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mai 2025

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"Tall Tales" de Thom Yorke et Mark Pritchard (2025)
« Tall Tales » de Thom Yorke et Mark Pritchard (2025)

Le 9 mai 2025, Thom Yorke dévoile Tall Tales, un nouveau projet solo qui n’en est pas vraiment un. Conçu à six mains avec le producteur Mark Pritchard et l’artiste visuel australien Jonathan Zawada, ce disque-vidéo-œuvre mutante est autant un album qu’une expérience audiovisuelle prolongée. Quelques semaines seulement après une rumeur persistante sur le retour de RadioheadThom Yorke brouille les pistes avec cette offrande déroutante, dense et dystopique. 

Tall Tales : un cauchemar coloré 

Six ans après son dernier projet solo, Anima, et quelques mois après Cutouts, troisième opus de The Smile, Thom Yorke revient plus angoissé que jamais. Avec Tall Tales, l’expérience est multi-sensorielle : chaque écoute vient accompagnée d’un cauchemar gratuit. Réalisé par Zawada, le film met en scène une parade de créatures difformes, issues d’un bestiaire mutant digne de Lovecraft, version Cartoon Network : le tout converge vers une longue auto-destruction, des images se confondent, se recréant à l’infini, insufflant à sa.on spectateur.rice… un effet d’indigestion visuelle… Le ton est donné. Bienvenue dans Tall Tales, là où les monstres ont déjà gagné.

Thom Yorke n’en est pas à son premier flirt avec l’horreur symbolique : des ours mutants de Kid A au Minotaure d’Amnesiac, en passant par les dryades mutilées de The King Of Limbs, ses disques ont toujours été hantés par ce que l’humain refoule. Dans Tall Tales, les créatures sont sorties des bois pour envahir le monde. Sauf que cette fois, on n’est plus dans l’alerte, mais dans les conséquences.

Un disque né d’un long effondrement 

Fruit d’un travail étalé sur plusieurs années, Tall Tales est né pendant les confinements, dans cette époque où tout semblait à l’arrêt. Yorke et Pritchard collaborent depuis The King Of Limbs (2011). En 2016, ensuite, Thom Yorke chantait sur l’album Under The Sun de Pritchard, dans « Beautiful People« . Mais sur Tall Tales, leur alchimie est enfin totale : les textures électroniques de Pritchard flirtent avec l’inhumain, l’évaporé, le spectral. La voix de Thom Yorke, souvent fragmentée, devient vapeur, drone, prière.

L’album alterne moments de flottaison (« Wandering Genie ») et bourrasques (« A Fake in A Faker’s World »). On y entend des échos de Kraftwerk déraillés, de Bon Iver cryogénisé, et de techno minimaliste au bord du burn-out. On y parle d’effondrement climatique, de dette, de dissolution de l’identité dans des algorithmes des réseaux sociaux. « Happy Days » se moquent des slogans néolibéraux sur un beat quasi martial, tandis que « The Men Who Dance in Stags’Heads » sonne comme une rituel païen joué avec les instruments d’une fanfare hantée.

ZAWADA, la machine, et le malaise esthétique 

Jonathan Zawada, longtemps associé aux Avalanches, Flume ou Röyskopp, est ici le troisième membre du projet. Il signe l’univers de l’album dans son intégralité : direction artistique, animation, montage… Son style permet à Tall Tales de vivre pleinement sur nos écrans… tout en soulevant une question majeure.

Une grande partie des visuels du projet a été générée par intelligence artificielle. Et c’est là que le bât blesse. Comment dénoncer la fuite en avant technologique de l’humanité tout en s’appuyant aussi lourdement sur des outils issus de cette même fuite ? Comment se lamenter sur la crise écologique tout en utilisant un logiciel qui consomme des litres d’eau pour chaque prompt lancé ? Il y a, dans cette dissonance, une ironie involontaire qui parasite parfois la portée critique du projet.

Tall Tales : Brillant et dérangeant 

Musicalement, Tall Tales est sans conteste une réussite. C’est Thom Yorke à son plus abstrait, le plus insaisissable, mais aussi le plus cohérent dans son engagement esthétique. L’album est exigeant, labyrinthique, mais il fascine. Les amateurs de Radiohead y retrouveront cette mélancolie technologique, cette obsession de la fin imminente, ce romantisme noir propre à Thom Yorke.

Mais c’est aussi un disque dont le message est miné par sa propre forme : si les morceaux crient l’alerte, les images semblent parfois en court-circuiter la sincérité. L’esthétique générée, parfois brillante, parfois confuse, finit par interroger la capacité de l’art à résister à ce qu’il dénonce.

Tall Tales se clôt sur l’effacement : la voix de Thom Yorke se dissout dans un bruit blanc éthéré, comme s’il disparaissait avec le monde qu’il décrivait. Une fin logique. Un disque de fin d’époque. Mais aussi un rappel ; même au bord de l’effondrement, Thom Yorke continue de chercher la beauté dans les ruines.


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