Voilà deux jours que le festival Malouin nous boxe bien comme il faut. Coup de cœur sur cœur de cœur, il nous est presque difficile de nous souvenir de toutes les claques musicales reçues jusque-là. Deux jours sur trois sont déjà passés. Les promesses du dernier nous ont tenues en haleine durant tout le mois d’août rien qu’à la vue des artistes programmés. Il est enfin temps de le vivre ! La soirée du samedi au Fort Saint-Père, dernière de cette édition 2022 du festival, a-t-elle été à la hauteur des espérances ? Evidemment que oui. Beaucoup plus que ça même. On vous dit tout. 

Comme on est déjà un peu nostalgiques, permettez nous de revenir sur la soirée de manière dé chronologique, de manière à remonter dans le temps, et à ne jamais quitter ce petit bout de paradis.

La Route du Rock / Crédit : Théohpile Le Maitre

Fat White family rafle la mise

Il est 02h15 du matin. Le dernier concert vient d’avoir lieu. Nous nous trouvons dans un état de choc. La soirée a été immense et le concert de clôture en est pour beaucoup. Après l’annulation de King Gizzard and the Lizzard Wizard, c’est le groupe britannique FAT WHITE FAMILY qui est venu à la rescousse. Certains ont fait entendre leur mécontentement, surement par ignorance, mais peu importe, car quoi qu’on en dise, il faut avouer que c’était osé et judicieux de la part des programmateurs. Ca n’est pas la première fois que la grosse famille est invitée ici.

 King Gizzard, ok. Presque tous les amateurs de rock les aime. Ils sont doués, prolifiques, puissants, tout ce que vous voulez. Et on aurait évidemment adoré entendre « The Dripping Tap » en live, ce récent morceau de 18 minutes complètement hallucinant, on vous l’accorde. Mais avec FAT WHITE FAMILY, c’est tout de suite plus à double tranchant. Et ça nous plait. Enfin eux nous plaisent. Leur dernier album Serf’s Up en 2019 nous avait conquis en tous points. Leurs deux précédents également. On était donc confiants sur le fait qu’ils puissent largement assurer cette clôture. Et quelle n’a pas été notre surprise ! Leur concert était le plus dantesque du festival.

FAT WHITE FAMILY / La Route du Rock 2022 / Crédit : Théophile Le Maitre

A leur arrivée sur scène, à six, on s’étonne déjà de l’atmosphère mystérieuse et pleine de tension dans laquelle ils plongent le festival. Le leader, tel qu’on le connait, arrive torse nu, seulement vêtu d’un short moulant de la même teinte que sa peau. C’est un sacré personnage, on a été prévenu. Il est d’abord droit comme un piquet. Le groupe débute d’inquiétantes expérimentations sonores. Très vite, Lias Saoudi saute dans le public. Pas sur mais dedans. Alors, le show peut commencer. Il court, se fraye un chemin, pousse des cris, se met au sol, provoque le public, s’agrippe à lui, comme un fou qui a perdu sa direction : « i wanna go hoooome ». Tout le monde sait que ça fait partie de la performance, et tente alors de jouer avec lui, de le toucher, de le cogner même parfois. Persiste toutefois chez chacun ce sentiment de panique et d’incompréhension, qui fait monter l’adrénaline. Ce début de concert est une plongée dans les entrailles, qui fait office de mise en condition. Cela va être éprouvant. Le leader remonte enfin sur scène après s’être fait malmené. Débute alors les morceaux plus classiques, mais non moins intenses. « Wet Hot Beef » ouvre le bal, issu du premier album. C’est direct, puissant, aidé par un son majestueux. On commence à avoir l’habitude de la scène du Fort, bientôt on ne voudra plus la quitter du tout. Le concert se poursuit dans la même hallucination sonore. Sur scène, les morceaux de FAT WHITE FAMILY gagnent en tout. Lias Saoudi les transporte assurément dans une autre dimension, mais c’est aussi grâce aux musiciens qui, derrière leur dégaine bien britanniques, assurent de leur donner l’ampleur méritée. L’affranchissement par rapport aux versions studios est totale. C’est tellement rare qu’il est bon de le souligner.

