« C’était quand même vachement bien pour un film qui raconte si peu de choses », à la hâte, en sortant de la projection en avant-première d’ « American Honey » le 7 février 2017, c’est la première pensée qui vient à l’esprit. Et pourtant ce n’est pas si vrai. Grand Prix du Jury du Festival de Cannes, « American Honey » nous plonge dans une parenthèse de la vie de la belle Stella (Sasha Lane), 17 ans. Éloignée de sa famille, elle décide de suivre Jack (Shia Labeouf) et un groupe d’adolescents paumés qui vivent de la vente de magazines en porte à porte. Avec eux, elle parcourt l’Amérique et découvre la liberté.

Dis comme ça, le pitch fait plus qu’envie. Dans les faits, c’est bien d’un road trip et d’un voyage au milieu des doutes dont il est question au cours de ces 2H45. Sans jamais sombrer dans l’excès, avec un réalisme prenant, lié à une caméra constamment au plus près de ses acteurs, le film prend son spectateur par la main pour lui montrer quelque chose de « vrai ».

Avec ces adolescents, sans jamais apprendre à les découvrir complètement ( et c’est presque dommage, chacun d’entre eux existant suffisamment pour donner envie de connaître son histoire), on parcourt ces villes lointaines et on découvre leurs habitants. Le métrage en lui même réussit l’exploit de faire passer 2 heures 45 en une poignée de secondes. Plus encore, Andrea Arnold fait sentir cette Amérique. Si si, jusque dans le nez. Immersif et puissant, il est facile de devenir nos protagonistes durant cette belle promenade.

Il serait également improbable de parler d’ « American Honey » sans aborder son véritable protagoniste: la musique. Bien plus présente que les dialogues des acteurs, c’est elle qui porte les émotions et met des mots dans la bouche de nos personnages. Le rap devient un appel à une vie meilleure alors que le morceau « American Honey » (oui comme le titre du film) permettra d’imaginer la suite des aventures de Stella. De Rihanna au Boss Springsteen, elle raconte chaque moment, et chacun des visages croisés sur la route.

Et contrairement à beaucoup de métrages qui lui laissent la place de fond sonore, elle est ici audible par nos personnages qui chantent en même temps. Topo, il est facile de se retrouver soit même à chanter à tue-tête dans la salle de cinéma en s’imaginant vêtements d’été sur le dos à la découverte de l’Amérique, de ses dangers et sans but réel. Attendez quoi ? Non il ne s’agit pas d’une simple quête du vide. Les envies, les rêves d’abord passés au second plan prennent peu à peu vie sur la route alors que la question « et toi c’est quoi ton rêve ? » se forme doucement dans la tête de Stella . Alors qu’est ce donc que cette parenthèse ? Combien de temps dure-t-elle ? Peu importe finalement.

On dit souvent que, qu’importe la destination, l’important c’est le voyage et ici c’est bien ce dont il est question. Et c’est bien en cela que le thème du « vide », du « oui mais où va ce métrage ? » se pose. Pour se l’éviter, il suffit de se laisser prendre dans le tourbillon, d’accepter que l’on n’est pas ici pour voir du grandiloquent, ni de l’extrême, ni de grands discours sur une génération (quoi perdue ?).

On vit ici un moment et c’est déjà beaucoup non ? Vivre de l’instant en se demandant tout doucement « et l’idéal, passé ça, il est où ? »

A toutes ces qualités s’ajoute bien sûr un lot d’acteurs sublimes, Shia Labeouf, qui n’a plus grand chose à prouver en terme de qualités artistiques, en tête de liste. Le caméléon se la joue impulsif grâce à un personnage qu’on apprend à aimer sans jamais réellement le cerner.

Sasha Lane et Riley Keough (Krystal, la gérante déconnectée de cette entreprise atypique) ne sont pas en reste en terme de charisme et de présence à l’écran.

Difficile d’en dire beaucoup plus sans spoiler cette aventure, qui de toutes façons, de par son contenu est plus une expérience sensitive à vivre sur grand écran qu’un prétexte à se bippp la nouille sur des pages et des pages. Moins de réflexion, plus de ressenti. Alors hop il vous reste deux choix : vous laisser immerger dans ce road trip ( et ses jolies couleurs) ou prendre un billet d’avion et partir à l’aventure.

 

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