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Penelope Bonneau Rouis

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Lors d’une tournée de dernière minute, le chanteur irlandais Hozier est passé par l’Alhambra le 21 avril 2023. En 1h30 de concert, Hozier a réussi l’exploit de subjuguer une foule constituée aussi bien de fidèles que de fraichement converti.es. Revenons sur ce très beau moment. 

a concert for tea-time

Il est 19h quand on entre dans la salle et 19h02 quand les lumières s’éteignent. Les plus couche-tard froncent déjà les sourcils, la salle n’est pas encore tout à fait remplie. Mais pas de panique, il s’agit de la première partie.  Áine Deane, jeune londonienne seule avec sa guitare, nous entraîne dans son univers doux et poétique (et qui veut en découdre avec son ex). Une bien jolie découverte.

À 19h30, Áine Deane quitte la scène et la salle est déjà un peu plus remplie. Il y a dans l’air une électricité quasi tangible qui se crée, une excitation gonflée d’appréhension et d’impatience. Voilà presque quatre ans que Hozier ne s’est pas produit dans la capitale. Et ce concert, programmé semble-t-il en dernière minute, réunit un public hétérogène où chacun semble être tombé sur l’annonce de cette date un peu par hasard. Car Hozier n’a fait aucune promotion pour cette tournée sur ses réseaux sociaux et en a annoncé une autre, ultérieure, en juillet 2023. Un concert de mise en bouche, comme diraient les français.

Jesus is back and he’s Irish

À 20h, heure à laquelle Catherine Laborde, dans le temps, annonçait la météo de la semaine, Hozier monte sur scène. Il est très grand. Le public hurle et sans lui laisser le temps de reprendre leurs esprits, Hozier débute son set avec « Eat Your Young », issu de son dernier EP du même nom sorti le 17 mars dernier en prévision de son premier album qui sortira l’été prochain, Unreal Unearth. 

Les chansons s’enchaînent, de morceaux plus récents aux tubes de ses premiers albums, le public est conquis et chante en choeur avec lui. Il ne chantera cependant que deux morceaux inédits dont « Francesca » qui devrait sortir très bientôt.

 

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L’homme aux mille guitares

Il n’est pas inhabituel à un concert de voir une connexion entre le public et l’artiste sur scène. Ce concert ne fit pas exception à la règle et fut particulièrement fort sur ce plan-là. En effet, dans le public, ça chantait, ça pleurait, ça dansait, ça se prenait dans les bras, et pour d’autres, ça ravivait une petite nostalgie de 2014… Hozier, plus chanteur que bavard, nous remercia dans son français approximatif et son accent irlandais.

Sur scène, il n’y a plus beaucoup de place. Trois guitaristes – dont Hozier lui-même qui change de guitare pour chaque morceau- une violoncelliste, une claviériste, un violoniste -aussi guitariste-, un batteur… Au beau milieu du set, le groupe laisse d’ailleurs Hozier respirer et prendre un peu plus de place sur la scène. Le voilà seul, avec sa (l’une de ses) guitare acoustique, à chanter « Cherry Wine ». Le public, pour quelques minutes à peine, restera silencieux, pour mieux l’écouter. L’instant est d’une beauté pure.

Hozier took us to church

En dernier morceau avant le rappel, Hozier chante celui que tout le monde – consciemment ou non- attendait : « Take Me To Church« . Cette chanson avait  propulsé l’irlandais sur l’avant-scène folk en 2014. Il y avait quelque chose d’assez inoubliable dans sa prestation. L’émotion de la soirée était à son climax. Pour la première fois depuis le début du concert, Hozier lâche sa guitare et déambule sur la scène, s’approche du public, regarde dans les yeux les gens du premier rang, frappe sa poitrine du poing, s’époumone. On sent dans cette performance, l’émotion d’un artiste encore incrédule du succès colossal qu’une seule chanson lui a permis d’acquérir.

Le temps de la reconnaissance

Il quitte la scène sous les clameurs d’un public encore sonné par ce qu’il vient d’entendre. Lors du rappel, Hozier remerciera et présentera toute son équipe, ses acolytes de scène, son manager, les techniciens. Tout le monde sera remercié et nommé et on ne peut que saluer cet acte.

Il terminera son set en soulignant que le drapeau irlandais tricolore a été offert au révolutionnaire irlandais Thomas Francis Meagher par trois femmes françaises. Les sources sont à revérifier, mais l’air assuré d’Hozier fonctionne aussi comme source sûre et fiable.

