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Icône américaine qui ne cesse de faire parler, encore aujourd’hui plus de 60 ans après ses débuts, Bob Dylan a une nouvelle fois le droit à un film autour de sa légende, comme si jamais rien ne sera suffisant pour décrypter sa carrière, comme si jamais rien ne pourra percer à vif ce personnage si ambigu et mystérieux, comme si jamais il ne cessera de fasciner l’Amérique et le monde entier. Et à raison, Robert Zimmerman étant peut-être le plus grand artiste musical de tous les temps (à mes yeux en tout cas). Un Parfait Inconnu, réalisé par James Mangold, transforme Thimothé Chalamet en chanteur folk aux rêves électriques, et le rendu est passionnant.

Un parfait inconnu Bob Dylan

Une période charnière pour Bob Dylan

Le film se déploie autour de quatre années charnières, de l’arrivée de Bob Dylan à New-York, parfait inconnu à l’époque, jusqu’à sa révolution électrique en 1965, en passant évidemment par sa reconnaissance fulgurante en tant qu’icône folk.

James Mangold fait le choix délibéré de se restreindre à cette période, déjà bien assez intense et chargée pour une œuvre de 2h20 qui semble durer 30 minutes de moins tant elle défile à vitesse grand V. Pour Scorsese en 2005, il avait fallu non moins de 3h30 pour couvrir à peu près la même période, façon documentaire, même si les deux n’ont bien sûr rien à voir. Un parfait inconnu nous embarque avec brio et transcendance dans le New-York des années 60, impeccablement reconstitué à l’écran. L’image est belle, par son grain et sa colorimétrie, et on a grand plaisir à la visite. Les afficionados du chanteur, s’ils n’apprendront rien, peuvent au moins se délecter de cette charmante immersion au cœur d’une plaque tournante politique, sociale et culturelle telle que New-York.

L’ascension impétueuse de Bob Dylan va évidemment de pair, en outre de son immense talent, avec tout un contexte qui, bien que peu abordé dans le film, se connait (du moins dans les grandes lignes) ou, sinon, se devine. Un Parfait Inconnu n’a pas pour vocation d’être un état des lieux descriptif de ces années-là mais plutôt un rendu fidèle de l’atmosphère et de la tension générale qui y règne et que le contexte met en exergue. Et puis, on le comprend rien qu’à l’écoute des chansons comme « Masters of War » ou encore « The Times They are A-Changin’ ».

Un parfait inconnu Timothée Chalamet

 

La Métamorphose de Kaf… Bob Dylan

Ce biopic est avant tout un film de relations, amicales, amoureuses et professionnelles et de tiraillements intérieurs, au cœur du tumulte New-Yorkais. Fidèle à sa réputation, Dylan y est peint comme quelqu’un d’assez nonchalant dans la vie courante, mais habité dès lors qu’il est plongé dans ce qui l’anime au plus profond : composer – et tout ce qu’il compose devient culte comme par magie – et bien sûr chanter – et tout ce qu’il chante est éminemment transcendant comme par magie –, voilà ce qui l’érige au rang de dieu, en quelques années seulement, d’abord de la musique folk, puis de la musique tout court (même le film s’arrête au moment du passage vers l’électrique et n’aborde pas l’impact futur, décuplé).

Bob Dylan est dépeint comme un homme qui vagabonde, parfois perdu, d’autres fois très sûr de lui, dont les états intérieurs se répercutent sur ses relations. Il n’est ni montré comme un profond connard, ni comme quelqu’un de profondément toxique, mais plutôt comme un homme sur qui tombe d’un seul coup une notoriété difficilement gérable, aux désirs constants de renouvellement, et qui ne veut appartenir à personne, à aucune femme, à aucun ami proche, ni à aucun public. Ses relations, aussi bien avec Peter Seeger, Joan Baez et Suze Rotolo, montrent à quel point il attache de l’importance à ces personnes qui l’aident et le façonnent, mais ô combien il est avant tout libre et maitre de ses choix. Pour autant, le personnage de Bob Dylan reste toujours aussi impénétrable et le film laisse planer le mystère qui a toujours été autour du personnage.

