du groupe de Matthieu promet de se lancer en solo. Avec ses accents qui sentent le chamalow et les fêtes foraines à deux, la belle garde le sourire face à cette séparation amoureuse aux relents doux-amers qui lui aura pourtant permis de se lancer. La suite ne pourra que lui sourire.

C’est aussi pour 47 TER que la foule s’est déplacée. Cette fois-ci dense et debout, elle se masse au premier rang en un tourbillon compact. Les membres les plus jeunes de l’audience sont en émoi. Le temps se rafraîchit à peine et l’atmosphère, elle, se fait bouillante. « C’est pas compliqué, expliquent les intéressés, on est trois, on va diviser le public en trois et voir qui sont les plus chauds ! ». Les demandes de faire du bruit, de sauter et d’interagir se font nombreuses. Bonne joueuse, la foule répond à tout. Le rap des compères est chaleureux comme l’été qui s’installe ne serait-ce que pour quelques jours sur la capitale. Les notes sont précises, sucrées et accessibles. Facile donc de chanter et de reprendre en choeur toutes les notes proposés. L’instant se fait grand messe pour mieux devenir leçon de gestion de foule, tous les rangs dansent volontiers alors que l’atmosphère familiale réjouit petits et grands. Lorsque « Côte Ouest » est joué, le public reprend ses paroles.  Avec légèreté mais en gérant sérieusement la scène, le trio attire naturellement la sympathie.  L’effervescence est telle que lorsque les musiciens sortent de scène, un groupe d’adolescents les attendent et tentent d’escalader les barrières pour les saluer.

Vianney, coqueluche de la soirée

Tout n’est pourtant pas parfait en ce moment champêtre. La faute peut-être à des mois compliqués avec une jauge impossible à prévoir, la restauration sera le point noir de l’évènements. Malgré la multitude de food trucks présents, la queue ne dégrossit pas et les estomacs gargouillent. Certains attendent plus de deux heures pour obtenir un burger ou une crêpe. Le lendemain, les festivaliers seront prévenus : il faudra commander tôt ou venir avec un pic-nique.

Vianney_Essonne-en-Scene_2021
Photo : Louis Comar

Pas le temps néanmoins de penser à manger puisqu’à Essonne en Scène, les concerts s’enchaînent sans laisser de répit aux spectateurs. Et c’est tant mieux puisque les saveurs musicales elles, se dégustent à l’infini et laissent un goût plaisant en bouche. C’est d’ailleurs au fils chouchou de la France, Vianney, de faire son entrée sur scène. Au cours des années, le gendre idéal a pris le temps d’évoluer et de devenir une figure inconditionnel de l’espace médiatique français. A mesure que la cote de popularité du chanteur grandissait, les a priori se sont formés. Certains préférant mettre en avant son aspect tout public en oubliant pourtant un fait d’une importance central : Vianney est un artiste live d’une grande qualité.  C’est bien ce qui avait été marquant lors de son tout premier concert au Café de la Danse et c’est bien ce qui reste vrai : cette machine à tubes qui fonctionnent sait particulièrement bien gérer son audience et se donner à fond. Vianney est une toupie qui s’approprie son espace scénique à la perfection. Les blagues fusent, grand public, construites alors que l’homme à la guitare saute dans les airs. Ne vous affolez pas s’il n’a pas besoin de toute une attirail de musiciens pour le suivre, comme il l’aime à l’expliquer, sa pédale de loop lui suffit amplement. L’air est encore chaud et la foule, compacte, n’à d’yeux que pour le chanteur. Il en profite pour enchaîner ses morceaux repris en choeur par l’assistance. Le moment de communion est beau d’autant plus qu’il unie en son sein toutes les générations. « Je m’en vais », « Dumbo », « Beau-Papa », « Pas là » ou encore « Moi aimer toi » sont scandés  face à un maître de cérémonie qui bondit dans les airs et fait des dingueries de ses acrobaties. Alors que le chanteur remercie le public qui a dû braver les contraintes sanitaires pour faire revivre la musique live, une pensée pourrait bien traverser les esprits. Si la musique est le langage universel, il est intéressant de noter à quelle vitesse un titre peut devenir culte et à quelle vitesse des paroles peuvent devenir une appropriation collective. La popularité d’un musicien en fait facilement un trésor national. C’es sûrement pour cette raison que la foule à tant de mal à laisser partir la tête d’affiche de la soirée. Malgré l’absence à la set-list de « Je te déteste » – un incident regrettable- il signe un sans faute retenu par des tonnerres d’applaudissements rappel après rappel. La fin des festivités semble tomber bien trop tôt alors que des navettes attendent les festivaliers souhaitant rentrer chez eux. Des souvenirs plein la tête, les oreilles qui bourdonnent, avec un silence à peine troublé par quelques conversations passionnées, les couches-tard ont loisir de se remémorer l’instant à mesure que les lumières de la ville s’approchent inexorablement.


