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possessor film 2020 extrait

Très attendu par les aficionados de cinéma de genre, « Possessor » s’est joué pour sa deuxième diffusion à l’Etrange Festival à guichets fermés. Il faut dire que le long-métrage du fils de David Cronenberg ( La Mouche, Chromosome 3) n’a rien à envier à la qualité à laquelle nous a habitués le père. Entre place du travail destructrice de la personne, danger des nouvelles technologie, caméra précise et effets carrément gores, l’oeuvre est jouissive. On vous raconte.

Possessor de quoi ça parle ?

Tasya Vos est membre d’une organisation secrète : grâce à des implants dernier cri, elle peut contrôler l’esprit de qui bon lui semble. Jusqu’au jour où le système bien rôdé de Tanya s’enraye. Elle se retrouve alors coincée dans l’esprit d’un homme, dont le goût pour la violence se retourne contre elle.

Possessor, pourquoi c’est bien ?

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Si Cronenberg père est connu pour son rapport au corps et son obsession pour ses transformations, cette marque de fabrique revient volontiers dans le travail du fils. Loin d’être un simple film d’époque, le réalisateur Brandon Cronenberg signe ici un métrage puissant qui aurait pu aussi bien sortir au sommet de l’âge d’or du cinéma d’épouvante (dans les années 70 à 80) que dans nos sombres années 2020. Loin des grandes sorties horrifiques actuelles souvent édulcorées, ce Possessor s’évertue à repousser les limites, osant tout ou presque, choquant par son visuel fort en hémoglobine tout en gardant pourtant un ton froid et posé. Le corps, lui est vu sous toutes ses couture. La sexualité y est omniprésente et prend en fonction de ses protagonistes plusieurs visages questionnant presque le genre du bout des doigts lors d’une scène au graphisme époustouflant. L’identité, au coeur de l’intrigue, celle qui attache aux proches y est sans cesse questionner. Sommes-nous une somme de souvenirs ? Le reflet de nos impulsions ? semble-t-il questionner.

D’entrée, le malaise est palpable. D’abord celui d’une héroïne brillamment interprétée par Andréa Riseborough (Birdman). C’est d’ailleurs avec un casting 5 étoiles que l’oeuvre qui avait choqué au festival de Sundance se déploie. A l’affiche, on retrouve par ailleurs Tuppence Middleton (Sense 8), Jennifer Jason Leigh (Atypical, Les sentiers de la perdition)  ou encore Sen Bean (Golden Eye, Game of throne) qui rejoint la famille des acteurs de GOT que l’on découvre sous un nouveau jour dans les métrage horrifiques de l’Etrange Festival  à l’instar de Maisie Williams, incroyable dans The Owners).

La guerre psychique pour le contrôle du corps est au centre de cette fable éprouvante où les penchants violents de chacun ne font qu’accroître une sur-enchère de frustrations et de goût pour le travail bien fait. Savoir rester soi-même plutôt qu’avoir la liberté d’être une personne échangeable dans la société, est ici une valeur centrale du travail de Cronenberg qui pousse son propos à son apogée. A cela s’ajoute une atmosphère aussi viscérale que macabre qui prend vie dès les premières secondes du film sans jamais perdre de temps. Le spectateur y est valorisé alors qu’il n’est jamais pris pour un incapable de se raccrocher à une histoire, il y est au contraire embarqué sans jamais être noyé dans une profusion de détails contextuels. Sobre dans son propos, cette oeuvre entre science-fiction et thriller ne lésine jamais sur les moyens visuels. D’abord grâce à des décors à couper le souffle mais aussi et surtout par l’explication des sentiments grâce la mise en images lors de nombre scène où la dualité se superpose, où les visages se mélanges et où le flou et les effets de couleurs se succèdent. L’abstrait y devient très concret alors que trouble et intensité se côtoient. La bande son signé Jim Williams également sublime fait vibrer ce récit graphique. Tasya réussira-telle à contrôler le corps de Colin ? A s’adapter en quelques jours à une vie qui n’est pas la sienne tout en ne s’oubliant pas ?  Toutes ces questions trouveront réponses au court d’une heure quarante haletante de bobine à ne pas laisser entre toutes les mains. Nul doute que ce Possessor a tout pour devenir culte auprès des fans de cinéma de genre au coeurs bien accrochés.

