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all of us flames

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Quel grand raté cet été que d’être passé à côté du dernier né d’Ezra Furman. Il faut dire que la sortie d' »All of us flames » s’est faite de façon relativement confidentielle. Une faute lourde alors que l’artiste dévoilait au mois d’août 2022, l’une des plus belles pépites de l’année. Un chef d’œuvre viscéral, magnifiquement écrit, à fleur de peau qui touche juste et fort. Mieux vaut tard que jamais, on vous parle de cet opus.

Se brûler les ailes

album art - Ezra Furman - All Of Us FlamesD’entrée, Ezra Furman que le grand public a pu découvrir alors qu’elle signait le BO de « Sex Education », frappe juste. Bien décidée à nous embarquer dans un voyage sous forme de déclaration à la liberté, la musicienne nous propose d’embarquer dans son train aux milles merveilles. « Train Comes Through » promet de s’échapper. La rythmique répétitive et puissante sonne comme une ode à la découverte de soi, du Monde, une bouffée mélancolique, pleine de promesses. L’incroyable prouesse du morceau tient bien à sa capacité à promettre du beau au milieu de la difficulté, de la lumière dans l’ombre. Il suffit donc de quelques seconde de ce tour de force musicale pour se l’avouer : on tient ici un très grand album.

Bijou certes, mais bijou indé surtout. D’ailleurs la production est là pour le rappeler. Un son grisé, presque ancien accompagne les douces mélodies de ce « All of us flames ». Et avec cette grille de lecture, la chanteuse prévient : rien ne sera ici épargné. Voilà que ses morceaux ont la finesse de lames de rasoirs. Ils coupent dans le vif, des entailles avec une précision millimétrée. Pour porter cette fascinante épopée : le plus important et le plus acéré des instruments trône en son centre : la voix d’Ezra Furman. Toujours elle aussi sur le fil, elle oscille entre douceur et morceaux presque crachés, comme un exutoire entre retenue et pulsions. Elle y expluse ses douleurs et les transmet comme une grande leçon d’empathie.

Dans un opus incroyablement cohérent de 12 titres, la musicienne ne fait pas de fausse note, pas de faux pas et aucun morceau ne semble être de trop. Parfois pourtant, elle brille tout particulièrement avec des titres qui viennent immédiatement happer l’oreille. « Book of our Names » est de ceux-là. En cinquième position, il est aussi le morceau qui contient dans ses paroles le titre de l’opus. Comme souvent Ezra Furman joue sur un gimmick qui se répète et prend comme des vagues, les notes s’y balancent et viennent s’écraser sur l’auditeur là aussi avec un jeu entre ombres et lumière. Elle y fait un parallèle entre l’oppression vécue par la communauté transsexuelle et l’exode du peuple juif (la musicienne est de concession juive) créant par la même occasion un nouveau texte sacré.

ode à la liberté

Si l’essaie est si réussi c’est peut-être aussi parce que notre chanteuse n’en est pas à son coup d’essai. De 2006 à 2011, elle officiait dans le groupe de rock Ezra Furman and the Harpoons et son premier né en solo « The Year of no returning » voyait le jour en 2012. Déjà elle savait créer un univers où rock et folk faisaient bon ménage comme c’est toujours le cas. Et lorsqu’aujourd’hui, elle chante avec une telle fougue et force des hymnes qui sentent l’envie de s’affranchir et de crier la liberté c’est peut-être aussi parce qu’en avril 2021 une petite année avant la sortie de « All of us flames », elle faisait son coming out en tant que femme transsexuelle.

C’est bien l’émotion, juste, jamais exagérée, qui fait de cet œuvre un trésor beaucoup trop rare. A mi parcours « Lilac and Black » offre un tournant à l’opus et s’avère par la même occasion être le titre le plus efficace de n’ayons pas peur des mots, ce chef d’œuvre. On ne peut lui enlever le sens de son refrain, à scander comme un slogan, à ressentir comme une promesse ou du juste dosage des quelques notes de guitares qui le suivent. Là, la voix de notre chanteuse trouve toutes ses nuances. Parfois chaleureuse pour inviter à la rejoindre, parfois dure comme une insulte, une claque, une révolte. Et c’est aussi en cette diction, cette sincérité que tient toute l’immense perfection d’un titre qui a la force d’un coming-of-age movie mais avec la poigne de l’âge adulte. Un parcours initiatique bien moins définitif que ne veut nous le faire croire le cinéma.

Mélancolie chérie

Sur « Ally Sheedy in the Breakfast Club », les notes sont susurrées, en demie teinte. Une accalmie pour mieux préparer la suite : le dernier looping avant la fin qui réside dans l’écrin pluriel des trois derniers titres. « Temple of broken dreams » est sans conteste un moment majeur de l’album qui sait utiliser ses montées pour chauffer les cœurs meurtris, un appel à la survie. La suite se délie de plus en plus doucement, chaque morceau chuchotant avec bienveillance à l’oreille de celui qui l’écoute. Jusqu’au doux « Come closer to me », forme de promesse entre conte et berceuse. Toute la noirceur de la voix, les crachats et la rage sont parties, reste une accalmie tristement heureuse. La façon parfaite de se quitter, plus forts, plus proches et d’éveiller la flamme en chacun d’entre nous.


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