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La jeune chanteuse et compositrice britannique Joséphine (Jojo) Orme, sous le nom d’Heartworms, vient de sortir un premier album fascinant, où se déchire à l’intérieur un rock machine combiné à une pop obscure et magnétique. On vous dit pourquoi on en est tombés amoureux.

heartworms
Joséphine Orme alias Heartworms – Credit: Camille Alexander

 

Noir Noir Noir (& blanc)

Heatworms Glutton for Punishment
Heartworms – album « Glutton for Punishment »

Glutton for Punishment. De but en blanc, on vous accorde que le titre de l’album a quelque chose d’un peu repoussant. Encore plus si on le fait suivre du nom de scène qu’a choisi Jojo Orme pour se révéler : Heartworms, en référence au verre du cœur, une maladie qui touche principalement nos pauvres amis les chiens.

Les deux ensemble – album + nom de scène – ouvrent un espace noir où chaque mot, chaque syllabe, chaque particule sonne bizarre, glauque, laid. Autant dire que la musique derrière ne s’annonce pas de très bonne humeur. Léger coup d’œil à la cover avant de se lancer, et c’est encore plus sombre que ce qu’on craignait : peinture abstraite de blanc sur fond noir torturé. Pareil avec les clips et l’identité visuelle globale : absolument tout est en noir et blanc. Zéro particule de couleur. Il n’y a plus qu’à…

 

Premier contact difficile avec l’univers heartworms

Les indices ne trompaient pas, Glutton for Punishment est dark comme il se doit. Il faut s’accrocher pour briser la glace, du fait de sa production lourde et menaçante, quelque peu rebutante. Derrière ce voile pourtant se nichent des morceaux de taille, superbement écrits, terriblement addictifs. Passé la première barrière, l’album fait son effet, commence à nous ronger de l’intérieur, d’abord le cerveau pour ensuite s’en prendre à notre corps qui finit par gesticuler involontairement au rythme de ce rock bizarroïde situé entre Interpol, PJ Harvey et Nine Inch Nails. Interpol pour son pop rock, PJ Harvey par la profondeur de sa voix lancinante, et Nine Inch Nails pour son aspect industriel.

 

Sortez l’artillerie lourde !

Après une courte intro atmosphérique, l’album s’ouvre sur le morceau « Just to Ask a Dance », parfaite entrée en matière dans laquelle l’art de la chanteuse se déploie en grande pompe. D’abord dans une rythmique militaire aux violons possédés, ensuite au travers de son chant transperçant, puis enfin dans l’explosion sonore finale. Puissant, enivrant, maitrisé. Une première claque. Et Heartworms n’en a pas terminé, loin de là.

Un bon équilibre

Ce qui est bien avec les albums de neuf morceaux, c’est que la plupart du temps, il n’y a pas grand-chose à jeter, ni même une chose un peu en dessous d’une autre. Les 37 minutes qui composent Glutton for Punishment sont en ce sens très bien construites. L’enchainement des morceaux à intensité variable nous fait très vite arriver au bout avec un sentiment d’épanouissement, surtout après la pièce finale où la chanteuse reprend de manière bien plus subtile la mélodie et les paroles du premier morceau bourrin. Magique.

 

Force de composition

Au-delà de l’aspect sonore rugueux et obscur, auquel on finit par s’accrocher, et qui nous donne l’impression de marcher aux côtés des bestioles mécaniques du jeu Horizon au sein de l’univers apocalyptique de the Last of Us (shoutout à tous les amoureux de la playstation), les morceaux brillent avant tout par leur force de composition, avec des instants d’une puissance folle comme sur « Warplane » et « Smugglers Adventure », deux grandes pièces hypnotisantes. A côté d’elle, des morceaux plus légers placés au milieu, mais non moins géniaux : « Mad Catch », le morceau le plus pop et catchy, et « Extraordinary Wings », balade obscure entêtante.

Glutton for Punishment n’est donc pas si noir après tout. Si l’on y trouve la porte d’entrée, bien que ce soit celle de la cave, on pénètre un monde singulier, sensible, sublime, qui utilise un rock métallique comme moyen d’expression brut. Il y a peu de couleurs, certes, ni d’espoir, mais Heartworms trouve quand même, en dépit ou grâce à cela d’ailleurs – cela dépend de votre sensibilité personnelle – le moyen de nous séduire par la force de son talent.


