Tag

rock

Browsing

La musique francophone a créativement parlant de très beaux jours devant elle. Les nouveaux arrivés de cette scène regorgent de talent, de créativité, osent, proposent et ce en empruntant à toutes les palettes comme tous les registres. Aujourd’hui, cette scène, ce futur, est fragilisée par une crise sans fin qui voudrait relayer au rang de non essentiels ces artistes magnifiques. L’art est pourtant notre salut, notre liberté, notre convivialité, notre âme et prend la température d’une instant pour lui offrir l’éternité. C’est cette diversité, ce message qu’il nous défendre. Pour protéger ce système faites des découvertes, partagez les, achetez de la musique, achetez des albums physiques, achetez chez vos disquaires, parlez de vos coups de coeur. Les six artistes ci-dessous sont bien la preuve qu’il faut se battre pour la musique. Faites du bien à vos oreilles.

Feathership : folk made in montreal

Nos amis canadiens savent écrire de la folk. Du type mélodique, envoûtante et qui prend au tripes. Ce ne sont pas les incroyables Half Moon Run ou Franklin Electrics qui nous feront mentir. La capacité à partager émotions et grands espaces nord américains peuplent leurs titres. Et si ces deux incroyables groupes commençaient à vous manquer, bonne nouvelle voilà que débarque Feathership, le projet du montréalais Jean-Philippe Sauvé. Plus pop que ses prédécesseurs, il partage néanmoins la même force nostalgique et poétique qu’eux. Pour preuve le premier extrait de son nouvel EP  : »The West Side » dont le clip aux couleurs poudrées a été réalisé par les soins de son frère Jean-François Sauvé. Avec son titre éponyme cet EP 4 morceaux vous propose une promenade en mer,  aujourd’hui voilà qui parait primordial. En anglais dans le texte et à travers la précision de ses notes, le musicien vous invite à sauter entre les vagues et vivre avec joie le mouvement de l’eau (« Saviour »), vous perdre dans l’immensité de l’océan (« The West Side »), s’offrir un bain de minuit tumultueux (« High Moon ») et à prendre le large sans retour (« Sun friend »).  Le globe-trotteur et surfeur rappelle que l’intensité des éléments est le meilleur écho à nos ressentis. La mer et l’art ne forment plus qu’un alors que les émotions à fleur de peau viennent elles surfer à la surface. A découvrir d’urgence.

Shaken Soda : rock déjanté

Où est passée la fièvre rock ? Pouvait-on se demander ces dernières années. Le grain de folie avait-il disparu au profit de mélodies lissée toujours empruntes d’une forme de tiédeur électro où tout était un peu mais pas trop ? Si la tendance s’inversait enfin ces dernières années, voilà que le débat prend définitivement fin avec les  délicieusement déjantés Shaken Soda. Les fous furieux publiaient leur premier Ep éponyme le 16 octobre 2020. Au programme cinq titres jusqu’au-boutistes portés par des riffs entraînants où bonne humeur côtoie instrumentales énervés. Les trois musiciens toulousains osent mélanger brit pop et ses voix aériennes au rock mordant citant parmi ses références Foals comme les Beatles, Arctic Monkeys aux côtés de Bloc Party. Un savant bordel, très joliment mis en forme qui vous donnera autant envie de sauter partout (« That Kind of feel ») que de chiller en profitant d’un flow maîtrisé et d’une capacité remarquable à faire du refrain (« Forest »). Un final plein de vie sur le tubesque « Keep on Running » obligera vos pieds à danser tout seuls. Une grande gorgée de Shaken Soda c’est sans doute le meilleur des remèdes anti-dépression liée à l’actualité morose. La musique nous sauvera tous.