La setlist est parfaite, déjantée. Il y a plusieurs chansons à l’évidence absolue qui ne manquent pas de nous scotcher sur place : « Touch the Leather », « Feet », « I Believe in Something Better », « Is it Raining in your Mouth ? ». Régulièrement, elles se finissent en apocalypse, avec un leader qui sait hurler dans le micro quand il faut là où faut. Sur « I Believe in something better”, le clavier valdingue après avoir été asséné de coups. FAT WHITE FAMILY vient de tuer le game. Le festival se termine de la meilleure façon possible. On souhaite aux pleurnicheurs de fans de King Gizzard d’avoir oublié, l’instant d’une plongée radicale en plein délire, l’absence de leurs chouchous qui, finalement, ne s’est pas tant fait remarquée.

Allez, heureusement que la grosse famille blanche est passée en dernier. Personne n’aurait pu se frotter à elle. Mais la construction de ce report nous permet quand même de remonter le temps, et d’aller voir ce que la soirée nous a offert d’autre. Car au-delà d’être le plus majestueux, le concert de clôture n’était pas le seul à avoir été excellent. Bien au contraire, toute la soirée du samedi fut à sensations fortes.

 

festival CHENAPAN !

Avant de rembobiner les concerts, arrêtons-nous sur l’instant chenille. Une géante s’est formée vers minuit, sous l’impulsion du festival qui avait prévu le coup et donner une heure précise. Cela s’est passée au niveau de la scène du Fort. Les participants ont plutôt assuré. On parle de 4500 unités selon les organisateurs, un record ! Bravo à tout le monde.

 

Maitre rockeur depuis 1845

Sur la même scène avant Fat White, à l’heure la plus prisée (23h), nous avons pu bénéficier de la main de maitre de TY SEGALL, un habitué du festival, rockeur californien que nous suivons de très près depuis des années maintenant. Nous étions à ses deux derniers concerts parisiens à la Cigale en 2019, l’avons vu au Bataclan l’année d’avant, et également deux fois à Rock en Seine, dont une en 2015 avec la machine infernale FUZZ qui d’ailleurs, depuis 3 ans, doit donner un concert au Trabendo que nous attendons de pied ferme (déjà deux fois reporté). Bref, on ne se lasse ni de le voir, ni d’écouter ses albums annuels. Le dernier en date, majoritairement acoustique, vient de sortir et s’intitule « Hello, Hi ». Pour ce concert à la Route du rock, il a laissé de côté la guitare sèche pour s’emparer de l’électrique, celle avec laquelle il a l’habitude de créer une frénésie sonore au travers d’un impressionnant mur de son. Sur scène, il est accompagné de son fameux FREEDOM BAND, qui en est pour beaucoup dans la manœuvre. Leurs concerts sont toujours mémorables dans leur manière de balancer la sauce avec des amplis réglés au maximum. TY SEGALL est là pour nous en mettre plein les oreilles, c’est un fait, mais cela toujours soutenu par une base de morceaux très très solide. Il en a des centaines à son répertoire. Ceux du jour sont en partie issus de son dernier album électrique sorti l’année dernière : Harmonizer. La même recette appliquée pour tous : vitesse décuplée, rugissement de guitare guitares, sensations d’emballement totales… Pendant 1h15 environ. Véritable rouleau compresseur dont on ne se lasse jamais. Et avec le son de la scène du Fort, la jouissance est pleine. Sur « Sleeper » version électrique, final du concert, on tombe à la renverse. Cette chanson a bercé notre adolescence rock, l’entendre ainsi fait l’effet d’une bombe dans notre corps.