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Elle nous avait ensorcelé en 2018 avec son étrange et sublime premier album Crave. Il y a quelques mois, elle dévoilait le deuxième témoignage de son humble talent : Le Cirque de consolation. Et il y a quelques jours, elle célébrait avec émotions la réussite d’en être arrivée à ce niveau de reconnaissance avec un premier Trianon bien rempli. Léonie Pernet mesdames et messieurs.

Nous n’imaginions pas meilleure salle pour entendre la pop sombre et mélancolique portée par Léonie Pernet qui, en deux albums, a su démontrer une identité musicale forte et évolutive. Crave et Le Cirque de Consolation (le premier nous avait particulièrement marqué) ont fait d’elle une artiste confirmée, à l’approche originale. Tantôt dansant, tantôt lancinant, tantôt funéraire, la musique de Léonie Pernet revêt plusieurs visages, autour d’une obscure atmosphère jamais forcée mais habitée par l’humilité et la subtilité. Les influences africaines en hommage à ses origines parsèment sa musique. Une musique aussi novatrice que politique.

 

FrankY GoGOES to Trianon

Franky Gogo au Trianon, crédit : Théophile Le Maitre

Pour ce concert célébrateur d’un début de carrière en perpétuelle expansion, Léonie Pernet a fait appel en première partie à Franky Gogo, un.e artiste non binaire au look tout aussi classe que sa musique. Avec des sonorités électro faisant office de petites décharges, dans une ambiance techno punk à la Peaches, Franky convainc par sa prestance et sa manière de poser sa voix. Trianon oblige, le son est net. Les pulsations sont ressenties. Le public semble transporté.

 

 

 

 

CUCO CUCA CULOT AURA ou n’aura pas

Cuco Cuca au Trianon, photo : léonard Pottier

Alors que logiquement, tout le monde imaginait ensuite Léonie Pernet occuper la scène après la petite demi-heure de battement habituelle entre les deux parties, ce n’est pas elle qui surgit à 21h, mais Cuco Cuca. Forcé de tourner la tête pour s’en apercevoir, puisque le personnage arrive du balcon, et se positionne sur le bord droit, avant de déployer une banderole avec la lettre E à l’envers barrée. Celle-ci fait référence à un club techno situé à Kiev et nommé « Il n’existe pas ». Sur le profil instagram de l’artiste, on peut y lire « aussi longtemps que Kiev sera en guerre et envahie par la Russie, je sortirai ma banderole ». Mais qui est donc Cuco Cuca au juste ? Iel se définit comme « hacker genderfucker transbird, queer activist & performer borned in Mexico in 2011″. Sa performance en préambule du concert de Léonie Pernet consistera à réciter un texte d’engagement et de lutte contre toutes les privations et les injustices de ce monde. Contre qui ? Les accusations manquent peut-être de cibles concrètes. « Vous n’aurez pas nos nuits, vous … [insérer grand méchant loup] ». Sa voix est trafiquée comme Winslow dans Phantom of the Paradise (Brian de Palma, 1974) qui, comme autre point de comparaison, arbore lui aussi un masque qui ne rassure pas tout à fait. Derrière celui-ci néanmoins,  on ne sent pas la personne totalement à l’aise. Au-delà des accusations, la performance qui d’abord intrigue, perd rapidement de son charme et s’éternise au bout de 10 minutes. Derrière passe une musique techno qui, comme l’artiste, semble rencontrer quelques bugs. Le tout est assez maladroit, manque de fluidité et d’accroche. Le discours crache des évidences même s’il n’est jamais vain de les rappeler. Ca n’est pas plus mal quand on en voit le bout.

 

Léonie en cercle !

21H20. Place maintenant à l’artiste principale. Dès son entrée, on sent toute l’humilité et la simplicité qui lui confèrent entre autres son charme si particulier. Léonie Pernet dégage quelque chose de juste, de touchant, qui se retrouve évidemment dans sa musique.