Lombre : rap mélancolique

Les mélodies urbaines ont gagné beaucoup de terrain en France ces dernières années. C’est d’ailleurs via le Hip hop que le vent de fraîcheur a soufflé le premier dans un univers musical qui ne demandait qu’à se renouveler. Fauve avait déjà amorcé une certaine tendance : utiliser le phrasé sur des riffs modernes électro, jouer sur la mélancolie, toucher au slam, créer des instrumentales douces, réinventer le genre. Depuis leur pot de départ au Bataclan, la relève n’avait pas été assurée, leur nouveau projet Magenta s’éloignant de cette impulsion pour proposer autre chose. Pourtant le collectif ne pouvait pas rester sans progéniture et aujourd’hui voilà que Lombre débarque enfin, prêt à reprendre ces codes précis et à pourtant oser proposer de la nouveauté en les utilisant. Le chanteur emprunte aussi à Georgio, Big Flo et Oli et même Gaël Faye pour créer un son hybride et des riffs à la précision d’une lame de rasoir. Les texte tombent à point nommé, eux aussi soufflés comme une confidence, tendus, sincères et désillusionnés. Lombre signe avec « La Lumière du noir » son nouvel EP une œuvre où mélancolie et espoir se côtoient, où les émotions prennent forme et où la société ne broie plus l’humain en tant que personne. Il devait figurer à l’affiche de MaMA Festival annulé à peine quelques jours avant son édition 2020. La preuve s’il en faut que le musicien devrait bientôt faire beaucoup parler de lui.

We Hate You Please Die : tourbillon rock(s)

Vous êtes passés à côté de We Hate You Please Die ? Il faut d’urgence rattraper cette grossière erreur. Si le post-punk a aujourd’hui la côte chez nos voisins britanniques  Idles, The Murder Capital et autres Fontaines D.C ne sauraient nous faire mentir, la sauce devait également s’inviter dans l’Hexagone. Grâce à la formation c’est aujourd’hui chose faite, à quelques nuances près.  Non content de redéfinir les codes du rock français le quatuor convie le lo fi, scream volontiers, s’aventure vers le chemin du psyché, brisant toutes les barrières et frontières sur son chemin. Un pari qui paye : sélectionnés aux Inouïs de Bourges 2019 la troupe originaire de Rouen recevait le prix Chorus en octobre 2020. Son grain de folie scénique et jusqu’au-boutiste ne pouvant que convaincre jusqu’au spectateur le plus réticent de l’audience, allumant une flamme intarissable chez  quiconque s’aventurait à l’un de ses shows. Avec un premier album publié en octobre 2018 « Kids are Lo-Fi », le groupe ne se contentait pas de faire de jolies promesses pour l’avenir, il invitait titre après titre à une révolution interne peuplée de spirales tantôt mélancoliques, tantôt puissantes et offrait un véritable bijou . L’album signe le casse du siècle en un seul essai. We Hate You Please Die a cette force rare qui convainc tout le monde, qui ne laisse personne indifférent sur le banc de touche et qui rappelle que le rock est avant tout une énergie communicative. Plus de 7 minutes de l’époustouflant « Figure it out » sonnent d’ailleurs comme une onde de liberté aspirant tout sur son passage avec une maîtrise quasi surnaturelle de chaque note.  La liberté, c’est bien ce dont on a besoin aujourd’hui et comme toujours, elle se trouve au cœur des meilleurs albums du moment.

Temps Calme : expérimentations psychées

Voix aériennes, notes envolées, Temps Calme pourrait naviguer dans les  eaux froide de la cold wave et s’inspirer de son retour en force pour se faire sa place. Ce serait mal connaître le trio lillois que de les limiter à ce simple constat. le groupe emprunte mais ne copie pas, adapte et surprend. La preuve en est d’ailleurs apportée d’entrée sur le premier album du groupe « Circuit » sorti le 6 novembre 2020.  « Aquafalling » qui ouvre le bal et ses percussions enivrantes appelle l’oreille immédiatement. Précis le titre crée de la beauté à travers ses rythmiques joliment mises en place et fait appel au monde aquatique avec finesse et raffinement. Suivez le chant des sirènes sur les notes graves  répétées en boucle qui sonnent comme un appel à faire le vide atours de soi de « Dancing owl ». Il faut dire que la troupe connait ses gammes faussant les pistes du rock psychédélique pour mieux se révéler jazz ( avec la maîtrise instrumental que ça implique) tout en distillant ses effervescences tantôt pop tantôt électro.  Après un EP sorti au printemps 2019, Temps Calme revient plus fort que jamais avec cette galette aussi puissante que des montagnes russes qui laisse aussi bien place à la technique qu’aux émotions, qui n’est jamais prévisible, ne se répète jamais et n’est jamais convenue. Certains titres frôlent l’expérimental d’autres sont accessibles à tous, malgré cette grande disparité, le tout s’additionne parfaitement avec une logique millimétrée. Si 2020 a été une année pour le moins atroce, le temps de 10 titres, Temps Calme propose de goûter à la perfection et de finir en apothéose instrumentale. Déjà culte.