Ce que l’on sait et ce qui est montré : un artiste qui, très vite, se sent enfermé, et part à la recherche d’un autre-soi. Non par pour mieux se trouver comme il l’explique, mais pour être quelqu’un d’autre. Comme tous les grands artistes, et Bowie en est le meilleur exemple, il se transforme au fil des années, marqué par des périodes plus ou moins longues, au sein desquelles, au-delà du style vestimentaire qui évolue de personnages en personnages – dont chacun est une facette du bonhomme et de sa complexité -,  la musique, surtout, ne cesse de se métamorphoser. Après quatre albums folk (le film ne s’intéresse réellement qu’au plus connu, à savoir the Freewheelin’, les autres n’étant même pas mentionnés), Bob Dylan cherche à se défaire de l’image folk qui lui colle à la peau. Sa transformation, désapprouvée par son public le plus fidèle de l’époque, sera finalement la porte d’entrée vers quelque chose de plus grand, de plus ouvert, et de plus génial encore. Elle l’érigera au rang de maitre absolu. Mais revenons au film en lui-même, au risque de vous parler pendant une demi-heure des meilleurs albums électriques de Dylan.

 

Une réalité malaxée pour le bien du film

Malgré sa durée, le film ne fait qu’esquisser dans les grandes lignes le début de carrière de l’artiste. Ca n’est pas vraiment un reproche, puisque d’autres films ont déjà été faits pour retracer plus en profondeur ces années-là, mais c’est un fait : l’ensemble va vite (on parle à peine de Like a Rolling Stone), et la réalité est un peu malaxée (la rencontre avec son idole Woody Guthrie ne s’est pas exactement passée comme ça, le trio amoureux avec Joan Baez et Sylvie Russo n’a pas eu lieu, Sylvie Russo n’a d’ailleurs jamais existé mais est inspirée de Suze Rotolo, l’insulte « Judas » lâchée par une personne du public à l’encontre du chanteur en plein concert ne s’est pas déroulé au festival de folk de Newport mais bien au Royal Albert Hall, l’année d’après) ce qui est bon pour le rythme et l’intrigue, un peu moins pour l’histoire exacte. Mais passons.

Un film est aussi une affaire de choix, en faveur d’un récit et d’une mise en scène, tant que ceux-ci n’entachent pas la réalité. Un parfait inconnu s’en sort avec les honneurs de ce côté. Il reste dans la forme tout ce qu’il y a de plus classique et se situe, sur un spectre imaginaire de l’attendu cinématographique, à l’opposé de I’m Not there de Todd Haynes, qui prenait en 2007 encore plus de libertés et qui, surtout, jouait avec une forme non conventionnelle. Dans ce sens, Un Parfait Inconnu s’adresse davantage au grand public, parfaitement mené, plus accessible, et plus plaisant de prime abord.

Un parfait inconnu

 

Une performance magnétique de Thimothé Chalamet

Le choix de Thimothé Chamalet pour incarner la légende fait donc sens, l’acteur étant de plus en plus en vogue depuis plusieurs années, et à raison. Et il faut dire qu’à l’arrivée, le résultat est époustouflant. Jouer le rôle d’un artiste si mystérieux, si rebelle, si génial, n’est jamais chose évidente. Il faut pouvoir y croire, surtout lorsque l’on prend le parti de faire chanter lui-même l’acteur, terrain miné qui peut vite tourner au ridicule. Mais Chalamet s’en sort avec brio. Dès la première chanson hommage à Woodie Guthrie : les frissons. Bon, d’abord parce que la composition est géniale, mais aussi parce que le chant de Chalamet est puissant ! D’une justesse honorable. Rien à voir avec la vraie transcendance de Dylan bien sûr, qui cloue les jambes au sol, qui fait vibrer l’estomac, qui écarquille les yeux et nous donne un air béat, mais quelque chose qui essaie de s’en approcher avec ses propres armes, modestement, sans trop d’exagération.