Le 24 septembre 2021, J-Silk sera de retour avec un troisième EP intitulé « Dreaming Awake’. Le duo franco-britannique en profitait pour distiller une new soul voluptueuse, aérienne, joviale et plurielle alors que la voix puissante de sa chanteuse Joanna Rives donnait le ton tout en se faisant gage d’une qualité indéniable. Les notes aux couleurs suaves y ont une place dominante tout comme les rythmiques travaillées. Le duo avait teasé ce retour dans les bacs à l’équipe de Popnshot au court d’un entretien sous le soleil du Printemps de Bourges. Un moment emprunt de tendresse et de complicité qui représente bien l’entente artistique et la dualité de ce groupe soudé.  A noter que le groupe se produira en concert parisien le 16 septembre aux Trois baudets.

 

J-Silk_Interview
J-Silk au Printemps de Bourges – Droits : Louis Comar
PopnShot : Votre single « Dreaming Awake » parle d’insomnie. Comment avez-vous choisi d’illustrer ce vécu à travers votre musique ?

Louis Gaffney / J-Silk  : Ce morceau vient d’un texte de mon grand-père qui est un artiste français. « There is always someone asleep, someone awake, someone dreaming to sleep, someone dreaming awake. » On a trouvé cette dernière phrase cool et Joanna a écrit son texte en partant de cette phrase.

Joanna Rives / J-Silk : Moi j’avais écrit un texte qui s’appelle « Sleeping Awake », Louis a fait le lien avec son grand-père. De là on a essayé de construire un texte autour de l’insomnie parce que nous avons tous les deux des soucis pour dormir.

Louis Gaffney : Et c’est aussi devenu le nom de notre EP.

P&S : Le morceau est très aérien et dénote avec vos précédents titres. Comment avez-vous composé cette texture musicale qui représente si bien l’insomnie ?

LG : On a d’abord fait la prod, on avait le son et puis ensuite Joanna s’est demandée ce que ça lui inspirait et elle est partie dans sa composition.

JR : Oui, c’est ça. On n’a pas toujours les mêmes fonctionnements dans la composition, dans l’écriture, dans le processus artistique. Cette fois ça partait d’une production de Louis et moi. Pour la voix, on voulait quelque chose de clair, de lumineux, de fragile… avec la basse, ses pédales et ses textures, ça donnait quelque chose d’un peu vaporeux.

J-Silk_Interview
J-Silk_ Droits : Louis Comar
P&S : Ce nouvel EP, vous avez pris le temps de le travailler et de le sortir. Comment s’est passé le cheminement de composition ?

JR : Le processus remonte à bien deux ans. On devait le sortir l’année dernière, il était prêt depuis quelques mois avant.

LG: On a fait beaucoup de studio, on a aussi fait beaucoup de sessions à la maison pour tester des choses.  On a testé des acoustiques, des électros, des morceaux qu’on a composé mais pas sortis. Du coup en septembre on va sortir 7 nouveaux titres.

JR: On a souhaité aller plus loin que sur les deux précédents EP en terme d’écriture : on utilise l’écriture automatique. On a poussé sur les retours, on a travaillé avec une amie anglaise de Manchester qui nous a aidés sur certains détails, sur les accents. Elle est venue en studio, ce qu’on ne faisait pas avant. En terme musical, Louis a beaucoup produit. On a fait beaucoup d’allers-retours. On a un titre en français pour la première fois. On a essayé beaucoup de choses.

