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Julia Escudero

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La Cafetera Roja en concert à La Boule Noire Paris 2021
Photo : Louis Comar

Le 18 juin, alors que la pluie menace de tomber, Paris vibre pleinement. Le couvre-feu touche à sa fin, les masques tombent dans les rues. Le soleil éclipse pourtant tous les risques annoncés, Pigalle fait le plein en terrasses, on se retrouve dehors. Et puis aussi dedans, en salles de concerts. Il est évident qu’en salles, les règles sont bien différentes de celles promises au reste de la France. Pour les professionnels du spectacle, toujours soumis à de nombreuses contraintes, les enjeux d’une reprise timide sont là. Besoin de rentabilité, envie de (re)vivre des moments forts face à un public en demande. Artistes, organisateurs, fans, tous ne demandent qu’à communier à nouveau en une grand messe musicale.

Une performance sans limites

Et à 21 heures, alors que le soleil tape encore, voilà que la Cafetera Roja prend possession d’une des plus belles salles de la capitale : La Boule Noire. Les consignes sont nombreuses : un siège libre entre les groupes, impossibilité de passer commande au bar, il faudra utiliser une application en ligne et se faire servir, il faut rester masqué, il faut rester assis. Pourtant, retrouver la salle parisienne, c’est toujours comme retrouver sa maison. Une petite maison feutrés aux murs en moquette vieillis et aux dessins érotiques, une maison qui sent la bière et la musique. La voir en configuration assise pourrait provoquer un pincement au coeur si le simple fait de rentrer chez soi n’était pas une telle joie. Et quoi de mieux que de faire place à un groupe comme la Cafetera Roja pour saluer cette vieille amie ?

Le public est présent, familiale, on compte quelques têtes blondes parmi les membres de l’assistance, des connaisseurs aussi. Tous ont en commun une joie fulgurante dans leur regard et l’impression d’être montés sur des ressorts. « Non, c’est fini « semblent dire leurs yeux, « On ne veut plus dormir chez nous ». Le groupe se présente avec à peine quelques minutes de retard, l’attente avait été grande, la réponse en live est à la hauteur. Il suffit d’un morceau pour que la formation balance des riffs maîtrisées et profondément dansants. Guitare, batterie, chant, clavier, contrebasse sont de la partie. Il faut dire que la formation jouit d’un savant mélange pour créer des compositions OVNIS et inclassables. Avec elle, tout est permis, il n’y a aucune frontière. On chante d’ailleurs comme on rap, et le tout en anglais, espagnol, allemand, français… où serait le fun à créer des limites ? Pour mieux brouiller les pistes le groupe refuse les étiquettes de style : trip hop, rock, reggae, chanson, rap, latino tout y passe en un condensé de bonne humeur hallucinant.

Quand la musique sonne, le public reprend ses droits

Le groupe multi-générationnel, mixte, galvanise la foule. Deux morceaux, le voilà qui remercie chaleureusement le public de s’être déplacé. Non pas de ces remerciements écrits qu’on avait l’habitude d’entendre au temps d’avant dans les salles de spectacles pour meubler et faire beau. Non. Mais de ces remerciements sincères portés par un manque réel et un émerveillement d’être enfin là sur scène. Toujours pour mieux brouiller les pistes, le combo échange régulièrement de rôles et d’instruments. Aurélia Campione au chant et à la guitare hypnotise les foules avec

La Cafetera Roja en concert à La Boule Noire Paris 2021
Photo : Louis Comar

énergie. Face à elle Anton Dirnberger (MC, clavier) lui donne parfaitement la réplique. La chaleur monte d’un cran et rester assis devient alors douloureux. A Barcelone, où la Cafetera Roja s’est formé, on a fêté la fin du couvre-feu à minuit en mangeant des raisins comme le veut la tradition du Nouvel An.  Comme si on reprenait enfin à zéro. A Paris, la fête ne peut plus attendre et rien d’aussi officiel ne semble se produire. Alors un à un, doucement, voilà que les convives décident de reprendre l’année à zéro sans vraiment prendre compte de droits qui n’ont pas encore été officialisés. La nature humaine reprend ses droits et voilà que certains se lèvent pour taper dans les mains et danser.