On comprend du moins, si ce n’est pas le vrai sentiment de renversement à l’écoute d’une voix extraordinaire, ô combien belle, profonde et changeante, le coup de foudre qu’ont eu les gens de l’époque pour ce parfait inconnu venu de Minnesota. Mais le rôle du film n’étant évidemment pas de rivaliser avec Bob Dylan en terme de capacité vocale et d’imprégnation – ce qu’aucune personne sensée n’oserait faire, et ne serait capable de faire – il s’en sort sur ce point magnifiquement. Sur toute sa longueur, on est portés par l’interprétation de l’acteur qui, aussi bien physiquement que vocalement, se rapproche au mieux du nuage de fumée qui entoure l’artiste, et de l’image qu’il représentait. On lui tire notre révérence.

Les limites sont davantage visibles (ou plutôt écoutables) sur les enregistrements studios de l’acteur, sortis sur la bande-originale du film disponible en streaming. C’est là que la magie cesse d’opérer, dépourvue de l’image qui lui offre une sorte d’énergie supplémentaire. On préfère 100 fois écouter le vrai, il va sans dire. En enregistrement, on sent davantage le tout un peu forcé, et maladroit, peu naturel.

Un Parfait Inconnu est donc en quelque sorte le biopic parfait, lissé dans son image, dans son récit, dans sa forme, mais qui fonctionne terriblement bien, auquel on s’accroche dans l’attente d’une suite que l’on connait déjà, et avec comme résultat l’envie jubilante de se replonger dans la plus grande carrière musicale de tous les temps. Allez les superlatifs ! Quand il s’agit de Dylan, c’est bien la seule fois où ça n’est certainement pas exagéré !


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Grossièrement intitulé « Samhain : les origines d’Halloween » en France, puisque c’est du cinéma d’horreur et qu’il faut donc miser sur l’aspect commercial d’une fête qui s’est malheureusement trop vite essoufflée chez nous, « You are not my mother » en VO recèle d’une lecture bien plus travaillée qu’un simple conte noir pour frissonner à la fin du mois d’octobre. Au programme une fable sur la famille, la dépression, la filiation, le tout servi par quelques éléments horrifiques. On vous raconte.

« Samhain » de quoi ça parle ?

C’est la semaine précédant Halloween et la mère de Char, Angela, a inexplicablement disparu. Tout ce qui reste, c’est sa voiture abandonnée. Lorsqu’elle revient chez elle sans explication le soir suivant, Char et sa grand-mère, Rita, comprennent que quelque chose ne va pas. Elle a beau avoir la même apparence et la même voix, le comportement d’Angela est de plus en plus effrayant, comme si elle avait été remplacée par une force malveillante. Lorsqu’arrive Halloween, une nuit imprégnée de mythes et de légendes anciennes, Char réalise qu’elle est la seule à pouvoir la sauver, même si elle risque de la perdre à jamais.

« Samhain » est ce que c’est bien ?

samhain affiche officielleVous l’avez peut-être vu, si ce n’est le cas vous devriez réparer d’urgence cette erreur, il y a deux ans sortait « Relic » film sensible de la réalisatrice australienne Natalie Erika James. Elle y abordait le thème de la vieillesse et la sénilité, se servant d’éléments surnaturels pour personnifier des peurs, elles bien concrètes. La souffrance des aidants, le fait de ne plus se reconnaître en vieillissant, la perte de la conscience, des repères, de soi. Une réussite bluffante, incroyablement sensible et qui profitait d’une métaphore claire et bien exploitée sans jamais en appeler à trop de prétention pour servir un drame magnifié par sa montée en puissance dans l’horreur. Et si on évoque aujourd’hui ce film c’est bien parce que les traits communs avec « Samhain » sont évidents. Non pas que le film de Kate Dolan n’aille lorgner sur celui de Nathalie Erika James, mais bien pour leurs thématiques similaires.