PnS : Composer en français vous donne-il le sentiment de plus vous dévoiler sans la barrière de la langue ?

JR : Nous on écoute beaucoup de musique anglaise. Et moi j’ai vécu en Angleterre. C’est naturel pour nous d’écrire en anglais. Mais c’est un bel exercice pour nous le français. Disons qu’on ouvre une porte, pour nous au début ça partait d’une blague. On était en studio avec Louis et il me met le casque et me dit ‘Allez improvise’. Du coup j’ai commencé à chanter en anglais, français et espagnol. Et puis on l’a fait écouter à des copains qui nous ont dit ‘Mais pourquoi pas ?’.  Et ils préféraient la version française. C’est un peu plus difficile parce que c’est nouveau et parce que c’est un autre exercice, ce ne sont pas les mêmes codes d’écriture en français et en anglais, les intonations changent.

PnS: Louis est anglais, Joanna est française. Est-ce que vous partagez les mêmes influences ?

LG : J’essaie de trouver une chanteuse que Joanna ne connaisse pas. J’essaie vraiment mais elle a toujours un temps d’avance sur moi sur ce sujet. On écoute vraiment la même chose.

JR : On partage même nos shamy tracks ! (rires) Dès qu’on a débuté, on a eu une vraie accroche musicale dans les influences, dans les goûts.  On a une vraie sensibilité commune.

PnS : Tu parlais des chanteuses que tu connais, l’une d’entre elle est très importante pour toi : Amy Winehouse. Quelle image as-tu d’elle ?

JR : Au delà du personnage et de la chanteuse, moi j’ai commencé par la guitare, et je ne chantais pas. Et quand j’ai découvert cette artiste, j’ai été très touchée par sa sensibilité. Elle amenait beaucoup d’émotions et ça m’a donné envie de chanter. J’ai commencé à fredonner ses chansons et puis c’est là que j’ai vraiment eu envie de m’y mettre. Amy Winehouse, elle représente ça pour moi. C’est très symbolique pour moi.

PnS : Vous avez beaucoup parlé de la thématique du passage à l’âge adulte. Pourquoi est-ce important pour vous ? 

LG : Je suis papa depuis 10 mois et l’âge adulte, je le sens bien. (rires) C’est difficile de se trouver, ça prend du temps artistiquement comme en tant que personne.

JR : J’ai toujours dit que je voulais pas grandir. Déjà petite, je disais, je veux rester un bébé et je vais essayer d’en rester un encore longtemps.

J-Silk_Interview
J-Silk_ droits : Louis Comar
PnS : Il a y une véritable dualité dans votre musique. Est-ce quelque chose que vous travaillez ?

JR : Je ne sais pas si on le travaille consciemment. On travaille beaucoup en binôme donc le duo est là et il est porté par chacune de nos personnalités. Personnellement j’ai aussi une forme de dualité, de mélancolie autant que de positivité. Il  a toujours cette question du verre à moitié plein et à moitié vide. J’en parlais déjà dans « It’s up to you ». Je suis aussi très indécise. Le rêve, la réalité … que se soit dans les paroles, la production, la manière de chanter. On le voit quand on compare « Dreaming awake » et « Bring me joy ».

PnS : Vous vous décrivez comme issus du courant new soul. Pour vous il y a un nouvel âge de la soul ?

JR : En France, je ne sais pas si c’est vrai.

LG : Si parce qu’il y a une grosse scène r’n’b qui revient. On n’est pas vraiment dedans mais ces courants se rejoignent. Et puis il y a la futur soul avec des groupes un peu plus jazz qu’on écoute beaucoup.

JR : La new soul c’est plutôt hybride : du hip hop, du jazz. On le dit parce qu’il faut mettre des mots pour catégoriser les projets. Nous sommes très portés par la scène anglaise. Quand on compose on se pose pas ces questions. Il faut du liant dans l’esthétique d’un projet mais c’est plus une base qu’on aime.  On est en train de casser les codes des genres.