Depuis des années, TY SEGALL nous offre le meilleur du rock en live. Depuis des années, TY SEGALL développe un style unique, avec une patte sonore et des compositions reconnaissables parmi des milliers, ainsi qu’une manière unique de poser sa voix. Depuis des années, nous disons que TY SEGALL est une icône rock de cette génération. Ce soir encore, du haut de son trône, qui n’aura d’ailleurs jamais rien changé à son extrême modestie et on l’en remercie, il nous a prouvé qu’il était plus que jamais présent, actuel et juste. Si à 50 ans vous ne vous êtes pas fait renversé par un riff de TY SEGALL en concert, alors vous avez raté votre vie.

 

Dans le rétroviseur

On continue à remonter dans le temps. On passe maintenant sur la scène des remparts. DITZ précède le concert de Ty Segall. Il est environ 22h. La nuit est là. Ambiance nocturne obligatoire pour ce jeune groupe de punk venu de Brighton qui vient de dévoiler son tout premier album cette année. Celui-ci est une vraie réussite, composé de morceaux aux dégâts colossaux. Leur son est lourd, pesant, mais dans le bon sens du terme. Sur scène, ils n’hésitent pas à balancer. Le chanteur est frêle, il gagne très vite l’attention de son auditoire. C’est l’un des seuls concerts du festival aussi punk. Ca se voit au niveau de la foule déchainée, les gens en profitent. Au beau milieu, ils reprennent « Fuck the Pain Away » de Peaches. Ils ont donc bons goûts, et guidés par de bonnes influences. Ce sont des choses qui ne trompent pas. DITZ est à suivre de près.

On repasse sur la scène du Fort. Le jour entre en scène. Il est 21h quand BEAK> fait son apparition. C’est un trio britannique qui a trois albums à son actif et qui a gagné une certaine reconnaissance depuis ses débuts dans les années 2010. Leur dernier album date de 2018 et avait reçu une très bonne réception. Parmi les trois mecs qui forment le groupe, on trouve un ex-membre de Portishead : Geoff Barrow aux percussions. Gage de qualité. Avec le concert de Fat White et de Ty Segall, celui de BEAK> fait partie du trio gagnant. Pour certains même, il était le meilleur de tout le festival. On peut très facilement l’entendre. Pas le plus impressionnant, ni forcément le plus secouant, mais peut-être le mieux maitrisé. Les trois gars sont des experts. Ils ne gesticulent pas dans tous les sens. Non on s’en tape dans leur cas. Tout vient directement de la musique et seulement de la musique. Le bassiste est même assis, certainement pour avoir plus une meilleure maitrise de son instrument. Puisque c’est autour de lui que tout se joue. La basse est omniprésente, centrale… Enfin ! C’est autour d’elle que l’ensemble s’articule. Les morceaux sont de longues explorations sonores répétitives. Mais comment diable peuvent-ils sonner aussi bien et puissamment dans cette configuration ? Si le concert débute relativement calme, c’est au fil de l’heure que les choses s’intensifient et à partir d’ « Allée Sauvage » c’est une machine de guerre qui se dresse devant nous. Génialement électrique, avec une basse aiguisée comme il faut, le morceau est la chose la plus fascinante qui nous a été donné à entendre sur les trois jours du festival. La version studio avait déjà retenu notre attention. Dites vous qu’en live, c’est encore 10 fois plus intense. Comme toujours, le son est monstrueux. C’est la dernière fois qu’on le répète mais merci à cette scène du Fort pour ce qu’elle a engendré en matière sonore. Chez BEAK> et sa précision à toute épreuve, on s’en rend compte encore davantage. Le concert ne fera que monter, jusqu’au point d’en sortir déboussolé. A côté de nous, on entendra dire « ils sont très bons, pas comme les Liminanas ». On sourit fort. Assurément, BEAK> n’a aucun morceaux à la mords moi le nœud. Tout est riche, consistant.