Sur scène trônent deux grandes installations circulaires depuis notre entrée dans la salle. On se doutait qu’elles  serviraient d’éléments d’éclairage pour le concert. En effet, rien d’autre ne sera utilisé pour illuminer la soirée. Par cette ambiance lumineuse étrange et intimiste, Léonie parvient un créer une proximité, et décore son monde musical d’une subtilité visuelle insaisissable. Cet élément de scénographie s’accorde parfaitement à la musique et se révèle être joli tout autant que pertinent pendant la durée du concert.

Ce dernier débute sur « Hard Billy », morceau en anglais du deuxième album. Comme une parfaite introduction, il introduit un ton funeste dans une sorte de flottement nostalgique. Ce morceau dépeint une mélancolie de l’étrange qui, au contraire de lever le voile sur ce à quoi nous assistons enfin, nous rajoute une couche de mystère et d’envoûtement. Léonie Pernet attrape déjà le public de manière différente de celles qu’on a l’habitude de voir en concert. On pourrait penser que ce morceau n’est pas assez de taille pour une ouverture, et pourtant. Il convient par sa répétition, amenant une tension dans un mouvement suspendu.

 

Une brigade de taille à consoler toute une salle malgré un son mitigé

En matière de son, ça pêche niveau clarté et précision, notamment dans la voix. Une déception quand on sait que le Trianon est généralement réputé pour ses qualités sur la question. Le problème persistera jusqu’à la fin du show avec un cruel manque d’ampleur, ce qui aurait fait gagner les interprétations en puissance. Certaines d’entres-elles restent trop en surface, et ne viennent pas nous bousculer comme elles auraient dû le faire.

Léonie Pernet au Trianon, photo : Théophile Le Maitre

Ce n’est pourtant pas faute d’offrir des interprétations de taille. Léonie et sa brigade de consolation, composée de Jean-Syvain Le Gouic (membre du groupe Juvéniles) aux machines et Arthur Simonini au violon, donnent sur scène vie à des versions sophistiquées, non pas tant différentes de celles en studio, mais pensées différemment pour toujours entretenir chez le public cette fascinante sensation de découverte. Lorsque, cerise sur le gâteau, Léonie se met à la batterie (dès la deuxième morceau), on ne peut être qu’émerveillé. A noter qu’elle fut d’abord batteuse avant de lancer sa carrière solo, notamment aux côtés de Yuksek.

Sans jamais tomber dans le sensationnel, le show trouve un juste milieu entre la musique portée fièrement et l’aspect spectacle pour nous tenir en haleine. Sur « À Rebours » par exemple, dans sa deuxième moitié où Léonie se défoule sur un djembe posé en avant-scène à côté d’elle, on est autant captivé par l’image que par le son. Cette gymnastique entre chant et percussions assurera entre autres le renouvellement constant du concert.

 

Léonie permet l’abandon temporaire de nos maux

Une petite déception viendra du faible nombre de morceaux du premier album joués, et du fait que « Butterfly », son premier tube, ne fut aussi prenant que ce que l’on pouvait espérer. Le Cirque de Consolation aurait pu s’agrandir davantage pour laisser entrer les chansons certes un peu plus simples dans la forme, mais habitées par tout autant de force expressive. Voilà malgré tout que ce point est vite mis de côté à la fin du concert lorsque retentit le morceau le plus entraînant de sa discographie : « Les Chants de Maldoror », issu du deuxième album. Sur le côté gauche, certaines personnes sont montées sur scène pour répondre à l’appel forcé de la danse. Quelle autre solution face à une telle évidence maitrisée à la perfection ?

En rappel, « La Mort de Pierre » servira à ne pas oublier que nous sommes là dans un cirque particulier, et que pour être consolé, il s’agit avant cela de ressentir une vive émotion douloureuse. « C’est la mort de Pierre qui nous rapprochera ». Le Trianon a de quoi l’être et repartir vidé de ses maux. Léonie Pernet a franchi un cap et la suite ne peut aller que vers le haut tant on sent derrière une sincérité dans la démarche et un talent dans la mise en œuvre. Quel cirque !