 

 

 

Order 89
L’été des corbeaux – Order 89

L’été 2021 sera beaucoup de choses : celui des espoirs et des doutes. Il sera celui d’une vie retrouvée et d’une crainte criante de la perdre à nouveau. Celui des rires, des chants et des croassements des corbeaux. En effet de retour après un premier album « Bleu Acier » sorti en 2019, les compères d’Order 89 sont de retour avec un tout nouvel opus « L’été des corbeaux », un condensé de dix titres aussi enivrants que crasses.

Le premier album a comme beaucoup, souffert du confinement. Impossible de le jouer en live et de le faire tourner comme il se doit. Regrettable lorsque l’on sait les grandes qualités scéniques qui sont celles du groupe survolté. Alors plutôt que de sombrer dans la fièvre du live stream comme beaucoup, les parisiens ont choisi de mettre les bouchées doubles et de confectionner un petit second qui lui, aurait toute l’attention qu’il mérite. Pour parfaire cette tâche la formation est devenue quatuor, ajoutant Luce à la guitare. Pensé pour être au plus proche de leurs performances en live, cette nouvelle galette s’avère riche en surprises.

La machine se lance avec « 100 visages ». Pas besoin de fioritures pour Order 89 qui envoie directement la sauce. La basse tonne lourdement , les machines s’emballent et voilà que la voix écrasante et puissante peut engager les hostilités. Chantées comme une comptine sombre, les premières notes se font répétitives et entêtantes. Les boucles musicales s’ajoutent à la folie de l’instant, plus présentes qu’une voix entre chant et phrasé. Le rock dégouline de ce titre sombre, appel à faire tomber les masques. La cold wave s’invite à la partie, tonitruante. Le ton est donné.

Maintenant que le groupe a toute l’attention de son auditeur, il est temps de lui proposer une « Ronde ». Les phrases courtes s’alternent avec rapidité, le rythme est répétitif, la montée en puissance se construit comme une montagne russe. Avant le refrain, une pause au sommet du grand huit s’avère nécessaire. En retenue, ce dernier s’invite naturellement au moment, il se répète encore et encore. « Tel est ce bruit qui résonne dans mon cœur et la nuit » scande Jordi en boucle comme un appel nocturne au laisser aller. L’atmosphère s’emplit d’une odeur de cuir, le spectre des Black Rebel Motorcycle Club n’est pas loin.

Rock sous acide

Plus psychédélique, « Histoire Parallèle » fait la part belle aux machines. Toujours avec une dominante rock, le titre se teinte clairement d’électro dégoulinant qui donne l’envie incontestable de danser certes, mais bien plus certainement dans un garage que dans une boite de nuit clinquante. C’est aussi ça Order 89, une mise en avant primordiale de rythmiques envoûtantes qui peuplent des morceaux aussi lourds de sens qu’accessibles à la majorité. Cet obsession, elle peuplera la totalité d’une galette qui croit autant au brit rock qu’à Noir Désir. Avec sa phraséologie, son timbre atypique, sa perception du couplet, le groupe pourrait évoquer Indochine sous acide, la part pop comme dans populaire en moins, les compositions pointues en plus.

« Gangster » sonne comme le chant du fakir et monte en intensité. Puissant et hypnotique, il perche, happe, déstabilise. Véritable temps de modernité, il joue des codes du passé pour mieux les casser comme Bagarre avait su tordre les genres pour mieux créer son univers. « Vertige » s’inscrit dans la même veine en démarrant sur les chapeaux de roue. Pas le temps de souffler le titre défile à toute allure, les notes s’enchaînent avec rapidité, absorbent l’auditeur en un tourbillon sauvage et salvateur.

« Ici la nuit » prend le temps de souffler sur son introduction. La voix suit, elle scande, se fait multiple, s’épaissit. Comme toujours sur cette galette, le repos est de courte durée alors que force et puissance se font alliées pour mieux donner une claque sur l’épaule au moment du refrain. Les oreilles bourdonnent, la nuit a tout enseveli. Seule la basse se répète en notes oxygénées, elle prend par la main, marque des temps de pause lors de l’invasion bienvenue des machines. Et si cette nuit nous faisions un trip hallucinogène tous ensemble ?

