Klara Keller par Juana Wein

Originaire de Suède, Klara Keller est venue enregistrer son EP Bang à Paris, rue d’Enghien pendant un an. Une année riche en rencontres, collaborations et découvertes. Deux ans après son premier EP, Hjärtansfröjd, écrit entièrement en suédois, Bang est son premier EP en anglais tout en douceur et en poésie. Nous nous sommes données rendez-vous chez Jeannette, rue Strasbourg Saint-Denis au milieu des bruits de voix et des tasses qui s’entrechoquent.

Pop&Shot : Klara, bonjour. Comment décrirais-tu ton deuxième EP, Bang ? 

Klara : Ce qui est drôle c’est que j’ai entièrement enregistré mon EP juste à côté, rue d’Enghien. Mon studio est au bout de la rue!  Je venais souvent dans ce café alors être de retour me rappelle tout cette phase de ma vie où je faisais mon album. Parce que, pour moi Bang représente une période très spécifique dans ma vie, très différente de quand j’avais fait mon premier EP en Suède. J’avais besoin de changer ma manière d’écrire et de composer. Bang capture vraiment le temps que j’ai passé ici, à le faire. C’était très intense, j’ai écrit et produit cet EP en trois mois alors que j’ai passé trois ans sur le premier. Le processus était complètement différent donc oui, Bang est très intense, énergique et n’a rien à voir avec ce que j’ai pu faire avant.

P&S : As-tu vu une différence entre le milieu de la musique en France et en Suède ? 

Klara : Oui, l’approche est très différente. Notamment en terme de genres musicaux. J’ai l’impression qu’en France, il y a une égalité entre les genres musicaux qu’il n’y a pas en Suède. En Suède, on est surtout porté sur la pop. C’est le pays d’Abba, Tove Lo, Max Martin… de la musique d’export. Le milieu de la musique là bas tourne beaucoup autour de ce paramètre et quand tu explores d’autres genres, il y a un peu cette vision de sous-culture. On est bon en musique, mais la mentalité est complètement différente. Il y a vraiment ce rapport à l’argent et à la musique d’export.

P&S : C’est ton premier EP en anglais, qu’est-ce qui t’a fait changer de langue ? 

Klara : J’ai commencé en Suède parce que j’étais vraiment une « Stockholm Girl »,  je n’écoutais que de la musique suédoise parce qu’en soit c’est un peu une culture isolée, comme une petite bulle dans laquelle tu peux vivre toute ta vie. Mais j’avais besoin d’en sortir et de faire quelque chose de plus fou, d’être plus ouverte à de nouvelles influences. C’est pour ça que j’ai changé de langue d’écriture. Enfin, je n’avais pas vraiment prévu que ce deuxième EP soit en anglais. J’étais d’abord venue à Paris pour écrire un autre EP en suédois mais en arrivant, je me suis rendue que le suédois était un peu sans intérêt ici, parce que personne n’aurait compris ce que je disais et le français c’est dur. Je connais tout juste les bases. Je voulais voir plus grand en écrivant en anglais.

Je devais rester qu’un mois, finalement je suis restée un an et je suis encore là.

P&S : Pourquoi est-ce que tu as choisi Paris ? 

Klara : J’avais pas prévu spécifiquement de venir à Paris. Je voulais juste aller quelque part et j’avais d’autres villes en tête au début. Puis, je suis allée voir un astrologue et on a parlé de quelle ville pourrait être bonne pour ma créativité et j’ai su que Paris pourrait être bon pour moi. Je devais rester qu’un mois, finalement je suis restée un an et je suis encore là.

P&S : Donc tu vis toujours ici ?

Klara : Non je fais des allers-retours. Ma tournée suédoise pour Bang a eu lieu en automne donc j’ai dû y retourner.

P&S : Tu dis avoir écrit « Sad Thinking Of You » quand tu es venue vivre à Paris et que tu étais nostalgique de ta vie en Suède. Maintenant que le temps est passé, ce sentiment est toujours là ? 

Klara : Oui mais maintenant je suis nostalgique de Paris. J’ai passé un moment tellement incroyable ici et je croyais vraiment que je pouvais résoudre ce que je traversais en venant ici. J’avais besoin de développer ce sentiment de nostalgie pour Stockholm pour écrire cette chanson. Je ne ressens plus ça pour Stockholm aujourd’hui. C’est juste une ville, c’est pas le centre du monde comme je le pensais avant de déménager. Aujourd’hui je me rends compte qu’il y a des choses bien plus grandes que ça. Donc non, je n’ai plus le même sentiment, mais je reste une personne nostalgique et je suis nostalgique pour autre chose maintenant.