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cat power big thief Simon and Garfunkel Trois albums cultes
 

Le support numérique a radicalement changé les habitudes de consommation de musique. Fini l’attente d’un album pensé dans son intégralité. Bonjour le zapping, les morceaux écoutés jusqu’au refrain, l’attention perdue en moins de trois minutes et bien sûr les conditions douteuses de rémunérations pour les artistes. Pourtant, fort heureusement, à la montée des, convenons-en, bien pratiques plateformes de streaming, s’oppose un retour en puissance de l’objet vinyle. Outre son esthétisme, son très beau son, il permet de (re)découvrir dans sa totalité un album et de s’y immerger face après face. L’été ayant déjà laissé place à l’automne de cette étrange année 2021 et son timide retour à un Monde où concert est synonyme de contraintes pour ses organisateurs, une sélection de vinyle s’impose. Pour aller avec les couleurs de saison, les feuilles qui tombent et les coeurs lourds qui s’imposent à la fin de la trêve estivale, nostalgie, mélancolie et beauté seront au rendez-vous des trois oeuvres parfaites à (re)découvrir track by track ci-dessous.

Simon & Garfunkel « Bridge over Troubled Water »

Simon & Garfunkel - Bridge Over Troubled Water

Paru en 1970, cette pépite est le tout dernier album studio du duo indémodable Simon &  Garfunkel. En 1971,il remporte à juste titre cinq Grammy Awards dont celui du meilleur album. Il figure également à la 51ème place du classement des 500 plus grands albums de tous les temps établi par Rolling Stones. Si son pédigrée est si impressionnant c’est surtout parce que l’attention du duo a été portée sur la composition de chaque titre. A commencer par celui qui ouvre le bal et donne également son nom à l’album. C’est d’ailleurs Clive Davis, le patron de Columbia records qui choisit de placer ce morceau en ouverture de l’opus. Les temps ne changent pas tant que ça, puisque sa longueur (plus de 5 minutes de perfection) était déjà problématique à l’époque. Si l’on en croit le film « Presque Célèbre » de Cameron Crowe (qui avant sa carrière dans le cinéma était journaliste chez Rollin Stones), écouter Simon & Garfunkel en allumant une bougie permettrait de voir son avenir. Une très belle métaphore qui s’applique au ton folk rock de cet opus. Il faut dire que les titres emblématiques s’y enchaînent avec fluidité. A un premier morceau puissant succède « El Condor Pasa (If i could) », ses riffs aériens et sa structure aux nombreux accents envolés. Mélancolique oui mais pas toujours, la galette s’offre des temps joyeux et solaires (« Cecilia », le dansant  « Keep the Customar Satisfied », « Baby Driver », « Bye Bye Love »). L’apaisement est aussi de la partie alors que les sublimes voix des acolytes transportent leur auditeur au confins de la perfection quelque part entre un nuage planant des années 70 et une bienveillance iconique que l’on retrouve chez ces albums qui deviennent de facto vos meilleurs amis.

Big Thief  – « U.F.O.F »

Big Thief - UFOF

Trois notes à pas de velours et une voix envolée, voilà qui ouvre l’intime objet musical non identifié « U.F.O.F » chef d’oeuvre iconique du groupe américain Big Thief.  Cette prise de « Contact » plonge immédiatement l’auditeur dans un bain de bienveillance folk où tout n’est que beauté et volupté. La voix cristalline s’installe dans l’oreille, berce, virevolte. Il n’en faut pas plus pour tomber follement amoureux de la formation menée par la talentueuse Adrianne Lenker. Fondé à Brooklyn, le groupe sortait en 2016 son tout premier opus « Masterpiece ». Et si l’objet portait bien son titre, l’exigence y étant indubitablement au rendez-vous, ce troisième jet s’avère être en réalité le chef d’oeuvre ultime d’une formation qui y touche les étoiles.  Il faut attendre le deuxième titre pour découvrir le morceau « U.F.O.F » qui donne son nom à l’album. Ce single, le premier dévoilé en février 2019, allie la grâce d’une ritournelle poétique à un refrain si joliment travaillé qu’il promet de devenir un allié de force pour regarder la pluie tomber emballé dans un plaid. Chant des sirènes envoûtant qui appelle autant à l’aventure qu’à l’introspection, il précède l’immense et un brin plus entraînant « Cattails » qui fera également l’objet d’une sortie single en mai de la même année.  Sa folk aérienne y a la force des immense Moriarty, à moins que le timbre dream pop de sa chanteuse ne fasse mentir la comparaison. La légèreté et la douceur  font suite sur cette face A poétique où il est bon de se délecter de chaque note. Berceuse fabuleuse et compagnon d’aventure cosmique, il n’est pas étonnant de retrouver cet album parmi les nommés au titre de meilleur album de musique alternative au Grammy Awards 2020. La face B révèle aussi son lot de surprises à commencer par l’enivrant « Century », son refrain répétitif aux notes maîtrisées et sa beauté proche de celle de l’aurore. Il faudra tout écouter et tendre l’oreille sur « Terminal Paradise » avant de conclure sur « Magic dealer » qui embrume les yeux et les têtes comme un calumet fumé un soir de grisaille. Quand vous en aurez finit avec l’écoute, et sûrement répété sa lecture remettant inlassablement le bras sur le tout premier morceau de cette galette, il sera temps de se précipiter sur les sites de reventes de places.  Big Thief s’offre en effet une tournée française au mois de février 2021. 

