caroline. Joli prénom pour merveilleux groupe. Court, direct. A l’opposé de leur musique, labyrinthique, complexe. La puissance évocatrice en commun. La majuscule comme différence. Leur nouvel opus, sobrement intitulé caroline 2, monte sacrément la barre de plusieurs niveaux par rapport au précédent. Ca respire d’inventivité, porté par des tentatives musicales toutes plus réussies les unes que les autres. On navigue parmi des guitares qui se tordent et des rythmes qui se mélangent dans une sorte d’harmonie chaotique. Ce qui en ressort est brillant. Oui vraiment, c’est le mot. caroline 2 est brillant. Si ce groupe ne vous dit encore rien, l’interview qui suit est là pour vous le présenter, et vous convaincre d’aller les écouter. Ils sont 8 en tout mais ce jour-là devant notre micro apparaissait seulement la tête pensante de la formation anglaise : Jasper Llewellyn et Mike O’Malley, deux jeunes hommes cools et à l’aise, pour une discussion chaleureuse et amicale.

Pop & Shot : Salut les gars. Dans quel état vous vous sentez à un mois de la sortie de votre deuxième album ? Excités ?
Mike O’Malley – Caroline : Carrément mais tu sais quoi ? J’ai même pas réalisé qu’on était un mois avant parce qu’on a pas encore annoncé l’existence de l’album. On l’annonce jeudi prochain !
Jasper Llewellyn – Caroline : Il sort dans 6 semaines.
Mike O’Malley – Caroline : Je me sens… nerveux… Est-ce qu’on se sent nerveux ?
Jasper Llewellyn – Caroline : Pas vraiment de mon côté !
Mike O’Malley – Caroline : Dès que tu finis un album, tout ce qu’on tu attends, c’est qu’il paraisse.
Pop & Shot : Il est prêt depuis longtemps ?
Mike O’Malley – Caroline : Très peu en réalité. On a la moitié depuis très longtemps disons. L’autre est plus récente, je dirais deux mois !
Jasper Llewellyn – Caroline : On a fini d’enregistrer en mai dernier et on a passé six mois sur la production.
Mike O’Malley – Caroline : Presque tous les jours.
Pop & Shot : Vous êtes huit membres dans le groupe. C’est rare autant de monde ! C’est pas trop compliqué parfois de s’accorder ?
Jasper Llewellyn – Caroline : Ca peut l’être oui. Mais à vrai dire, ça n’est pas totalement démocratique parce qu’on est en réalité trois à prendre les grosses décisions. Nous deux avec un autre membre.
Mike O’Malley – Caroline : D’abord, on trouve les chansons tous les trois, on en parle ensuite avec les autres, on les enregistre, puis on revient en format trio pour l’après : comment donner vie aux enregistrements ?
Pop & Shot : D’où vient ce nom, Caroline ?
Jasper Llewellyn – Caroline : On trouvait tout simplement que ça sonnait comme un bon nom de groupe *rires*. Il nous est venu assez naturellement.
Mike O’Malley – Caroline : On trouvait que ça collait bien avec notre musique. Ca sonnait américain. Le nom est tellement naturel maintenant que je l’associe pas à une histoire en particulier. C’est comme si c’était mon nom de naissance. Tu peux t’habituer à toutes sortes de noms pour un groupe, aussi bizarre qu’il soit. Ca n’a pas vraiment d’importance.
Pop & Shot : Votre approche de la musique est hyper originale. On ne sait jamais où les morceaux vont atterrir, ils nous prennent systématiquement par surprise ! D’où vient cette envie de faire un rock si peu conventionnel ?
Jasper Llewellyn – Caroline : Je suis ravi que ça procure cet effet. Merci. Ca n’est pas quelque chose de vraiment d’intentionnel, on fait juste de la musique qui nous excite.
Mike O’Malley – Caroline : On se demande toujours : est-ce que c’est assez bon ? Est-ce que c’est assez intéressant ? Ca donne peut-être des rendus éloignés de ce qu’on a l’habitude d’entendre, c’est vrai…
Jasper Llewellyn – Caroline : On cherche quelque chose qui nous porte, qui a un certain effet émotionnel sur nous et qui a du sens. D’une manière non superficielle ni cliché. On évite les chemins basiques. C’est difficile à décrire quand on a le nez dedans à longueur de journée.
Mike O’Malley – Caroline : Mais en tout cas, on ne cherche pas à tout prix à être en dehors des sentiers battus !
Pop & Shot : C’est quoi les différentes étapes de composition de vos morceaux et quelle est la part d’improvisation ?
Jasper Llewellyn – Caroline : Ca commence régulièrement avec une petite idée de l’un de nous, à la guitare ou autre. Puis on travaille dessus en petit groupe.
Mike O’Malley – Caroline : Même quand c’est improvisé, ça part toujours d’une première idée. Mais ça sonne complètement improvisé. Il y a une période où on enregistrait tout, on se rassemblait toutes les semaines et on improvisait ensemble. Une bonne partie de ces enregistrements a fini par devenir des morceaux.
Jasper Llewellyn – Caroline : Le mieux, c’est de lancer l’enregistrement dès qu’on pose un pied dans le studio pour que tout soit sauvegardé à n’importe quel moment et que tu n’ai pas besoin de te dire après coup : « oh celle là était super, on devrait la refaire en enregistrant cette fois ». Parce qu’au deuxième essai, ça n’est jamais tout à fait la même chose. Tout documenter, c’est important.
Pop & Shot : Vous laissez la place aux accidents ?