Outre le fait qu’en centre de métrage se trouve le fameux triptyque grand-mère / mère / fille, les deux se répondent quand à la désincarnation de la personne aimée par le fait tangible d’une maladie. Chez « Samhain » le postulat est rapidement posé : Angela souffre de dépression. Les trois femmes vivent ensemble, s’entre-aident mais surtout supportent avec difficulté la mère qui peine à tenir son rôle.  Un élément fantastique, la disparition, va donc venir personnifier la perte de l’être aimé qui même s’il est physiquement là n’est pas lui-même. C’est cette métaphore filée et les choix de notre petite héroïne, Char et sa grand-mère qui n’hésitera d’ailleurs pas utiliser quelques grands moyens pour réagir ( métaphore encore des médicaments ? de l’aide par internement ?), qui tient à lui seul la qualité du film.

Kate Dolan est une réalisatrice gourmande, il faut lui reconnaître, et son envie de beaucoup en dire transparait à l’écran. C’est ainsi que la réalisatrice ajoute à son œuvre la notion de harcèlement scolaire dont est victime l’héroïne. Si l’idée – un brin hors sujet-a le mérite de s’inscrire dans un débat important actuel et qu’il évite la lourdeur d’œuvres américaines plus anciennes, il va souvent trop loin. Les adolescents sont certes parfois douloureusement méchants, mais rarement à ce point à un cheveu de sombrer dans la psychopathie sanguinaire. N’est ce pourtant pas ici une façon comme une autre d’ajouter à la sauce Stephen King, un méchant bien plus vilain que le mal démoniaque auquel sont confrontées nos héroïnes ? Puisque, disons le nous, l’humain est toujours le plus dangereux des prédateurs.

Il faudra certes, savoir pardonner. A la mère d’abord de ne pas remplir le rôle qu’on attend d’elle, à la famille ses secrets enfouis, aux bourreau pour qu’elles se fassent amies… C’est le chemin de croix de Char qui bien que trop jeune doit lutter pour sauver son repère, sa mère. Il faudra côté public, s’abstraire du petit budget du film et de ses maladresses pour mieux se focaliser sur son sous-titre.

Côté frissons, le film joue plus sur une montée en tension que sur de bons gros jump scares juteux à la « Smile » la sortie horrifique de l’année au moins côté box office. L’introduction fait clairement froid dans le dos, notamment grâce à l’utilisation d’un hors champs bien choisi. Quelques autres scènes, une danse endiablée ou une virée aux toilettes nocturnes constituent quelques temps fort d’une pellicule qui se concentre rarement néanmoins sur l’horreur.

« Samhain » n’a pas toute l’étoffe d’un « Relic » ou la délicatesse du monstrueux « Vivarium » qui lui aussi se servait de l’horreur pour traiter fait de société et vie de foyer. Il a néanmoins la délicatesse de mettre en scène des femmes dans toute la complexité de leurs rapports : de celui du conflit des générations, de la transmission, du besoin de se reconnaître et d’être protégée par ses aînée, à la découverte de la mère en tant que personne à part entière, des conflits, des jalousies. Il ajoute aussi sa pierre à l’édifice des films horrifiques à textes et aborde la maladie mentale comme un fléau dont on peut se sortir avec le soutient sans faute de ses proches … pour mieux renaître de ses cendres. Quant à Halloween alors ?  Le film se déroule dans cette période de l’année et c’est tout. Pas de Micheal Meyers donc, mais un boogey man qui fait des dommages bien plus réels et douloureux.


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CensorDans l’Angleterre thatchérienne des années 80, en pleine chasse aux video nasties, Enid, une jeune femme au passé douloureux, est chargée de repérer les films d’horreur à censurer ou à interdire. Tombant sur une œuvre réveillant ses terribles souvenirs, elle va chercher à en démêler les secrets, à ses risques et périls.

Censor, est-ce que c’est bien ?

Visionné à L’Etrange Festival le 17 septembre 2021, Censor de Prano Bailey Bond a magnifiquement tiré son épingle du jeu devenant ainsi l’une des meilleures découverte du cru 2021 du festival le plus barré de l’année. Il faut dire qu’avec son thème finement mené et la spirale infernale qu’elle créé par la suite, cette oeuvre jusqu’au boutiste allie à merveille propos construit et réalisation millimétrée comme il est bon de les voir dans le cinéma d’épouvante.