Cat Power « Moon Pix »

cat power Moonshiner

Difficile de cataloguer l’iconoclaste Cat Power et ses compositions oscillant entre punk, folk et blues. Pourtant, si un mot devait effleurer la qualité de son univers, il faudrait mettre en avant son immense sensibilité. Et ce n’est pas « Moon Pix » paru en 1998 qui fera mentir l’adage. Ses sonorités profondes et mélancoliques y touchent à l’expérimentale et ce dès son exposition sur « American Flag ».  Repérée par Steve Shelley de Sonic Youth dans les années 90 alors qu’elle débarquait à New-York de son Atlanta natale, la musicienne a su s’imposer comme une figure culte, dont les qualités musicales ne peuvent être remises en doute.  De tous ces opus, « Moon Pix », le quatrième est l’un des plus encensés par la critique. Il faut dire que son prédécesseur, un brin plus grunge, lui avait déjà valu les félicitations du milieu estimant qu’elle y avait gagné en assurance. Cette fois-ci composé alors qu’elle vivait seule à la ferme et à la suite d’un état hypnagogique (état de sommeil conscient qui intervient au début de l’endormissement), il s’avère être un voyage hypnotisant, sensoriel et aussi léger qu’un murmure dans la nuit. Les titres s’y jouent avec douceur et s’y enchaînent avec aisance, quasi indissociables les uns des autres. Enregistré à Melbourne en 11 jours par la chanteuse, il est, si l’on en croit le magazine Rolling Stone, le meilleur enregistrée par la musicienne. Les notes aériennes de « Metal Heart » concluent la première face comme un secret partagé. Celui de l’écho d’une période musicale, d’une histoire aussi intime qu’universelle.  Il faudra pourtant attendre la face B pour  se plonger dans le titre « Cross Bones Style », premier single dévoilé de cette pépite qui touche à la perfection. Il pourrait être aisé en 2021, de penser un album comme une succession de singles et d’y imaginer passer aisément d’un registre à un autre. Ici, il n’en est point question tant le tout est construit comme une succession harmonieuse à l’atmosphère glaçante. « Moonshiner » se détache du lot, faisant la part belle à ses instruments sous forme de ritournelle planante et à la voix inimitable de Cat Power qui maîtrise autant ses envolées lyriques que ses chuchotements cassés. Difficile de ne pas se laisser porter, des papillons plein le ventre et des frissons parcourant  chaque millimètre de votre peau par cet objet entier que seul le format vinyle saura sublimer. Un must have pour habiller votre collection automne-hiver 2021 et prendre le temps de faire une pause au milieu de la vie qui reprend à toute allure.


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Alice Animal
Crédit Yann Orhan

Après un premier album « Théogonie » sorti en 2017, Alice Animal revenait en force et en rock le 28 mai 2021 avec un nouvel opus « Tandem » qui joue avec les codes de la pop française et du rock pour un résultat électrique.

« Tandem » c’est aussi le titre du premier morceau de l’album . Pas de temps à perdre pour Alice Animal qui envoie ses guitares déchaînées dès les premières notes du morceau. Sa voix puissante s’additionne à une guitare énergique. Aussi structuré que déstructuré, comme tout bon titre à l’esprit rock, cette entrée en matière annonce un album sincère, vif et sans concession. Difficile de ne pas penser à Zazie sur le refrain dans la phraséologie comme dans l’arrangement musical. Tout comme l’icône française, notre chanteuse féline calibre un titre accrocheur qui entre facilement en tête.

