Album après album #5. Quoi de mieux en cette période si particulière que de dédier son temps libre à la découverte ? Certainement l’une des choses les plus stimulantes de notre existence. Chercher… Découvrir… Ne pas s’accommoder à quelconque confort, mais toujours se trouver dans un état d’esprit d’ouverture au monde, d’élargissement culturel, afin de faire jaillir un sentiment de satisfaction donnant l’impression de nous construire en même temps que notre cercle s’élargit. Voilà ce dont nous avons tous besoin, même sans nous en rendre forcément compte. Et quel moment plus adapté que celui que nous vivons en ce moment, confinés, à l’heure où absolument tout est disponible en ligne depuis chez soi ! 

Aujourd’hui, pour le cinquième volet de notre série consacrée à la (re)découverte d’albums géniaux, entre évidence et confidentialité, et pour fêter le premier jour du déconfinement, nous faisons le zoom sur un artiste français que nous apprécions particulièrement, celui qui aura participé à donner ses lettres de noblesses au rock et à la pop française : Jacno. Décédé il y a plus de dix ans maintenant (2009), Denis Quillard, alias Jacno, continue d’exister à travers sa musique intemporelle dont la force et l’excentricité nous impressionne toujours autant. Le tour d’horizon que nous proposons d’entamer n’en est en réalité pas vraiment un, puisque nous allons ici nous concentrer sur deux albums de sa carrière seulement, mais qui, mis bout à bout, semblent constituer une représentation plutôt fidèle du génie de Denis Quillard, sans manquer de lui faire honneur. Pris à des périodes relativement éloignées, ces deux albums révèlent un art au meilleur de sa forme, sorte de quintessence d’un style bien particulier, et différent pour chacun d’eux.

 

ALBUM N°1 : FAUX TEMOIN (Jacno)

Faux Témoin est loin d’être l’album le plus réputé de Jacno. Pourtant, dans ce qu’il révèle du génie de l’artiste, aussi bien au niveau de son écriture que de sa maitrise pour la composition, il sera difficile d’y trouver plus significatif. Loin de moi l’idée d’affirmer que c’est là son œuvre ultime, non, car il est difficile de se prononcer sur des artistes comme Jacno, mais je n’ai en revanche pas de mal à dire que celle-ci est une parfaite démonstration d’un style ici maitrisé sur le bout des doigts. Tellement même que c’en est impressionnant. Il suffit d’écouter « Un hymne à ma mauvaise foi » pour s’en rendre compte. Ce premier titre de l’album a tout d’un… hymne… Oui, faisons confiance aux mots. Il n’y a pas plus belle et directe ouverture. Tout y est. Ce qui saute à l’oreille est d’abord le son soigné de guitares rugissantes dans les règles de l’art. Rien ne dépasse. Tout va droit au but. Le riff est terrible, enjoué, ambitieux, généreux, par-dessus lequel le chanteur fait le récit, dans une symbiose parfaite avec la musique, d’un homme endossant le rôle d’un bon samaritain vite rattrapé par sa mauvaise foi. Jacno fait preuve d’un humour subtil avec des paroles toujours bien trouvées, qu’il marie subtilement avec la musique. Le tout se marie parfaitement. Voilà la première étape d’un album que l’on devine d’ores et déjà percutant. Et en effet, la suite en sera tout aussi géniale.

 La force de l’artiste est celle d’inventer un style unique, frais, porté par une production aussi fine que chaleureuse, et d’une impressionnante rigueur. Par cela, les morceaux prennent de l’ampleur en empruntant aussi bien au rock qu’à la pop, dans une fusion équilibrée. « Mauvaise humeur », « Elle m’a (dans la peau) », « la Communication » sont toutes autant de grandes chansons à leurs manières. Le texte y est toujours pertinent et magnifique. Jacno parvient à y déployer sa justesse d’écriture à travers la description d’émotions primaires, allant de l’amour à l’aigreur.

 Faux Témoin a donc tout d’un grand album. Une sorte de vent frais dans le paysage musical français, sans mauvaise foi ni mauvaise humeur.

 

2° : STINKY TOYS (STINKY TOYS)

Revenons maintenant en arrière, au commencement, là où l’artiste était entouré de ses acolytes, tous regroupés sous le nom de Stinky Toys (les jouets puants, jeu de mot avec Dinky Toys, marque de voitures miniatures), groupe dirigé par Jacno et Ellie Medeiros. Leur premier album (1977), qui porte le nom du groupe, est, autant le dire de suite, une véritable claque dont la qualité n’a aujourd’hui pas perdu une ride. Au contraire, c’est toujours aussi percutant, et pertinent. Il y a la fougue d’une jeunesse saillante, mise sous la forme d’un punk de qualité française, influencé par celui londonien. Mais le groupe n’aimait pas tellement qu’on les qualifie de punk, leur musique était autre. Et en effet, on y sent un caractère plus enjoué et plus étincelant. Moins agressif que les groupes punks de la même époque, peu nombreux en France, Stinky Toys respire tout de même la folie et l’immédiateté. Il y a urgence. On le sent. Il s’agit de faire preuve d’une grande ferveur, mais non sans lucidité. Au contraire, tout y est clair, précis, intelligemment mis en forme.

 L’air respiré au travers de cet album est différent, d’une subtilité nouvelle, d’une qualité presque supérieure. Le côté artisanal est présent, on y sent un son bel et bien fabriqué par des corps transpirants, mais tout est si parfaitement exécuté que l’on a l’impression d’être confronté à une musique qui utilise les bases du punk pour aller chercher ailleurs, plus haut. Il y a une élévation du style, côtoyant ici une certaine grâce d’exécution. Serait-ce la voix d’Ellie Medeiros qui permet d’obtenir cette touche supplémentaire, entre précision et raffinement ? En réalité, c’est elle qui donne le mouvement, qui octroie à la musique ce côté accéléré et rentre dedans. Elle ne fait pas de cadeau, son chant est autoritaire, puissant, sauvage. Dans une danse acharnée, c’est elle qui mène les pas. La musique a intérêt à suivre.

 C’est en réalité dans les compositions ainsi que la production que se dissimule la véritable originalité. Il est rare d’entendre de si bons morceaux. Nés d’une passion acharnée, chacun de ses titres sont des tubes à leurs manières. Le tout se marie si bien ensemble qu’aucun d’eux ne se démarque des autres. La qualité est constante. 10 morceaux. 37 minutes de bonheur. Les guitares y sont pour beaucoup, puisque ce sont elles qui donnent de l’ampleur et de la profondeur à ce tourbillon sonore dans lequel nous sommes plongés et dont nous ne ressortirons pas indemnes. Jacno, plus tard producteur (notamment du premier album d’Etienne Daho), annonce ici d’ores et déjà le génie qu’on lui reconnaitra définitivement par la suite.

Bon déconfinement à tous ! La découverte ne s’arrête pas pour autant ! Notre série s’accorde une petite pause pour mieux revenir par la suite. A bientôt !

By Léonard Pottier

 

the OA

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