D’entrée de jeu, sans jamais prendre son spectateur de haut, le métrage s’interroge quant au rôle de la violence à l’écran sur la violence dans le monde réel. Scream en 1996 avait déjà joué sur cette corde devenant un film culte pour toute une génération avant de devenir aux yeux du Monde une satyre presque comique du slasher movie. Ici, exit le comique. Notre jeune et jolie censeur, Enid (l’irlandaise Niamh Algar) tient son rôle très à coeur. Loin l’idée pour elle de simplement priver les spectateurs d’oeuvres dont ils pourraient se délecter. Non, elle sauve des vies en empêchant une violence viscérale de se diffuser. En trame de fond, le réalisateur multiplie ses points de vue et traite du rôle des médias, jugeant sans cesse les films d’épouvante et se gargarisant de raconter qu’une oeuvre violente rendra violents les enfants qui pourraient la voir. Exit l’idée pourtant que la société n’a pas attendu l’arrivée du cinéma pour devenir violente et que les tortures moyenâgeuses, elles, étaient perpétrées sans écrans. Ici, le cinéma voudrait-on nous faire croire serait responsable de toutes les pires infamies.

Contrôler la violence

Censor filmEt n’est-ce pas bien pratique pour Enid de contrôler ce qui est contrôlable alors que victime d’un drame familiale dans sa jeunesse, elle avait perdu le contrôle, gardant le traumatisme à fleur de peau d’une affaire qui ne cesse de la hanter ?  C’est d’ailleurs en découvrant un film particulièrement cru qu’elle le rendra lui aussi coupable d’une partie de ses maux. A-t-elle seulement raison de le placer comme clés du mystère qui l’entoure ? En adoptant le point de vue d’une héroïne qui perd pieds, le film déroule doucement sa trame et ses arguments, entraînant le spectateur dans une spirale infernale qu’il a envie de croire, réduisant comme tissus de chagrin, la barrière entre écran et réalité.

Pour accentuer son propos, le film s’ose à l’exploitation d’un fait divers qui pourrait être la faute d’un film. Le scandale gargarise les foules, trop heureuses d’oublier la fureur en eux. Et si le film n’était pas coupable ? Et bien l’idée même ne voudrait pas le coup de s’y attarder plus d’une poignée de secondes.

Outre une réalisation cadrée, des effets de mise en abimes rudement menés et quelques jump scares savamment distillés sans jamais en faire des caisses, Censor maîtrise son rythme de bout en bout, crée son ambiance mais ne perd jamais de temps à tourner autours du pot. Au contraire, chaque scène profite pleinement à l’intrigue et compte sur son spectateur pour comprendre sans qu’on ne lui explique les choses lourdement.

Un soin aux détails

Il est aussi important de souligner l’excellente performance de Niamh Algar, fragile et déterminée qui saura retenir ses larmes avec le brio d’une maîtresse de l’horreur. Le travail des costumiers est lui aussi parfaitement orchestré et va de pair avec la beauté de plans qui confèrent aux rêvent. Le réalisateur a lui aussi pris le plis de s’offrir des temps d’introspective filmant l’écran de télévision pour en faire par la suite une réalité, brouillant les frontières entre film, rêves et réalité.

Avec amour et finesse, ce dernier s’amuse à reprendre les arguments anti films d’épouvantes mais les impute à Thatcher, son gouvernement et ses adeptes pour mieux moquer leur caractère purement autoritaire. Le débat reste ouvert jusqu’au bout et chaque personnage y va de son argumentaire pour parler d’une violence qui existerait au delà des pellicules. Et si s’amuse-t-il même à raconter en fin de bobine, les films aux couleurs pastels et aux dénouements heureux étaient bien plus dangereux que l’exutoire d’une violence froide entre tripes, boyaux et viols ? Et si nous dit-il enfin, une tête décapitée pouvait bien plus amuser ? Alors peut-être faudrait-il s’échanger des films d’horreur en secret comme de l’alcool au temps de la prohibition.

Grande déclaration d’amour au cinéma de genre, intelligent, construit, incisif et conscient de ses codes et ses clichés, Censor est un régal de chaque minute qui loin de se noyer dans les effets d’hémoglobine, préfère la psychologie de ses personnage et les effets artistiques. Une pépite à ne pas manquer.