La Cafetera Roja en concert à La Boule Noire Paris 2021
Photo : Louis Comar

La présence surprise du rappeur  Hame Rek le temps d’un morceau endiablé, ne fait qu’accentuer le phénomène. Impossible d’arrêter une foule qui danse et qui vibre. Chaque morceau est synonyme de retrouvailles, la folie est contagieuse, elle se transmet à toute allure. La tension monte, Fiti Rodriguez (Chant/Basse/Chœurs) en profite pour lancer quelques mots sur ce moment émouvant, le manque qui l’avait précédé et la fête gagne du terrain. La température ne redescendra pas d’un cran et ce jusqu’à la fin de ce moment rayonnant. La foule, continuera à célébrer la vie et la musique debout, en chantant à l’unisson dans toutes les langues qu’on lui propose et ce jusqu’à la toute dernière seconde de cette performance qui accompagne la sortie du dernier album en date de La Cafetera Roja : « Muzaik ». Encore électrisé, le public doit quitter la salle avec les oreilles qui vibrent et qui sonnent, comme au temps d’avant. Ou peut-être encore bien plus fortement. Après tout, maintenant qu’on sait tout ce qu’on peut perdre, tout n’aura-t-il pas à jamais meilleur goût?


THEE DIAN
Crédit photo : GIL ANSELMI

THEE DIAN, c’est avant tout le rencontre d’une voix. Puissante, profonde, enivrante et inoubliable. La chanteuse offre au compte goutte les brides de son univers en se dévoilant titre par titre comme autant de petits cadeaux à déballer les oreilles grandes ouvertes. Si la promesse d’un album et d’une rencontre en live planent au-dessus de nos têtes, chaque extrait mérite de prendre le temps de le déguster et de s’en imprégner. Avec un flow aussi dansant que mélancolique, la belle tape juste et s’offre une palette moderne loin d’être privée de références .

Il faut dire que la musique coule dans ses veines depuis son plus jeune âge. Elle apprend le piano à trois ans alors que sa mère, choriste d’Alpha Blondy et Manu Dibango et que son père, chanteur de Carlos Santana lui donnent le goût des partitions et des notes savantes. Entre Dakar et Paris, THEE DIAN crée un Monde où les étiquettes n’ont pas leur place et où la liberté est mot d’ordre.

Paper Angel : le clip de la renaissance 

A seulement 20 ans, après avoir dévoilé en décembre son premier titre solo « Insanity » sur le label Spin Desire, THEE DIAN livre ici un clip à fleur de peau. Elle y évoque le fait de tuer symboliquement son deadname. Le morceau « Paper Angel » est à prendre comme un témoignage universel. La chanteuse y évoque la puissance du voyage de sa transition, la patiente dont il a fallu faire preuve mais aussi la force qu’elle en a tiré. Artiste LGBTQ+  engagée, elle crée un halo lumineux, symbolique du fait d’être enfin elle-même, libérée du poids d’une identité subie.

Ce besoin de s’échapper des cases et de voir au-delà se fait tout autant sentir dans sa musique où le rap côtoie l’électro, flirte avec le r’n’b sans jamais se cantonner dans un registre unique, repoussant frontières et attentes. Ce « Paper Angel » s’avère être un périple où bienveillance et lumière règnent en maître et où la maîtrise instrumentale est un outil savamment utilisé pour inviter l’auditeur à la découverte d’un Monde nouveau. Un Monde où chacun peut s’exprimer, créer, être lui-même, affranchi de jugements et de prisons. Un Monde où art et musique sont leaders en somme.


C’est sincère. C’est un sérieux cri du cœur. C’est intense et bienveillant. C’est puissant. C’est ça. C’est le nouvel album de Grouplove. This is This. Il nous est offert près d’un an  après le dernier opus du groupe américain et nous apparaît de manière aussi inattendue qu’il l’a été pour eux. C’est en effet frustrés de ne pas pouvoir tourner à travers le monde et célébrer la sortie de leur précédent effort que les membres de Grouplove se sont retrouvés face à eux-mêmes en temps de pandémie et nous ont livré cet album surprise. Ainsi, des déceptions et réflexions personnelles de chacun, naquirent les titres les plus honnêtes et spontanés du groupe. Très conscients mais sans concessions ; This is This et ses 33 minutes d’amour et de délivrance nous sont livrés en l’état, prêts à nous faire chanter et danser. 

Mais sinon, This is This c’est quoi ? Et bien c’est un concentré de rock teinté de grunge agrémenté d’une pop rendue singulière par les voix si personnelles de Hannah Hooper et Christian Zucconi. Mention spéciale à la jeune chanteuse et à sa puissance vocale pleinement exploitée sur ce nouvel album. Hooper y met toutes ses tripes et n’hésite pas à martyriser ses cordes vocales pour notre plus grand plaisir. Car oui, les titres qui nous sont proposés sortent pour la majorité de ce que Grouplove avait l’habitude de produire. Le son de This is This, est plus rock, plus violent et plus rapide sur la majorité des chansons. Les américains conservent néanmoins l’aspect très pop indé de leur musique ; et de cet alliage résulte notamment des tubes tels que Deadline et Shake That Ass. (A noter que ce titre a été inspiré à la chanteuse après qu’elle ait vu des jeunes gens shake leur ass sur Tiktok). 