Aliocha : douceur et arts

Aliocha aime les arts et les invite à se rencontrer sans concession. C’est bien ce que prouve son premier essaie en français « C’est tout, c’est rien », relecture de son morceau « Forget My Blues » qui figurait sur son album « Naked ». Au programme du clip de ce titre hors normes : un jeu de caméra et de regards de face librement inspiré des « screens tests » d’Andy Warhol avec pour cadre l’Opéra de Paris et la participation d’une ballerine classique qui offre au tout une nouvelle dimension de douceur. Le chanteur (qui est également comédien) excelle à la composition se servant de son timbre fluet aux aigus maîtrisés pour proposer des morceaux à fleur de peau. Si en France le franco-canadien peut sembler confidentiel, outre-Atlantique il jouit d’une certaine notoriété étant le protégé du programme Rising Stars du TIFF qui se vante de rassembler les futures stars du cinéma. Si petits et grands écrans lui sourient, sa capacité à émouvoir et toucher avec sa musique sont autant d’atouts. Laissez vous bercer par son univers calibré, franchement beau et où les arts ne forment qu’une grande et même famille.


 

Niandra Lades

Si la scène indépendante française regorge de pépites, il est parfois difficile de toutes les écouter, de toutes les découvrir. Il suffit pourtant de tendre l’oreille, d’arrêter de courir quelques secondes pour tomber sur un album d’une qualité indéniable et se laisser imprégner par un travail construit de bout en bout. Et si l’objet album est aujourd’hui remis en question, personne n’en écouterait plus parait-il , la musique se consommerait comme au fast-food, en zapping, avec urgence et sans prendre le temps de poser un nom sur les saveurs, il serait hérétique de traiter la musique de Niandra Lades avec si peu de respect. Certains titres se dégustent en menu intégral et méritent de prendre le temps d’être savourés. Peut-être est-il temps d’arrêter là l’analogie avec l’alimentation mais cette dernière semble remporter plus de suffrage sur les réseaux sociaux que la culture pourtant riche en sources d’émerveillement et de réflexions.

A en croire la biographie de Niandra Lades, nul besoin de courir pour être créatifs. Le quintet originaire de Clermont-Ferrand semble comme Grand Blanc avant lui, s’être inspiré d’une ville qui laisse au temps le loisir de s’écouler, à la nature de frétiller, pour mieux se plonger dans l’apprentissage musical. Si le TGV ne passe pas par chez eux, les bandes sonores elles sont bien présentes. Alors, ces cinq garçons « imaginaires » ont pris le temps de s’imprégner des 90’s de The Cure à Chokebore, de digérer ces références et puis d’innover. Exit une entrée en matière folk sur ses deux premières galettes, il est temps de laisser place au rock. Ce « You drive my mind » s’ouvre d’ailleurs sur le très puissant « Wrong Way Men » et ses guitares excitées. La pop sombre s’invite à une partie à toute allure alors qu’un refrain aussi instinctif que rythmé résonne en une mimique vocale inoubliable. Une claque d’entrée qui permet de poser ses valises, d’arrêter tout, le temps, la vie, et les obligations pour se concentrer sur l’objet ici en écoute. A 2 minutes 15, guitares et batteries s’emballent, on se surprend à hocher la tête comme sur un bon vieux Nirvana, le tourbillon est lancé, la machine prend de l’ampleur.