Fauve avait baptisé ses deux albums « Vieux frère », c’est aussi le cas de ce morceau. Du collectif, Order 89 reprend le nom du titre et sa capacité à unir en additionnant phrasé et chanté. La comparaison s’arrête là. Plus sombre, plus vive, acérée comme une lame de rasoir, la musique du groupe bouleverse et résonne chez un public expert.

L’invasion des machines

Les machines prennent le contrôle le temps d’une « Chasse aux sorcières » haletante. Alors que « Les Nuits sauvages » fait la part belle aux instruments omniprésents et offre un temps cathartique. Le tourbillon musical glisse sous la peau, il recouvre tout d’un voile de rock crasse et méthodique sous forme de bordel organisé.

L’expérience touche à sa fin sur « Pays Sacrifié », un titre bien plus posé que le reste de l’opus. Cette fois-ci, c’est la voix qui domine, elle s’engouffre, bat les notes comme elle fait battre les cœurs. Elle laisse pourtant la place à un gimmick instrumental pour clôturer cet été éprouvant qui propose un vol vertigineux et poétique dans la noirceur des clubs et des âmes qui ne trouvent pas le sommeil.

Must See

« L’été des corbeaux » est disponible depuis le 2 avril 2021. L’opus se révèle être l’occasion parfaite pour permettre au groupe de prendre les routes de France et d’offrir une série de concerts estivaux à un public qui ne demande qu’à se retrouver. A noter que son passage à la Dame de Canton en présence des rockeurs aussi fous que solaires de Yoko Oh No a été un temps de fort de cet été. Le live déjanté face à un public de rockeurs hyper réceptifs s’es vu ponctué de pogos, danses enflammés et sueur à grosses gouttes. Outre les nombreuses blagues des formation sur scène, bonne humeur et convivialité étaient mots d’ordre. Une reprise léchée de « L’amour et le violence  » de Sébastien Tellier reste l’un des moments inoubliables de cette soirée magique. S’ils passent près de chez vous, rendez vous un immense service, ne les manquez pas !


Pépite Rêve RéalitéDeux années de perdues, d’isolement et de difficultés partagées. Après la longue période de souffrances engendrée par la pandémie, le monde n’avait besoin que d’une chose : se retrouver et partager de la douceur et de la beauté. Et comme une réponse naturelle à cette urgence, Pépite était de retour le 25 juin 2021 avec un nouvel EP onirique. Il faut dire que le duo français, lui aussi confronté aux mêmes enjeux y a vu un moment de flottement où une réalité improbable venait se heurter au monde des rêves. Entre nostalgie du monde d’avant et une belle dose d’espoir, les doux rêveurs aux mots bleus injectent à travers leur « Rêve Réalité » une dose de romantisme exacerbé qui tord les tripes et empli d’oxygène.

5 titres  tout en douceur

Le ton est donné dès « Uno »qui ouvre ce bal en cinq temps. Pépite sait créer du tube intemporel. La voix aérienne et familière de l’inénarrable Thomas invite au lâcher prise. Peut-être parce qu’il manie à la perfection les sonorités rétros 80’s, les titres du groupe confèrent toujours à un sentiment de chez soi retrouvé. Les premières secondes du morceau frappent d’ailleurs très fort alors que la voix se dévoile par vagues successives. Pour le titre le plus mélancolique de l’album, la ligne instrumentale se répète en une boucle bienveillante, le refrain coule de soi, comme lors d’un bon rêve, la cohérence en plus. L’entrée en matière se fait avec douceur, la piste de décollage est parée. Le groupe prend l’auditeur par la main,  le bal est ouvert.