this is it grouplove 2021Le virage pris en dérapage contrôlé par Grouplove sur ce nouvel album nous est annoncé dès le premier titre et le cri salvateur de Hooper : « It’s primetime baby ! ». S’enchaîne dès lors une déferlante de morceaux vifs et puissants à la manière de Seagulls et son chant crié, que seuls Shake That Ass et Oxygen Swimming viennent assagir. Ce dernier nous transporte ailleurs le temps d’une très belle ballade nostalgique qui saura ravir les fans de la formation. Just What You Want en featuring avec Dani Miller du groupe de punk-rock Surfbort est représentative du style adopté par le groupe de Los Angeles sur This is This. Un refrain fédérateur, une bonne dose de distorsion et un titre simple et efficace de 3 minutes. L’album est par ailleurs construit de manière très juste et l’ensemble des titres se suit de manière fluide. Chacun est à sa place et pas un des morceaux n’est à jeter.  

.L’apogée de ce processus salvateur se retrouve dans l’ultime titre de l’album : Shout.

Les conditions de conception de This is This sont probablement à l’origine de ce concentré réussi d’authenticité. Composé en confinement, enregistré en neuf jours de manière secrète (et ce même pour le label!); Grouplove s’est fait plaisir et nous fait plaisir. Une réelle sincérité est apparente tout au long de l’album et le sentiment que ces titres ont été un moyen pour le groupe de se libérer de tous leurs tourments et de se laisser-aller est majeur durant l’écoute des neuf titres. L’apogée de ce processus salvateur se retrouve dans l’ultime titre de l’album : Shout. Hooper se libère une bonne fois pour toute et nous convie à la joindre dans ce cri libérateur. This is This est conclu en beauté par un titre qui s’annonce d’ors et déjà comme un classique du groupe. 

C’est un ensemble d’une très grande qualité que nous offre Grouplove. Les titres s’enchaînent parfaitement et ne nous déçoivent jamais. L’énergie mise dans chacun des morceaux de This is This est communicative et nous ressentons bien que les musiciens ont adoré concevoir cette album. Et cela tombe bien, car nous aussi on l’adore. On adore la puissance des titres. On adore la petite part de personnalité que chacun des membres nous livre. On adore cet appel sincère et cet amour bienveillant. Grouplove a su se réinventer avec authenticité tout en gardant son style bien personnel et nous ne pouvons qu’y adhérer !

-Deadline, Just What you Want, Shout 

Grouplove - Just What You Want feat. Dani Miller of Surfbort

Adrien Comar

En pleine crise de la Covid-19 et alors que les cinémas sont obligés de rester fermés depuis des mois, l’équipe de PopnShot a eu la chance d’être conviée dans une salle obscure. Outre le plaisir immense de voir un film sur grand écran, la qualité du métrage proposé, Mission Paradis, a marqué les esprits. Puisque cette comédie atypique a le bon goût de jouer la carte de l’inclusivité, de parler du handicape sans langue de bois et d’amuser autant que de toucher. On vous raconte.

mission paradis affiche

Mission Paradis de quoi ça parle ?

Trois jeunes adultes décident de partir dans une aventure rocambolesque pour connaitre leur première fois dans une maison close de Montréal. Rien ne pourra faire capoter la mission, pas même leur handicap…

Mission Pardis, est-ce que c’est bien ?

mission paradis scottyAvec son synopsis pour le moins intriguant, on parle bien de trois personnes souffrant d’handicapes, qui décident, n’ayons pas peur des mots, d’aller voir des prostituées, le long métrage de Richard Wong, pourrait facilement tomber dans la comédie potache et rappeler la chanson de Giedré « Jackie le nain ». Un texte drôle et incisif certes, mais qui aurait manqué de matière pour traiter en profondeur son sujet. Oui mais, avec sa mention « inspiré d’un fait réel », le film promet instantanément de partir dans une toute autre direction. A l’heure où films et séries se sont enfin mis à choisir d’incorporer des personnages issus de minorités, de donner une plus grande place aux femmes, aux personnages LGBTQIA +, de couleurs et de religions variées, les personnes ayant un handicape sont elles souvent exclues du casting. Rare sont ceux à accepter de se frotter au sujet et encore plus ceux à accepter de créer des personnages qui ne seraient pas entièrement définis par leur handicape et les souffrances qui en découlent. Dans ce contexte, aborder la sexualité de ces personnages est encore plus rare. C’est l’une des nombreuses raisons qui font de « Mission Paradis » une véritable pépite alors que le film s’inspire de l’histoire d’Asta Philpot, un américain vivant à Leeds qui entend parler au cours d’une voyage en Espagne d’un bordel équipé pour les personnes en fauteuil roulant. Il y perd sa virginité. Suite à cette expérience, il décide d’organiser un voyage avec d’autres personnes partageant ses difficultés. Une équipe de la BBC les suit et de là née l’idée de Erik Linthorst (scénariste) et Richard Wong (réalisateur) de raconter cette histoire.