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Le mois de septembre est probablement le meilleur mois de l’année pour les adeptes des films de genre et des films… atypiques pour ne pas dire étranges. Normal puisqu’il signe le retour du très attendu Etrange Festival qui fête en 2019 ses 25 ans. L’âge de la maturité ? Plutôt celle de l’étrange maturité puisqu’il est plus jamais possible de se lâcher et de profiter d’un cinéma à part. Au programme: découvertes et classiques qui se côtoient sans jamais laisser indifférent.

The Wretched etrange festival 2019

Parmi la sélection, The Wretched de Brett Pierce & Drew T Pierce, qui loin de jouer sur la carte de la maturité préfère encore vous faire revivre votre adolescence sous le soleil et y apporter une touche de mystère et de démon déchaîné venu du fin fond des bois.

The wretched de quoi ça parle?

Ben, un jeune homme de 17 ans dont les parents sont en instance de divorce, part rejoindre son père pour l’été. Il découvre rapidement que la maison d’à côté cache un terrible secret : les disparitions d’enfant semblent se multiplier, et le responsable ne serait autre qu’une créature qui aurait infecté la maîtresse de maison.

The Wretched : qu’est-ce qu’on en pense?

Il ne faut quelques minutes à The Wretched pour faire vaciller le spectateur dans l’horreur. Fort d’une manière de faire que l’on connait bien quand on a grandit dans les années 90, 2000, le métrage des frères Pierce s’offre une scène d’ouverture mémorable mettant en scène une pauvre baby-sitter de 16 ans et ajoutent quelques bruitages animaliers pour donner d’emblée naissance à leur créature. 35 ans plus tard, ou plus précisément à notre époque, l’étrange créature qui nous intéresse est de retour. Le film prend le pli de suivre les déboire d’un adolescent à problèmes venu rendre visite à son père en bords marins. Ce dernier sera le héros malgré lui de cette aventure morbide aux très belles idées.

Le premier point positif de The Wretched vient surtout de la nostalgie qu’il procure. De « Le Beau-père » à « Paranoïaque » , il fait écho à un certain cinéma oublié, résolument fun et provoquant sa dose de sueurs froides tout en mettant en scène des adolescents. On pourrait également citer « Boogeyman » avec Barry Watson, beau gosse culte des années 2000 et oublié trop tôt. Nostalgie dans le genre mais aussi dans sa mise en scène, riche en soleil, en amourettes et en soirées adolescentes.  Facile de sentir le soleil sur sa peau face à cette horreur sobre parfaite une soir d’été et qui se conterait avec facilité en faisant griller des marshmallows autour d’un feu de bois.

The Wretched etrange festival 2019

Puisque le deuxième point fort de l’oeuvre vient de sa créature, excessivement bien faite, construite et qui profite d’effets visuels de qualité. La scène de la douche est d’ailleurs immanquable tant par ses maquillages que par le malaise qu’elle provoque.

The Wretched n’est pas pour autant exempt de défauts. Quelques ellipses viennent noircir le tableau: la rapidité avec laquelle notre héros se rend par exemple dans la cave de la voisine pour la fouiller sans pour autant attendre son départ laisse perplexe. Tout comme un final un poil attendu qui donne au tout un sentiment de déjà-vu et vient gâcher le spectacle.

Néanmoins, le film s’appuie sur un twist savamment annoncé, qui, à condition que l’on joue le jeu, surprendra forcément. En outre, sa faculté à innover dans un registre connu le renforce. Puisque la créature, loin d’être une simple énième Mama s’inscrit dans un folklore américain propice à toujours apporter son lot de monstres. Il y a du Chair de Poule à l’ancienne dans ce métrage, de l’humour dosé, de l’horreur entre tout public et poussée. Les quelques facilités scénaristiques empruntées ne sauront alors noircir cet honnête divertissement à regarder sans se poser de questions. A défaut d’être la pépite de l’édition 2029 de l’Etrange festival, « The Wretched » y a une place honnête  et saura faire son lot d’adeptes qui, contrairement aux enfants enlevés, ne sera pas oubliée.

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