Hozier repasse à Paris le 18 Juillet prochain à l’Olympia pour un concert à guichets fermés.


Hozier – Eat Your Young (2023)

Le 17 Mars dernier, l’irlandais Hozier sortait son nouvel EP Eat Your Young en avant-goût pour un LP, Unreal Unearth qui sortira l’été prochain. Quatre ans après l’excellent Wasteland Baby! Hozier revient plus sombre que jamais avec un EP dantesque et mélancolique. 

Saint-Hozier

Pour beaucoup, le 17 mars rime avec vert, bière et Patrick, mais pour Hozier, 17 et mars riment avec bougie, Dante et cannibalisme. Car sorti le jour de son anniversaire, le nouvel EP Eat Your Young fait référence au texte A Modest Proposal de Jonathan Swift dans lequel il invite les pauvres à vendre leurs enfants aux riches pour qu’ils puissent se nourrir durant les famines en Irlande. Evidemment, c’était une satire… enfin on espère.

Les trois morceaux « Eat Your Young », « All Things End », « Through Me (The Flood) » réfléchissent chacun leur tour sur la condition humaine fondant leur inspiration sur l’Enfer de Dante, le deuil et la Bible. Si cet EP devait avoir une morale, un trait : l’existence ne peut être vécue sans deuil et perte(s).

Inferno?

Chaque morceau s’inscrit toujours aussi parfaitement dans l’univers imagé et macabre de l’Irlandais. Cet univers sombre et poétique qui nous avait tous charmés déjà en 2014 avec son premier album Hozier et qu’il avait ravivé en 2019 avec le très bon Wasteland, Baby! revient en très grande forme avec Eat Your Young. 

Dans « All Things End« , le deuxième morceau de l’EP, Hozier réfléchit et se lamente sur la fin inévitable d’une relation en y ajoutant un commentaire plus optimiste de renouveau : « but we begin again »; et révélant ainsi le rythme cyclique de l’existence.  Le morceau se montre plus lent, moins enjoué que « Eat Your Young« , et mettant une emphase sur les paroles. Mais il y a quelque chose de rétro à ce morceau, une inspiration 80s plus ou moins lointaine et peut-être l’impression d’avoir déjà entendu un morceau comme celui-ci au moment du refrain.

Cet EP arrive ainsi comme un amuse-bouche qui nous fait patienter gentiment. Êtres avides et voraces que nous sommes, on aurait voulu plus, bien plus, tout de suite, plus tôt même. Mais aucune crainte, le nouvel album, Unreal Unearth, arrive ! On a juste pas la date exacte (il est question de « fin août » selon certaines sources). Une chose est cependant sûre, Hozier sait nous mettre l’eau à la bouche. Mais pas suffisamment pour en manger nos enfants.

L’artiste se produit le 18 juillet prochain à l’Olympia.


 

Vivre d’Oliver Hermanus (2022)

Avec le brillant Kazuo Ishiguro aux commandes du scénario, le dernier film d’Oliver Hermanus, Living (ou Vivre en français) est une ode émouvante à ces petites choses qui font que la vie vaut d’être vécue. Sorti en salle le 28 décembre dernier, on y retrouve un Bill Nighy potentiellement au sommet du Bill Nighesque, aussi « stiff upper lip » que touchant. 

De quoi ça parle ?

Vivre se déroule en 1953, dans un Londres qui doit se reconstruire après les séquelles de la Seconde Guerre Mondiale. Mr Williams (Bill Nighy que l’on connaît de Love Actually, About Time ou Pride) est un fonctionnaire de mairie émérite et un poil guindé. Un jour, il apprend qu’il ne lui reste que quelques mois à vivre. La nouvelle le bouleverse et après des décennies de rigidité, d’austérité et de ce flegme britannique que Bill Nighy incarne si brillamment, Mr Williams va réapprendre à faire quelque chose qu’il avait presque oublié : vivre.

Inspiré du film japonais Ikiru d’Akira Kurosawa (lui-même librement inspiré de La Mort d’Ivan Ilitch de Léon Tolstoï), Vivre possède à la fois toutes les qualités d’un conte moderne et de la critique humoristique de la société conservatrice anglaise de la moitié du 20ème siècle. En effet, le scénario de Kazuo Ishiguro (Never Let Me Go, The Remains Of The Day) incarne brillamment l’univers de son auteur, à la croisée de l’embellissement de la vie quotidienne et d’une nostalgie envahissante.

Est-ce que c’est bien ?

