La saison 2 de Ginny & Georgia vient d’être dévoilée sur Netflix et s’est déjà inscrite parmi les tops de visionnages du géant du streaming, devenant même l’une des séries à entrer dans le top 10 des séries les plus streamées de la plateforme. Si l’annonce de la saison 3 vient cruellement à tarder, elle est pourtant l’une des plus attendues. On sait que Netflix peut réserver de mauvaises surprises à ses fans, ayant annulé certains de ses show les plus appréciés. De l’excellente The OA aux bien plus discutables Warrior None ou encore le très mauvais The Winx. Pourtant, dans le paysage la série de Sarah Lampert recèle de son lot de très belles surprises. Celle qui s’inscrit dans ce qui pourrait être un show typique teenager sait faire la part belle à des thématiques fortes, ne se privant d’aborder aucune douleur psychologique rencontrée par les adultes et adolescent.es, le tout servi dans un cocon de douceur et une forme de nostalgie des programmes à la Gillmore Girls. Retour sur les thématiques les plus sombres de la saison 2 et leur traitement bienveillant. ATTENTION Spoilers de la saison 2 !
Il aura fallu s’armer de patience pour découvrir la nouvelle saison de Giny & Georgia et retourner avec nos deux héroïnes à Wellsbury. C’est chose connu, aujourd’hui les shows télévisés suivent le schéma d’une approche bienveillante des problématiques. Les shows des années 90 avaient vocation à aborder les souffrances psychologiques avec jugement et sévérité sans jamais y offrir d’issus voir romantisant certains aspects de ces derniers. Les temps changent et Ginny & Georgia prend le pli de son époque tout en gardant l’essence même de ce qui a pu faire le succès d’autres shows par le passé : petite ville, histoires d’amour, drames, comédie… ce qui pourrait faire penser à un certain Dawson tire finalement son épingle du jeu et arrive à narrer les histoires aussi bien vécues par les ados du shows que par les parents sans jamais perdre son spectateur ou diminuer l’essence dramatique de ses personnages. En ce jeu d’écriture bien fait la série Netflix est remarquable et induit une forte addiction loin du puritanisme américain exaspérant auquel nous sommes habitués.
Des maux, des mots, des mômes
La saison 2 reprend juste après la saison 1 et décide d’attaquer très rapidement avec les problèmes de Ginny (Antonia entry), l’une des héroïnes de la série. Après avoir appris sa mère Georgia avait assassiné son ex mari, elle décide de fuguer chez son père avec son petit frère Austin. Seulement cette annonce n’est pas sans conséquence, Ginny déjà dépeinte comme un personnage à la vulnérabilité à fleur de peau entre dans un processus d’auto-mutilation. Et pour se faire, elle se brûle. Elle finit par en parler à son père Zion qui prend la nouvelle au sérieux et la pousse à consulter. L’affaire ne se règle pas en un claquement de doigts. Il ne suffit pas de parler pour être libérée de ce qu’elle traverse. Cet axe donne naissance à deux des scènes les plus fortes de la saison. La confrontation avec Georgia (Brianne Howey), habituée à tout connaître de sa fille et à la protéger quoi qu’il en coûte. Elle tente d’abord une approche lourde, difficile et intrusive avant de se raviser et de prendre un rôle d’accompagnant. Ce chemin aussi va être long, douloureux et passe par le biais de la thérapie mais pas uniquement. Les personnages évoluent lentement, prennent le temps d’aborder la problématique et d’offrir un panel de réactions : celle du père aimant qui tombe de haut, de la mère qui veut solutionner, du petit ami ( Marcus) qui s’avère être une oreille attentive à ce vécu. Elle n’est pas idéalisée, Giny avoue haïr se blesser mais le cheminement pour arrêter est long, il passe par des substitues ( un élastique à claquer, des thérapie, du dialogue, des appels nocturne) et rien en fin de saison n’indique qu’elle a définitivement arrêté, elle lutte contre ça. Le traitement scénaristique y est sensible et délicat, n’en déplaise aux détracteurs de Ginny. Twitter s’est d’ailleurs ligué à tord contre le personnage, mais bon Twitter reste le réseau social le plus intéressant et le plus abjecte en même temps. Parce que son parcours, bien que romancé et raconté sous l’œil de scénaristes cherchant à faire avancer une narration est un enjeux central et tente de proposer l’un des nombreux ressentis des personnes qui s’auto-mutilent.