Un sujet sensible donc qu’il fallait traiter avec délicatesse et humanité. Et c’est bien là que le métrage réussi haut la main son pari. A bas, les clichés ! Nos trois personnages Scotty, Matt et Mo s’engagent dans un road trip complètement fou pour perdre leur virginité. A leurs trousses, leurs proches, trop protecteurs, qui obnubilés par le handicape en oublient l’Homme avec lequel ils vivent. L’homme et ses désirs, ses envies et ses pulsions jusque dans ses plus basiques. La société ne jette-elle finalement pas le même regards sur les personnes handicapées que les parents de l’histoire qui nous est ici contée ?  Y pense-t-on seulement ? Et puis quitte à casser les préjugés, Wong ne recule devant rien prenant Matt, un homme d’origine asiatique comme son héros le plus charmeur alors que bien souvent les préjugés s’obstinent à désexualiser les américains d’origine asiatique.

Si les road movies savent parler à chacun d’entre nous, étant une source d’inspiration hors du commun, Mission Paradis est surement l’un de ceux qui évoquent le mieux ce sentiment. Puisque sans jamais tomber dans les pièges qui pourraient être tendus par son propos, il s’efforce de montrer les difficultés de nos héros et d’en faire une force spectaculaire. L’humour est là pour cet « American Pie » à la sauce 2021 qui joue le jeu de la fraîcheur et de la bienveillance pour convertir le spectateur à son propos. Pour aider notre joyeuse bande, on retrouve au casting l’incroyable Gabourey Sidibe qui avait connu le succès avec le film « PRECIOUS » de Lee Daniels. Notre héroïne noire à forte corpulence est ici aussi attachante que séductrice et n’a rien à envier au rôle sexy de Shanon Elisabeth en son temps. Les blagues franches énoncées sans tabous font écho au moments plus dures qui  tireront  à coup sûr quelques larmes au spectateur le plus insensible notamment en fin de pellicule. Entre deux, situations exubérantes, humour franc du collier et blagues hilarantes s’alternent en restant loin d’être potaches.  Sans jamais devenir une dramédie, l’oeuvre ne perd pas de vue son choix narratif : rire franchement avec les personnes souffrant d’un handicape mais jamais à leurs dépends. La caméra filme avec bienveillance cette folle aventure, s’offrant une part d’intimité et de sobriété en tout instant. Face aux interdits, la fête est encore plus folle. Les personnages s’écrivent avec tendresse, leurs faiblesses, leurs défauts sont mis en avant avec élégance. Les imperfections sont si vrais, qu’on s’attache profondément à eux même lorsqu’ils dérapent. En cela le personnage de Scotty (Grant Rosenmeyer), sa grande bouche et son manque régulier d’empathie pour sa joyeuse bande est une réussite intégrale. Jusqu’au boutiste, il sait se montrer aussi agaçant que profondément humain.

S’il y avait néanmoins un reproche à adresser à la pellicule, ce serait bien celui de ne pas avoir donné de rôle principal à un acteur souffrant d’un véritable handicape. Bien qu’il reste évident que le travail d’acteur doit permettre à n’importe qui de personnifier n’importe quel personnage et de faire croire au spectateur qu’il est qui il dit être à l’écran, la place professionnelle faite aux personnes souffrant un handicape dans notre société reste malheureusement trop restreinte. Un acteur ne souffrant d’aucune forme de handicape pourrait à loisir interpréter la plupart des rôles qui lui seront proposés mais l’inverse n’est pas vrai. Une telle oeuvre aurait pu permettre de donner un rôle sur grand écran à quelqu’un qui ne pourra pas s’offrir tous les rôles. Cela aurait prolongé son travail d’inclusivité et servi son propos.

Reste que le casting choisi est à la hauteur de l’histoire racontée et joue d’une honnêteté et d’une vérité criante en se faisant la voix de personnes bien trop peu représentées. Et cette voix, cette fois, elle crie bien fort : On est humains, et on a très envie de sexe !

Découvrez la bande annonce de « Mission Paradis »

La date de sortie cinéma reste pour l’instant inconnue.