Voyage dans le temps entre pop et rock

Pas le temps de se reposer que la formation casse déjà sa dynamique donnant vie avec une logique implacable à une pop sombre qui sent bon Robert Smith. « You Drive my mind » qui donne d’ailleurs son nom à cette galette sait sublimer ses mélodies. Comme toujours lorsque la pop est bonne, qu’elle rencontre le rock, les riffs s’enchaînent naturellement. Le cocon est créé alors que le spectre de Blur règne maintenant sur l’album.

Fluidité toujours lorsque « The Same Boat » dévoile ses premières notes. Là encore pop entraînante et rock mélodique sont de la partie. Les accords se font gimmicks, la voix invite l’auditeur -déjà conquis- à rejoindre cette fête entre ombre et lumière comme les 90’s savaient si bien en créer. On descend d’un ton, et pourtant l’intensité augmente. Avec « #Untitles W/ Bass », on flirte avec la ballade. La fluidité des accords est à noter. Le titre s’avale d’une traite, s’intègre comme un classique, entre dans notre répertoire doudou en à peine quelques secondes. Niandra Lades ne joue jamais la carte des fioritures, n’est jamais grandiloquent. Non, sobriété, aisance et pop instinctive lui suffisent amplement. Nul besoin de casser les genres, de chercher à flirter avec des références 90’s dans l’air du temps et se faire mousser pour créer des titres efficaces au format relativement court (3 à 4 minutes en moyenne) qui donnent une envie compulsive d’appuyer sur repeat en boucle.

Il serait pourtant dommage de se contenter de répéter puisque chaque titre s’inscrit dans une continuité bienvenue et bien écrite où synthé, guitare, basse et batterie se donnent facilement la réplique. D’ailleurs voilà que « Malvo » fait la part belle à la basse, donne à sa pop un léger accent psyché, une batterie obsédante et une noirceur  en tourbillons. Voilà qui est vrai, les années 90 étaient puissantes, le rock avait alors une patte. D’ailleurs vous vous souvenez la bande originale des teen movies américains de ces années-là?  Tôt ou tard, une grosse fête se profilait et si on n’y twerkait pas, on s’y déhanchait sur du rock entêtant et qualitatif. Nous voilà enfin arrivés à ce passage particuliers avec « The Witches », sa voix filtrée et ses riffs percutants. Le voyage touche bientôt à sa fin, plus que trois titres avant d’appuyer sur repeat. « Where is your Smile » plus aérien pourrait être un titre « coming of age » comme on dit au cinéma tant il inspire l’aventure et le road trip.

A un morceau de la fin, la rage adolescente d’un groupe à la maturité indéniable refait surfasse, n’y aurait-il pas un fond de Nada Surf dans ce « Don’t throw your Rights » ? Titre pertinent s’il en est, le rock est une révolution nécessaire, la culture un vecteur de réflexion vital, ne l’oublions pas. Les guitares s’emballent, montent en puissance et comme lorsqu’un bon concert va se terminer, alors que les oreilles bourdonnent et que les larsens résonnent, l’osmose est à son apogée. « It’s Time » de se dire au revoir sur une note plus apaisée, toujours aussi entêtante, toujours très bien réalisée.

Produit par Pascal Mondaz, cet opus paru en avril 2020 alors que les oreilles et les esprits étaient occupés à combler le néant extérieur par une anxiété bien trop naturelle, devrait être la bande originale de ton automne, de ton année et même de ta décennie. A écouter comme une amulette en souhaitant fort qu’il pourra faire revivre la candeur des années 90, son talent et son esprit de « Desintegration ».

Bonne nouvelle, le groupe est en tournée 2020 du  1er août au 14 novembre avec une date parisienne le 13 novembre. Ne les manque pas !

Viens acheter « You Drive my Mind » ici, tous les frais sont reversés à des artistes talentueux !