Évidement, un show télévisé ne peut avoir vocation seul à comprendre tous les enjeux d’une personne en détresse qui souffrirait d’un besoin de s’auto-mutiler. N’empêche que l’approche de ce trouble dénote avec ce qui a pu exister dans le passé. Les séries offraient leur lot de voyeurisme en la matière. La chose n’est pas neuve, les pulsions de vie et de mort n’ont finalement pas toujours été la fontaine romantique du spectacle. Le double suicide de Roméo et Juliette n’est-il pas la quintessence de la beauté et de l’amour ? Et puis ne se doit-on pas de justifier chaque action comme étant logique et fondée. Si réaction au mal-être il y a alors elle découle d’une action, d’une souffrance et d’un maux. Il faut toujours justifier. Ce n’est pourtant pas le cas ici. En la matière, il faut le rappeler Ginny & Georgia serait la petite sœur très sage d’Euphoria. La comparaison entre les deux shows s’arrêtent bien évidement ici, la seconde ayant bien plus en rapport avec Skin qu’avec Gilmore Girl. Il n’empêche qu’elle ont, chacune à leur manière, la capacité de parler aux adolescent.es sans les juger.
Du teenage show à l’euthanasie : légèreté rime avec société
Dans l’idée de ne pas associer dépression à un simple évènement, l’évolution du personnage de Marcus (Felix Mallard) fait aussi figure de rareté dans le panel télévisé actuel. Son entrée en dépression, cyclique, est abordé sous l’œil de son personnage. Il devient narrateur de ses pensées, de son accablement et ce en une seule scène qui tient valeur d’explication de son ressenti et de ses réactions futures. Un monologue intérieur est explicité comme une clé pour mieux le comprendre. Le personnage reste taiseux. Il ne vient pas s’exprimer, se raconter avec les autres. Il pousse par ailleurs Ginny à prendre un autre rôle : celui de la bienfaitrice, qui doit comprendre, s’adoucir et malgré ses propres troubles protéger et ce malgré le rejet dont elle est la victime. Cet axe narratif devient lui aussi central. Autant que les avancées majeures du show pour cette saison qu’ils soient le mariage de Georgia, les meurtres, les relations amicales. Il permet à ceux et celles qui le regardent une nouvelle forme d’identification, une compréhension. Abby n’est également pas en reste et est le personnage le plus mal dans sa peau de la série qui pourrait par ailleurs aborder à travers elle les TCA. La chose est sous-entendue sans jamais être clairement exprimée dans cette nouvelle saison. Mais ce qui est exprimé est que les mots ont leur importance et qu’il est facile de blesser sans y penser une personne. Ceux qui se moquent d’elle, sont par ailleurs peu montré, comme pour souligner que les petites actions ont un poids mais ne sont pas toujours immédiatement repérés par l’entourage. L’impact est grand pour la personne concernée. Elle camoufle son corps, change de couleurs de cheveux et ajoute une scène troublante à l’histoire. Alors qu’elle joue à se faire porter par Matt, il blague sur son poids. Son visage se ferme, la douleur est là mais elle est évoqué avec simplicité sans aucun besoin de trop en faire, de trop en dire. Les éléments concernant le rapport au corps d’Abby, sa problématique face à son physique sont distillés avec parcimonie et alertent le spectateur : ces troubles ne se voient pas toujours, ils ont bien des visages.
Le personnage le plus explicité, le plus raconté, comme dans un un besoin de le justifier reste celui de Georgia. Mais elle est aussi le personnage adulte, celui qui a eu le temps d’analyser ses actions et surtout de mieux les comprendre. Comprendre ne veut pas dire contrôler, ne veut pas dire arrêter. Même s’il s’agit là du pire des affres : le meurtre. Femme qui a été battue, femme forte, Georgia lutte contre un grand nombre de traumatismes. Pourtant sa force évoquée à de nombreuses reprises par sa fille est ce qui la caractérise le mieux. Elle est autant femme que mère. Les deux ne sont en rien incompatibles. Et à travers ce prisme, et le regard de sa fille, elle finit par voir la vulnérabilité comme une force, peut-être la plus grande de toute. Ses ressorts psychologiques sont complexes. Elle est un piliers mais également une personne blessée. Elle peut séduire mais toute son essence provient de son passé, de ses difficultés. D’ailleurs les nombreux flashbachs sont là pour constamment l’expliquer , mieux la comprendre et voir comme une personne peut évoluer, apprendre à se défendre. La série fait d’un personnage meurtri une véritable icône. Georgia n’est pas une victime. Sombre et pourtant lumineuse, elle se bat seule avec ses enfants et pour ses enfants. De se faire du mal à faire du mal, le pas est grand. Ginny en paye le prix et en fin de saison c’est au tour de sa mère de payer sa dette. La série est également l’occasion de rappeler que les temps ont changé. Exit « Basic Instinct » et l’image de la beauté fatale inépuisable séductrice. La beauté de Georgia est une force mais pas seulement. Elle peut aussi devenir son propre bourreau.
Reste à savoir si la saison 3 apportera une nouvelle vision d’un personnage fragilisé, rattrapé par ses démons, ses erreurs et sa tendance à les reproduire. Il faudra aussi savoir traiter de l’euthanasie, puisque c’est bien le dernier crime de notre héroïne, de façon juste en introduisant le débat comme aura su le faire depuis ses débuts ce show grandement accessible qui ouvre les yeux et la voix à un public mainstream sur des problématiques importantes. Tout cela si Netflix confirme bien cette nouvelle saison.
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