En espérant que le film se distribue dans les cinémas français qui sont souvent frileux lorsqu’il s’agit de diffuser de l’horreur bien construite. L’Etrange Festival, lui, se poursuit au Forum des Images jusqu’au 13 septembre.

Découvrez la bande-annonce de Possessor

 

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Brimstone de quoi ça parle ?

Dans l’Ouest américain, à la fin du XIX siècle. Liz, une jeune femme d’une vingtaine d’années, mène une vie paisible auprès de sa famille. Mais sa vie va basculer le jour où un sinistre prêcheur leur rend visite. Liz devra prendre la fuite face à cet homme qui la traque sans répit depuis l’enfance…

Brimstone est-ce que c’est bien ?

Brimstone dakota fanning

Sorti en 2017 avec à son affiche une Dakota Fanning plus éblouissante que jamais, un Guy Pearce d’une férocité sans limite et petit coup de pouce, Kit Harington gonflé à bloc par son fan club de « Game Of Thrones », ce Brimstone n’a décidément pas eu la visibilité publique qui lui est dû. Et pourtant force est de constater que le premier long métrage international du néerlandais Martin Koolhoven est une claque saisissante réussissant le pari risqué de réunir les genres en s’appropriant leurs codes pour mieux les sublimer. Découpé en quatre actes tous plus puissants les uns que les autres, ce film hors normes suit le calvaire de Liz poursuivit par un Boogeyman on ne peut plus humain prêt à tout pour l’avoir à ses côtés. Si le terme  convient pour définir cet homme qui se sent porteur d’une parole de Dieu déformée pour mieux servir ses intérêt, son statut et ses travers sont avant tout un miroir grossissant d’une société passée qui est toujours d’actualité.

Dès son premier verset, cette oeuvre n’épargne rien au spectateur ni à son personnage central, une femme à la force mentale extra-ordinaire. Avec une photographie sublime, un graphisme sombre qui fait échos au propos qu’il évoque, Brimstone impose son atmosphère viscéral dès ses premières minutes. Ici point d’espoir de rédemption, le martyr de Liz ne s’estompe pas et la caméra enferme avec elle un spectateur désireux de la voir se battre et se sortir de la spirale infernale qui la poursuit. Maudite mais battante, elle est portée à l’écran par la sublime Dakota Fanning, qui enfant était la coqueluche d’Hollywood. Le temps lui aura préféré sa petite sœur, la talentueuse Elle Fanning, que les spectateurs ont pris le plis de retrouver film après film. Pourtant, elle livre ici une performance sans faute, exprimant froideur et détermination propre à certains survivants brisés. Cette noirceur que peu de temps de répit ne viennent alléger étaye ce brasier d’émotions qui s’étend sur 2 heures 30 haletantes. Il serait injuste de ne pas également souligner la performance de l’implacable Guy Pearce, habité par son fanatisme, obsédé par ses démons et ses justifications, terrifiant dans sa froideur, ainsi que celle de l’incroyable Emilia Jones ( qu’on a vu depuis dans Locke & the Key), révélation au jeu sobre, bluffante de candeur et de force en toute circonstances.

Trois registres, une histoire

brimstone preacher

Pourquoi se contenter d’un seul registre lorsqu’il est si facile de brouiller les pistes en les mélangeant pour sublimer et accentuer les traits forts de son histoire ? Brimstone choisit de ne justement pas choisir un seul type d’oeuvre pour mieux se centrer sur une histoire narrée de plusieurs façon, et cette alliance fonctionne à la perfection.