 

« You Drive my mind » de Niandra Lades à écouter ici


Tandis que « Dogrel », premier projet très réussi des talentueux Fontaines D.C., tourne encore régulièrement sur nos platines depuis sa sortie en 2019, le groupe de rock irlandais n’a visiblement pas fini de nous gâter puisqu’il revient aujourd’hui avec « A Hero’s Death », un deuxième album, disons-le d’entrée de jeu, grandiose. Dans une ère où les projets musicaux s’éternisent de plus en plus (deux ans minimum entre chaque album, et encore…), Fontaines D.C. a opté pour la rapidité. Quinze mois seulement séparent « Dogrel » de « A Hero’s Death ». Le groupe a-t-il pour autant négligé la qualité au profit de l’efficacité ? C’est tout l’inverse. Laissez-nous vous dire pourquoi ce nouveau projet des plus aboutis est, parmi tous les scénarios envisageables concernant la suite de « Dogrel », le meilleur.

 

Un avant-goût jouissif

Enregistré très peu de temps après le premier album (certains morceaux furent même composés durant les sessions de « Dogrel »), « A Hero’s Death » a l’immense qualité de se démarquer de son prédécesseur. Moins impulsif mais non moins puissant, ce deuxième album monte la barre d’un cran, voire de dix. A vrai dire, on ne s’y attendait pas, même si nous ne sommes pas surpris. Là où « Dogrel » jouait beaucoup sur son côté new punk, très irlandais, dans une alliance entre fougue et spontanéité, « A Hero’s Death » prend le contrepied en faisant semblant de se restreindre. Il est vrai, rien dans ce nouvel album semble nous sauter aux oreilles à la manière d’un « Liberty Belle », d’un « Boys in the Better Land » ou d’un «  Hurricane Laughter ». Et pourtant, il suffisait de bien s’empreindre des trois morceaux dévoilés en amont de la sortie de l’album : « A Hero’s Death », « Televised Mind » et « I don’t Belong », pour comprendre à quel point ce nouvel opus n’aurait rien à envier à son aîné. On y sentait déjà une profondeur nouvelle, une cible resserrée, un renouveau de leur style… Les terribles tourbillons sonores que sont la chanson éponyme et « Televised Mind » inquiètent aussi bien qu’ils nous font jouir de mille frissons. Jamais le groupe n’avait composé dans une telle maitrise de son style. Toute cette énergie contrôlée, cette ardeur retenue, font de ces titres en particulier la plus belle définition de Fontaines D.C. On y sent une rage nonchalante, portée par l’amour du minimalisme, aussi bien au niveau des textes que des compositions. Lorsque Grian Chatten répète inlassablement « Life ain’t always empty » ou « That’s a Televised Mind », d’un ton distant comme il sait si bien le faire, c’est lui qui porte et subjugue la musique, car il en est en réalité le cœur battant. Grian Chatten est incontestablement la principale force de Fontaines D.C. Et pour les avoir vu en live à la Route du Rock, il va sans dire qu’il tient majestueusement les rênes. Timidement impliqué, son air absent et son chant monotone le rende magnétique.

Ainsi, à l’écoute des trois morceaux dévoilés en amont, nous avions déjà senti la puissance bouillonnante d’un projet plus que prometteur. Pour dire vrai, nous étions tellement enthousiastes que nous les avons écouté en boucle pendant plusieurs semaines, si bien qu’au fil des jours, chacun d’eux grandissaient un peu plus, jusqu’au point de les considérer aujourd’hui parmi les meilleurs morceaux que le rock nous a offert depuis plusieurs années. Il ne restait plus qu’à prier pour que le reste soit du même acabit. Chef-d’œuvre assuré. Pari réussi ? Presque.

Photo : Daniel Topete

 