Rembobinage. A 21h, quand le concert de BEAK> s’apprête à commencer, le super stand disquaire des Balades Sonores présent sur le site depuis le début du festival organise une signature de vinyles. C’est WU-LU la star du moment. Il vient de terminer son concert sur la scène des remparts qui a débuté vers 20h. Son album Loggerhead fait pas mal entendre parler de lui en ce moment. Nous l’aimons personnellement beaucoup, même si nous avons un peu de mal à revenir dessus régulièrement. Probablement à cause de morceaux pour le moins intriguants et bizarrement construits. En terme de production, WU-LU a mis le paquet. Les bases rythmiques sont au centre. Et la guitare, primordiale. Dans un rap – soul – rock, c’est un cocktail détonant, surtout sur certains morceaux coups de poings comme « Times » et « South ». Son concert à la Route du Rock attise la curiosité du public. Il y a du monde devant la petite scène. Le musicien est accompagné de deux autres gars, à la basse et à la batterie. Le concert a d’abord un peu de mal à prendre. Les morceaux joués ne sont pas forcément les plus entrainants. Mais l’attitude du chanteur, détachée, a de quoi nous tenir en haleine. La dégaine est simple : t-shirt orange de monsieur tout le monde. Comme si un gars du public était monté sur scène. Mais là-haut, il assure tout en modestie. Sa présence ne trompe pas. Accompagné de sa guitare qu’il tient désinvoltement, WU-LU nous transporte finalement dans un paysage musical original, intense et incarné. Le final sur « South » en sera la meilleure preuve, avec des cris venus tout droit des enfers.

Ça commence à faire long, mais promis c’est bientôt terminé. Ou justement l’inverse, puisqu’on s’approche du premier concert de la soirée.. . Mais avant de boucler la boucle avec BIG JOANIE, on passe très rapidement sur VANISHING TWINS aka le concert le plus emmerdant du festival. Ils passent sur la grande scène à 19h15. On peut lire sur Wikipédia (désolé de na pas être allés chercher plus loin) « groupe londonien dont les membres partagent un intérêt pour le groove, les instruments inhabituels, le mystique et l’ésotérique ». Tout s’éclaire, puisque ce même bullshit se reflète parfaitement dans leur musique d’un vide abyssal. Dès le premier morceau, un profond ennui nous assomme. Quelle est cette musique minimaliste qui se regarde ? Les musiciens sont vêtus avec fantaisie. Il y en a un à la flûte qu’on lui prie plusieurs fois de ranger. Le concert sera au pire ennuyeux, au mieux banal. Souvent les deux. Une pop sans vie et prétentieuse. Retournons au punk.

« We are black feminists punk » . C’est comme ça que BIG JOANIE se présente. Elles sont quatre sur scène, mais plutôt trois officiellement dans le groupe. Actives depuis 2018 et leur premier album Sistahs très apprécié, elles sont à l’origine d’un rock assurément engagé, fier et vivant. Quelques nouveaux morceaux sortis récemment précèdent un nouvel album à venir. De 18h30 à 19h15, elles ouvrent la soirée de la meilleure des manières, avec assurance et sourires. Jouer là semble les rendre heureuses. Le plaisir est partagé avec une foule qui, doucement, s’épaissit. Leur musique en jette. Sur le dernier morceau « Fall Asleep », l’ampleur est là. Les « yeah yeah yeah » du refrain retentissent avec fracas. La Route du Rock dans toute sa splendeur.

– Rembobinage

Nous entrons sur le Fort pour cette journée qui s’annonce encore plus intense que les deux précédentes.

– Rembobinage

Nous nous garons sur le parking, excités même si la fin approche.

– Rembobinage

Nous nous réveillons, plein d’enthousiasme.

– Rembobinage

Nous nous endormons, épuisés.

– Rembobinage

Nous roulons pour la Bretagne, des étoiles plein les yeux. Cette édition de la Route du Rock sera-t-elle à la hauteur des espérances ? Ahhhhh jeunes gens, si vous saviez…

 

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