Horreur et thriller se succède alors qu’à chaque instant rôde la peur du retour du prêcheur, de ses nombreuses et éprouvantes violences qu’elles soient psychologiques ou même physiques. Outre cette traque qui pourrait emprunter au survival, et le monstre qu’il semble impossible à éliminer, prêt à renaître tel un Jésus infernal venu distiller sa parole, la violence, elle, s’invite à mesure que la pellicule avance. Quelques rares scène gores sont d’ailleurs de la partie, mais toujours filmée avec une certaine maîtrise et pudeur allant jusqu’au hors champs pour ne pas entrer dans un simple jeu de boucherie qui éloignerait le spectateur du propos initiale. La violence sert ici à appuyer des thématiques lourdes de sens, jusque dans les tripes de celui qui regarde. Il n’est pourtant pas question de satisfaire uniquement le fan de films d’épouvantes, tant le métrage ne laisse au genre qu’un petit terrain pour exprimer via des atrocités jamais gratuites un propos tranché sur le fanatisme.

Le western est lui aussi de la partie, ses personnages habituels y ont ici une autre couleur. Le gentil cow-boy pas si blanc de tout reproche, courageux et invitation à l’espoir est bien présent tout comme un duel peu fair-play et une esthétique dominante propre à ce registre aujourd’hui peu exploité.

C’est pourtant surtout un drame que nous sert un réalisateur qui n’hésite pas à relancer son intrigue à coup de révélation savamment amenées. Difficile de ne pas souffrir aux côtés d’une héroïne malmenée, vaillante, affrontant la vie avec la froideur de son bourreau, encaissant les coups avec une véritable volonté de vivre et de vivre libre. Issue d’une communauté immigrée, réfléchissant à la vie de communauté et aux dérives des meneurs aux grands mots, elle garde une dignité admirable en toute épreuve. Situé au 19ème siècle, le drame ici raconté semble presque normalisé dans son époque. Et pourtant, alors que tous ces propos font encore échos à une société contemporaine, qu’il est difficile de ne pas bondir de son siège, outré(e) et révolté(e), alors que la douleur de nos protagonistes laisse une marque au fer rouge à mesure que les actes s’enchaînent avec ardeur.

Un conte sur la condition de la femme

Si les sous-textes sont nombreux dans ce film jusqu’au-boutiste, la condition de la femme est l’unes de ses thématiques centrales. Difficile de parler librement de ce sujet sans risquer de spoiler un spectateur désireux de le voir. Sans trop en dire, une héroïne forte mais en adéquation avec son temps est l’un des premiers piliers de cet axe. A cela, il est facile d’ajouter que violence conjugale, prostitution et culpabilisation de la femme face à l’accouchement et à la maternité sont de la partie. Face à la beauté de notre héroïne, nombreux sont ceux à estimer avoir des droits sur elle et sur son corps. Si une femme fait un affront à un homme, elle devra en subir les conséquences au centuple. La mise en image des règles et son interprétation par l’homme est également une piste de réflexions que distille le réalisateur. Si le sang a coulé alors la jeune-fille est enfin une femme avec ce que cela implique. Un tel traitement des menstruations pourrait rappeler le livre « Carrie » de Stephen King découvrant ses règles face à une mère pieuse qui en donne une interprétation bien différente du simple cycle  naturel et normal.  Les maux faits aux femmes sont nombreux et révoltant. Le message y est toujours donné sans l’appuyer avec lourdeur, sans perdre de la force de son propos et de son époque et surtout sans s’imposer aux spectateurs.

Travers et fanatisme religieux

brimstone guy pierce

A l’instar d’un Saint-Maud qui abordait l’extrémisme religieux et remportait cette année le grand prix du festival de Gerardmer, Brimstone aborde la thématique religieuse avec une modernité sans fausse note. Le texte sacré servant ici à justifier tous les excès, la peur de l’enfer, donnant corps au royaume de Lucifer sur Terre.  Il faut se méfier des prêcheurs et des faux apôtres met en garde une oeuvre qui ne manque pas de montrer que les plus pieux n’hésiteront pas à se servir de la religion pour justifier leurs plus bas instincts et les plus atroces des comportements. Le prêcheur péche en dictant la droiture, sans jamais se remettre en question et ce de bout en bout jusqu’à un dernier act terriblement haletant. Le film ne mâche pas ses mots et pointe du doigts les dérives égoïstes de la religion et de ses acteurs. Une oeuvre magistral, éprouvante, puissante à voir absolument et disponible, ça tombe bien, sur Netflix.

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