Avant d’être une ode à la vie, Vivre est également une lettre d’amour à la ville de Londres. En effet, dès les premières minutes du film, des images d’archive d’un Londres des années 50 apparaissent à l’écran. Ces scènes de vie d’un autre temps entraînent instantanément les spectateurs dans un univers plein de vie et nostalgique.Un contraste se forme cependant bien vite lorsque les employés de mairie, arborant tous plus ou moins maladroitement un chapeau melon, apparaissent à l’écran. Une moquerie gentillette de la société anglaise se fait sentir ici.

Vivre – Oliver Hermanus (2022)

Ce n’est pas l’aspect le plus surprenant du film. S’il parle de la mort de son personnage principal, il n’est pas mélodramatique pour autant et aborde un sujet oh si délicat par son antagoniste direct : la vie. En effet, la mort, pourtant omniprésente dans le film, se retrouve sans cesse recouverte par l’optimisme vital et naissant du protagoniste. Les personnages qui l’entourent sont tout aussi touchants que lui et permettent ainsi, à plus ou moins grande échelle, à Mr. Williams de se révéler et de vivre pleinement. Sa relation avec la jeune Margaret (Aimee Lou Wood de Sex Education), qui aurait pu s’avérer romantique, n’est ni vulgaire, ni tendancieuse et souligne la renaissance d’un homme au seuil de la mort.

La bascule (que nous ne donnerons pas pour conserver l’effet de surprise) qui intervient prématurément au milieu du film a d’abord un effet déconcertant sur le spectateur. Mais, ce choix narratif permet ainsi de provoquer une effusion de souvenirs et de nostalgie qui donnent au film un rythme original et, en fait, logique.

Nommé aux Oscars pour la première fois à 73 ans, Bill Nighy offre une performance émouvante et d’une profonde justesse. Vivre est un bien joli conte à découvrir et à savourer.

Vivre – Oliver Hermanus (2022)
Send Me Love Letters

En concert dans la salle des Étoiles (Paris 10) pour l’évènement Esquisses X Kickers de Live Nation, Send Me Love Letters nous a servi un rock saturé et sensible le 24 novembre dernier. On vous les présente.

Send me some rock music

Il est 20h et quelques lorsque Send Me Love Letters monte sur scène. Le groupe de rock lyonnais est le premier groupe à jouer et ils frappent très fort. On a presque un peu peur pour les groupes suivants. Comme leur nom l’indique, leur musique parle d’amour, tous types d’amour. Amour platonique, romantique, mais surtout l’amour de soi. Leur rock est amoureux et saturé, le public est instantanément happé dans leur univers et s’en donne à cœur joie. Les morceaux semblent plus longs, plus sauvages que sur l’EP. On sent qu’une aisance et une confiance solide se sont installées entre eux à mesure qu’ils se laissent tour à tour aller à des improvisations au beau milieu des morceaux.  Un très beau moment.

Un groupe perfectionniste

On retrouve les quatre membres à leur descente de scène, à bout de souffle après avoir servi un rock aussi chaud. Gabrielle (chant), Loïc (guitare), Pierrick (batterie) et Simon (basse) se sont rencontrés il y a quelques années, un peu par hasard, à Lyon, là où ils sont basés encore aujourd’hui. Entre eux est née, une envie de créer et de faire de la musique. C’est ainsi qu’en janvier 2020, le projet Send Me Love Letters voit le jour. Pour Gabrielle, il ne s’agit pas de son premier projet. Elle se produisait déjà sous le sobriquet Gaby, avec une pop plus acidulée, carrément aux antipodes de Send Me Love Letters. Un projet qui lui avait plutôt bien réussi puisqu’elle avait fait la première partie de Julien Doré.

ROCK PHÉNIX ?

Send Me Love Letters, à leurs yeux (et aux nôtres aussi), c’est du rock indé, inspiré par des groupes anglais comme Arctic Monkeys et Wolf Alice. Mais surtout, Send Me Love Letters, c’est une esthétique marquée et travaillée. Pour préparer la sortie de leur dernier EP, At Least We Tried, le groupe a sorti trois clips. Chacun de ces clips a été réalisé entièrement par les quatre membres du groupe. Comme nous le dira d’ailleurs Gabrielle, et comme on le voit lors du visionnage des clips, ils sont très attachés à l’image et aux visuels.

Send Me Love Letters aux Étoiles ©Samuel Uzan

Ainsi, Send Me Love Letters est un groupe prometteur, qui s’impose peu à peu comme l’une des principales têtes d’un rock renaissant de ses cendres. À grands coups d’amour et de lettres, voici un groupe à suivre.