Mike O’Malley – Caroline : Sur cet album, tout est minutieusement sélectionné. Il y a pas un pas de travers.
Jasper Llewellyn – Caroline : Ce qu’on pourrait penser être des accidents en studio ne l’est pas.
Mike O’Malley – Caroline : Tu en trouves quelques uns quand même mais ça c’est propre à tous les enregistrements.
Jasper Llewellyn – Caroline : En un sens, il y a des formes d’accidents qui se produisent quand on joue par exemple deux chansons en même temps superposées. Ca arrive plusieurs fois dans l’album. Elles se lient entre elles dans une forme que l’on pourrait qualifier d’accidentel, que l’on ne contrôle pas vraiment. Les rythmes et mélodies superposés sont parfois complètement différents mais finissent par s’imbriquer d’une manière imprévue.
Mike O’Malley – Caroline : En fait, on crée un terrain propice à l’accident, donc c’est en quelque sorte volontaire.
Jasper Llewellyn – Caroline : Comme un laboratoire d’expérimentations.
Pop & Shot : En parlant de rythmes superposés, tous vos morceaux sont effectivement construits à partir de rythmes fracturés et empilés. Quelle importance a le rythme dans votre musique ?
Jasper Llewellyn – Caroline : Très important. C’est un aspect de l’album que l’on souligne assez peu. Il y a énormément de rythmes différents qui se croisent… C’est central dans notre musique. Comment ces rythmes, ces tempos, vont cohabiter ? Comment créer cette forme de groove désarticulé par trois rythmes qui ne sont connectés par aucune logique ? Mais miraculeusement, ils fonctionnent ensemble. C’est un gros défi.
Mike O’Malley – Caroline : En y mettant toute la conviction du monde, ça finit par coller. Surtout sur cet aspect enregistrement live.
Pop & Shot : Et puis, il y a ces moments complètement inattendus dans l’album, comme quand vous arrêtez un morceau soudainement en plein milieu pour partir sur autre chose.
Jasper Llewellyn – Caroline : Oui, c’est un sujet qu’on a peu abordé. Le « hard-cut » produit par logiciel informatique. Ca arrive plus dans la musique électro, mais l’appliquer à un groupe de rock, on trouvait ça intéressant. C’est quelque chose qu’on ne peut pas faire nous même en live, de couper un morceau aussi brutalement.
Pop & Shot : Cet album sonne plus avancé techniquement.
Jasper Llewellyn – Caroline : Les morceaux sont écrits en ayant déjà l’idée de la manière dont ils seront enregistrés. Ils ne peuvent pas exister sans le concept de l’enregistrement et de la production qui a un rôle primordial. Dès le début, on pense à comment ça va sonner, comment ça va être mixé… Les décisions viennent rarement après. Ca n’arrive jamais par exemple que l’on se dise après coup : « là, on devrait ajouter de la reverb ». Non, parce que les morceaux tiennent d’abord debout grâce à la réflexion en amont autour de ces éléments.
Mike O’Malley – Caroline : On conceptualise les morceaux en même temps que leur écriture. Ce qui change sur cet album, c’est qu’on a écrit les morceaux dans le but de les enregistrer avant tout, et pas de manière à pouvoir faire des concerts comme c’était le cas pour le premier album. Non, l’enregistrement tient cette fois un rôle majeur.
Pop & Shot : Caroline Polacheck figure sur le troisième morceau. C’est surprenant de la voir ici et le feat fonctionne super bien ! C’est vous qui lui avez proposé ?
Jasper Llewellyn – Caroline : Oui, on l’a invité parce qu’on savait qu’elle aimait bien notre musique. On pensait que cette chanson allait bien coller avec sa voix et son style. On l’a contacté sur Instagram. Elle est formidable.
Pop & Shot : Vous utilisez beaucoup d’autotune sur cet album qui apporte vraiment une autre dimension à votre musique. Qu’est-ce qui vous a donné envie d’explorer ça ?
Mike O’Malley – Caroline : Il n’y avait pas d’auto-tune sur le premier album mais on en utilisait en live.
Jasper Llewellyn – Caroline : En 2022, on a fait une reprise de Clara Ysé sur laquelle on a ajouté de l’auto-tune, sur ordinateur après l’enregistrement. On a beaucoup aimé et à partir de ce moment, on a commencé à intégrer cet élément à notre identité musicale. On a acheté une boite pour l’utiliser en live, crée par la marque zoom [matériel audio]. Ca sonne un peu cheap et trashy mais on aimait bien improviser avec !

Pop & Shot : J’aime beaucoup la cover du nouvel album. La photo a été prise de manière spontanée ou est-ce un cadre réfléchi ?
Jasper Llewellyn – Caroline : Merci ! Un peu des deux à la fois. On savait qu’on voulait prendre cette image, à l’intérieur d’une voiture, montrant une vue vers l’extérieur au travers d’une fenêtre, avec une main. On a fait plein de tentatives mais rien n’était convaincant. Puis un jour, Magdalena, une membre du groupe, qui était en vacances avec son copain, a prise cette photo avec son iphone pour rigoler. Comme une parodie. En mode : « ahah, voici la cover du nouveau Caroline ! ». Finalement, elle était bien meilleure que nos précédents essais. Puis on l’a beaucoup édité pour obtenir ces couleurs etc.
Pop & Shot : Merci les gars, à bientôt !
caroline 2 est disponible partout. Le groupe sera en concert le 15 septembre à Petit Bain (Paris) et le 16 septembre à l’Aéronef (Lille)