Avec Pépite, il est toujours facile de se projeter dans des nuages bleus et roses pastels, et ce ne serait surement pas une « Mauvaise idée’ que de s’y laisser aller. Ce deuxième titre accélère la cadence. Tout comme un certain Jean-Jacques Goldman, le duo crée une gimmick dansante si douce qu’elle en devient déjà culte. Hasard d’écriture ou non, le titre pourrait d’ailleurs bien être le pendant made in 2021 de « Bonne idée » du célèbre compositeur. C’est d’ailleurs sur son instrumental que le morceau sort son épingle du jeu alors qu’une boucle de synthé vient aérer les refrains. Ces derniers prennent d’ailleurs plus de place que la voix elle-même. L’apogée du titre vient alors qu’un solo instrumental s’offre de l’épaisseur et met en avant une batteries déchaînée et un saxophone puissant. Dans les dessin-animés, on imagine le rêve comme un tourbillon, en voici l’illustration sonore qui résonnera comme un rythme dansant jusqu’à sa dernière note.

C’est le troisième titre qui donne son nom à cette parenthèse lumineuse. Aérien et subtile, ce dernier invite au voyage intérieur. La rythmique posée prend par la main. Comme souvent, Pépite crée l’équilibre idéal entre nostalgie, romantisme et rythme entêtant. Invitation au slow par excellence, « Rêve Réalité » envoie son auditeur au milieu des cours de récréations, des amours candides, des couettes aux chouchous colorés et des bonbons acidulés. C’est d’ailleurs bien ce goût de fils multicolores entre sucre et acidité qui se fait sentir au creux des notes. Construit par couches, il sublime les échos des voix qui se perdent pour devenir des images. La bande instrumentale, devenue copine de récré, nous prend par la main et promet, juré craché, de ne plus quitter nos oreilles.

montagnes russes

« Mirage » illustre la capacité de Pépite à créer du tube sans jamais un faux pas. Les premiers instants vont crescendo. La piste de décollage est parée, le premier couplet évoque la montée des montagnes russes et prépare aux sensations fortes. Les boucles psychédéliques ne tardent pas à venir sublimer cette pop française calibrée. Le duo innove et mélange, il tord les codes des registres pour mieux les recréer. Le renouveau de la chanson française est bien là, il emprunte aux autres sans jamais sortir de son terrain. Tout en gardant son âme pastel, il flirt avec le rock, lui prend sa fougue dansante et s’offre par la même occasion un véritable tube. Dès sa première écoute, il devient si culte qu’il parait improbable de ne pas l’avoir déjà entendu. Le duo distille ces morceaux amis dont la rencontre est une telle évidence qu’elle en devient instantanément fusionnelle.

Vient la « Brume » dernier titre de cet EP.  Une ballade nostalgique tout en douceur sous forme d’au revoir doux-amer. Parfaitement rétro comme il peut être parfaitement moderne, il est l’illustration de la douceur signée Pépite et de sa maîtrise de composition. Le groupe signe en clôture un titre qui résonnera à travers les générations. N’est ce pas d’ailleurs le pari fou que s’est lancé le groupe ? Parler à travers les époques, transcender les méthodes passées et se les réapproprier, créer un lien universel et redéfinir la chanson française.

« Rêve Réalité »  est un songe estival, une douceur à savourer pour oublier les cauchemar de ces derniers mois et se rappeler que quoi qu’il arrive, la musique, elle, sera toujours là.


Une release party perchée

Pépite
crédit Kevin Gombert

Mercredi 7 juillet, Pépite a pu célébrer la sortie de son nouvel EP en grande pompe. Au programme : un très bel évènement dans les hauteurs de la Gare de l’Est et plus précisément sur son Perchoir. Caché sur la gare elle-même et devant sa superbe verrière, le bar ressemble à une oasis paradisiaque en plein Paris.  C’est dans le cadre de cette terrasse aux canapés verts et aux nombreuses plantes que Pépite a offert à un public trié sur le volet un mini concert de retrouvailles avec vue sur la capitale. Pour fêter la nouvelle, les copains de la musique sont venus en nombre. Egalement signés sur le label Microqlima, la bande de L’Impératrice était au rendez-vous et s’est même offert un DJ set en fin de soirée. L’occasion également de chanter (en avance) un « Joyeux anniversaire » à Flore Benguigui et de lui faire souffler ses bougies. Voyou ou encore Malik Djoudi étaient aussi de la partie. Quoi de mieux qu’une longue soirée d’été pour accepter doucement de sortir du rêve et  d’entrer dans la réalité ?