« Finir à L.A » vous en rêvez ? La chanteuse aussi. La cité des anges inspire de nombreux titres Outre-Atlantique mais aussi de notre côté de l’Océan. Entre soleil, gloire et misère, la chanteuse dépeint un tableau complet du rêve américain qui nous a été transmis malgré la distance – la faute peut-être à une culture sur référencée qui s’est glissée dans nos cerveaux dès le plus jeune âge par le biais d’écrans déjà omniprésents. Toujours est-il que le titre lui, est aussi pressé que les habitants de la ville qu’il décrit, les riffs précis s’enchaînent, s’additionnent comme une répétition, se font rapides et s’appuient sur une basse calibrée. Si à Los Angeles, les paradis artificiels sont réputés comme nombreux, ce sont « Tes Eléphants roses » que nous invite à découvrir la musicienne pour poursuivre la route. Ce morceau marque un véritable tournant dans l’album alors que la mélodie ralentit et que la guitare se décline avec douceur comme une confidence. Il faut dire qu’Alice Animal cette fois dénonce une relation toxique demandant au passage de ne plus être la victime d’un amour qui détruit. A fleur de peau, la belle s’offre même à 2 minutes 50 une aparté parlée qui évoque noirceur et profondeur et tranche clairement avec les couleurs vives qui habitaient jusque là les titres – et la pochette rose de l’album.

A fleur de peau

« Mauvais garçon » marque un retour tonitruant à un rock plus pop. Entre instruments clairement énervés et riffs dansant, le morceau s’offre une belle dualité qui fait joliment écho à ses paroles. Le refrain et ses montées dans les aigus invitent  au lâché prise et l’envie aussi irrépressible que viscérale d’assister à un concert, de faire des pogos, de vivre dans l’instant.  « Mon or » s’habille de références et de riffs à l’espagnol alors que la guitare suave reprend cette capacité à évoquer les douleurs amoureuses tout en invitant à la danse. Les français ont ce don naturel du texte pour parler des sentiments. La palette émotionnelle, le vocabulaire sont autant d’outils utilisés à l’infini dans la chanson pour parler de la perte amoureuse. Comme la tradition le veut, Alice Animal s’approprie la beauté de notre langue et en parle celle de ses instruments entre profondeur et teinte froide pour habiller ce texte intime et imagé.

La musique française a connu beaucoup de courants, tout comme cet album puisque cette fois « On est barock ». Rock toujours en tout cas, alors que le rythme répétitif se casse en vagues à mesure que le titre progresse.  Construit en couches, le titre change régulièrement de ton avec maîtrise. La chanteuse y évoque en paroles « l’ombre et la lumière » tout comme en mélodie. Tantôt énergique, tantôt à coup de paroles scandées, la musicienne n’a pas froid aux yeux et compose un morceau qui se réinvente avec régularité.

Kent se dévoile

« On n’a qu’une vie » clôture l’album en une déclinaison entre pop et chanson. Aidée à la voix par Kent qui se fait l’écho grave du texte qu’il a composé. Les compère s’étaient rencontrés au Café de la Danse en 2017 alors qu’ils partageaient une scène le temps d’une reprise de « Scary Monsters » de David Bowie. Leur alliance fait des étincelles dans une ballade qui ne perd jamais de vue les sonorités puissantes du rock. Très différent du reste de cette galette, ce dernier jet permet de quitter l’univers sauvage d’Alice Animal avec douceur. « On a qu’une vie pour tenir toutes les promesses et pardonner les maladresses » rappellent les compères avec douceur, mélancolie et notes aériennes. Voilà qui illustre bien cet album entier, construit, sincère et prometteur pour une chanteuse survoltée. Les maladresses de l’opus sont ainsi facilement oubliées au crédit d’un esprit rock, d’une puissance vocale digne des plus grandes stars de la chanson française et d’un amour sincère des instruments. A l’écoute de ce nouveau jet, impossible de ne pas penser que la musique d’Alice Animal mérite d’être vécue en live. Sa fougue promet d’être hautement contagieuse. Un grain de folie qu’on espère tous attraper, sans masque ni barrières, avant la fin de l’année 2021.


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