Incarnation d’une jeunesse aussi vaillante que résignée

On ne va pas se mentir, le groupe a énormément misé sur ces trois titres en particulier qui ne trouvent pas d’adversaire (ou d’alliés) de taille pour se mesurer à eux. Pour autant, nous devons désormais les inscrire dans un album complet, et non plus comme des morceaux indépendants. Et c’est bien à ce niveau-là que « A Hero’s Death » tient particulièrement la route. Dans sa globalité. L’album coule de source sans jamais devenir une évidence. Il n’est ni timide ni explosif, ni fade ni grandiloquent, et ne cherche à n’être nul autre que l’incarnation d’une jeunesse à la fois vaillante et résignée, d’une manière privilégiant la sincérité à l’emphase. Sa non-perfection l’embellit même, puisqu’à en attendre trop, nous avons fini par apprécier davantage son côté humain et artisanal grâce à ses morceaux plus terre à terre. Le dosage maitrisé entre plusieurs forces démonstratives : une certaine quiétude lancinante (« You Said », « Oh Such a Spring », le magnifique dernier « No ») combinée à une ferveur âpre (l’incroyable « Lucid Dream », « Living in America »…), rend le tout particulièrement subjuguant, comme si le groupe était définitivement parvenu à créer son identité. Au milieu de ce couloir qui se resserre en s’agrandissant tout du long vient se glisser l’étonnant « Love is the Main Thing », une lente et douloureuse course animée par une batterie étouffante et un slogan scandé comme éternellement sur un ton distant et désincarné, à croire que le groupe ne croit déjà plus à grand-chose, même en l’amour, bien que le morceau « A Hero’s Death » nous prouve le contraire. Peut-être veulent-ils simplement retranscrire un état du monde, où tout semble sans saveur sauf l’amour qui perdure avec difficulté. Encore faut-il y croire. Mais Fontaines D.C. n’est pas là pour chanter l’amour à la manière des Beatles et nous fait part d’une certaine vision du monde merveilleusement bien retranscrite. Dans « Televised Mind » par exemple, avec sa guitare et son chant hypnotiques, Grian Chatten parle des esprits dépendants des autres, ceux qui ne savent réfléchir qu’en se confiant à l’approbation générale. Le chanteur dit à propos de cela : « L’opinion des gens est renforcée par un consensus constant, et nous sommes dépouillées de notre capacité à se sentir en faute. On ne nous donne jamais la possibilité d’apprendre notre propre faillibilité ».

 

Une production à l’identité affirmée

Lorsque nous parlions plus haut d’identité, comme quoi Fontaines D.C. s’affirmait davantage dans ce deuxième album, notamment grâce à la force évidente de ces nouvelles compositions, nous n’avons néanmoins pas mentionné un point primordial qui est celui de la production, sur laquelle le groupe dit s’être longuement attardé. De fait, cela saute aux oreilles. « A Hero’s Death » sonne juste. A la frontière entre fantasme et réalité, la rêverie soulevée par une vague ambiance psychédélique se trouve vite rattrapée par des sons aiguisés. La production va droit au but, sans manquer sa cible : amoureux du son, cet album vous est destiné. A la fois sèche et onirique, elle est tout droit inspirée de l’esprit des Beach Boys, leur principale influence sur cet album selon les propres dires du groupe. On y décèle également un amour pour le Velvet Underground (« Sunny ») ou encore Suicide dans son obsession pour la répétition.

Ainsi, « A Hero’s Death », à l’image de sa magnifique pochette, profite de la maturité d’un groupe qui, libéré de leur irlandicité, s’émancipe enfin en parvenant à explorer davantage. Le bond flagrant entre « Dogrel » et ce nouvel album est d’ailleurs la preuve définitive permettant d’affirmer, avec plus de croyance aujourd’hui que l’année dernière, que Fontaines D.C. a de quoi devenir un des groupes phares de la décennie. Le troisième album nous le dira.

By Léonard Pottier


Qui a dit que seule l’Amérique était capable de produire des musiciens aux voix aussi sèches que leurs guitares et aux mélodies qui sentent bon le Bourbon  ?  Découvrez trois talents français, qui excellent dans le blues, le rock et la folk et qui savent aussi bien faire du rodéo avec leurs guitares que les cow-boys Outre-Atlantique.