. On marchait dans les rues désertes et comme les bars étaient fermés, on faisait la fête dans le squat.

P&S: Dans tes clips « Hard Rock Café » et « Sad Thinking Of You » on te voit errer seule. Est-ce pour représenter tes premiers temps à Paris ? 

Klara : Oui, c’est ça. C’est marrant que tu le remarques. Surtout dans « Sad Thinking Of You », j’ai un coquillage que mon copain m’a donné. Ça m’a donné l’idée de marcher dans Paris en écoutant mon ancienne vie dans le coquillage en étant ailleurs. Parce que c’est exactement ce que je faisais, je marchais dans Paris. Je vivais dans un squat à Montmatre et j’y ai passé une bonne partie du confinement là bas. Il y avait aucun touriste et c’était super. On marchait dans les rues désertes et comme les bars étaient fermés, on faisait la fête dans le squat. « Hard Rock Café » parle de la période avant que je rencontre tous ces gens, quand j’étais toute seule et que je ne savais pas trop quoi faire.

P&S : Tu as collaboré avec deux membres de Phoenix, comment est-ce que cette collaboration a eu lieu ? 

Klara : Leur studio était juste à côté du mien. Leur batteur est suédois mais je ne le connaissais pas vraiment. Un jour, on s’est écrit, je ne sais plus pourquoi et je lui ai demandé s’il était à Paris et il l’était. C’était un peu une coïncidence en fait. J’ai rencontré Thomas (Hedlund) et Rob (Coudert) et on a collaboré.

P&S : Sur cet EP, ta musique a des influences un peu 70s et 80s, que t’évoquent ces périodes ? 

Klara : Je sais pas, les 70s m’ont toujours beaucoup inspirée, notamment le style vestimentaire. Mais musicalement, il y a tellement de styles qui m’inspirent qu’ils finissent par se mélanger dans le mien. Pendant que je faisais l’EP, j’ai beaucoup écouté McCartney II de Paul McCartney où il a tout produit tout seule et ça m’a beaucoup inspirée. Mais sinon, je ne pense pas vraiment à mes influences, ça vient assez naturellement et parfois ça sort avec un côté un peu 70s.

P&S : Et peux-tu nous parler un peu de la pochette de l’EP? 

Klara : La première fois que je suis allée au squat, j’étais avec un mec qui m’a montré sa chambre. Le squat était un ancien hotel avec ces petites chambres où ils vivaient. Bref, il avait cette peinture, qui est en fait un portrait de moi. Maintenant on est ensemble, mais c’était la première fois où j’ai su que je lui plaisais. Et je savais que ce portrait serait la pochette parce qu’il capturait lui aussi le temps que j’ai passé à Paris.

P&S : Tu as un morceau qui s’appelle Lucky Luke… 

Klara : Oui ! La première fois que j’ai fait la fête au squat, il fallait porter un chapeau, c’était le dress-code. Mon copain, avant que l’on soit ensemble, était là et il portait un chapeau de cowboy. Il m’avait donné une montre pour enfant avec le visage de Lucky Luke dessus et je l’ai associé à lui depuis.

J’ai tendance à vouloir expérimenter un truc, aller au fond des choses

P&S : Ton titre « Wheel of Fortune » est assez rock. Est-ce que c’est un genre que tu aimerais explorer davantage à l’avenir ? 

Klara : J’adorerais. J’écoute souvent Patti Smith en ce moment et son son m’inspire beaucoup ces temps-ci, avec des guitares, etc. J’ai tendance à vouloir expérimenter un truc, aller au fond des choses et ensuite faire quelque chose de complètement différent derrière. J’ai l’impression d’avoir fait ça avec mon dernier EP et je sais déjà que mon prochain projet n’aura aucun rapport. Mais j’adore jouer cette chanson en concert, c’est comme une grosse claque.

Sur ton premier EP, tu as reçu beaucoup de nominations et quelques prix. Est-ce que ce succès a eu un impact sur ton processus créatif. 

Klara : J’étais complètement dans la mouvance suédoise avant mais j’aime toujours développer de nouvelles choses, et trouver de nouveaux morceaux tout le temps. Donc c’était très important pour moi de ne pas faire un autre Hjärtansfröjd. Ça m’a mis un peu de pression et je ne voulais pas me répéter. Je ne veux pas être mise dans une catégorie inventée par les autres.


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