Ian Violaine

Le 31 mai Ian Violaine publiera un son tout premier EP. Une date à marquer d’une pierre blanche. En effet, avec son  premier extrait sobrement intitulé « Violaine », le chanteur avait déjà placé la barre très haut. Au temps des morceaux aux nombreux artifices, cet originaire de Brest,  mise sur la simplicité et sur la beauté de sa voix tantôt suave, tantôt grave. Cette sobriété, fait inévitablement chavirer les cœurs et en quelques notes seulement. Violaine c’est un jeu de séduction qui invite au voyage, la folk  vibre,  les instruments sont savamment maîtrisés, ils s’envolent. Un souffle fragile, quelques notes d’une guitare aiguë, une voix qui inspire la confiance, le chanteur produit des refrains au naturel déconcertant, s’invite dans la tête de celui qui l’écoute avec l’aisance d’un vieil ami. Si la mélancolie est là, son timbre rauque gage d’une folle qualité.  A l’Amérique, il emprunte ses voix puissantes, ses guitares mélodiques efficaces, ses capacités vocales. Entouré de Philippe Paradis (Zazie, Christophe, Thiéfaine) et Yves Jaget (Pink Floyd, Sting, William Sheller, et Zazie en collaboration avec P. Paradis) à la réalisation, il promet des morceaux qui s’inscriront rapidement dans la bande-originale de votre vie, de ceux qui vous accompagneront toujours, qui parleront à votre cœur. Intemporel et forcément sublime.

 

 

Jonas

C’était un soir de confinement. Un mail dans ma boite , il contient un texte sobre, même pas de titre et m’invite à découvrir un nouvel artiste, Jonas. Rien ne laisse alors présager la claque que je vais recevoir. Derrière cette apparente simplicité se cache en réalité une sophistication à couper le souffle. Puisque le jeune Jonas, à seulement 22 ans, imprime immédiatement sa griffe profondément dans la peau de son auditeur. Quelques notes de cette folk aux accents blues et me voilà, surprise à appuyer sur repeat en boucle, à écouter la totalité de ses morceaux disponibles sur Youtube. Aidé d’une guitare sèche, celui qui fait ses premiers pas dans le monde de la musique ( avec deux EPs auto-produits au compteur ) propose des compositions sublimes portées par une voix époustouflante. Grave, maîtrisée, la frenchie envoie  autant que les meilleurs blues men qu’on envie à l’Amérique. Derrière ses notes, se cachent la force et le raffinement d’un très grand whisky. Enfermée, interdite de sortie, me voilà qui prend les routes des grands espaces du sud américain. Titre après titre, le musicien barbu se crée un univers aride et puissant. S’il explique avoir à son arc un certain nombre de covers et être un adepte du live, il a aussi su se faire une place dans quelques festivals. Il est certes douloureux de vivre dans un monde qui nous prive de voir Jonas en concert, puisque le « petit festival de 50 personnes avec des masques » n’existe pas. Il nous reste la possibilité de partager ce diamant brut en attendant de siroter un bon verre en écoutant Jonas jouer nous, peut-être dans l’un de ses pubs que le cinéma nous a rendu si familier.

 

JC and the Judas

Et si la meilleure relève du psyché-rock était originaire de Bordeaux ? La nouvelle serait-elle si surprenante ? La ville française nous a apporté son lot de très belles surprises ces dernières années. L’une des meilleures pourrait d’ailleurs bien être JC & the Judas. Hybride, le combo mené par JC Horgue, emprunte les codes de Pink Floyd, y ajoute le  timbre puissant d’Iggy Pop, s’aventure vers les chemins de la pop et s’amuse à créer une marche rock aux notes puissantes. Son meneur le Chanteur-percussionniste, JC Horgue, distille depuis 2005 ses puissants morceaux aux côtés d’un collectif variable de 5 à 8 musiciens. L’occasion de se réinventer régulièrement.  Passant par la pop, et même quelques aventures électro, le voilà de retour dans les bacs le 8 mai 2020 avec un maxi 45t vinyle. Bien au-delà de la musique, JC & the Judas a conscience de la cinématographie de ses compositions qui conjugue rock et grand écran. C’est d’ailleurs pour ça que sa dernière pépite fait renaître (ou découvrir) une série de films anciens triés sur le volet. « Vanisching Point » de Sarafian mais aussi « Ghost Dog » de Jim Jarmusch donnent leurs titres aux morceaux de cette galette à part qui s’écoute avec les yeux.  A déguster avec du pop-corn au beurre comme on aime le faire au pays de l’oncle Sam.